La tension monte au Québec, théâtre d’une grève étudiante historique
Le Parisien, 18.04.2012, 22h20
Professeurs intimidés, agents de sécurité en classe, appel controversé à « s’affranchir de la tyrannie des agitateurs de gauche », vandalisme dans le bureau d’une ministre : la plus importante grève étudiante de l’histoire du Québec s’envenime malgré des appels au calme.
Une grève contre l’augmentation des frais de scolarité. Depuis la mi-février, ce mouvement de grève étudiant cherche à faire revenir le gouvernement québécois de Jean Charest sur sa décision d’augmenter les droits annuels de scolarité de 1.625 dollars en cinq ans. Cette semaine, la ministre de l’Education Line Beauchamp a montré un signe d’ouverture en proposant de discuter avec deux des trois organisations étudiantes, mais uniquement de la gestion des universités. La ministre exige que le syndicat étudiant qui représente 47% des étudiants en grève, pour l’instant exclu de ces négociations « dénonce haut et fort tout acte de violence ».
Actes de vandalisme. Car violence il y a. Considéré comme responsable, le mouvement estudiantin québécois a pourtant vu des actes de vandalisme ternir son image, notamment le saccage du bureau de la ministre de l’Education, perpétré par une quinzaine d’individus en marge d’une manifestation la semaine dernière. « Nous refusons de faire porter la responsabilité de cette violence aux étudiants », a déclaré Marie Malavoy (Parti Québécois), une porte-parole de l’opposition : « Dans toutes les démocraties, des individus plus ou moins organisés s’infiltrent dans les manifestations et les décrédibilisent ».
Ambiance pesante à l’université de Montréal. Au coeur de la grève suivie depuis la mi-février par les étudiants québécois pour protester contre une hausse des frais de scolarité, l’université de Montréal a obtenu en justice une injonction obligeant les élèves à revenir en classe. Les cours ont repris mardi matin, mais l’ambiance est pesante sur le campus, où des agents de sécurité d’une société privée, matraque à la taille, patrouillent, pénétrant à l’occasion dans une classe pour vérifier l’identité des étudiants présents. A l’Institut d’urbanisme, une des branches de cette université, deux cours sont prévus. Dans le premier, pas d’étudiant, dans le second, un seul présent. Les professeurs estiment que les « conditions pédagogiques » ne sont pas réunies et refusent d’enseigner. Un appariteur de l’université, secondé par un agent de sécurité, tance les enseignants, leur ordonne de donner cours.
Le « langage est autoritaire », regrette Franck Scherrer, directeur de l’Institut d’urbanisme, présent lors de cet incident. Cet ancien professeur à l’Université Lumière Lyon 2, qui avait « assisté ou participé » à des grèves de professeurs et d’étudiants en France au début des années 2000, s’étonne voir au Québec des policiers « enjoindre fermement les professeurs d’enseigner », chose qu’il n’avait « jamais vue » de l’autre côté de l’Atlantique. Les étudiants québécois sont normalement, selon lui, « extraordinairement responsables » comparés à leurs camarades français.
Un professeur arrêté, un autre expulsé. A l’université du Québec en Outaouais (UQO), un professeur de sociologie a même été interpellé dans l’enceinte universitaire et accusé d’entrave au travail des policiers. Un autre enseignant a été expulsé par la police. Autre signe de l’ambiance délétère que commence à faire peser dans la province la grève estudiantine, le quotidien Le Soleil a publié jeudi dernier sur son site internet une tribune appelant à « s’affranchir de la tyrannie des agitateurs de gauche » en suivant l’exemple des mouvements fascistes des années 1920 et 1930. Face à la polémique, Le Soleil a présenté ses excuses, alléguant une « erreur ».
Pour info
L’article publié par Le soleil le 12 avril ("Pour en finir avec les grèves étudiantes") était signé Bernard Guay. Ce dernier occupe un poste de Directeur Général de la fiscalité du Ministère des Affaires Municipales, des Régions et de l’Occupation du Territoire (MAMROT) dans le cabinet du ministre Laurent Lessard.
Le paragraphe en question disait : "Les activistes étudiants ont, en profitant de la pusillanimité de la police et de la complicité de certains enseignants, occupé le terrain par des manifestations et des piquetages. Ils ont prétendu que les votes extorqués lors d’assemblées manipulées auxquelles ne participait qu’une partie des étudiants leur permettaient d’exiger que tous les étudiants suivent leur mot d’ordre de grève, comme si la formule Rand s’appliquait également aux étudiants. Il ne suffit pas, pour faire échec à une opération préméditée et extra-légale comme celle-là, de prendre part aux assemblées, de déclarer publiquement son opposition ou de s’adresser aux tribunaux. Étant passé par là en mon temps, j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui ont posé de tels gestes, mais cela ne suffit pas : il faut s’organiser pour reconquérir le terrain. Dans les années 1920 et 1930, c’est ce qu’on fait les mouvements fascistes, en appliquant aux gauchistes leur propre médecine. Ceux-ci en ont gardé un souvenir si cuisant que, trois quarts de siècle plus tard, ils s’acharnent encore à démoniser cette réaction de salubrité politique. Les opposants aux grèves doivent donc cabaler, s’organiser pour franchir en masse les lignes de piquetage, apostropher les porteurs de carrés rouges où qu’ils les rencontrent, répondre à l’intimidation par le défi."
Des vandales ciblent des bureaux de ministres et le métro
La Presse, 16 avril 2012 à 14h59
La nuit et la matinée ont été mouvementées à Montréal. Quatre bureaux de circonscription de ministres libéraux ont été vandalisés la nuit dernière, notamment à l’aide de cocktails Molotov, et tout le réseau du métro a été paralysé à l’heure de pointe dans ce qui a toutes les allures d’un acte de vandalisme bien coordonné.
C’est le bureau du ministre de la Justice Jean-Marc Fournier qui a été la première cible vers 3h. Une bouteille contenant un liquide, qui ne s’est toutefois pas enflammé, a été lancée à travers la porte vitrée, qui a été fracassée, du 750 du boulevard Marcel-Laurin dans Saint-Laurent. L’immeuble abrite de nombreux bureaux d’entreprises privées et des Centres jeunesse du Québec, qui sont tous fermés aujourd’hui, le temps que policiers et pompiers mènent leur enquête et ratissent la scène de crime.
Une telle scène a aussi paralysé un secteur de l’arrondissement Sud-Ouest, autour du bureau de la ministre responsable des Aînés, Marguerite-Blais, où des graffitis de couleur rouge ont été peints sur l’entrée de l’immeuble du 3269, rue Saint-Jacques. Un produit chimique avait été déversé sur le sol du bureau par une fenêtre fracassée, et les pompiers ont dû s’assurer que cela ne représentait aucun danger avant de rouvrir les lieux.
« Nous avons reçu un appel par la centrale d’alarme. Quand les policiers sont entrés, par l’arrière, ils ont senti une odeur. Les pompiers ont été appelés et tout le bâtiment a été évacué », raconte Gabriel Retta, attaché responsable du bureau de circonscription de la ministre Blais. Il faut dire qu’aux étages supérieurs du bâtiment se trouvent des logements résidentiels. Un périmètre de sécurité a été érigé, causant la fermeture de tout le quadrilatère pendant un bon moment.
Scénario similaire, dans l’arrondissement Anjou, dans l’immeuble abritant les bureaux de la ministre du Travail Lise Thériault, rue Beaubien est.
Dans Côte-des-Neiges, le bâtiment sis à l’angle du chemin du même nom et de la rue Édouard-Montpetit, dans lequel se trouve le bureau de circonscription du député d’Outremont et ministre des Finances, Raymond Bachand, a aussi été visité par des vandales. La façade a été peinte de graffitis rouges, mais les vitres n’ont pas été brisées. Comme il s’agit de bureaux de ministres du gouvernement québécois, c’est la Sûreté du Québec qui fera enquête.
Il est impossible pour l’instant d’identifier les responsables de ces actes de vandalisme. Mais la couleur rouge utilisée pour certains graffitis dirige les soupçons vers le mouvement étudiant ou ceux qui l’appuient.
« Inadmissibles », « stupides » et « dangereux »
Rencontrée alors qu’elle se rendait sur les lieux pour constater les dommages, la ministre Marguerite Blais marchait sur des oeufs et refusait d’accuser les étudiants du coup. « Ça fait trois fois qu’il y a des manifestations ici. Vendredi passé, il y en a qui sont montés sur le toit et qui ont hissé une banderole rouge. Je crois que ces gestes sont posés dans un cadre plus large que seulement les étudiants », croit-elle.
« Je dénonce les actes de violence de cette nature. Ce vandalisme, toute la société paie pour. La rue a été fermée, le métro a été bloqué. Ça empêche les gens d’aller au travail. (...) Ici, les gens ont été évacués. Ça perturbe leur vie et les insécurise », déplore-t-elle.
Si elle n’accuse pas les étudiants directement, elle dit que leurs représentants doivent dénoncer les actes de vandalisme. « Gabriel Nadeau-Dubois dit qu’il ne peut pas dénoncer parce qu’il représente des membres qui pensent peut-être autrement. Les associations étudiantes doivent dénoncer pour être en mesure de négocier et avoir des discussions avec le gouvernement », poursuit-elle.
Elle croit que sa collègue ministre de l’Éducation s’est montrée suffisamment ouverte avec ses propositions concernant le régime de prêts et bourses et la gestion des universités, et que la balle est maintenant dans le camp des étudiants. « Ça fait des années qu’ils sont gelés les frais », conclut-elle.
Sa collègue ministre du Travail, Lise Thériault, renchérit et juge « inadmissibles », « stupides » et « dangereux » les actes de vandalisme survenus la nuit dernière à son bureau. Cette « intimidation » ne sert en rien le débat, lance-t-elle. Mme Thériault rappelle qu’on a dû forcer l’évacuation de tout l’immeuble où se trouve son bureau. La plupart des gens qui ont dû quitter leur logement étaient des personnes âgées. Elle demande à la population et aux « différentes associations concernées » de dénoncer le « saccage » des bureaux de députés.
Arrestations au Cégep du Vieux-Montréal
La police de Montréal a par ailleurs arrêté trois jeunes hommes de 19 ans lors d’une courte manifestation qui a réuni une centaine d’étudiants et professeurs au Cégep du Vieux-Montréal. Ils auraient tenté de s’introduire par effraction dans l’établissement dont les portes sont closes depuis le début de la grève.
Vandalisme à Québec et à Montréal
Le soleil, 16 avril 2012 à 09h37
(Québec) À Québec, une quantité importante de peinture rouge a été déversée sur la chaussée de la côte d’Abraham, dans la nuit de dimanche à lundi, près de la côte Sainte-Geneviève. L’équivalent de six gallons de peinture, estime la porte-parole de la police de Québec, Christine Lebrasseur.
Le métro de nouveau perturbé
La Presse, 16 avril 2012 à 15h38
Le service dans le métro est de nouveau perturbé aujourd’hui. Cette fois, c’est un engin fumigène qui aurait été trouvé dans la station Berri-UQAM vers 14h15. Le métro a de nouveau été la cible de vandales cet après-midi.
À 14h12, les pompiers ont été alertés par des usagers qui rapportaient un incendie dans la station Berri-UQAM. Une fois sur les lieux, les sapeurs se sont rendus compte qu’il s’agissait d’un engin fumigène qui semblait avoir été lancé dans un tunnel. La station la plus importante de la ville a été complètement évacuée, et une simple ventilation des lieux a permis de rapidement rendre l’air respirable.
Au cours de l’opération, les lignes verte et orange ont été fermées, ce qui a duré une dizaine de minutes. Personne n’a été incommodé par la fumée.
Des sacs de briques sur les voies ce matin
Ce matin, le métro avait été paralysé lors de ce que la Société de transport de Montréal qualifie « d’acte de vandalisme concerté ».
Diverses actions ont interrompu le service dès 7h15. Des sacs de briques ont été jetés sur les voies des stations Préfontaine, du Collège, Laurier, Université de Montréal et Georges-Vanier. Les freins d’urgences ont aussi été actionnés dans cinq stations sans raison. Les lignes verte, orange et bleue ont été mises à l’arrêt.
Au moment où le train s’est immobilisé sur la ligne orange, l’annonceur au micro a indiqué « qu’on ne sait pas si ce sont des manifestants qui ont fait ça ». Le service a repris sur la ligne verte vers 7h35 et peu après sur les lignes orange et bleue.
Si l’interruption a été de courte durée, le fait qu’elle ait touché toutes les lignes du réseau sauf la jaune, a causé un ralentissement bien au-delà de l’heure de la reprise du service.
Pour Isabelle Tremblay, porte-parole de la STM, « il est clair que c’est un acte de vandalisme concerté ». Elle ne montre aucun groupe du doigt pour le moment, mais la piste étudiante sera assurément dans les priorités des enquêteurs montréalais chargés de faire la lumière sur cette série de méfaits.
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