AFP, France24 - 21 fev 2011
http://www.france24.com/fr/20110221-lib ... -bain-sang
Libye: plusieurs villes aux mains des manifestants
le fils du leader menace d'un bain de sang
Les violences en Libye ont atteint la capitale Tripoli, où des bâtiments publics ont été incendiés dans la nuit de dimanche à lundi, Seïf Al-Islam, le fils du leader contesté Mouammar Khadafi, brandissant la menace d'un bain de sang dans le pays.
La Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme a affirmé que plusieurs villes libyennes, dont Benghazi et Syrte, étaient tombées aux mains des manifestants à la suite de défections dans l'armée. La Fédération avance également un bilan de 300 à 400 morts depuis le début du soulèvement.
La police libyenne a déserté dimanche midi Zaouia, à 60 km à l'ouest de Tripoli, qui est depuis livrée au chaos, ont déclaré à l'AFP plusieurs Tunisiens arrivant de cette ville lundi matin à Ben Guerdane, en Tunisie, près de la frontière entre les deux pays.
"Il y a des affrontements entre pro et anti-Khadafi depuis deux jours et la police a quitté la ville dimanche midi. Depuis hier, tous les magasins sont fermés, une maison de Kadhafi a été brûlée. Des gens ont volé les voitures de policiers, il y a des braquages sur les routes", a raconté Omar Dhawadi, coiffeur de 30 ans, dont les propos ont été confirmés par une dizaine de personnes.
"Il y a des tireurs, des violences, des maisons brûlées. Il n'y a pas de police, elle est partie depuis hier matin. Dans le centre-ville, il y a des manifestations de partisans de Kadhafi", a dit un maçon de 27 ans.
Les manifestations contre le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans après avoir renversé en 1969 le roi Idriss, ont également gagné dimanche la capitale Tripoli.
Selon des témoins contactés lundi par l'AFP, le siège d'une télévision et d'une radio publiques ont été saccagés dans la soirée par des manifestants et des postes de police et des locaux des comités révolutionnaires ont été incendiés.
Près du centre-ville, la "salle du peuple", où se déroulent souvent des manifestations et des réunions officielles, a également été incendiée et une colonne de fumée s'élevait lundi matin au-dessus de cet important bâtiment gouvernemental, où les pompiers étaient toujours à l'oeuvre.
Dans le quartier résidentiel de Hay Al-Andalous, le commissariat de police a été incendié dans la nuit. Et dans le quartier populaire de Gurgi, une voiture calcinée et des débris de pierres témoignaient d'affrontements récents.
"La Libye n'est pas comme la Tunisie ou l'Egypte (...). Il n'a ni société civile ni partis politiques", a lancé Seïf Al-Islam lors d'une allocution télévisée dans la nuit de dimanche à lundi en allusion aux révoltes qui ont provoqué la chute des présidents de ces deux pays.
Les "forces qui tentent de détruire la Libye et de la démembrer sont armées et le résultat sera une guerre civile. Personne ne se soumettra à l'autre et nous nous battrons", a-t-il prévenu. Si le pays se divise, "la Libye tombera dans une guerre civile (...), nous nous entretuerons dans les rues".
Depuis le début du mouvement de protestation en Libye, le colonel Kadhafi n'a fait aucune intervention publique.
Seïf Al-Islam, qui a conduit pendant un temps le courant réformateur, a affirmé que la Libye était la cible d'un complot étranger, et que des éléments libyens et étrangers tentaient de détruire l'unité du pays pour instaurer une république islamiste.
Il a reconnu que plusieurs villes du pays, dont Benghazi et Al-Baïda dans l'est, étaient la proie de violents combats et que les émeutiers s'étaient emparés d'armes militaires. Selon lui, des chars étaient aux mains de civils à Benghazi.
Le fils du colonel Khadafi a promis des réformes et annoncé que le Congrès général du peuple (Parlement) se réunirait bientôt pour décider d'un nouveau code pénal et de nouvelles lois donnant "des perspectives de liberté" pour la presse et la société civile, ainsi que du lancement d'un dialogue sur une Constitution.
Sur les marchés, l'instabilité dans ce riche pays pétrolier et les craintes de propagation aux pays de la région gros producteurs de brut ont fait grimper les cours. A Londres, le baril est passé au-dessus de 105 dollars, pour la première fois depuis fin septembre 2008, avant de légèrement redescendre à la mi-journée.
La Libye, membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et 4ème producteur de pétrole en Afrique, exporte la majorité de son pétrole vers les pays d'Europe, en particulier l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne et la France.
Face à la répression sanglante des manifestations, des diplomates libyens en poste à l'étranger ont commencé à faire défection. L'ambassadeur de Libye en Inde, Ali Al-Issawi, a annoncé lundi à la BBC qu'il avait démissionné pour protester contre la violente répression par le régime des manifestations.
Un diplomate libyen en poste en Chine, Hussein Sadiq al Mousrati, avait auparavant annoncé sa démission et appelé tous les membres du personnel diplomatique libyen à faire de même, selon Al-Jazira.
Dimanche, le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Honi, avait annoncé sa démission pour rejoindre "la révolution" et protester contre la "violence contre les manifestants".
Les pays européens réfléchissaient à l'évacuation de leurs citoyens de Libye, mais restaient divisés entre partisans de la fermeté et de la prudence à l'égard de Mouammar Kadhafi.
Certaines entreprises comme le géant pétrolier britannique BP et la compagnie pétrolière norvégienne Statoil se préparaient à évacuer leurs personnels. Le groupe italien d'aéronautique et de défense Finmeccanica a déjà rapatrié sa dizaine de salariés.
Selon l'ambassadeur de Tunisie en Libye, Slah Eddinne Jemali, environ un millier de Tunisiens vivant en Libye souhaitaient être rapatriés.
Un suivi des événements de la journée en direct:
(j'édite au fur et à mesure)
Le Monde - 21 fev 2011
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2 ... _3212.html
61 personnes ont trouvé la mort dans des affrontements à Tripoli depuis ces dernières heures, rapporte lundi la chaîne Al-Jazeera. La Salle du peuple, bâtiment où siège le Congrès général du peuple, l'équivalent du Parlement, était la proie des flammes lundi matin, a déclaré un correspondant de Reuters. Al-Jazeera cite des sources médicales à l'appui de son bilan.
La répression des manifestations a fait au moins 233 morts en Libye depuis jeudi, principalement à Benghazi dans l'est du pays, selon le dernier décompte établi par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch auprès de sources dans des hôpitaux. Al-Jazeera ajoute que des membres des forces de sécurité pillent des banques et des bâtiments publics dans la capitale et que des protestataires ont pris d'assaut plusieurs commissariats, qu'ils ont saccagés.
13h 50: Selon Reuters, un commissariat de police dans l'est de Tripoli a été pris et incendié par les manifestants.
Plusieurs villes libyennes, dont Benghazi, Syrte (?), sont tombées aux mains des manifestants à la suite de défections dans l'armée, a affirmé lundi la Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme (FIDH), qui avance un bilan de 300 à 400 morts depuis le début du soulèvement.
14h 11: Des douaniers et policiers libyens ont déserté pendant quelques heures la frontière au principal point de passage entre la Libye et la Tunisie à Ras Jdir, indiquent des sources militaires, douanières, et des témoins tunisiens venant du territoire libyen. "Il n'y a plus de douaniers ni de policiers libyens au point de passage libyen", a déclaré en début de matinée un douanier du côté tunisien de la frontière à Ras Jdir situé à une trentaine de kilomètres de Ben Guerdane. "C'est nous qui nous occupons de tout à la frontière", a confirmé un militaire.
14h 19: Les protestations gagnent la ville de Ras Lanouf, indique le journal libyen Kourina. Cette ville de l'est du pays est notamment connue pour abriter une importante raffinerie de pétrole.
14h 26: Evacuations. Le groupe pétrolier italien ENI annonce avoir entamé l'évacuation de ses salariés "non essentiels" expatriés en Libye ainsi que des familles de tous ses salariés. Si les Italiens evacuent (dont l'ENI), ça veut dire que ca tourne vraiment mal pour Kadhafi.
14h 29: Des témoins cités par l'AFP indiquent que la police a déserté la ville de Zaouia.
14h 51: Selon la Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme, les villes suivantes ne sont plus sous le contrôle des autorités : Benghazi, Tobrouk, Misrata, Khoms, Tarhounah, Zeiten, Zaouia et Zouara. Selon elle, les violences lors des manifestations demandant le départ du dirigeant libyen ont fait "entre 300 et 400 morts, probablement plus près de 400".
15h 11: Des témoins à Syrte ont démenti lundi auprès de l'AFP la chute de cette ville aux mains des manifestants anti-Kadhafi, comme l'avait affirmé la Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme. Pour mémoire, Syrte est la ville natale du colonel Kadhafi.
15h 21: Le ministre de la justice, Mustapha Abdeljalil, annonce sa démission pour protester contre un "recours excessif à la violence contre les manifestants", rapporte le journal libyen Kourina sur son site Internet. Le journal précise avoir parlé au ministre par téléphone. Sa démission n'a pas été confirmée officiellement pour l'instant. Ce ministre avait déjà fait part de son envie de démissionner en dénonçant des "entraves" dans son travail. Fin janvier, il évoquait son "incapacité" à libérer 300 prisonniers dont l'innocence avait été établie.
16h 10: Des rumeurs évoquent un départ de Kadhafi vers le sud du pays, d'autres un départ à l'étranger; nous n'avons pas d'informations fiables sur ce point.
16h 18: La Bourse italienne souffre des événements libyens. L'indice vedette de la Bourse de Milan, le FTSE Mib, chutait de 3,34 % à 22 289 points vers 16 heures, en raison des violences en Libye dont les liens économiques sont très étroits avec l'Italie.
16h 32: Economie toujours. l'agence de notation Fitch abaisse la note de la Libye de de BBB+ à BBB.
16h 39: Selon le site Al-Yawm, repris par la BBC, le chef de l'armée, Abou-Bakr Younis Jabir, est sous résidence surveillée depuis qu'il a pris position pour les manifestants anti-régime.
16h 56: Le récit de plusieurs témoins à l'AFP sur la situation dans la ville de Zaouia: "Il y a eu des affrontements entre pro et anti-Kadhafi, et la police, quand elle a vu tout ça, elle a quitté la ville dimanche midi", raconte Omar Dhawadi, coiffeur de 30 ans. Après "il y a eu des tireurs, des violences, des maisons brûlées. Il n'y a pas de police", confirme un maçon de 27 ans sous couvert de l'anonymat. Les affrontement ont culminé dimanche dans l'après-midi, selon ces Tunisiens interrogés par l'AFP qui ont rejoint lundi la Tunisie par la route en empruntant le principal point de passage entre les deux pays Ras Jdir, à une trentaine de km de Ben Guerdane. Cela avait commencé par des manifestations de partisans du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Puis des opposants ont pris la rue. Et la police s'est évanouie laissant la ville en proie à la violence. "Des Libyens brûlent tout ce qu'ils voient, ils cassent tout, s'attaquent aux établissements publics", dit Lofti, maçon de 23 ans choqué par les violences et les trois morts qu'il dit avoir vus. "Depuis hier, tous les magasins sont fermés, on ne peut pas travailler, les prix sont multipliés par deux. Une maison de Kadhafi et de son fils ont été brûlées. Il y a des braquages, des gens ont volé des voitures de policiers", poursuit M. Dhawadi. Personne ne semble comprendre qui tient la ville six jours après le début mardi de la contestation populaire sans précédent contre le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, dans le sillage des révolutions en Tunisie et en Egypte. Lofti raconte les "tirs, les gens avec des pistolets". "On ne comprend pas qui tire, des policiers (en civil), des partisans ou des opposants de Kadhafi", dit-il. "Il y a quatre jours, ils ont fait s'enfuir des prisonniers durant la nuit", avance un ouvrier d'une vingtaine d'années sous couvert de l'anonymat sans pouvoir dire qui a favorisé l'évasion.
Ces témoins racontent aussi que "des" Libyens, dont ils ignorent qui ils sont, se sont livrés à une véritable chasse aux Tunisiens et aux Africains. "Ils vont dans les maisons des Tunisiens et des Africains, ils disent que c'est à cause de nous" dit M. Dhawadi sans comprendre de quoi ils sont accusés ni par qui. "Hier, des Libyens ont incendié avec du pétrole la maison dans laquelle j'habitais. D'autres Libyens nous ont défendus", raconte le maçon de 27 ans encore terrorisé. Ils parlent de Tunisiens tués.
Plus de 2 300 Tunisiens vivant en Libye ont fui ce pays depuis dimanche par voie terrestre. Incendies et tirs se sont poursuivis toute la nuit de dimanche jusqu'à l'aube lundi matin, disent ces témoins. La situation semblait s'être calmée ensuite. Mais sur la route qui mène à la frontière, ces Tunisiens décrivent d'autres scènes d'anarchie.
"La police est partie de plusieurs villes", affirme Nizaral Ayyed, 31 ans, qui préfère rester discret sur son métier. D'autres parlent de militaires qui auraient fait défection comme à Zouara, à 60 km de la frontière.
"Sur la route, il y a des braquages. Des voitures sont bloquées par des barrières et des pierres, des hommes armés de matraque qui volent tout ce qu'ils trouvent. D'autres prennent la place de la police demandent les passeports, ouvrent les coffres", dit Riadh, mécanicien de 23 ans.
17h 09: A propos des mercenaires étrangers qu'auraient utilisés Kdhafi, cette vidéo montre l'arrestation par la foule d'un homme qui serait un mercenaire africain, dans l'est du pays. La vidéo da été postée ce lundi. Selon la traduction de France 24, on entend l’homme encerclé par la foule répondre en arabe à des questions.
Un manifestant: "Qui donne les ordres?"
L’homme : "Des gradés. Je jure, je jure… des ordres, ordres"
Un manifestant: " Ils vous ont dit de tirer à balles réelles?"
L’homme: "Oui, oui".
La foule commence à le battre. On entend de nombreuses personnes dire: " Non, ne faites pas comme ça… faisons le parler. Nous ne pouvons pas faire comme eux…".
http://www.youtube.com/watch?v=2wbnhHp4 ... r_embedded
17h 28: Sur Twitter, des dizaines de messages évoquent des "massacres" en cours à Tripoli. Des civils seraient pris pour cible et de nombreux témoignages évoquent des "mercenaires" à l'oeuvre. Pendant ce temps, la télévision d'Etat indique que les forces de sécurité ont lancé une opération contre les "terroristes".
17h 30: Le secrétaire au Foreign Office britannique dit avoir "eu vent" d'informations laissant penser que Kadhafi est en route pour le Venezuela. Information Reuters.
17h 33: Selon Al Jazeera, des avions de chasse ont tiré contre les manifestants à Tripoli. Des tirs à balles réelles sont également signalés. Sur Twitter, des messages affirmant que Benghazi a également été la cible de tirs depuis des avions militaires.
18h 18: Deux hélicoptères et deux chasseurs de l'armée de l'air libyenne se sont posés lundi de façon inattendue sur une piste aérienne à Malte (17h02). Il s'agit de Dassault Mirage F1. On peut légitimement penser que leurs pilotes ont peut-être refusé de tirer sur leurs concitoyens et n'ont donc pas voulu retourner à leur base où leur avenir aurait été compromis. Précisons que les Mirage F-1 étaient dotés de deux réservoirs supplémentaires leur permettant justement d'attendre Malte, en pleine Méditerrannée.
18h 19: Les Etats-Unis ont ordonné lundi le départ de Libye de leur personnel diplomatique "non essentiel" en raison des violences en cours dans ce pays, a annoncé le département d'Etat.
18h 22: Selon un opposant installé à Londres et interrogé par le Guardian, les bateaux de guerre libyens bombardent un quartier de Tripoli depuis la côte.
SwissInfo - 21 fev 2011
http://www.swissinfo.ch/fre/dossiers/le ... 8&rss=true
« Benghazi est libre, les gens chantent dans la rue »
par Julia Slater, Samuel Jaberg, swissinfo.ch
Plusieurs villes libyennes, dont Benghazi, bastion de l'opposition anti-Kadafhi, sont tombées lundi aux mains des manifestants. Le témoignage d'Ahmad Bentaher, médecin à l'hôpital Jala'a, qui a vu affluer des dizaines de victimes depuis le début du soulèvement.
Après maintes tentatives, le coup de fil aboutit enfin. «Nous pouvons recevoir des appels, mais toutes les communications vers l’extérieur sont coupées». Ahmad Bentaher, médecin du principal hôpital de Benghazi, assiste depuis une semaine en première ligne au soulèvement contre le régime du colonel Kadhafi.
D’après son témoignage, Benghazi, comme d’autres villes, notamment sur l’est de la côte libyenne, serait tombée lundi aux mains des manifestants. La révolte atteint également la capitale Tripoli, où plus de 60 personnes auraient trouvé la mort lundi.
swissinfo.ch: Quelle est la situation actuellement à Benghazi ?
Ahmad Bentaher: Après les violentes émeutes de dimanche, les forces spéciales de l’armée ont rejoint les manifestants. Ils ont pris le dessus sur les milices privées de Kadhafi et pris le contrôle de la ville. Les paramilitaires ont quitté Benghazi. Depuis le début des émeutes, les trois principaux hôpitaux de la ville ont comptabilisé plus de 300 morts et 2000 blessés. Nous devons encore opérer de nombreuses personnes et nous manquons de matériel médical. Rien que dimanche, 61 personnes ont été tuées, dont un enfant de trois ans.
swissinfo.ch: Y-a-t-il un risque que les forces de sécurité reviennent à Benghazi ?
A.B.: Oui, ce scénario existe toujours. Mais en ce moment, les gens chantent dans les rues, ils célèbrent la liberté après 42 ans passés sous le régime de Kadhafi.
swissinfo.ch: Qui forment les rangs des manifestants anti-Kadhafi ?
A.B.: En premier lieu, l’élite intellectuelle de la ville, soit les avocats, juges, docteurs et ingénieurs. Ces personnes ne sont pas liées à un parti politique ou à une association quelconque. Mais ces derniers jours, c’est toute la population qui s’est rendue dans la rue pour réclamer la liberté, comme dans n’importe quelle pays du monde. Au début, les manifestations étaient pacifiques. Puis le régime a arrêté l’un des principaux organisateurs. La foule s’est rassemblée devant le bâtiment de la sécurité intérieure pour réclamer sa libération. Ce fut le début de la mobilisation massive.
swissinfo.ch: En Occident, certains affirment que Benghazi est un terreau d’islamistes. Est-ce vrai ?
A.B.: C’est ce que Kadhafi et sa famille essayent de faire croire. Mais ce que j’ai vu dans la rue, ce sont des gens qui réclament la liberté, l’unité et une constitution, chose que nous n’avons pas en Libye. Nous sommes censés être un pays aisé, mais voyez-vous, les gens sont pauvres ici.
swissinfo.ch: Savez-vous ce qu’il se passe actuellement à Tripoli ?
A.B.: Nous suivons les événements avec une vive préoccupation. Des collègues m’ont affirmé avoir recensé un grand nombre de victimes. Lundi à la mi-journée, 60 personnes avaient été tuées à Tripoli. Il y a également des manifestations dans les environs de Tripoli.
swissinfo.ch: Pensez-vous que Kadhafi dispose du soutien nécessaire pour reprendre les choses en mains ?
A.B.: Le clan Kadhafi n’est pas très nombreux. Mais il est très dangereux, parce qu’il possède beaucoup d’armes. Ses milices, basées à Syrte, sont très bien équipées.
swissinfo.ch: Y-a-t-il des différences entre les Libyens qui vivent en ville et ceux vivant dans les tribus ?
A.B.: Bien sûr, mais un point commun unit tous les Libyens: la volonté de vivre dans un seul et même pays. Les Warfala et les autres grandes tribus libyennes rejoignent les rangs des manifestants, car elles ont beaucoup souffert sous le régime du général Kadhafi. Le clan Kadhafi devra trouver une solution pacifique, il n’est pas assez puissant pour se battre tout seul contre les autres clans.
swissinfo.ch: Que va-t-il selon vous arriver à Mouammar Kadhafi et à ses fils ?
A.B.: Pour le pays, le mieux serait que les Kadhafi quittent le pays en nous laissant la liberté et la paix. S’ils choisissent la force, il y aura un énorme massacre, bien plus important que celui déjà enduré. Des rumeurs circulent à Benghazi sur de possibles attaques aériennes. Ce ne sont que des rumeurs, mais les gens pensent que Kadhafi est capable de telles choses.
swissinfo.ch: Est-ce dangereux pour vous de recevoir des appels de l’étranger ?
A.B.: Nous sommes déjà en danger. A Benghazi, nous avons atteint le point de non retour. Ceci est clair dans l’esprit de tous les citoyens de Benghazi.
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