Et oui, après la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, l'austérité (ce moyen de mettre définitivement à bas la classe ouvrière sous prétexte de réaliser des économies, alors que le capitalisme sait trouver de l'argent) s'étend désormais au Royaume-Uni. Voici un petit aperçu de la situation britannique, et des résistances qui s'organisent, car oui, les britanniques aussi savent faire grève !
En 2010, peu avant les élections, un compagnon anarchosyndicaliste anglais me disait que « la crise a durement secoué la Grande-Bretagne, à cause de la prédominance du secteur financier. Le gouvernement a renfloué les banques, et les partis se battent seulement sur le timing de l'austerité ».Mais d'abord, un petit retour en arrière. Le 6 mai 2010, David Cameron (membre des Tories, le Parti Conservateur) est élu Premier Ministre. Le Labour Party (le PS local) est laminé, et un nouveau parti, les Lib-Dems (Libéraux-Démocrates, le MODEM en gros) s'invite à la fête et termine troisième. C'est la première fois qu'un parti autre que Labour et Tory s’immisce si haut. Il faut dire que ce parti, nouveau, jeune, a fait souffler un vent d'espoir... vite retombé, car une fois leur score assuré, ils ont passé une alliance avec les Tories... Le BNP (le FN local) est un petit parti, et ne « profite » pas de la crise. Notons 35% d'abstention ! Depuis, les attaques pleuvent sur les travailleurs-euses britanniques. Mais ne nous faisons aucune illusion, elles ne font que poursuivre les attaques lancées par le Labour Party lorsqu'il fut au pouvoir, car désormais, depuis Thatcher, tout les partis sont néo-libéraux... pendant ce temps là, la classe ouvrière souffre.
Mais elle s'organise ! Autre particularité anglaise, il y a une seule « confédération » syndicale, le TUC. Tous les syndicats y sont affilié-es, qu'ils soient clairement traîtres ou un minimum combatif... Le TUC est aussi combatif que la CFDT ou la CGT. En Irlande et en Écosse, ce n'est plus le TUC, mais c'est la même chose... Mais sur les lieux de travail, impossible ou presque de lutter sans s'y affilier. Revenons sur les attaques.
A peine élu, Cameron annonce une série de suppressions d'emplois massive (les « cuts »), et une augmentation mirobolante des frais d'inscription dans les universités : multipliés par 3, une année coûte... 10 700 euros ! Dès lors, le TUC appelle à la grève, ce que nous autre anarchosyndicalistes appelons le « Spectacle de la contestation » (ils n'appellent qu'à la grève dans le secteur public). Autre précision, en Angleterre, une grève sur un lieu de travail n'a lieu qu'après un vote, et les grèves de solidarité sont interdites (merci Maggie, merci le TUC de n'avoir rien fait...). Mais le TUC est débordé : dans les facs, dans les lieux de travail, dans les magasins (Vodafone, la BBC...), les occupations se multiplient. Le mouvement « Anti-Cuts » est lancé. Des banderoles apparaissent : « No Tory Cuts. No Lib-Dem Cuts. No Labour Cuts ». Le SWP (notre NPA...) se concentre sur la démission de Cameron... il ne peut se présenter nationalement et vote donc... Labour. Le TUC (syndicat du Labour Party) tente d'encadrer en vain, à Leeds le local du syndicat étudiant est occupé... par ses affilié-es ! En Irlande, le 27 novembre 2010, 100 000 personnes manifestent à Dublin ! Le ICTU (TUC irlandais) est débordé...
Solidarity Federation est la section britannique de l'AIT. Après des années à stagner, elle s'est développée, a accueilli de nombreux jeunes et est très dynamique. Elle a remporté des victoires par l'action directe. Aujourd'hui, elle se compose de 13 groupes, dont 2 en Écosse. Lors de ces mobilisations, elle organisait des « Blocs des Travailleur-euses Radicaux-ales » avec l'Anarchist Federation (qui n'a que peu à voir avec le FA française) et d'autres anarchistes. En novembre, les actions directes se multiplient, les locaux des Torys sont attaqués, des millions de personnes manifestent, 30 universités sont occupées... Le TUC a bien du mal a canaliser cette rage. La police est ultra-violente, et d'ailleurs il lui est demandé d'appliquer des nouvelles stratégies telles le kettling qui consiste a encercler les manifestant-es en centre-ville, et de contrôler les papiers... ça peut durer 4 heures... Les médias dénoncent les « Minorités Violentes ». SolFed répondra publiquement, réponse bien accueillie. Mais le gouvernement refuse de céder, la pression retombe... pas pour longtemps.
En août 2011, un jeune est tué par la police à Londres, s'en suit un mois d'émeutes. Dans les bus, on trouve des affiches pour dénoncer les émeutiers. Un compagnon m'explique que parfois, lorsque des magasins sont pillés, la nourriture et l'argent sont redistribués...
Le 30 novembre, les « cuts » n'ont pas diminué, et une énorme grève est convoquée. Elle battra des records dans plusieurs villes. On entend parler jusqu'à 60% de grévistes, Cameron ne parade pas vraiment... Mais le TUC veille, tout comme le Labour Party. Mais comme on l'entend toujours depuis la grève des mineurs, « I'd rather be a piquet than a scab, and I still hate Thatcher »1
Et là, il y a quelques semaines, une nouvelle attaque. Nommée « Workfare ». Simple. Consiste à faire travailler les chômeurs-euses gratuitement ou jusqu'à 80 euros par semaine s'illes veulent continuer de toucher leurs allocations. Deux stratégies : une « expérience volontaire de travail » non rémunérée. Si une fois commencé, vous voulez arrêter... vous perdez vos allocations. L'autre : faire bosser gratos les handicapé-es pour les « intégrer ». en réduisant de 20% les personnes incapables de travailler... Le gouvernement lui-même dans un rapport avoue que ça ne « relance pas l'économie ». Cette attaque inouïe n'est pas passé inaperçue. Tesco, ligne de supermarchés, a commencé à employer des esclaves (non-payé-es donc...). Devant les protestations, quelques piquets et des pétitions, Tesco a renoncer à ces pratiques dignes d'un autre âge. La résistance s'organise (« Boycott Workfare »), des piquets ont commencé à fleurir un peu partout le 3 mars, première journée nationale contre le Workfare.
La classe ouvrière britannique n'est pas réputée pour sa combativité. Néanmoins, face à de telles attaques, la riposte s'organise, presque naturellement. Pas encore massive, mais de plus en plus nombreuse, et déterminée. Là aussi, quelque chose se passe, pas encore une rupture, mais on y viendra. Ce qui se passe en Grande-Bretagne est ce qui va arriver en fRance très bientôt, quel que soit le gouvernement. C'est ce que nous devons tirer comme enseignement. Ça et aussi que seule la résistance auto-organisée, de classe, et l'action directe mettrons les exploiteurs à genoux. Je finirais sur deux slogans de nos compagnes-ons de la SolFed : « L'action directe ne donne que du bon » et « Ne vote pas, organise toi ! ».2
Cheïtanov, UL CNT-AIT 63.
1) « Je préfère être gréviste plutôt que jaune, et je hais toujours Thatcher. »
2 )Plus d'infos sur www.boycottworkfare.org ou http://www.solfed.org.uk/. Merci à Kom de l'Anarchist Federation, à Ron de SolFed-AIT et à Steve.