Le Monde - 17 jan 2011
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2 ... _3212.html
En Tunisie, la révolution est en ligne
par Isabelle Mandraud
TUNIS - A leurs yeux, elle n'a pas de couleur, comme l'orange, par exemple, en Ukraine. Ils ne disent pas la "révolution du jasmin", comme on disait autrefois la "révolution des oeillets" au Portugal. C'est beaucoup plus simple que cela. Entre eux, les jeunes tunisiens l'appellent la "révolution Facebook". Elle a marié le virtuel et le réel, la technologie moderne et la manifestation traditionnelle. "Le jour, on était dans la rue. La nuit, devant l'écran", sourit Ichem, 41 ans, professeur et cybermilitant.
Pendant quatre mois, les internautes ont mené une lutte sans merci contre le régime de l'ancien président Zine El-Abidine Ben Ali. Mots d'ordre, slogans, rendez-vous, organisation des manifestations, tout est passé par eux. A peine l'ex-chef de l'Etat avait-il fini son discours, le 13 janvier, dans lequel il tirait ses dernières cartouches en annonçant qu'il ne se représenterait pas en 2014, que la résistance s'organisait. "Le soir de la mascarade de Ben Ali, la vitesse de circulation des messages a été multipliée par cinq, affirme Khaled, un étudiant de 21 ans, les yeux brillants d'excitation derrière ses lunettes à monture fine. 120 personnes m'ont envoyé l'appel à manifester que j'ai à mon tour transmis à 300 contacts." Le lendemain, devant le ministère de l'intérieur, avenue Habib-Bourguiba, à Tunis, plusieurs milliers de personnes étaient rassemblées. Et, parmi elles, les militants les plus actifs de la Toile. "Sans Internet, il aurait réussi son maquillage", assure l'un d'eux.
Dans un pays privé de liberté d'expression, avec une presse écrite et des médias audiovisuels aux ordres, la Toile a représenté un espace de liberté inconnu jusqu'alors, et permis une efficace diffusion de l'information. Le régime ne s'y est pas trompé, qui a pourchassé, et arrêté, dès le début du mouvement, plusieurs internautes. "Il était devenu plus grave de se promener avec un ordinateur qu'avec un cocktail Molotov", ironise Ichem. Les noms de Slim Amamou ou d'Abdelaziz Amami sont désormais plus connus en Tunisie que ceux de leaders syndicaux. La banderole a cédé la place à la caricature virtuelle, le slogan que l'on scande est remplacé par la phrase que tout le monde lit d'un clic. "Monsieur le Président, ton peuple est en train de s'immoler", a ainsi fait le tour des foyers en quelques minutes.
Pas un rassemblement, pas une manifestation qui n'ait été rendue publique sur le réseau Facebook, grâce aux vidéos enregistrées par les téléphones portables. Les autorités tunisiennes qui espéraient que le mouvement s'essoufflerait en fermant les établissements scolaires ont vite déchanté. Les jeunes se sont retrouvés encore plus nombreux sur l'Internet.
Les images de la répression, particulièrement féroce dans la ville de Kasserine, à l'ouest de la Tunisie, ont fait le tour du monde en quelques jours. Prises à l'intérieur même de l'hôpital, avec la complicité du personnel hospitalier, elles montraient sans détour la réalité des affrontements avec la police, les corps ensanglantés de jeunes tués par balles sur des lits côte à côte.
Les premiers comités de vigilance, organisés par les Tunisiens pour se défendre contre les policiers et les miliciens fidèles au régime, sont nés ici, à Kasserine, sur les conseils d'internautes. Aussitôt diffusés, aussitôt mis en place. "On a même organisé le nettoyage des rues, la nuit, avec des tracteurs, car plus aucun service public ne marchait", affirme Ichem. Plus tard, le soir de 13 janvier, alors que les heurts entre manifestants et policiers étaient très violents dans tout le pays, les "cyberdissidents", comme ils se désignent eux-mêmes, n'ont pas hésité à lancer un appel comminatoire aux trois opérateurs tunisiens de téléphonie mobile pour qu'elles créditent les comptes de leurs clients d'un dinar afin qu'ils puissent, quelle que soit leur situation, passer "un appel de secours". Beaucoup ont reçu le dinar symbolique.
Apparus en Tunisie en 2004, les réseaux sociaux ont pris de l'ampleur en 2009. C'est ici aussi que les langues, après plus de vingt ans de régime autoritaire, ont commencé à se délier, et que les Tunisiens, protégés par des pseudos, ont osé s'exprimer. Sans se connaître, ils ont créé des liens soudés par la détestation d'un régime étouffant et liberticide.
L'ancien chef de l'Etat - souvent désigné comme "le dictateur" sur le Net - possédait lui-même deux pages Facebook qu'un administrateur zélé a fait disparaître dès l'annonce de sa fuite. "Trop tard, s'esclaffe Khaled. On a copié les 273 000 personnes qui s'y étaient inscrites comme amies du président..." Son portrait incendié ou caillassé a fait la "une" des pages Facebook. Même les images de ses fidèles partisans, des policiers et des miliciens pillant les magasins après sont départ ont circulé.
Après le suicide de Mohamed Bouazizi, 26 ans, qui s'est immolé par le feu le 17 décembre 2010, un autre phénomène est entré en lice, Anonymous. Ce collectif de militants, qui s'était fait connaître en harcelant l'Eglise de scientologie, puis en prenant la défense du créateur de WikiLeaks, Julian Assange, a lancé une vaste opération contre les sites officiels tunisiens. Le 2 janvier - veille de la rentrée scolaire après les vacances de fin d'année -, huit sites, dont ceux de la présidence ou du gouvernement, ont été ainsi "bombardés" et mis hors d'état de marche en quelques minutes. Le principe est simple : chaque membre reçoit un petit logiciel à télécharger mis au point par des hackers, accompagné d'une date de rendez-vous. A l'heure dite, un petit boîtier avec un bouton apparaît. Lorsque le compte à rebours est terminé, il suffit d'appuyer sur le bouton rouge "Fire" ("feu") qui s'allume, pour contribuer à noyer sous un flot de faux envois les sites destinataires et saturer les ordinateurs. Les Tunisiens s'en sont donné à coeur joie. Une semaine plus tard, c'était au tour de la télévision nationale, TV7, de faire les frais d'attaques. Pendant plusieurs heures, le site a affiché ce message, en arabe : "Les journalistes condamnent la répression de la police et exigent la libération de Slim Amamou." Un affront pour le principal relais du régime tunisien.
Les autorités tunisiennes ont bien essayé de riposter en mobilisant les 2 000 employés de l'Agence tunisienne d'Internet (ATI). Des batailles homériques ont été livrées sur la Toile, entre Ammar, le système de censure officiel affublé de ce vieux prénom par les Tunisiens, et Anonymous. Mais, de partout dans le monde, des membres du collectif ont réagi en envoyant leurs recettes (des "proxys", des serveurs Internet qui permettent d'accéder à des sites à partir d'autres pays). "Cela a été comme une libération, on s'est aperçus que nous n'étions plus seuls, s'enthousiasme Ichem. Du coup, de plus en plus de jeunes Tunisiens nous ont rejoints. On a senti qu'ils sortaient de leur cocon." Certains n'ont pas hésité à s'afficher, pour la première fois, sur le campus universitaire de Tunis, avec le masque emblématique des Anonymous, inspiré de Guy Fawkes, qui tenta en 1605 de faire exploser le palais de Westminster et d'assassiner le roi protestant Jacques Ier, rendu célèbre par la bande dessinée et le film V pour Vendetta.
L'opération "Tunisia" a pris une ampleur inattendue. Alors qu'ils n'étaient qu'une cinquantaine de militants Anonymous au printemps 2010, en Tunisie, ils sont aujourd'hui plus de 4 000... Ce groupe, né aux Etats-Unis, réunit des personnes de tous horizons, dans le monde, sans contraintes. "Il n'y a pas d'organigramme, pas de leaders, explique Eric, un Parisien, membre du réseau. N'importe qui peut adhérer, du moment qu'il défend la liberté d'expression sur l'Internet." Seule règle imposée : les attaques ne doivent pas détruire les sites visés. "Ce serait de la violence, nous nous y refusons", souligne Eric.
En Tunisie, il y a eu des précurseurs. Takriz regroupe, depuis 1998, des militants déterminés, considérés comme des "extrémistes du Net", qui ont subi une dure répression par le régime de Ben Ali. Ce sont eux qui ont notamment inventé le slogan, entendu dans les manifestations à Tunis, "Ben Ali assassin, Sarkozy complice".
La chute de l'ancien chef de l'Etat, qui a régné sur le pays pendant vingt-trois ans, le temps d'une génération, a constitué l'objectif des "cybermilitants". Mais ces derniers ne comptent pas s'arrêter là. C'est désormais le parti du pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique, le RCD, qui se trouve dans leur collimateur. Un nouveau rendez-vous, lundi 17 janvier, circulait déjà sur Facebook.
lemonde.fr a écrit:Le Monde - 17 jan 2011
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2 ... _3212.html
Les premiers comités de vigilance, organisés par les Tunisiens pour se défendre contre les policiers et les miliciens fidèles au régime, sont nés ici, à Kasserine, sur les conseils d'internautes. Aussitôt diffusés, aussitôt mis en place. "On a même organisé le nettoyage des rues, la nuit, avec des tracteurs, car plus aucun service public ne marchait",
AFP, Les Nouvelles - 18 jan 2011
http://nouvelles.sympatico.ca/monde/nou ... t/ca234afa
Tunisie: Trois ministres quittent le nouveau gouvernement
Moins de 24 heures après sa formation, le nouveau gouvernement provisoire du premier ministre Mohammed Ghannouchi perd trois de ses membres.
Mardi, trois ministres associés à la puissante centrale syndicale tunisienne UGTT, ont annoncé qu'ils quittaient le gouvernement. Anouar Ben Gueddour, Houssine Dimassi et Abdeljelil Bedoui répondent ainsi à la demande du syndicat.
L'UGTT, qui a joué un grand rôle dans les manifestations qui ont mené à la chute du président Ben Ali, a affirmé mardi qu'elle « ne reconnaît pas le nouveau gouvernement ». Il n'accepte pas la présence de membres de l'équipe du premier ministre déchu Ben Ali dans la nouvelle équipe. Le syndicat a indiqué que si ses trois représentants refusaient de quitter le gouvernement, ils ne représenteraient dorénavant qu'eux-mêmes.
Plus tôt, le premier ministre a défendu la composition de son cabinet. Il a assuré que les ministres de Ben Ali maintenus dans la nouvelle équipe avaient « les mains propres ». Selon lui, ces ministres « ont gardé leur portefeuille parce que nous avons besoin d'eux dans cette phase » de transition, avec la préparation d'élections dans les six mois.
« Tous ont les mains propres, doublées d'une grande compétence. Ils ont du mérite. Grâce à leur dévouement, ils ont réussi à réduire la capacité de nuisance de certains. Ils ont manoeuvré, tergiversé, gagné du temps pour préserver l'intérêt national », a-t-il insisté.
Le premier ministre a également indiqué que les responsables de la répression de ces dernières semaines seraient jugés. « Tous ceux qui ont été à l'origine de ce massacre rendront des comptes à la justice », a promis Mohammed Ghannouchi, assurant n'avoir lui-même jamais donné l'ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants.
Le soulèvement populaire tunisien a fait 78 morts, selon le ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaa.
Le premier ministre a promis un processus électoral démocratique. Il affirme que « tous les partis politiques seront autorisés à participer aux élections, à égalité des chances ».
Mardi, les policiers sont encore une fois intervenus pour disperser environ 1000 personnes qui manifestaient dans le centre de la capitale, Tunis. La manifestation visait à dénoncer la présence de plusieurs membres de l'équipe du président déchu Ben Ali dans le nouveau gouvernement. Ils demandent que le parti de Ben Ali soit carrément dissout.
Les policiers ont dispersé la foule à l'aide de gaz lacrymogènes.
Selon l'AFP, des milliers de Tunisiens ont aussi manifesté dans plusieurs villes de province pour dénoncer le nouveau gouvernement.
http://quartier-pirate.blogspot.com/
A Paris, près de 10 000 personnes (8 000 selon la police) ont défilé le samedi 15 janvier 2011 en soutien au peuple tunisien. Une manifestation qui semblait partagée entre la joie du départ de Ben Ali et la tension entre les tendances en lutte pour construire l'avenir.
Des militant-e-s du groupe Quartier Pirate de la FA y étaient présent-e-s.
Nous avons participé à l'organisation d'un cortège anarchiste avec une banderole simple ("Solidarité internationale") et un tract reprenant l'essentiel du communiqué des Relations Internationales ("Tunisie, la jeunesse se soulève / De la révolte à la révolution" voir ci-dessous) avec un dernier paragraphe consacré aux derniers développements, et en particulier au départ de Ben Ali le vendredi 14 janvier: le peuple, uni, a été plus fort que les balles d'une police qui, fidèle à ses raisons d'être, aura tué plus de 80 manifestants en moins d'une semaine ; malgré la peur, malgré les gaz, les matraques et les fusils, malgré les "états d'urgence" liberticides, les Tunisiens sont parvenus à faire plier leur
gouvernement.
Notre tract et notre présence ont été diversement appréciés: d'un côté de nombreux témoignages de sympathie de gens n'appartenant pas à un cortège déterminé, et quelques contacts pris ; de l'autre une certaine tension avec des partis politiques tunisiens (nationalistes ou défendant le gouvernement par intérim) que notre présence paraissait gêner. Mais à la limite, tant mieux si on les gênait: c'est justement parce que l'avenir de la révolution tunisienne est encore incertain (couvre-feu et tractations de palais) qu'il était important d'être présent pour porter les perspectives anarchistes, en s'efforçant d'éviter de faire de la récupération ou de donner des leçons.
En effet, l'auto-organisation du peuple tunisien est déjà en marche: dans la région du centre de la Tunisie, où la révolte a démarré suite à l'immolation par le feu d'un jeune, avaient eu lieu récemment des occupations de terres par des paysans (dont l'oncle du jeune), car c'est une région très pauvre, mais aussi traditionnellement rebelle... Le syndicat UGTT, dont la bureaucratie est totalement liée au régime, a été débordé par la réaction de la base, notamment dans les unions locales, où se sont retrouvés de très nombreux syndiqués... Les médias mettent en avant le non-encadrement des manifestations pour suggérer un risque de chaos mais la spontanéité a conduit à une auto-organisation,
particulièrement sensible dans les quartiers populaires, la mise en oeuvre de pratiques collectives de solidarité et de lutte. Un signe d'espoir encore, sur le camion de tête du cortège de la manifestation parisienne, une affiche: "la liberté des autres étend la mienne à l'infini", ça ne vous rappelle rien?
Vive la révolution tunisienne!"
Vive la révolution tunisienne !
http://groupe-segui.blogspot.com/
Cette semaine est une semaine importante pour le peuple tunisien et, plus globalement, pour tous les peuples du monde : une dictature est tombée sous la pression d'une rue massivement occupée par un désir inébranlable de liberté. Organisée en dehors des partis et des organisations religieuses, cette révolution tunisienne est venue à bout d'un régime autoritaire installé depuis plus de 54 ans par Habib Bourguiba puis Ben Ali. Le peuple, uni, a été plus fort que les balles d'une police qui, fidèle à ses raisons d'être, aura tué plus de 80 manifestants en moins d'une semaine. Malgré la peur, malgré les gaz, les matraques et les fusils, malgré les "états d'urgence" liberticides, les Tunisiens sont parvenus à faire plier l'État et à se libérer de leur tyran.
Si la joie et l'espoir envahissent aujourd'hui le cœur des révoltés et révolutionnaires du monde entier, le plus dur est encore à venir : construire une nouvelle société. Il ne reste plus qu'à espérer que les politicards et les religieux de tous poils ne récupéreront pas le mouvement, que les étudiants et diplômés - présentés comme les principaux instigateurs de la révolte - ne se transformeront pas en une nouvelle élite "intellectuelle", mais que, bien au contraire, le peuple tunisien saura jeter les bases d'une nouvelle société, libérée de l'oppression étatique et de l'exploitation capitaliste.
Groupe Salvador-Segui de la Fédération anarchiste
Le collectif de Solidarité avec les Luttes des Habitants de Sidi Bouzid – Tunisie, appelle à un :
Rassemblement
Jeudi 20 Janvier 2011 à 18h.00
Fontaine des Innocents à Paris
Metro : Chatelet – RER : Les Halles
AFP, L'Expansion - 18 jan 2011
http://www.lexpansion.com/economie/la-r ... 47111.html
La révolte a coûté 1,6 milliard d'euros à l'économie tunisienne
La révolte populaire qui a provoqué vendredi la chute du régime tunisien du président Ben Ali et les violences postérieures ont causé 3 milliards de dinars (1,6 milliard d'euros) de pertes à l'économie, a annoncé à la télévision publique le ministre de l'Intérieur Ahmed Friaa. Selon un calcul effectué par l'AFP, basé sur des chiffre du Fonds monétaire international, ce montant représente environ 4 % du Produit intérieur brut (PIB) de la Tunisie, qui s'est élevé en 2010 à 39,6 milliards d'euros.
M. Friaa a détaillé que la révolte populaire d'un mois qui a eu raison du régime de M. Ben Ali et les violences des derniers jours ont entraîné une perte de 2 milliards de dinars en raison de la paralysie des activités intérieures, et de 1 milliard de dinars à cause de l'arrêt des exportations.
L'activité économique du pays est actuellement presque totalement paralysée. La plupart des commerces et des banques sont fermés.
L'activité touristique, qui contribue à hauteur de 6,5 % au PIB et emploie 350.000 personnes est totalement à l'arrêt, depuis l'évacuation précipitée de milliers de vacanciers ces derniers jours.
3 19 /01 /Jan /2011 20:55
Après la Tunisie... la Galaxie !!!
Le soulèvement continue en Tunisie. Il a déjà fait tomber le clan Ben Ali en à peine un mois. La bourgeoisie — locale et mondiale — a lâché cette famille. Continuer à soutenir un régime aussi haï devenait problématique pour la bonne marche des affaires. Mais elle ne l’a fait qu’en dernière extrémité, contrainte par la révolte populaire.
La presse martèle que l’essentiel des pillages et violences est le fait de miliciens benalistes et autres «méchants casseurs». Mais, sans avoir tous les éléments, on peut dire que ces miliciens jusqu’au-boutistes ne sont qu’une minorité des cohortes de flics du régime déchu. En gros, il s’agit des porcs les plus compromis dans la répression et les intérêts du clan. Ils ne peuvent donc pas retourner leur veste aussi facilement que leur anciens collègues et amis. Et le nouveau régime ne les mettra certainement pas tous au chômage, il n’y a pas d’État sans police. Insister autant sur leur rôle et sur un climat de guerre de tous contre tous a pour but de justifier la restauration de l’ordre.
De plus, on a bien vu que des attaques massives contre la marchandise et les biens ont eu lieu depuis le début du mouvement, menées par des prolétaires, jeunes ou pas, femmes ou pas ! Qu’il s’agisse de grands magasins, de villas et voitures de luxe, d’affrontements… Il s’agit là de nécessités de survie, aussi bien que de vengeance sociale. Un soulèvement, une insurrection, une révolution, ne peuvent que donner lieu à des attaques contre la propriété, les bourgeois et ceux qui les défendent.
Pour les idéologues démocrates, surtout de gauche, le peuple est magnifique quand il permet à une partie de la bourgeoisie d’en remplacer une autre (surtout s’il s’agit d’eux-mêmes !). Par contre, s’il continue sur la lancée de sa révolte et met réellement en danger les intérêts capitalistes, il devient un chien enragé à abattre.
Comme beaucoup de Tunisiens, on se réjouit qu’un dictateur ait été foutu en l’air et, avec lui, la chape de plomb policière avec laquelle il gouvernait : dizaines de milliers de flics et d’indicateurs, torture et censure généralisée… Encore une fois, on nous présente la démocratie comme la seule suite logique d'une insurrection. Mais dictature et démocratie ne diffèrent pas par nature, seulement par les modalités de fonctionnement de l’État. Elles ne sont que les deux facettes d’un même système. L’État moderne, quel qu’il soit, est indispensable à la perpétuation de la société de classes capitaliste, dont l’exploitation est le cœur.
Contrairement aux dictatures, les démocraties disposent de nombreuses instances de médiation qui ont pour but de canaliser, dévier, atténuer la violence sociale et le conflit de classes. Ainsi, le droit de vote prétend donner à chacun la possibilité de choisir ce qu’il veut vivre ; en réalité, les diverses offres politiciennes ne peuvent que mener la politique du capital à quelques nuances près. Les libertés d’expression, de manifestation et de grèves ne sont permises que dans la mesure où elles n’atteignent pas trop le cœur du problème.
La situation en Tunisie est loin d’être stabilisée. Et d’ores et déjà, dans plusieurs pays proches à divers égards, des événements font écho — au Maghreb comme au Moyen-Orient. En Europe, les quelques améliorations arrachées par les luttes, sautent une à une. Les conditions de vie sont de plus en plus dures ; de nombreux mouvements sociaux, émeutes, etc. répondent à leurs plans d’austérité drastiques. C’est toute l’évolution du système qui a généré une exploitation plus dure. Les tensions sociales en sont forcément accrues, ce à quoi les États, y compris démocratiques, ont dû et devront répondre par une répression plus forte et une gestion sécuritaire généralisée. La crise majeure des dernières années accélère et intensifie ce processus. Et il n’y a aucun doute sur le fait que lorsque les intérêts des classes dirigeantes seront vraiment en danger elles seront prêtes à tout pour les défendre. La nécessité de lutter, pour connaître autre chose que l’exploitation et la domination, se fait de plus en plus criante.
C’est eux ou nous !
Mercredi 19 janvier 2011.
Vivre, mourir et faire la révolution à Sidi-Bouzid
in Le Monde libertaire n°1619 (20-26 janvier 2011)
http://www.monde-libertaire.fr/international/item/14161
Chers lecteurs, la semaine dernière était une semaine particulière : le peuple tunisien désarmé, ne comptant que sur ses propres forces, confronté à la sauvagerie d’une répression aveugle, a su mettre un terme à une dictature. Sans se laisser berné par des discours lénifiants, montrant ses capacités d’auto-organisation, en faisant fi des menaces et des provocations policières, en organisant sur le terrain social les solidarités élémentaires et en inventant au jour le jour ses modalités de réactions et d’organisation à la base, il nous a montré la voie à suivre : sans le savoir, il a adopter les modes d’organisation libertaires, ceux-là même mis en avant par les valeureux camarades anarchistes de 1936 en Espagne. Aujourd’hui, le plus dur reste à faire. Pour un très court instant, en dépit de mes convictions internationalistes et anarchistes, permettez moi d’être fier d’être Tunisien.
Depuis la mi-décembre, après qu’à Sidi-Bouzid un jeune marchand de fruits et légumes à la sauvette s’est immolé par le feu en signe de protestation contre les humiliations subies, un vaste mouvement spontané de protestation et de contestation s’est propagé à toute la Tunisie. D’ordinaire relégué aux pages voyages et vacances des news magazines, ce pays s’est subitement retrouvé sous les feux de l’actualité politique et sociale. On a pu découvrir alors la face cachée d’un pays dirigé d’une main de fer depuis vingt-trois ans par Ben Ali, qui a instauré un régime policier avec la bénédiction de la France et des États-Unis, qui n’ont jusqu’alors pas taris d’éloges sur ce bon élève du FMI. Loin des plages où se pressent les salariés européens en mal de soleil et d’exotisme de proximité, c’est la Tunisie de l’intérieur, celle des zones oubliées du développement qui s’est rappelée au bon souvenir de dirigeants véreux. Les taux de chômage réels y dépassent 25 % chez les jeunes, dont de nombreux diplômés, qui n’ont pour seul issue que l’émigration sauvage, au péril de leur vie, ou les petits trafics les mettant à la merci de la police et des autorités locales, comme ce fut le cas pour ce marchand de Sidi-Bouzid, poussé au désespoir par la hargne des flics à son encontre et la surdité des potentats locaux à ses doléances. Comme en 2008 dans le bassin minier de Gafsa, où la population s’était soulevée contre le chômage et l’opacité des procédures d’embauche, qui favorisait la corruption et le piston, c’est contre la clique maffieuse au pouvoir que les gens se sont retrouvé. Clique maffieuse où différents clans proches du pouvoir se partagent les richesses du pays, détournant à leur profits et avec rapacité les activités économiques les plus rentables, selon l’adage « ce qui est à toi est à moi 1 ». C’est ce qu’ont pu lire les tunisiens qui se sont connectés sur Wikileaks 2, qui révèle les câbles des diplomates américains en poste en Tunisie, exposant crûment l’état de pourrissement avancé du régime. Mais cette fois, contrairement à ce qui s’était passé en 2008, la contestation s’est étendue comme une traînée de poudre à tout le pays, fédérant un ras le bol généralisé : ras le bol de la précarité, ras le bol de l’appauvrissement, ras le bol de l’étouffoir et de l’absence de liberté. Malgré la main mise du gouvernement sur des médias aux ordres 3, rivalisant d’obséquiosité à l’égard du régime, et malgré le verrouillage d’internet, l’information a pu circuler et a permis de déclencher un mouvement qui a surpris par son ampleur les supplétifs d’un régime honni par l’écrasante majorité des tunisiens. Régime qui s’accroche au pouvoir au fallacieux prétexte de barrage contre l’hydre islamiste, et à qui les États du nord de la Méditerranée ont sous-traité la surveillance des frontières du sud et les activités industrielles avides de main d’œuvre à bas prix, comme le textile et les centres d’appels téléphoniques. Ainsi, la belle image d’un pays moderne, au taux de croissance enviable, à la stabilité politique légendaire, attirant les investisseurs étrangers et les touristes à devises fortes s’est trouvée mise à mal par la triste réalité.
Ce pays qu’on qualifiait il y a peu de petit dragon africain, en référence aux dragons asiatiques, ce bon élève des institutions monétaires internationales, qui n’en finissent pas de vanter ce « modèle de développement et de démocratie sensible aux droits des femmes » (héritage de Bourguiba, « héros » de la lutte pour l’indépendance et premier président de la Tunisie) ; ce pays se retrouve aujourd’hui pour ce qu’il est et a toujours été, un État autoritaire où règnent inégalité, corruption et misère. Un mot d’ordre qui revient dans les manifestations est « désormais, nous n’avons plus peur ». Malgré le déchaînement de la répression (des dizaines de morts par balles, notamment à Kasserine où des snipers postés sur les toits ont semé la terreur les 8 et 9 janvier derniers, des centaines de blessés, des arrestations et des tortures), ce mouvement a permis la libération d’une parole, et l’émergence d’un sursaut populaire qui rendra un peu de leur fierté aux tunisiens et tunisiennes trop longtemps humiliés. Dans les cortèges, dans les réunions, se retrouvent entre autres des militants et militantes de base de l’union générale tunisienne des travailleurs (UGTT), qui ont entraîné la direction de ce syndicat à se démarquer puis a s’opposer au pouvoir, avec le lancement d’un mot d’ordre de grève générale. Alors que les premiers slogans se concentraient sur la dénonciation du chômage et l’absence de libertés, c’est maintenant des slogans hostiles à Ben Ali et à sa clique qui prennent le dessus, et qui réclament le départ du dictateur. Tous les témoignages rapportent la maturité des manifestants : dans les quartiers populaires de Tunis et de sa banlieue, gagnées par l’insurrection, les gens s’organisent pour maintenir le minimum des conditions de vie, contre le chaos voulu par la police et les provocateurs du parti présidentiel qui utilisent toutes les ficelles des régimes policiers (fausses rumeurs, casseurs infiltrés, manipulation de l’information, etc.) ; des collectes sont organisées par les jeunes, que le pouvoir qualifie de voyous, pour venir en aide aux familles des victimes de la répression. Spontanément, les tunisiens créent les bases d’une société solidaire : les multiples réunions spontanées, indépendantes des partis, montrent le bouillonnement révolutionnaire d’une société trop longtemps maintenue sous le boisseau. Les reculades du régime, les limogeages de ministres et des éminences grises du président, obtenues sous la pression de la rue, ne font pas faiblir la mobilisation. Au lendemain du discours présidentiel télévisé du 13 janvier, annonçant la fin des tirs de la police contre les manifestants et quelques ouvertures (non représentation en 2014 de Ben Ali aux prochaines élections présidentielles, levée de la censure de la presse et d’internet), la mobilisation ne faiblit pas, et des manifestations se déroule partout en Tunisie. Le sang coule encore, malgré les promesses. Ce n’est pas le libre accès à Facebook où à You Tube qui arrêtera les émeutiers. La dictature vacille, elle a un genou en terre : à l’issue d’une folle journée, Ben Ali abandonne le pouvoir, une partie du clan Trabelsi, la belle famille du président déchu, est arrêtée. Pour la première fois dans l’histoire moderne, un dictateur arabe est renversé par la population : tremblez Moubarak, Kadhafi, et autres Assad !
Ce qui ce passe met en exergue ce que je crois être le fondement même de l’anarchisme, et que des hommes comme Orwell et d’autres ont su théoriser : un peuple uni, intransigeant sur les modalités de sa pratique, peut s’approprier, sans le savoir, et de manière spontanée, les pratiques libertaires telles que celles de nos valeureux précurseurs de 36 en Espagne, simplement parce qu’elles sont ce que Orwell, témoin des événements de 1937 à Barcelone, appelait la morale commune (common decency): morale et humanisme, spontanément associés à ses pratiques, au sens simple d’une intransigeance morale qui entraînait un comportement politique de relation à autrui dénué de rapport de pouvoir, mais pourvu de liens d’affection morale et politique : c’est utopique mais c’est essentiel, à mon sens pour l’évolution morale d’une révolution : rien ne nous permet de dire aujourd’hui que c’est la voie suivie en Tunisie, mais les événements relatés par les témoins, nous poussent à y croire. Le plus dur reste à faire. À nous anarchistes de pousser à la roue…
Mohamed, groupe Pierre-Besnard de la Fédération anarchiste
1. N. Beau & C. Graciet, La Régente de Carthage, La Découverte, 2009.
2. En version française sur ce site (rechercher Wikileaks, Tunisie) : www.maghrebemergent.com
3. Sur l’état de la presse en Tunisie, lire http://fr.rsf.org/tunisie.html
...Ce qui ce passe met en exergue ce que je crois être le fondement même de l’anarchisme, et que des hommes comme Orwell et d’autres ont su théoriser : un peuple uni, intransigeant sur les modalités de sa pratique, peut s’approprier, sans le savoir, et de manière spontanée, les pratiques libertaires telles que celles de nos valeureux précurseurs de 36 en Espagne, simplement parce qu’elles sont ce que Orwell, témoin des événements de 1937 à Barcelone, appelait la morale commune (common decency): morale et humanisme, spontanément associés à ses pratiques, au sens simple d’une intransigeance morale qui entraînait un comportement politique de relation à autrui dénué de rapport de pouvoir, mais pourvu de liens d’affection morale et politique : c’est utopique mais c’est essentiel, à mon sens pour l’évolution morale d’une révolution : rien ne nous permet de dire aujourd’hui que c’est la voie suivie en Tunisie, mais les événements relatés par les témoins, nous poussent à y croire. Le plus dur reste à faire. À nous anarchistes de pousser à la roue…
Mohamed, groupe Pierre-Besnard de la Fédération anarchiste
les tunisiens ont fait la preuve que spontanément un mouvement d'ampleur peut se mettre en branle du jour au lendemain et faire tomber un dictateur en quelques jours.
Des comités de quartier d'auto défense se sont également mis en place spontanément.
Aujourd'hui le peuple est confronté aux bureaucrates et membres de l'ancien régime qui essayent de reprendre les rennes du pouvoir en utilisant les institutions de l'État.
Ce qui manque cruellement au peuple tunisien ( et aux autres) ce ne sont que quelques personnes faisant partie du peuple lui-même aident à organiser la coordination entre ces comités de quartiers pour aller plus loin que l'auto défense mais aussi la prise en charge directe de la production et la distribution des services et denrées, en autogestion, en reprenant les ressources naturelles, en montrant à tous les peuples la voie à suivre.
La révolution pourrait aller dans ce cas jusqu'au bout très très rapidement n'en déplaisent à tous nos théoriciens marxistes qui rêvent de gérer la société à la place de tout le monde au moyen de leurs États pourris.
Nous avons besoin qu'un mouvement anarchiste se mette en place au Maghreb.
Article XI - 19 jan 2011
http://www.article11.info/spip/La-Tunis ... r-du-monde
Triste horizon et sombres nuages, tout bloqué, espoir mort ? Oh que non. En se révoltant et en mettant bas un pouvoir autocratique, les Tunisiens rappellent à tous combien il n’est rien de plus actuel que la juste rage et la saine colère. Ils sont nos frères, nos semblables, et ils montrent la voie, celle des résistances populaires à l’empire. La Tunisie est l’avenir du monde.
La Tunisie est l’avenir du monde
par Serge Quadruppani
Un dicton marocain, complaisamment repris par les Algériens, assure que « le Marocain est un lion, l’Algérien un homme, le Tunisien une femme ». Plaisante baffe au machisme, le premier peuple du Maghreb à s’être débarrassé du clan rapace qui le saignait, c’est celui auquel les autres refusaient ces attributs virils censés contenir le courage. Les funèbres hallucinés des organisations politico-militaires d’Euzkadi et d’ailleurs, les kamikazes de l’Oumma prêts à faire mourir les autres pour aller niquer quarante vierges au ciel, et même les crétins anarcho-insurrectionnalistes qui, en Italie, se passionnent pour la destruction des doigts des employés d’ambassade ont pris un sale coup de vieux. Nous avons besoin de révoltes « efféminées » [1] comme celle du peuple tunisien qui, avec du désespoir mué en peau brûlée, des pierres et des bâtons, a renversé en un mois un pouvoir impitoyable qui paraissait là pour toujours. Au contraire de ce que voudraient croire les commentateurs professionnels, la portée de la révolution tunisienne déborde très largement le cadre des pays arabes. Certes, du Maroc à la Syrie en passant par l’Égypte, dans ces immuables régimes dictatoriaux amis de l’Occident, les peuples, depuis la chute de Ben Ali, commencent à regarder d’un œil plus hardi les gouvernants et leurs polices.
Mais ce qui, il y a vingt ans, aurait pu passer pour une crise régionale, prend aujourd’hui, immédiatement, un caractère planétaire. Avec la crise dites des subprimes, nous sommes entrée dans une ère où s’accumulent des phénomènes naguère inimaginables. De la Fiat-Mirafiori de Turin aux Continental de Toulouse, les patrons font voter aux ouvriers des conditions de travail dont la logique profonde est de se rapprocher toujours plus des conditions contre lesquelles chinois et bengalais sont en train de se battre. On construit au bord de l’Evros, à la frontière gréco-turque, un mur comme celui qui prolonge le Rio Grande, on sous-traite à Kadhafi et à ses camps de concentration la gestion des flux migratoires africains, on aggrave sans cesse la condition de vie des immigrés, tout cela servant surtout à fabriquer une masse « clandestine », c’est-à-dire corvéable à merci [2]. Ainsi, l’Europe parachevant un processus commencé depuis longtemps en Amérique du Nord, on peut dire que l’Occident, de la Californie à Moscou en passant par Sangatte, se fabrique un tiers-monde à la maison. Quand on songe à ces bons du trésor étatsuniens détenus par la Chine qui financent l’american way of life alors que leur valeur réelle devient insaisissable, on en vient à considérer le risque que les États-Unis deviennent littéralement ce qu’ils étaient rhétoriquement dans l’ère maoïste : un tigre de papier.
En attendant, les intérêts des puissances deviennent inextricables (on parle de Chinamerica), les transferts de souveraineté et la privatisation de fonctions régaliennes sapent les fondements de l’État-nation et, tandis que les chefs d’État européens se vautrent dans le ridicule pour arracher aux anciens sous-développés une vague promesse d’achat de quincaillerie dont la technologie sera bientôt copiée et dépassée et que Pékin rachète la dette d’États européens, son modèle de société (abondance consommatoire pour la classe moyenne en échange de zéro liberté politique) semble faire rêver les gouvernants occidentaux qui ne respectent même plus les formes du rituel démocratique (guerres menées sans débat, traités européens appliqués malgré leur rejet électoral, etc.) pour imposer l’hallucination néo-libérale. La séparation du monde entre Nord et Sud, entre métropoles occidentales impérialistes et tiers-monde a perdu son sens.
Mais si le terme « impérialisme » n’a plus grand sens, il y a bel et bien un empire étendu à toute la planète. Pour citer un passage de l’introduction à mon livre La Politique de la peur [3] : « L’empire, c’est une configuration sans cesse en mouvement de puissances nationales et transnationales, à la fois autonomes et interdépendants. Oligarchies, banques internationales et firmes financières, mafias, grandes compagnies (de Big Oil, le lobby des compagnies pétrolières transnationales, à l’agro-alimentaire et à l’industrie pharmaceutique), complexes militaro-industriels et compagnies privées, industries du divertissement et des médias, services de moins en moins publics (police, magistrature, services secrets…), c’est-à-dire autrefois intégrés à l’État et de plus en plus orientés suivant leurs intérêts propres ou ceux d’une caste dirigeante, en passant par toutes les figures hybrides : grands fonctionnaires mexicains de l’antidrogue alliés des cartels ; généraux pakistanais alliés des Etats Unis et des talibans en même temps que dirigeants de certaines des plus grosses entreprises du pays ; militaires algériens kleptocrates et manipulateurs de GIA et autres Al Qaida au Maghreb islamique ; bande du Fouquet’s. Réseau de pouvoirs nationaux et transnationaux, l’empire est par essence mouvant, car l’équilibre entre les pouvoirs qui le composent ne cesse de changer. Il est aussi absolument immobile, car ces pouvoirs partagent fermement un but ultime : faire exister la civilisation qui les fait vivre. » Cette civilisation repose sur un rapport aussi vieux que le capitalisme, mais porté par le développement de la technoscience à un degré jusque là inimaginable : ce rapport, c’est l’exploitation, de l’homme par l’homme et du reste du vivant par l’homme. Tous les pays du monde sont aujourd’hui une simple province de l’empire.
Les Tunisiens sont, souvent très littéralement, nos voisins de palier. Voilà longtemps que nous vivons ensemble, qu’ils partagent avec nous (« nous » qui ne sommes pas tous blancs) le camembert, les contrôles au faciès et l’islamophobie. Ce sont souvent eux qui répondent quand nous appelons un call-center, ce sont eux que beaucoup d’entre nous retrouvent au bord du sable chaud après onze mois et demi dans les eaux glacées du calcul économique. Leurs manifs ressemblent aux nôtres, auto-photographiées, auto-filmées en permanence. Comme n’importe quel internaute de Bombay ou de Saint-Malo, ils ont su utiliser la toile pour contourner les médias aux ordres. Aussi bien que n’importe quel manifestant contre la réforme des retraites, ils savaient que le téléphone mobile, instrument d’esclavage consommatoire et de surveillance panoptique, peut se muer en vecteur de dissémination de la révolte. Les Tunisiens ont vérifié avec une intensité remarquable la portée d’une contradiction que le capitalisme ne cesse de porter à de nouveaux sommets en essayant de la dépasser : son besoin de la créativité humaine lui interdit de l’encadrer tout à fait sous peine de la tuer.
C’est pourquoi, ce qui se passe en Tunisie ébranle en profondeur notre vie, ici et maintenant. Comment ne pas voir tout ce qui, en dépit de conditions infiniment plus dures, rapprochait les chômeurs diplômés qui ont lancé la révolte de leurs semblables de Rome, Londres, Athènes, Lyon, Berlin et autres lieux, victimes eux aussi de l’aggravation de leur précarité et qui se sont, à partir de 2009, par ondes successives, avec des moyens variés mais en échangeant des modèles d’intervention [4], affrontés aux dirigeants locaux, et à travers eux à l’oligarchie mondiale qui veut faire payer aux plus exploités, en particuliers aux jeunes, la crise de son système ?
Comment ne pas voir que l’ennemi est le même ? De l’inoubliable Michèle Alliot-Marie proposant le savoir-réprimer français à Mitterand-neveu, en passant par Delanoë et trois chefs d’État français, on ne sera jamais assez reconnaissant aux amis tunisiens d’avoir un peu plus ridiculisé aux yeux du monde la classe dirigeante française. Que la corruption des « élites » soit un phénomène global a été démontré de manière éclatante quand chacun a pu sentir, derrière la cohorte des souteneurs du régime, une convergence d’intérêts qui passe par de somptueuses villas et des flux financiers occultes, mais plus profondément par l’appartenance au même club des serviteurs du monde tel qu’il va. Telle est la réalité, tel est leur cauchemar : des demeures de Carthage incendiée et visitées par un populo fier de sa révolution au Fouquet’s, aux salons des Dîners du Siècle, aux villas du Cap nègre, il n’y a pas bien loin. Sur une planète en permanence télécommuniquée, ce qui nous sépare de la mise à sac des lieux de la puissance en Europe n’est pas une distance physique, mais mentale.
On aurait rêvé que les comités populaires de quartier, au lieu de seulement protéger la population contre les exactions des nervis du régime, s’occupent d’affronter les besoins quotidiens, en répartissant entre tous les habitants les produits pillés dans les supermarchés. On aurait rêvé que des formes de pouvoir issues de la base parviennent à empêcher les vieux crabes de remettre en selle la vieille politique qui risque fort maintenant d’occuper le devant de la scène. Mais il eût fallu pour cela que l’exemple tunisien dépasse aussitôt les frontières, propageant le sentiment qu’un autre monde, une autre forme de rapport au pouvoir et à la richesse était possible. En attendant, ne boudons pas le plaisir que nous a offert la « femme du Maghreb ». Depuis 1989 et l’effondrement du capitalisme d’État qui avait volé le beau mot « communisme », nous savions les dictatures bureaucratiques à la merci d’un sursaut collectif de courage et de rage. Aujourd’hui, les gavroches de Sidi Bouzid, Kasserine, Ettadhamen, Intilaka et El Mnihla, ont montré que le refus de perdre sa vie à espérer la gagner peut l’emporter contre les snipers de l’oligarchie mondialisée. Le jour où les exploités européens cesseront de se contenter de la misérable vacance qu’on leur offre dans les bronze-culs low-cost en échange de leur soumission finale après tant de beaux mouvements sociaux, le jour où ils rencontreront leurs frères à quelques kilomètres à l’intérieur des terres, ce jour-là, on risque bien de voir se lever le soleil qui « dessine en une fois la forme du nouveau monde ».
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Notes
[1] On reprend ici au mot la rédaction de la revue Multitudes qui, dans une tribune publiée par Libération (14/01/2011) écrivait : « Contre l’impuissance des durs, qui nous menace tous, la véritable alternative à la violence des barbus comme à la brutalité des encravatés, ce serait une politique efféminée - qu’il est urgent d’inventer. »
[2] Prochain scandale annoncé : la « découverte » des conditions ignobles de vie (viol, tortures, tabassages) des camps lybiens.
[3] A paraître au Seuil (collection Non Conforme), en librairie le 17 février.
[4] Par exemple, le « Book Block », ces groupes en avant des manifs portant un bouclier en matière plastique simulant un livre au titre choisi par son porteur, qui présentait le double avantage de symboliser le bien commun culturel menacé par le néo-libéralisme et de remplir les fonctions à la fois de protection et de poussoir contre les flics. Lancé par les étudiants, il a été repris par les Anglais.
Le Monde - 21 jan 2011
http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2 ... 66522.html
Tunisie: syndicat unique sous Ben Ali, l'UGTT veut rester proche de la rue
Mardi 18 janvier, la direction de l'UGTT demande à trois ministres, estampillés de l’étiquette syndicale, de quitter le gouvernement. Celui-ci a été formé la veille. Les trois hommes devaient jouer le rôle de ministres "d'ouverture". Par ce geste, le syndicat martèle sa volonté de rester partie prenante du processus démocratique qui s'est mis en marche, dans la rue, en Tunisie.
"Cette composition [du gouvernement] n'est pas en harmonie avec les aspirations et les attentes des travailleurs (...) pour faire face aux pratiques du passé et pour respecter les équilibres vu la présence massive de figures de l'ancien régime et de représentants du parti RCD…", indique, mardi, le secrétaire général Abdessalem Jerad. La direction du syndicat dénonce aussi "la marginalisation du rôle de l'UGTT dans ledit gouvernement de transition".
Il est vrai que le syndicat n’a pas toujours été tenu à l’écart de l’histoire politique du pays et de ses gouvernements. Souvent vécue comme proche du pouvoir, pilier de la société tunisienne, à la tête aussi de mouvements sociaux depuis des années, traquée, l’UGTT – qui revendique 517 000 adhérents – est une organisation atypique dans le mouvement syndical international.
RCD ET UGTT: Deux piliers qui maillent le pays
"C’est notre histoire, explique Habib Briki, secrétaire général adjoint de l’UGTT, nous avons joué à l’origine un rôle politique. En 1957, Habib Bourguiba [le père de l'indépendance] a fait un gouvernement constitué à 50 % de membres de son parti et à 50 % de l’UGTT. Les volets sociaux et économiques des programmes étaient faits par le syndicat."
Dès les débuts de la République tunisienne, au lendemain de l’indépendance en 1956, l’UGTT et le Parti socialiste destourien, auquel a succédé le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) – ces deux piliers maillent le pays –, ont été parfois étroitement associés, souvent en opposition. Les directions, les secrétaires généraux ont été alternativement très proches du régime ou emprisonnés, voire contraints à l’exil. Mais le syndicat a perdu beaucoup du prestige acquis dans les années 1970.
Yves Veyrier, secrétaire confédéral de l’organisation française Force ouvrière, se rappelle du 21e congrès de l’UGTT auquel il a assisté en décembre 2006, à Monastir, ville côtière du nord tunisien. "La police encerclait la salle où trois tendances s’affrontaient. En fait, raconte ce spécialiste des questions internationales, le gouvernement voulait empêcher l’une d’entre elles de pénétrer dans le congrès et il a fallu, après des affrontements, que la direction négocie avec le pouvoir." Une synthèse a finalement été trouvée et le représentant de la Ligue des droits de l’homme tunisienne, poursuivie par le régime de Ben Ali, est même intervenu lors de ce congrès, se souvient Yves Veyrier.
Vers la fin du syndicalisme unique ?
A la Confédération syndicale internationale (CSI), qui regroupe la quasi totalité des syndicats du monde, dont l’UGTT, on reste prudent. "L’UGTT est une centrale syndicale unique qui a dû, pour exister, faire des concessions, accepter le cadre imposé par le régime", explique un permanent de la CSI. "Une partie des salariés, des jeunes, pourrait demander à l’instar de ce qui se passe au niveau politique, un changement à la tête du syndicat, voire la fin du syndicalisme unique", dit-il encore.
"Aujourd’hui, veut croire le dirigeant Habib Briki, l’histoire ressemble à celle de 1957: la révolte du peuple a été soutenue par l’UGTT, qui a organisé les assemblées générales dans les villes. La grève générale que nous avons menée le 14 janvier dans la région de Tunis a été décisive pour le départ de Ben Ali." Le syndicat, marqueur de l’histoire de la Tunisie, ne veut pas être en dehors de la "révolution du jasmin".
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El Watan - 20 jan 2011
http://www.elwatan.com/evenement/les-tu ... 15_115.php
Alors que la rue ne décolère pas
Les tunisiens s’adaptent au rythme des manifestations
Progressivement, la vie repart à Tunis. Hier, l’activité a repris de façon remarquable, y compris au centre-ville bloqué depuis dix jours par les manifestations quasi quotidiennes. Le rassemblement tenu hier sur le boulevard Habib Bourguiba n’a aucunement dérangé les commerces. Même le fameux Café de Paris est resté ouvert et sa terrasse occupée par les clients qui, parfois, discutaient depuis leurs tables avec les manifestants.
Autant dire que les Tunisois se sont adaptés à la situation et tentent de trouver un juste milieu entre la vie normale de tous les jours et la nécessaire mobilisation pour aboutir aux fins politiques. A quelques centaines de mètres, les célèbres magasins de la Médina de Tunis ont, pour la plupart, rouvert au public, exception faite des boutiques d’articles traditionnels dont les rideaux demeurent fermés en l’absence de touristes.
Il est clair que la machine commerciale et économique du pays fonctionne au ralenti, mais les Tunisois ne comptent pas s’attarder dans cette position. D’ailleurs, toutes les administrations ont repris, en attendant que les écoles rouvrent leurs portes.
La pression est tombée aussi concernant les pénuries qui ont frappé les matières de première nécessité, à l’image du pain et du lait, dont la distribution a repris son cours normal. Les grandes surfaces appartenant aux enseignes Grand Magasin et Monoprix étaient hier parfaitement achalandées et envahies par les clients, comme aux grands jours de la consommation. Seule la distribution de carburant est restée perturbée, comme le montre la fermeture des nombreuses stations-service situées sur le grand boulevard de la Liberté. Au jardin du Belvédère, des adolescents, en tenue de sport, aux couleurs de l’Espérance de Tunis, disputent une partie de football dans une ambiance bon enfant.
Pendant ce temps, sur le boulevard Bourguiba, au pied de l’hôtel El Hana, les manifestants prenaient leur temps. Voilà des heures qu’ils sont là et contrairement aux jours précédents, ils n’ont subi aucune violence de la part des éléments de la brigade antiémeute et ceux en civil portant des gilets blancs. En tout cas, pas encore. Beaucoup de slogans sont affichés sur les pancartes, des slogans essentiellement dirigés contre le RCD que la rue invite à quitter le pouvoir faute de quoi, les manifestations ne s’arrêteront pas. Le rassemblement est organisé, cette fois, par l’UGTT et surtout les fédérations des secteurs de l’éducation, de la santé et des télécommunications, dominées par les militants de gauche. Au milieu de la foule, des banderoles noires et des rouges portant les vieux symboles communistes se distinguent. Le PCOT, le Parti communiste tunisien de Hamma Hammami et les autres tendances trotskystes, écartés du gouvernement transitoire, contribuent fortement dans cette poussée populaire.
Les informations tombent de partout et en continu. Des hommes et des femmes, téléphones à l’oreille, communiquent les nouvelles. Tout le monde est connecté en réseau et chacun peut suivre les derniers événements. Non loin de là, un groupe de militants reçoit en effet un tuyau visiblement d’une extrême importance. L’un d’eux, à peine son portable raccroché, avertit ses collègues, haletant, que le «tortionnaire» Abdallah Kallal, un ponte du régime Ben Ali, se trouve à l’aéroport et tente de fuir la Tunisie.
En un éclair, le petit groupe s’engouffre dans le véhicule qui démarre en trombe en direction de l’aéroport avec l’objectif d’empêcher la tentative. Ainsi est fait le quotidien des Tunisois. Hier, le couvre-feu a été repoussé à 20h. Une mesure qui vient accélérer le retour à la normale en attendant que le bras de fer engagé entre le peuple et le gouvernement de transition ne soit tranché.
AFP, Le Soir (Belgique) - 22 jan 2011
http://www.lesoir.eu/actualite/monde/20 ... 816773.php
Des policiers en nombre dans de nouvelles manifestations en Tunisie
TUNIS - De nombreux Tunisiens, auxquels se sont joints des policiers, ont recommencé à manifester samedi, mêlant revendications sociales et appels à un nouveau gouvernement débarrassé des caciques de l'ancien régime, malgré les promesses de "rupture" de l'équipe de transition.
A Tunis, des milliers de Tunisiens manifestaient dans des cortèges éparpillés dans le centre ville, avenue Habib Bourguiba, devant le siège du gouvernement, ou celui de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), la centrale syndicale, ont rapporté des journalistes et photographes de l'AFP.
De nombreux policiers en civil ou en uniforme, dont quelques motards juchés sur leurs machines, défilaient dans le centre de la capitale, se disant "des Tunisiens comme les autres", pour réclamer la création d'un syndicat de police.
Les cortèges prenaient souvent un tour social, des employés de mairie exigeant ici une amélioration de leurs conditions de travail, des employés de ménage dans les entreprise réclamant là des augmentations de salaires.
En ce deuxième jour, sur trois, de "deuil national" en mémoire des victimes de la révolution du jasmin, - une centaine de morts selon l'ONU - tombés pour la plupart sous les balles de la police, les policiers réclament la création d'un syndicat pour défendre leurs droits.
"Y'en a marre de recevoir les ordres et pour une fois on veut crier notre colère", tempêtait un policier devant le siège de l'UGTT, la puissante centrale syndicale qui a joué un rôle crucial dans la chute de Ben Ali le 14 janvier, en canalisant et politisant une révolte à l'origine sociale. "Nous sommes mobilisés 24 heures sur 24 pour un salaire de misère", dénonçait un agent en montrant sa fiche de paie avec salaire brut de 360 dinars (environ 200 euros).
Des policiers qui manifestaient devant le siège du gouvernement en ont bloqué un moment l'accès à la voiture du président tunisien de transition, Foued Mebazaa, avant d'être écartés en douceur par des collègues en service.
A Sidi Bouzid (centre-ouest), la ville déshéritée d'où est partie la contestation après l'immolation par le feu d'un marchant de fruits, une centaine de policiers se proclamant "victimes" de l'ancien régime ont également manifesté, a constaté un correspondant de l'AFP.
"Nous sommes aussi les victimes de la bande des Trabelsi", scandaient les policiers, en civil et en uniforme, en référence à la famille honnie de la seconde épouse du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, Leïla Trabelsi, qui avait mis le pays en coupe réglée.
Depuis la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite après un mois de révolte populaire, la population exprime ouvertement son hostilité envers la police, forte de 100.000 hommes et instrument privilégié de l'ancien régime répressif.
Tentant d'apaiser la colère de la rue, qui craint de se faire confisquer sa révolte par un gouvernement dominé par les ministres de l'ancienne équipe Ben Ali, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a promis vendredi soir qu'il s'effacerait de la scène politique.
Il a aussi annoncé que "toutes les lois antidémocratiques seront abrogées" pendant la transition: les loi électorales et antiterroriste, ainsi que code de la presse. Il s'est engagé à préserver le statut de la femme qui interdit la polygamie, la gratuité de l'enseignement et l'accès à la santé.
"Il y a une volonté de sortie de crise, mais toujours dans la même incompréhension de l'ampleur du rejet exprimé par la population de tous les symboles de l'ancien régime", a réagi samedi l'opposant Mustapha Ben Jaafar, dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés. "Il a présenté des arguments, parfois tout à fait valables dans une situation normale. Mais nous ne sommes pas dans une situation normale, nous sommes dans une vraie révolution. Il faut aller vite, sans hésitation, trouver une solution globale", a déclaré à l'AFP ce ministre démissionnaire du gouvernement de transition.
En Suisse, un avion appartenant à l'entourage de l'ex-président Ben Ali a été bloqué à l'aéroport de Genève, alors que la Suisse a décidé de geler les avoirs de l'ex-chef d'Etat et de son entourage.
Au Maroc, deux hommes ont tenté de s'immoler par le feu, portant leur nombre à trois depuis les événements de Tunisie, a rapporté samedi le quotidien arabophone Assabah. Des actes similaires ont aussi eu lieu en Algérie, en Egypte et en Mauritanie.
Les Etats-Unis ont dit "douté" vendredi soir que la révolte populaire tunisienne se répète dans la région, malgré des traits communs entre les sociétés arabes.
Antigone a écrit:
1)En face, la révolution de jasmin est une révolution singulière qui change de ce qu'on avait l'habitude de connaitre. Pas de parti dirigeant. Pas de pouvoir alternatif. Pas de leader. Personne n'émerge.
Les manifestations tiennent la rue. Une partie de la police n'obéit plus. Des grèves revendicatives se déclenchent. Des assemblées s'improvisent. Et un millier de manifestants venus de la province viennent d'arriver dans la capitale...
2)Combien de temps cette situation bancale peut-elle encore tenir en l'état ?
3)Combien de temps la bourgeoisie acceptera-t-elle de vivre terrer ?
4)Les révolutions sont des courses de vitesse.
En principe, le temps joue en faveur du pouvoir, mais celui-ci a commis erreur sur erreur qu'il essaie de corriger en lâchant du lest au coup par coup, ce qui l'affaiblit jour après jour.
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