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Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 06:19
de Immortal
Un petit texte qui date d'une semaine:

Trottoir



Je me lève comme à chaque matin, qui parfois s’étire jusqu’à midi passé, je déguste un petit déjeuner sans goût, je regarde le miroir, mets mes bottes et sors finalement dehors. À l’extérieur, tout est normal. Il fait chaud et humide. Les gens sont tous entassés par milliers dans leurs véhicules, ils klaxonnent, s’impatientent, se fâchent et finalement s’en vont. Je marche sur un trottoir semi-délabré, où les creux et les bosses semblent se chevaucher sans logique. J’aboutis au lieu où je suis attendu, le travail. Endroit morne, sans vie. Enfermement de l’espoir humain, décoiffant du bonheur, nihilisme du bien être et du rêve. Midi, pause méritée, retour à la « liberté ». Fumer une clope, manger un bout, retourner s’enfermer de son plein chef. Masochisme extrême. Subir pour ne plus subir. Ne plus rêver pour espérer rêver. Naître pour mourir et mourir pour naître. Retour à la maison, trottoir semi-délabré, où les bosses et les creux se chevauchent sans logique. Payer les comptes, regarder la télé, désespérer, avoir peur, dormir. Je me lève comme à chaque matin, je déguste un petit déjeuner sans goût, regarde le miroir, sors en pantoufle. À l’extérieur tout semble normal. Il fait froid et humide. Les centaines de personnes entassées dans leurs véhicules tremblent d’excitations, ne pas être en retard. Je marche sur un trottoir semi-réparé, où les creux et les bosses semblent se chevaucher sans logique. J’arrive ensuite là où je suis attendu, le travail. Endroit fade et sans lumière. Enfermement de l’espoir humain, décoiffant du bonheur, anéantissement du bien être et du rêve. Midi, pause méritée, retour à la « liberté ». Fumer une clope, manger un bout, retourner s’enfermer de son plein gré. Masochisme poussé à l’extrême. Ne plus subir pour subir. Rêver pour espérer ne plus rêver. Naître pour mourir et mourir pour naître. Retour à la maison, trottoir semi-réparé, où les bosses et les creux se chevauchent. Payer les factures, lire le journal, désillusion, tasse de café, insomnie, pilules, sommeil, ristourne. Je me lève comme à chaque matin, je déguste un petit déjeuner, regarde le miroir, sors sans souliers. À l’extérieur tout est normal. Il fait très froid. Des milliers de personnes entassés dans leur véhicules polluent l’atmosphère. Tout est normal. Je marche rapidement sur un trottoir semi-délabré, semi-réparé, où les bosses et les creux, et les creux et les bosses se chevauchent. J’arrive ensuite là où je suis attendu, le bureau du chef. Baisse de profit, licenciement, chômage. Pause méritée, retour à la « liberté ». Routine, repos, relâche. Pour mourir, naître et pour naître, mourir. Retour, trottoir sans fin. Promesses, rêves, idéal, désespoir, suicide. Je me lève, je déguste un copieux déjeuner, je me regarde dans le miroir, sors libre. À l’extérieur tout est chamboulé. Il fait beau et ensoleillé. Quelques personnes marchent dans les rues. Je marche sur un nuage blanc et tiède. J’aboutis au lieu où je suis attendu. Endroit clair et lumineux. Abstraction du temps. Subir pour ne plus subir. Ne plus rêver pour espérer rêver. Naître pour mourir et mourir pour naître.

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 08:49
de Lepauvre
Bravo, texte mortel.

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 10:10
de Polack
Ouais ! J'aime aussi !

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 12:34
de conan
Ce n'est pas très clair à la fin, j'ai l'impression que le personnage meurt, n'est-ce pas contradictoire avec sa dénonciation du travail ?
Sinon j'ai beaucoup aimé moi aussi.

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 13:00
de Polack
Moi j'ai compris qu'il ne bossait plus.

C'est vrai j'ai failli faire un commentaire comme quoi la fin mériterait peut être une petite retouche. (j'ai pas osé) heureusement que l'instinct de prof de conan a parlé ! :mrgreen: (gniark gniark le prends pas mal... :wink: )

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 14:36
de may
Subir pour ne plus subir. Ne plus rêver pour espérer rêver. Naître pour mourir et mourir pour naître.


instinctivement j'ai lu "mourir pour n'etre" ....
pour n'etre plus esclave?
enfin tres beau texte ...

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 14:51
de kuhing
Ben P'tit Noir numéro 14 alors .
Avec l'accord d ' Immortal bien sur.
proposition ici

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 20:05
de Immortal
Pas de problème pour moi^^

Re: Trottoir

MessagePosté: Mar 3 Nov 2009 21:07
de Lepauvre
conan a écrit:Ce n'est pas très clair à la fin, j'ai l'impression que le personnage meurt, n'est-ce pas contradictoire avec sa dénonciation du travail ?
Sinon j'ai beaucoup aimé moi aussi.

Non je crois qu'il est mort...chomage , déprime, suicide, enfin heureux....c'est comme ça que je l'ai compris.
L'abandon et la victoire du combat par la solution finale, dans la lumière d'un oeuil enfin heureux.
C'est une façon d'éxprimer son détachement de ce monde, sans pour autant, à mon avis faire appel à l'abandon ou réference au suicide.

Ce texte prends sa magnifice par cette danse entre vérité et poésie mise en scene aussi facilement que virtuose, d'une, de cette chose terrifiant devenu au si banale.

Re: Trottoir

MessagePosté: Dim 3 Jan 2010 21:14
de SVK
J'aime beaucoup le texte! C'est chouette cette construction sur les répétitions, on a l'impression que chaque geste est millimétré et sans vie comme un travail à la chaîne.