Pourquoi boycotter le Québec et ses festivals d’été ?Nous avons reçu ce texte sur le mouvement social actuel via courriel. N'hésitez jamais à nous faire part de vos messages, textes ou annonces qui pourraient intéresser le lectorat de ce blogue.
Printemps érable
Le « printemps érable » : les 250 manifestations et les affrontements étudiants qui contestent une augmentation de 82 % de leurs frais de scolarité, les bouleversements culturels et sociaux en cours dans la Belle Province depuis l’adoption de la loi « matraque » 78, la démission de la ministre de l’éducation bientôt « réfugiée », comme bien d’autres ces temps derniers, dans un lointain pays africain, l’idéologie conservatrice et rétrograde d’un parti Libéral usé, la corruption de ce même parti qui a tout fait pour minorer le pouvoir de la commission d’enquête sur la construction, son apparente promiscuité avec le crime organisé particulièrement dans la construction; à cela il faut ajouter l’invraisemblance d’une opposition qui en 1999 a utilisée la même méthode pour casser le mouvement des infirmières (Loi 72), l’absence d’une véritable opposition, la cogestion entre syndicats réformistes et gouvernement, etc.
Soudain, le Québec montre un visage historique où la question de l’émancipation surgit par surprise, presque par effraction, bien éloignée du bric à brac linguistique habituel ou des publicités de Bonhomme Carnaval destinées aux touristes. Derrière les discours lénifiants de célébrations nationales illuminées par les festivals de l’été se dévoilent des réalités plus insolites. L’image rassurante d’une harmonie démocratique se fissure en effet devant les graves atteintes contre les libertés civiles au Québec, devant l’absence de crédibilité d’un gouvernement préoccupé de rétribuer ses amis, de récompenser les contributeurs du parti, d’écraser les étudiants et les mouvements sociaux, d’instrumentaliser les journalistes et les sondages, et non d’assurer le bien commun. Déjà le gouvernement québécois est gravement en échec. Une ministre d’état démissionnaire, une ministre nommée dans la précipitation dont l’inaptitude consiste immédiatement à faire voter une loi qui suspend les droits fondamentaux, un premier ministre également ministre de la jeunesse qui n’a jamais rencontré les porte paroles du mouvement étudiants, le chef de son cabinet brutalement évincé, une loi contestée partout dans la province, une grève étudiante qui rebondit ailleurs; dans cette perspective sociale, dialogue absent, positions figées, prise de conscience accentuée, l’affrontement est inévitable. Nous sommes loin d’une folie passagère de la jeunesse et ce conflit ne va pas en rester là même si un accord a minima intervient avec les trois organisations étudiantes.
Car l’arrière plan ne va pas disparaître, népotisme, prébendes, clientélisme, arrogance, incompétence, répression, fin de règne, régime de notables, incurie, polices intouchables et non justiciables, ça vous rappelle quelque chose ? À la liste de la Tunisie, de l’Égypte, du Yémen, de la Lybie, faudra t-il ajouter le Québec ou même le Canada ? La prise de parole des québécois est devenue contagieuse; libérée, elle n’est pas prête de s’éteindre. Et ce n’est pas une élection qui va affaiblir ces braises qui couvaient depuis si longtemps. Le jeu démocratique de l’alternance est devenu un passage trop étroit. Pour quels partis ? Pour quels élus ? Ces eternels retours du mensonge.
Cacerolazo
Quotidiennement, le bruit omniprésent des hélicoptères de la police au-dessus de Montréal, une présence et une surveillance policière digne de la Russie de Poutine, des arrestations de masse (700 personnes le 24/05), des pouvoirs policiers discrétionnaires, des vigiles privés dans les universités auxquels il ne manque que de véritables armes à feux, un climat parfois quasi insurrectionnel, permettent de cerner d’un peu plus près la réalité du Québec actuel.
Chaque soir une résistance obstinée s’organise. Elle s’étend, dépassant largement le seul problème de l’augmentation des droits de scolarité à l’origine de cette singulière crispation sociale. Des manifestations ont lieu dans tout le Québec avec maintenant les « cacerolazos », souvenirs édifiants du Chili de Pinochet, qui résonnent dans nombre de quartiers de Montréal ou en régions.
La plupart de ces manifestations sont interdites, seulement tolérées. Ce qui signifie que des arrestations peuvent survenir à tout moment.
Des rumeurs de bruits de bottes se propagent et plusieurs soldats de la grande base militaire de Val Cartier à Québec ont tenu de purs propos fascistes à l’égard des manifestants en faisant référence à la place des étudiants, assimilés à la menace communiste, dans des camps d’extermination (Le Soleil, 25/05/12).
Les festivals d’été
Il est évident que si la loi 78 n’est pas annulée, de nombreuses perturbations auront lieu cet été dans tous les festivals du Québec, lieux uniques de prises de paroles et de visibilités pour les étudiants. On demande aux étudiants et aux manifestants de se résigner, de redevenir de bons consommateurs puisqu’il s’agit avant tout d’effectuer un acte citoyen, voire de défendre une production nationale fleur de lysée. Ce n’est que la dépossession qui se reconstitue, un emploi du temps qui échappe à la plupart. Ce que les industriels du spectacle exigent c’est l’oubli d’un rapport de forces sociales actuellement défavorable. Les festivals vantés comme des loisirs sont l’expression d’une gestion totalitaire de la ville (par exemple le désert urbain du quartier des spectacles de Montréal), où d’un développement économique colonial ou toutes les créativités (musique, théâtre, cirque, etc.) sont annexées à servir un mouvement unique : le capitalisme. Le boycott est une excellente façon de refuser de servir d’alibi à un spectacle qui mime une liberté et une démocratie de compensation.
L’industrie touristique est maintenant sur les dents. Le maire Tremblay de Montréal, le ministre de l’économie Bachand, la ministre du tourisme Nicole Ménard, les chambres de commerce, les entrepreneurs de Montréal ou de Québec craignent pour les festivals d’été qui sont en effet un de moments forts de la vitrine touristique québécoise, du festival de Jazz, du festival Juste pour rire, au Grand Prix du Canada de la Formule 1 et tous les autres.
Cependant derrière ces soucis d’épiciers, ce sont les intérêts d’une industrie du spectacle florissante croisés avec les intérêts d’une classe politique corrompue qui s’inquiètent. Conjointement, ces deux parties d’un même cercle défendent leurs intérêts particuliers en agitant des menaces d’interventions policières accrues, des mesures de sécurité nouvelles, en s’ébrouant autour du spectre de l’emploi ou les retombées financières sur le Québec et ses villes, en rappelant la loi générale de l’obéissance à la consommation.
L’appel au bon gros sens citoyen pour sauver la saison touristique risque fort de n’être pas entendu si la loi 78 n’est pas purement et simplement annulée. Cela signifierait une reculade inédite du gouvernement qu’il est difficile d’envisager tant que Charest est à sa tête. Les gagnantes seront les nombreuses milices privées déjà à l’œuvre qui seront encore plus sollicitées afin de prévenir d’éventuelles menaces et interventions contre les différents festivals. Malgré cela, il est douteux qu’elles empêchent ceux-ci d’être perturbés.
Côté répression, le prétexte de la violence de manifestants, pourtant en général plutôt sages, a jusqu’à présent servi à dissimuler l’arbitraire de la police. Fort d’une continuité répressive rarement démentie, c’est maintenant aux intérêts privés des industriels, jamais bien loin du gouvernement Charest, de le rappeler à l’ordre puisqu’il a été élu pour défendre leurs intérêts de classe.
Touristes ou festivaliers québécois, il faut boycotter les festivals d’été, de Montréal à Québec
Ces festivals servent essentiellement à donner une image consensuelle du Québec, à embellir une image fausse et distordue depuis plus de 100 jours, à justifier une bonne humeur factice, apolitique. Mais par ces temps troublés, l’apolitisme fait partie des qualités fantomatiques destinées à encourager la reddition des manifestants.
Il semble clair qu’au Québec l’apolitisme n’est plus de mise lorsque les droits fondamentaux sont écrasés.
Le prétexte avancé par la ministre Nicole Ménard : les festivals comme gagne-pain de nombreux étudiants (exploités pour un salaire minimum) est évidemment un sournois chantage à l’emploi et aux affrontements d’un salariat dérisoire alors que plusieurs centaines de milliers d’étudiants sont d’ores et déjà endettés pour 10, 15 ou 20 ans à cause de ce même gouvernement.
Mais les jeunes manifestants comme les moins jeunes qui les rejoignent, ont montré leur grande conscientisation; leur mobilisation est exceptionnelle et exemplaire. Leur endurance et leur détermination devant cette loi ont maintenant rejoint de nombreuses couches de population; il est peu probable que cette mobilisation fléchisse devant l’intransigeance, l’arrogance et la bêtise ou le chantage.
Répression et loi 78
La loi 78 votée par le gouvernement actuel limite les droits constitutionnels fondamentaux : liberté d’opinion, d’association, d’organisation, d’expression. Le gouvernement utilise la police et des juges souvent promus par lui, pour criminaliser les étudiants. Gardienne de l’ordre, la police du Québec est devenue la principale productrice de désordre.
Le bilan après 100 jours de grèves étudiantes et celui d’un mouvement qui ne faiblit pas malgré une répression sévère:
De nombreuses violences policières, plus de 2000 arrestations, plusieurs centaines de victimes, des blessures graves
Une législation d’exception : la loi 78 ne vise pas que les étudiants, elle peut d’ores et déjà s’appliquer à toute manifestation, même celles qui touchent les conflits dans le secteur privé et bien sûr celles à caractère social. Elle a pour objectif réel de contrer tout mouvement de contestation
Une justice d’État mise à la disposition du parti majoritaire
Des enseignantes, enseignants, chargé-es de cours et des personnels de soutien des cégeps et des universités traités comme des bandits
Un gouvernement qui poursuit sa politique des coups de force commencée lors des négociations du secteur public en 2005
Un droit à l’éducation qui n’est plus reconnu
Une liberté d’association qui n’est plus garantie
Des organisations syndicales, des régimes publics de santé et d’éducation menacés
Boycotter ? Ne pas boycotter ? Personne ne peut prendre une décision à votre place. La grève des étudiants n’est pas un mouvement de privilégiés, elle défend le droit de tous à une éducation « gratuite » et libre, financée par ailleurs par les impôts des contribuables.
Avec cette grève, ils ont moins d’illusions que personne sur les conditions qu’on leur impose, sur ce que leur coute, dans tous les moments de la vie, leur participation à une société fondée sur l’exploitation et l’inégalité.
p. tillard
http://ucl-saguenay.blogspot.fr/2012/06 ... ur-le.html
Amour et Paix.