Objectif : expulser les PalestiniensSource : « Le mur : vers un régime d’apartheid pour les Palestiniens)
http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/LE_MUR_A5.pdf La guerre de 1948 allait montrer de façon évidente que l’objectif des sionistes était d’obtenir l’expulsion de la population palestinienne. L’expulsion de plus d’un million de Palestiniens, en 1948 et en 1967, n’a pas été le simple résultat malheureux de la guerre mais celui d’une volonté délibérée. Les Palestiniens eux-mêmes ont très peu participé aux combats qui se sont déroulés entre le vote de la résolution 181 créant un Etat palestinien et un Etat juif (29 novembre 1947) et la proclamation de l'indépendance d'Israël (14 mai 1948). David Ben Gourion lui-même le reconnaît : « Les masses paysannes [palestiniennes] ne participèrent pas aux émeutes » écrit-il le 15 décembre 1947. Trois mois plus tard il écrit de nouveau : « Les Arabes [palestiniens] dans leur grande majorité ne cherchent pas la guerre avec nous. »
Dans certaines régions, les chefs arabes avaient signé des pactes avec leurs voisins Juifs pour éviter une conflagration générale. [Note. Yoram Nimrod,
Rencontre au carrefour – Juifs et Arabes en Palestine pendant les dernières générations (en hébreu), université de Haïfa, 1984, p. 91.] Or l'armée clandestine juive (Haganah) et les groupes terroristes juifs d'extrême droite (l'Irgoun de Menahem Begin et le groupe Stern) menèrent une stratégie de conquête : Ben Gourion écrit ainsi dans son journal au début de 1948 : « Au cours de l'assaut, nous devons être prêts à porter le coup décisif, à savoir : détruire l'agglomération ou bien expulser ses habitants pour prendre leur place. » (Y. Nimrod,
op. cit. p. 92.) Le village palestinien de Deir-Yassine, dans la banlieue de Jérusalem, avait passé un pacte de non-agression avec le village juif de Guivat-Chaoul. Il fut attaqué par le groupe Stern et l'Irgoun le 10 avril 1948 : 254 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, furent massacrées. D'autres « hauts faits d'armes » restent inaccessibles aux chercheurs, parce que leur divulgation porterait atteinte à l'intérêt national.
C'est le cas de plusieurs massacres commis en 1948, au sujet desquels un journaliste du
Jerusalem Post voulait, en octobre 1986, consulter les archives. Un certain nombre de dossiers détenus par les archives d'Etat, tels que « Expulsion des habitants », « Transfert des habitants », « Destruction des villages arabes » sont interdits à la consultation, constate Tom Segev (
Jerusalem Post, 30 mai 1985). D'autres massacres commencent à être connus, comme ceux, commis en octobre 1948, de Nasr-ed-Dine près de Tibériade et de Douaima près d'Hébron, où des journalistes de Hadashot ont découvert une fosse commune contenant un nombre indéterminé – plusieurs centaines, selon l'ancien maire du village – de corps de villageois abattus par des militaires du 89e bataillon. (Cf.
Hadashot 24 et 26 août 1984.)
Ces massacres avaient pour but évident de terroriser la population et de l'inciter à fuir : « ...les chefs juifs locaux répandirent des rumeurs selon lesquelles ils attendraient d'importants renforts pour se lancer à l'assaut des villages arabes. Ils ajoutaient un “bon conseil” : partez dès maintenant. Résultat : des dizaines de milliers de paysans prirent la fuite. » [Note. Amnon Kapeliouk, « 1947-1949 : l'exode provoqué des Palestiniens »,
Le Monde diplomatique, décembre 1986.]
De 1951 à 1956, les massacres – désignés sous le terme d'« opérations punitives » — continuèrent contre des villages palestiniens à Gaza et en Jordanie. Le plus connu est celui perpétré par le bataillon 101, dans le village de Kybia, le 12 octobre 1953, où quarante-six civils furent assassinés chez eux en pleine nuit. L'historien Benny Morris révèle que Ben Gourion lui-même supervisait ces opérations, et qu'il fit maquiller la tuerie de Kybia en « vengeance privée » de citoyens israéliens.
Mais, quel que soit leur nombre, les massacres commis par l'armée ou par des groupes armés « dissidents » peuvent laisser subsister un doute sur la volonté politique des autorités juives de vider le territoire de ses habitants palestiniens. Le doute disparaît à la lecture de certaines archives. Tom Seguev révèle que Ben Gourion, dans les années 30, évoqua le « transfert », c'est-à-dire l'expulsion massive des Palestiniens, mais qu'il avertit ses compagnons de ne pas en parler en public. [Note. Selon Tom Segev,
Haaretz, Tel-Aviv, cité par
Courrier international, 10-16 novembre 1994.]
Une note trouvée dans les archives du ministère des Affaires étrangères, alors dirigé par Moshé Sharett, précisait : « Les réfugiés trouveront leur place dans la diaspora. Grâce à la sélection naturelle, certains résisteront, d'autres non (...). La majorité deviendra un rebut du genre humain et se fondra dans les couches les plus pauvres du monde arabe. » [Note. Archives de l'Etat, ministère des Affaires étrangères, dossiers « Réfugiés », n° 2444/19.]
Le journal
Hadashot du 11 janvier 1985 évoque le « Plan D » préparé par le colonel Igal Yadin en mars 1948, qui prévoyait la destruction des villages qu'on ne pouvait occuper, l'occupation de la localité suivie de l'expulsion de sa population.
Il n'est cependant pas nécessaire de consulter les archives pour se convaincre de la volonté délibérée d'une grande partie des couches dirigeantes et de la population de « transférer » les Palestiniens : c'est un débat ouvert qui revient fréquemment dans les médias israéliens. Le seul frein à la mise en place d'une telle politique se trouve dans l'impact qu'elle aurait sur le plan international. On peut considérer que l’expulsion de 415 Palestiniens à l’initiative d’Yitzhak Rabin, en décembre 1992, dans le no man’s land du Sud Liban, pour le meurtre du sergent Nissim Toledano, était moins une mesure de punition qu’une tentative de tester l’opinion internationale.
Ainsi, dans le journal d’une école qui est une pépinière d’officiers pour l’armée, le lycée Réali, un élève écrivit en avril 1978 un article sur le thème : « La défense de l'Etat dans une perspective lointaine » :
« Au cas où l'ennemi attaquerait, il est parfois nécessaire de reculer de 10 ou 20 kilomètres pour s'organiser. Mais notre contrôle de l'espace de Judée, Samarie et la Bande de Gaza pourrait nous causer des ennuis sous forme de plus d'un million de terroristes que les médias nous présentent comme le problème palestinien. Ces terroristes, au lieu d'être une ligne de défense, seraient utilisés comme tête de pont par les attaquants. Même en temps de paix, ces Arabes présentent un danger important pour l'Etat, car la démocratie exige que les dominateurs soient aussi démographiquement majoritaires (sic). La solution à ces problèmes est relativement simple : expulser tous les Arabes des territoires occupés vers les pays arabes, même si ces pays refusent de les accueillir, et massacrer ceux qui ne veulent pas partir. Le seul facteur qui nous empêche de le faire est l'opinion publique mondiale. Mais un tel refoulement pourrait être réalisé lors d'une période qui ne dressera pas contre nous le monde entier. » (Donevitz - Haaretz, 31 décembre 1982)
On peut supposer que cet article reflétait un large consensus dans la mesure où il ne suscita pas de réaction de la direction de la rédaction, ni des lecteurs.
Effectivement, la seule chose qui a empêché la mise en oeuvre de ce plan a été le contexte international. Selon ce plan, les Palestiniens devaient s’installer dans les Etats avoisinants et se fondre dans leur population, autrement dit disparaître en tant que Palestiniens. Les dirigeants israéliens ont continué sans défection à envisager la solution du « transfert » et à attendre que les conditions soient favorables pour la mettre en oeuvre. Des plans étaient constamment étudiés, pouvant être appliqués au moment opportun.
Deux ans avant la Guerre du Liban, Aharon Yariv, ancien chef du service de renseignements de l'armée, déclarait lors d'une conférence donnée au printemps de 1980 : « Certaines personnalités parlent d'expulser entre 700 et 800 000 Palestiniens au cas d'une nouvelle guerre. Des mesures ont été prises pour sa réalisation » (Peretz Kidron,
Middle East International, 24 octobre 1980.) Cette politique d’expulsion implique évidemment une situation de guerre permanente et indéfinie. La guerre est une nécessité organique liée à la survie d’Israël. Shiloah Tzvi, un ancien du kibboutz de Houlda, était un chaud partisan du « transfert » des Palestiniens hors d’Israël. Il écrivit un livre,
Un grand pays pour un grand peuple, dans lequel il exposait ses vues. Ce « transfert » ne pouvant se faire en temps de paix, à cause des pressions internationales, il préconisait de créer les « conditions naturelles pour l’expulsion en masse des Palestiniens ». Il était en outre partisan de l'élargissement du territoire d’Israël qui comprendrait, outre la Palestine, la Jordanie et le… Koweït, ce qui transformerait Israël en grande puissance. La guerre est donc organiquement liée à la survie d’Israël. Shiloah Tzvi était un ancien dirigeant et transfuge du Parti travailliste qui a obtenu un mandat de député à la Knesset. (Cf.
Haaretz, 23/03/1984.)
Dans l’éditorial du
Monde du 25 mai 1990, on peut lire : « Chose naguère impensable, beaucoup évoquent le “transfert” des Arabes — autrement dit leur déportation définitive — comme une éventuelle solution politique. » [Note. L’emploi du mot « Arabe » au lieu de « Palestinien » fait partie intégrante du discours sioniste, repris inconsciemment — mais pas toujours — par la presse occidentale. Utiliser le mot « Palestinien » est déjà une forme de reconnaissance d’un peuple dont on veut nier l’existence.] Cette politique de « transfert » était cependant envisagée par certains dirigeants israéliens avec un certain cynisme candide. Un ministre de la défense, Michaël Dekel, exigea des puissances occidentales qu’elles se chargent elles-mêmes du travail :
« Pour empêcher la région de se transformer en un baril d'explosifs, les pays occidentaux et les Etats-Unis ont le devoir politique et moral de se charger du “transfert” de la population arabe de la Cisjordanie vers le royaume hashémite de Jordanie, qui est leur patrie. » (Libération, 30 juillet 1987.)
C’est une constante que les contribuables occidentaux, et en particulier européens, soient appelés à financer les objectifs les plus condamnables de la politique des Israéliens les plus ultras [Note. En 1992, lorsque 415 sympathisants du Hamas furent expulsés, Rabin déclara : « Si un pays pouvait les accueillir pendant un temps jusqu'à ce que l'exil expire, je pense que cela aiderait à résoudre le problème. »
International Herald Tribune (31-12-1992).]. On se demande bien à quel titre les pays occidentaux et les Etats-Unis auraient un tel « devoir politique et moral ».
D’autres faisaient preuve d’une délicatesse elle aussi quelque peu candide, comme le général Rehavim Zee'vi, qui proposait de transférer les Arabes d'Israël « avec leur assentiment » hors des frontières du pays, montrant qu’il ne comprenait strictement rien aux sentiments de la population palestinienne. (
International Herald Tribune 6 juillet 1987.)
Le principe du « transfert » des Palestiniens — en fait leur déportation — fait partie des idées que la masse de la population israélienne a totalement assimilées. Cette idée est prégnante dans toute l’existence du citoyen israélien, de la maternelle à l’âge mûr. L’école, les médias, l’establishment religieux, l’armée conditionnent la population. Le professeur Sami Smooha déclarait lors d’un symposium sur « Une éducation pour éliminer la haine » que 95 % du public juif d'Israël « est d'accord pour un “transfert” des Arabes », et que « Israël n'est pas un Etat démocratique dans le sens accepté du terme ». (Nourit Kahama,
Haaretz, 6 juin 1990.) Imposer l’épuration ethnique à une population est une manière bien connue d’« éliminer la haine ».
Dans la même veine, Uriel Savir, consul général d'Israël à New York, déclarait : « La nation juive n'a jamais essayé de dominer un autre peuple, et ne le désire pas en ce moment » (
International Herald Tribune, 22/06/1990). La sincérité de cette déclaration ne peut être remise en cause, à condition de la comprendre comme une volonté d’annexer des territoires sans leur population.