L'Inde est une mosaïque d'Etats, de cultures, de langues qui est aujourd'hui menacée d'implosion.
L'Inde, autrefois importateur de nourriture, dont la "révolution verte" dans les années 70 avait permis d'accéder à l'autosuffisance en céréales, s'inquiète du déséquilibre entre sa production agricole et la croissance de ses besoins, et se demande ni plus ni moins actuellement si sa sécurité alimentaire n'est pas en péril.
Les chiffres fournis par la Banque mondiale indiquent que la production de riz, aliment de base par excellence, ne représente qu'un tiers de celle de la Chine et environ la moitié de celle du Vietnam ou de l'Indonésie.
La production des autres biens agricoles (à l'exception toutefois de la pomme de terre, de la canne à sucre et du thé) est également en dessous de ceux de ses voisins. Or l'Inde et son 1,1 milliard d'habitants, d'où émerge depuis quelques années une large classe moyenne citadine, devrait devenir le pays le plus peuplé du monde d'ici 2050 selon le fonds des Nations unies pour la population (l'UNFPA).
Lentement mais sûrement, on voit se déssiner les prémisses d'une pénurie des denrées de base, comme les fruits ou les légumes, alors même que l'Inde dépend étroitement des marchés internationaux et des prix élevés sur ces marchés. Et la pire sécheresse depuis près de quarante ans consécutive à la médiocre mousson de l'été 2009 a encore fait empirer la situation.
Une bombe à retardement a été activée. Plus l'Inde peinera dans les prochaines années à nourrir son peuple et plus les risques de crise sociale et d'implosion avant 2020 seront à prendre au sérieux.
Mais autant que le problème alimentaire, une autre menace existe, qui concerne ses approvisionnements en matière première.
C'est ce problème qui est à l'origine de la guerre intérieure dite "anti-terroriste", menée certes contre les mouvements de guerrilla maoiste, mais aussi plus globalement contre les déclassés de ce pays.
Il est difficile d'avoir des informations sur les opérations militaires qui se sont intensifiées depuis quelques mois et qui opposent l'armée indienne à la guerilla maoiste. Voici tout de même un article qui, même s'il exprime un point de vue qui pourrait parfaitement s'intégrer dans un reportage de la BBC, il a le mérite de présenter les origines, les protagonistes et les enjeux économiques de ce conflit.
Une guerre commanditée par les compagnies minières pour expulser les populations tribales... (voir plus haut le premier post de ce topic)
In These times - 16 jan 2010
Le texte qui suit est extrait d’un plus long article "The Heart of Indien is Under Attack" (Le coeur de l’Inde est pris pour cible) qui a été publié en Grande-Bretagne dans The Guardian (journal conservateur).
Le Chemin des larmes indiennes (India's trail of tears)
par Arundhati Roy, femme de lettres assez connue en Inde
Les basses collines au sommet plat du sud de l’Orissa étaient habitées par les Dongria Kondh bien avant qu’il n’y ait un pays nommé l’Inde, ou un état du nom d’Orissa. Les collines veillaient sur les Kondhs. Les Kondhs veillaient sur les collines et les adoraient comme des divinités vivantes. Aujourd’hui, ces collines ont été vendues pour le précieux bauxites qu’elles contiennent. Pour les Kondhs, c’est comme si dieu avait été vendu. Ils demandent combien dieu vaudrait si les dieux étaient Ram, Allah ou Jésus Christ.Peut-être que les Kondhs sont-ils supposés être reconnaissants que leurs Niyamgiri Hills (Collines Niyamgiri), domicile de leur Niyam Raja, Dieu de la Loi Universelle, ait été vendu à une société du nom de Vedanta (nom de la branche de philosophie hindou qui enseigne la Nature Ultime de la Connaissance). C’est une des plus grandes sociétés minières dans le monde, et elle est détenue par Anil Ayarwal, le billionnaire indien qui vit à Londres dans un château qui à un jour appartenu au Shah d’Iran. Vedanta n’est qu’une des nombreuses sociétés multinationales surveillant de près l’Orissa.Si les collines au sommet plat sont détruites, les forêts qui les habillent seront aussi détruites. Il en sera de même des rivières et des ruisseaux qui s’en écoulent et qui irriguent les plaines en dessous. Il en sera ainsi des Dongria Kondhs. Il en sera de même des centaines de milliers de tribaux qui vivent dans le coeur forestier de l’Inde et de ceux dont la patrie est attaquée de manière similaire.
Dans les villes enfumées et bondées d’Inde, certaines personnes disent « Et alors ? Quelqu’un doit payer le prix du progrès ». Certains disent même « Voyons les choses en face, ce sont des gens dont l’heure est venue. Regardez n’importe quel pays développé – Europe, Etats-Unis, Australie – ils ont tous un passé ». En effet, ils en ont un. Donc pourquoi ne devrions "nous" pas en avoir un ?
Conformément à cette ligne de pensée, le 3 décembre 2009, le gouvernement a déclenché l’Opération Green Hunt, une guerre prétendument contre les rebelles maoïstes dont les quartiers généraux se trouvent dans les jungles du centre de l’Inde. La guerre est programmée pour durer cinq ans et déploie jusqu’à 7000 troupes policières et paramilitaires.
Bien sûr, les maoïstes ne sont nullement les seuls à se rebeller. Il y a un ensemble varié de luttes dans tout le pays dans lesquelles les gens sont engagés – les sans-terre, les Dalits les sans-abris, les ouvriers, les paysans, les tisserands. Ils s’opposent au poids des injustices, y compris les politiques qui autorisent une grosse société à prendre la direction de la terre du peuple et de ses ressources.
Cependant, ce sont les maoïstes que le gouvernement a choisi comme étant la plus grande menace.
Il y a deux ans, quand les choses étaient loin d’être mauvaises comme aujourd’hui, le premier ministre Manmohan Singh a décrit les maoïstes comme ‘l’unique plus grande menace pour la sécurité interne’ pour le pays. Cela restera probablement dans les annales comme la chose la plus populaire et la plus souvent répétée qu’il n’ait jamais dite. Pour certaines raisons, le commentaire qu’il a fait au meeting des principaux ministres d’Etat en janvier 2009, quand il a décrit les maoïstes comme ayant seulement des "capacités modestes" ne semble pas avoir eu le même intérêt brut. Il a révélé la réelle inquiétude de son gouvernement plus tard cette année-là en juin, lorsqu’il a dit au parlement: « si l’extrémisme de gauche continue à prospérer dans les parties qui ont des ressources minérales naturelles, le climat pour l’investissement en serait certainement affecté ».
Les insurgés maoïstes
Qui sont les maoïstes ?
Ils sont membres du Communist Party of India – Maoist interdit, également connu comme le CPI-M, un des nombreux descendants du Communist Party of India – Marxist-Leninist (CPI-ML), qui a mené le soulèvement en 1969 et a été liquidé par le gouvernement indien par la suite. Les maoïstes croient que l’inégalité structurelle innée de la société indienne ne peut être réparée que par le renversement violent de l’Etat indien. Dans leurs avatars antérieurs tels que le Maoist Communist Center (MCC) dans le Jharkhand et le Bihar, et le People’s War Group (PWG) dans l’Andhra Pradesh, les maoïstes avaient un soutien populaire formidable. Lorsque l’interdiction les visant a été brièvement levée en 2004, 1,5 millions de personnes ont assisté à leur rassemblement à Warangal.
Leur intercession dans l’Andhra Pradesh s’est mal terminée. Ils ont laissé un héritage violent qui a transformé certains de leurs plus loyaux supporters en critiques sévères. Après un paroxysme de massacres et de contre-massacres tant de la police de l’Andhra Pradesh que des maoïstes, le PWG était décimé. Ceux qui ont réussi à survivre ont fui l’état d’Andhra Pradesh vers l’état voisin du Chhattisgarh, où, dans le coeur profond de la forêt, ils se sont joints à des collègues qui étaient déjà là depuis des décennies.
Peu d’étrangers ont une expérience de première main du mouvement maoïste dans les forêts. Un interview récent dans "Open", un magazine hebdomadaire indien, avec son haut dirigeant camarade Ganapathy (né Mupalla Laxman Rao) n’a pas fait grand chose pour changer les esprits de ceux qui voient les maoïstes comme un parti ayant une vision impitoyable et totalitaire qui ne supporte aucune dissidence que ce soit. Camarade Ganapathy n’a rien dit qui pourrait persuader la population que, si les maoïstes venaient à accéder au pouvoir, ils serainet préparés pour examiner convenablement la diversité presque folle de la société indienne en proie aux castes. Son approbation désinvolte des Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE – Tigres de la Liberté du Tamil Eelam) du Sri Lanka était assez pour faire frissonner même les colonnes vertébrales les plus sympathiques, pas seulement à cause des manières brutales avec lesquelles les LTTE ont décidé de mener cette guerre, mais également à cause de la tragédie cataclysmique qui s’est abattue sur la population Tamoul du Sri Lanka, qu’ils affirmaient représenter, et dont ils doivent certainement prendre la responsabilité du sort.
Actuellement en Inde centrale, l’armée de guérilla maoïste est presque entièrement constituée de tribaux désespérément pauvres vivant dans des conditions de faim chronique que l’on peut associer avec celles de l’Afrique sub-saharienne. Il y a des gens qui, même après 60 ans de soi-disant indépendance de l’Inde, n’ont pas d’accès à l’éducation, aux soins de santé ou au redressement judiciaire. Il y a des gens qui ont été exploités sans pitié durant des décennies, constamment trompés par les petits hommes d’affaire et les prêteurs sur gage, les femmes violées par la police et le personnel du département forestier comme une question de droit. Leurs chemin de retour vers un semblant de dignité est en grande partie dû au cadre maoïste qui a vécu, travaillé et combattu à leurs côtés durant des décennies.
En 2008, un groupe d’experts nommés par la Planning Commission a soumis un rapport appelé ‘Les défis du développement dans les régions occupées par les "extrémistes". Il disait: « Le mouvement naxalite (maoïste) doit être reconnu en tant que mouvement politique disposant d’une base solide parmi les sans-terre, la paysannerie pauvre et les adivasis (peuple indigène d’Inde). Son émergence et sa croissance doivent être contextualisées dans les conditions sociales et l’expérience des gens qui en forment une partie. L’énorme fossé entre politique d’Etat et interprétation est une caractéristique de ces conditions. Cependant, son idéologie à long terme affirmée est en train de conquérir le pouvoir d’Etat par la force et dans sa manifestation au jour le jour, cela doit être fondamentalement vu comme un combat pour la justice sociale, l’égalité, la protection, la sécurité et le développement local ».
Un cri très éloigné de la "plus grande menace pour la sécurité interne" affirmé par le pays.
Le rapport de la Commission de Planification a ensuite conclu « Puisque les objectifs du mouvement sont politiques, il doit être examiné politiquement. La négociation est le seul instrument politique pour une telle réponse dans une démocratie ».
Personne n’a écouté.
Guerre à la "Sri Lankaise"
Dans le but de garder ses citoyens les plus aisés absolument hors de danger de ces personnes dangereuses, le gouvernement leur a déclaré la guerre. Une guerre qui, nous dit-il, pourrait prendre trois à cinq ans pour être gagnée. Etrange, n’est-ce pas, que même après les attaques de Mumbai en 2008, le gouvernement était prêt à discuter avec le Pakistan ? Mais lorsqu’il vient à mener une guerre contre les pauvres, il joue un jeu dur.
Il n’est pas suffisant que la police que la police spéciale avec des noms totémiques tels que Greyhounds, Cobras et Scorpions parcourt les forêts avec un permis de tuer. Cela ne suffi pas que la Central Reserve Police Force (CRPF – Réserve de la Force de Police Centrale), la Border Security Force (BSF – Force de Sécurité Frontalière) et le notoire Bataillon Naga aient déjà entraîné des dégâts et commis des atrocités excessives dans les villages forestiers éloignés. Ce n’est pas assez que le gouvernement soutienne et arme la Salwa Judum (Purification Hunt – Chasse de Purification), une ‘milice populaire’ d’auto-défense privée qui a tué, violé et brûlé tout le long de son chemin à travers le district du Dantewada, Chhattisgarh, laissant 300000 personnes sans-abris ou en fuite. Maintenant, en date du 3 décembre 2009, le gouvernement a entamé l’Opération Green Hunt.
L’Opération Green Hunt déploie la police frontalière indo-tibétaine et des dizaines de milliers de troupes paramilitaires. Elle mettra en place un quartier général et une brigade dans le district de Bilaspur (déplaçant neuf villages) et une base aérienne dans le district de Rajnandyaon (en déplaçant sept). Les hélicoptères de la force aérienne indienne ont reçu le droit de faire feu pour ‘l’auto-défense’ – un droit que le gouvernement refuse à ses plus pauvres citoyens.
Faire feu sur qui ? Comment les forces de sécurité seront-elles capables de distinguer un maoïste d’une personne ordinaire qui court à travers la jungle ? Les adivasis transportant les arcs et les flèches qu’ils ont transporté depuis des siècles sont considérés comme des maoïstes aujourd’hui. Les sympathisants maoïstes non-combattants sont-ils des cibles valides? Lorsque j’étais dans le Dantewada, le commissaire de police m’a montré les photos de 19 ‘maoïstes’ que ‘ses hommes’ avaient tué. Je lui ai demandé comment je devais dire qu’ils étaient maoïstes. Il a dit, « voyez m’dame, ils ont des médicaments contre le paludisme, des bouteilles de Detol, toutes ces choses de l’extérieur ».
Quel type de guerre l’Opération Green Hunt va-t-elle être ? Le saurons-nous jamais ? Peu de nouvelles sortent des forêts. Lalgarh dans le Bengale occidental a été barré. Ceux qui essayent d’y entrer sont battus et arrêtés. Et appelés maoïstes, bien sûr.
En l’espace de quelques heures le 17 mai 2009 dans le Dantewada, 500 forces de sécurité du gouvernement ont rasé hors de l’existence l’Ashram Vanvasi Chetan, un ashram de Ghandi. C’était le dernier avant-poste neutre avant le début de la zone de guerre, un endroit où les journalistes, les activistes, les chercheurs et les équipes d’enquête pouvait rester pendant qu’ils travaillaient dans la région.
Pendant ce temps, l’Establishment indien a déchaîné son arme la plus puissante. Pratiquement du jour au lendemain, nos médias intégrés ont substitués leurs source constante d’histoires plantées, étayées et hystériques à propos du ‘terrorisme islamique’ en histoires plantées, étayées et hystériques à propos du ‘terrorisme Rouge’. Au milieu de ce boucan, à la base, le cordon du silence est inexorablement resserré.
La "solution Sri Lanka" pourrait bien être dans les cartes. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement indien a empêché un mouvement européen dans l’UN demandant une enquête internationale sur les crimes de guerre commis par le gouvernement du Sri Lanka durant sa récente offensive contre les Tigres Tamouls.
Le premier mouvement dans cette direction est la campagne concertée qui a été orchestrée pour transformer les multiples fomes de résistance survenant dans ce pays en un simple binaire de Georges Bush: "si tu n’es pas avec nous, tu es avec les maoïstes". L’exagération délibérée de la "menace" maoïste aide l’Etat à justifier la militarisation. Pendant que toute l’oxygène est dépensée par cette nouvelle "guerre contre le terrorisme", l’Etat utilisera l’opportunité pour éponger les centaines d’autres mouvements de résistance dans le coup de balais de son opération militaire, les traitant tous de sympathisants maoïstes.
Une fois la guerre commencée, comme toutes les guerres, elle développera une vitesse, une logique et une économie qui lui sera propre. Cela deviendra une manière de vivre, pratiquement impossible à inverser. Les policiers seront appelés à se comporter comme une armée, une machine à tuer impitoyable. Les paramilitaires seront appelés à devenir comme la police, une force administrative corrompue et bouffie. Nous avons vu que cela est arrivé dans les états du Nagaland, de Manipur et du Kashmir. La seule différence dans le ‘coeur’ sera qu’il deviendra très rapidement évident aux forces de sécurité qu’elles ne sont qu’un tout petit peu moins misérables que les gens qu’elles combattent. Avec le temps, la division entre la population et ceux qui font appliquer la loi deviendra poreuse. Les fusils et les munitions seront achetées et vendues. En fait, cela arrive déjà. Que ce soit par les forces de sécurité ou les maoïstes ou les civils non-combattants, les gens les plus pauvres mourront dans cette guerre de gens riches.
Métal précieux
Donc, de quelle sorte d’argent parle-t-on ?
Dans leur prochain livre "Hors de cette Terre: les Adivasis de l’Est de l’Inde et le Cartel de l’Aluminium" ("Out of this Earth: East India Adivasis and the Aluminium Cartelj"), Samarendra Das et Felix Pradel écrivent que la valeur financière des dépôts de bauxite rien que dans l’état d’Orissa est de 2,27 trillions de dollars (plus de deux fois le PIB de l’Inde). C’était au prix de 2004. Aujourd’hui, il serait d’environ 4 trillions de dollars. Au-delà de l’Orissa, augmentez ces 4 trillions de dollars pour inclure la valeur des millions de tonnes de minerai de fer de haute qualité des états du Chhattisgarh à l’ouest et du Jharkhand au nord, et les 28 autres ressource de minerai précieux, y compris l’uranium, le calcaire, le dolomie, le charbon, l’étain, le granit, le marbre, le cuivre, le diamant, l’or, le quartzite, le corindon, le béryl, l’alexandrite, le silice, la fluorine et le grenat. Ajoutez à cela les usines puissantes, les barrages, les autoroutes, les fabriques d’acier et de ciment, les fonderies d’aluminium et les autres projets d’infrastructure pour estimer l’ampleur de l’opération et le désespoir des parties prenantes. Souvent, si la compagnie minière en est une connue et reconnue, les chances sont que, même si le minerai est toujours dans la montagne, il aura déjà été échangé sur les marchés futurs.
Il y a des contrats sur chaque montagne, rivière et clairière de forêt. Nous parlons d’une ingénierie sociale et environnementale à une échelle inimaginable. Et la plupart de ceci est secret. Ce n’est pas dans le domaine publique. Nos chaînes d’informations 24h sur 24 qui sont tellement occupées à chasser les histoires macabres de la violence maoïste – et les créant quand la vraie chose s’épuise, semblent n’avoir aucun intérêt pour ce côté de l’histoire. Je me demande pourquoi ?
Peut-être est-ce parce que le lobby du développement duquel ils sont tellement sous l’emprise dit que l’industrie minière rehaussera le taux de croissance du PIB de façon spectaculaire et fournir de l’emploi à tous les gens qu’il déplace. Cela ne prend pas en compte les coûts catastrophiques des dégâts environnementaux. Mais même dans ses propres termes étroits, c’est tout simplement faux. La plupart de l’argent va sur les comptes en banque des sociétés minières. Un très petit pourcentage des personnes déplacées trouvent un emploi, et ceux là gagnent des salaires de misère pour un travail humiliant et éreintant. En nous affaissant à ce paroxysme d’avidité, nous soutenons l’économie d’autres pays avec notre écologie.
Quand l’échelle de l’argent impliqué est telle qu’elle est, les parties prenantes ne sont pas toujours faciles à identifier. Entre les PDG dans leurs jets privés et les misérables officiers tribaux de police spéciale dans les milices ‘populaires’ qui pour 2000 roubles par mois combattent leur propre peuple, violent, tuent et brûlent des villages entiers en s’efforçant de nettoyer la terre pour l’exploitation minière – il y a un univers entier de parties prenantes primaires, secondaires et tertiaires.
Ces personnes n’ont pas à exprimer leurs intérêts, mais ils sont autorisés à utiliser leurs positions et leurs missions de bons offices pour les encourager. Comment pourrons-nous jamais savoir quel parti politique, quels ministres, quels premiers ministres, quels politiciens, quels juges, quelles ONG, quels experts consultants, quels officiers de police, ont un intérêt direct ou indirect dans le butin? Comment saurons-nous quels journaux relatant la dernière "atrocité" maoïste, quelles chaînes de télévision "faisant un reportage directement depuis la base" – ou plus précisément, faisant un point de ne pas intervenir depuis la base, ou même encore plus précisément, mentant de manière flagrante depuis la base – sont parties prenantes.
Trop de questions à propos des conflits d’intérêt et de copinage restent sans réponse.
Que faut-il penser du fait que le ministre des Affaires Etrangères P. Chidambaram, le chef de l’Opération Green Hunt, était un administrateur non-exécutif de la compagnie minière Vedanta – une position de laquelle il a démissionné le jour où il est devenu ministre des Finances en 2004 ?
Que faut-il penser du fait que, lorsqu’il est devenu ministre des Finances, une des premières autorisations qu’il ait donné pour permettre l’investissement étranger direct, ait été à Twinstar Holdings, une compagnie basée à l’île Maurice, pour acheter des actions dans Sterlite, une partie du groupe Vedanta ?
Que faut-il penser du fait que, quand les activistes de l’Orissa ont déposé plainte contre Vedanta à la Cour Suprême d’Inde, citant ses violations des lignes directrices du gouvernement et mettant en avant que le Fond de Pension de Norvège avait retiré son investissement dans la société alléguant des flagrants dégâts environnementaux et des violations des droits de l’homme commis par la compagnie, le juge Kapadia ait suggéré que Vedanta soit remplacé par Sterlite ?
Et puis ait annoncé joyeusement lors d’une séance publique que lui aussi avait des actions Sterlite ? Il a donné l’autorisation de déforestation à Sterlite pour continuer son exploitation minière, malgré le fait que le propre comité d’experts de la Cour Suprême avait explicitement dit que la permission devait être refusée et que l’exploitation minière ruinerait les forêts, les sources d’eau, l’environnement et les vies et milieux de vie des milliers de tribaux qui vivent là.
Que faut-il penser du fait que juste au moment où le premier ministre Singh a commencé à appeler les maoïstes "l’unique plus grande menace pour la sécurité interne" (un signal que le gouvernement se préparait à s’attaquer à eux), le prix des actions de nombreuses compagnies minières de la région est monté en flèche.
Les sociétés minières ont désespérément besoin de cette guerre. Ils vont y trouver une fortune, un très grande fortune si les opérations de contre-insurrection du gouvernement indien expulsent avec succès les populations tribales qui ont jusqu’à présent réussi à résister aux tentatives pour les conduire en dehors de leurs terres ancestrales.
Mais que les coffres des compagnies minières débordent ou que l’Opération Green Hunt augmente simplement les rangs des maoïstes, cela reste à voir.