Attentat à la CAN

Attentat à la CAN

Messagede BlackJoker le Lun 11 Jan 2010 16:41

Le samedi 09 janvier 2010, le petit occidental se réveille, prend son café-croissant, et découvre avec stupeur dans les journaux que le bus de l'équipe nationale du Togo a été attaqué par des rebelles "cagoulés" "armés jusqu'aux dents". Il serait prêt à s'en étrangler, le café est trop chaud.
Dès lors, les commentaires vont bon train: " Ce n'est que du football" "Ce sont des monstres".L'indignation est générale, on condamne vivement d'une belle et même voix, à peine teintée de moralisme bourgeois bien pensant et hypocrite, le tout maquillé d'un humanisme libéral si propice d'accoutumée à taire l'inacceptable.
Ce samedi 09 janvier, le petit occidental, au chaud dans le cocon confortable qui lui a été fabriqué,
découvre avec stupeur qu'il y a des gens dans cette région de l'Afrique qui prennent des armes, en viennent à tuer, pour des causes qu'il ignore.
Pourtant l'Angola ce n'est pas ça. Lorsqu'il regarde la télé, il voit au contraire que c'est la fête en Angola. Le football, la fête générale, la musique, un véritable ilot de paradis se dit il.
Alors certains en rajoutent une couche " le football est pris en otage par des terroristes".
La CAN ( coupe d'Afrique des Nations) c'est quelques matchs, des mecs en short sur un terrain, mais surtout, c'est derrière un marché financier important pour l'élite locale.
Les compétitions internationales de football drainent une masse économique et financière considérable, ce qui explique les motivations et moyens d'envergure mis en place par les États pour pouvoir organiser ces compétitions, être sélectionnés. C'est aussi un moyen de divertir la population hexagonale autour d'un mythe patriotique et de lui faire oublier sa misère de vie durant quelques semaines. Tout est fait pour y croire, les médias relaient avec ténacité ce message.
Lorsque cette même population va aux matchs, consomme les produits dérivés liés à la compétition, c'est encore mieux.
La coupe d'Afrique des nations, délaissée durant de nombreuses années car ne représentant pas un intérêt économique réel, s'est vue prise d'un soudain intérêt depuis quelques années.
Des joueurs partis très tôt pour les championnats européens car pas chers à "l'achat", souvent recrutés très jeunes comme du bétail dans des familles à qui l'on promet la gloire et la richesse future, en vendant de l'espoir comme savent si bien le faire les élites capitalistes. En Europe, beaucoup échouent, sont coupés de leur racine, sont trainés de clubs en clubs, revendus à droite à gauche, tel l'avatar moderne d'un esclavagisme ancien.
D'autres, une infime minorité, arrivent à percer, à devenir des stars, des symboles de l'ascension sociale prônée et encensée de ce fait. Et comme ils ne "coutent" rien, le vivier est prospecté par tous. En y ajoutant le fait que depuis les années 1980 le capitalisme mondial néo-libéral tend à imposer ses règles de "libre concurrence", de "libéralisation des marchés" en Afrique via l'OMC et la Banque Mondiale, le football devient pour les élites nationales un attrait économique nouveau, un potentiel marché aux investissements multiples.
La coupe d'Afrique des nations tend donc à suivre le modèle occidental d'un sport identifié comme moyen économique et politique de créer du profit, et d'innovation du contrôle social.
De nouveaux stades remplacent les petits stades vétustes du passé, sur le modèle d'architecture des stades européens, face à l'impératif affiché de "modernisation des stades et du pays". ( le stade est alors pensé comme un lieu privilégié d'expérimentation du concept spectateur-consommateur, à qui l'on vend du spectacle, d'expérimentation du contrôle social avec une technologie de pointe en matière de surveillance policière concernant les comportements suspects -dans et en dehors des stades- ceux qui ne rentrent pas dans ce cadre spectateur-consommateur). Alors le petit occidental est content, enfin l'Afrique ( oui car il y a Une Afrique pour le petit occidental, celle des croyances et cultures primitives coupées au progrès du monde moderne) va s'ouvrir et sortir de sa léthargie.
La pensée unique fait merveilles. Mais elle se heurte parfois à l'imprévu qui vient la mettre devant une glace, devant ses contradictions et ses mensonges.
Les croyances qui l'accompagnent s'effondrent souvent d'elles mêmes. Le petit occidental découvre alors que l'Angola ce n'est pas juste de la danse et des paillettes autour d'un match de football.
L'Angola, c'est aussi 25 ans d'une guerre civile féroce, un pays ravagé et une population divisée, coupée et profondément traumatisée par des années de guerre et de sang.
Mais surtout, c'est un pays exploité jusqu'à la moelle, au mains de puissantes firmes multinationales hier occidentales, aujourd'hui chinoises. Un pays qui possède des très grosses richesses naturelles ( pétrole, autres types de minerai etc) au mains d'une oligarchie politique et économique comme dans tant de pays.
"la croissance! la croissance pour le progrès!! pour la démocratie! Seule la croissance peut les sauver! Et cette coupe peut les aider!" pense alors le petit occidental à qui l'on a inculqué l'idée d'un bonheur passant par la croissance économique.
Et pourtant, ici comme ailleurs, la croissance, ce bout de chiffon agité énergiquement devant des millions de regards attentifs, se détruit d'elle même, dans ses fondements.
Car la croissance est forte dans ce pays, elle est même l'une des plus importantes d'Afrique depuis quelques années, de quoi donner le sourire aux puissants de ce monde. Par sur que le paysans ou l'ouvrier angolais ait envie lui d'en rire. Le mirage passe, la réalité, cruelle, reste. Car cette croissance là, vendue et promise comme une libération, profite toujours à la même minorité politique/économique.
Les 3 quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté, dans la misère, dans des conditions de vie insupportables.
Alors le petit occidental se dit que peut être il pourrait "envisager de comprendre" ce qui pousse des individus à prendre les armes, à se révolter. Car lui aussi l'injustice peut parfois l'écœurer. Mais tout de même, en arriver à tuer des gens, ce n'est bien. Lorsque l'on combat pour la liberté pense t'il, on ne peut user de telles méthodes "barbares" et "indignes".
Mais le miséreux qui s'engage dans l'armée rebelle, lui, s'en tape d'une "éthique révolutionnaire de la liberté" à la mode occidentale, sortie des bouquins de Spinoza, de la bonne morale d'Onfray, ou du bel exemple de non violence de Gandhi. Lui il n'a souvent pas eu les moyens de s'instruire, ni le temps. Lui ne vit pas sa révolte confortablement. Celle ci est un impératif vital, ni plus ni moins. Il veut juste se sortir, lui et sa famille, de la misère, et tous les moyens sont bons pour y parvenir, y compris les "pires" parfois.

Parce que des footballeurs blessés par balle, c'est "odieux", "abjecte", "scandaleux".
Parce que si des civils or compétition avaient été tués dans une attaque armée ou un attentat, ça n'aurait même pas fait une ligne dans les quotidiens de la presse bourgeoise, en France ou ailleurs en dans le monde.
Un nouvel exemple, s'il en était besoin, qu'une vie n'en vaut pas une autre, sur cette terre.
Parce que ce monde là doit périr.

Que crève le "meilleur des mondes " !!
BlackJoker
 

Re: Attentat à la CAN

Messagede Antigone le Lun 11 Jan 2010 18:48

Pour moi aussi, ce feuilleton m'a pompé l'air tout le w-e. C'est fou ce que le pétrole du Cabinda a pris de la valeur depuis 2, 3 jours !
C'est sans doute une préfiguration du cirque que nous allons connaitre au mois de juin avec la coupe de monde en Afrique du Sud, vu qu'ils y aura encore plus de sponsors, plus de télés, plus de flics et tout et tout, dans le pays le plus inégalitaire du monde (d'après le coefficient Gini...)
Je pense qu'on tient déjà un article pour le Ptit Noir du mois prochain.
Ni rouge, ni noir. Révolutionnaire sans drapeau.
L'Autonomie, ça devrait ressembler à ça
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Re: Attentat à la CAN

Messagede BlackJoker le Lun 11 Jan 2010 22:44

Antigone a écrit:C'est sans doute une préfiguration du cirque que nous allons connaitre au mois de juin avec la coupe de monde en Afrique du Sud, vu qu'ils y aura encore plus de sponsors, plus de télés, plus de flics et tout et tout, dans le pays le plus inégalitaire du monde (d'après le coefficient Gini...)



C'est tout à fait ça. D'autant que la coupe du monde implique:
- des retombés médiatiques biens plus importantes encore
-des infrastructures beaucoup plus développés et des marchés énormes à la clef, donc une manne financière bien plus grande
-Un contrôle social "moderne" dans la surveillance et la répression, de part le fait qu'il y aura pas mal de hools, l'exemple de l'Angleterre et des pays de l'est étant les plus pertinents. ( ce qui n'empêchera pas malgré tout des incidents)
Ce contrôle social se fait d'abord au stade, mais il ne faudrait pas croire que les gens qui ne vont pas au stade ne sont pas impliqués, ou que ça ne les regarde pas, puisque ce contrôle social et les techniques de quadrillage en milieu urbain seront expérimentés et mis en place dans toutes les villes qui accueillent les matchs.
BlackJoker
 


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