États d’âme.
Je suis né le 11 septembre 1984.
« 1984 » comme le titre du roman ; Critique d’une époque ou songe visionnaire décrivant l’horreur banale d’un régime totalitaire mondial, vomissure d’un asservissement consenti, d’une aliénation quotidienne, d’un mensonge cent fois répété en une litanie froide, description d’une horlogerie de précision qui confine au meilleur des mondes : 1984 ou l’esclavage dans la béatitude.
Au sein de cette ferme les animaux sont dociles et les maîtres sont souriants. Dieu lui, est aux abonnés absents. « Big Brother is watching you », si tu n’as rien à te reprocher en quoi cela pourrait il te déranger ? Tout doit être transparent, contrôlable, quantifiable, évalué, jugé, apprécié, pesé, emballé et vendu. L’individu lambda n’a rien à cacher, il doit même se donner en spectacle pour le divertissement de ses semblables, assouvir par là leur voyeurisme et sa propre vanité. En fait, c’est son désir de revanche que l’on exploite. On lui vole la dignité qu’il n’a jamais eue. Ses confessions intimes sont jetées en pâture aux porcs.
J’éteins la télé-réalité.
Je la rallume le jour de mes dix sept ans. L’image est belle, forte, onirique. La fin d’un monde et la naissance d’un autre en direct. Les inconscients doivent être marqués au fer rouge. Plus rien ne sera comme avant, ou plutôt tout continuera en trouvant ici une justification spectaculaire. L’orchestre joue la partition millénaire, on entame le troisième mouvement, le rythme s’accélère doucement. Deux avions s’écrasent, deux tours s’écroulent, la guerre continue. Les spectateurs sont ébahis, la colombe est clouée au sol, le magicien jubile.
Mais malgré tout l’illusion reste imparfaite. Nombreux sont les loups à hurler en silence. Nombreux sont les moutons noirs. Le berger le sait. Même ses chiens le mordent. La clôture électronique et mentale reste à la merci du troupeau qui l’entretient. L’amour et la vie ne se marchandent pas, elles n’acceptent pas le compromis. Elles luttent.
Je suis né le 11 septembre 1984 et à travers cette date, je perçois comme le symbole de ce contre quoi je dois me battre. Me battre pour exister, me battre pour moi et pour les autres, me battre pour ouvrir le champ des possibles, pour briser la spirale du renoncement et enfin inaugurer la compréhension empirique du mot « liberté ».
Je parle de moi pour parler du reste, et aussi car il est plus simple de parler de ce que l’on croit connaître. Mais cet artifice ne doit pas masquer le sens véritable que j’entends donner à mon propos. Il aurait tout aussi bien pu se résumer à ceci :
Connais toi toi-même.
Connais ton ennemi.
Détruits le et construits.
Le reste n’est qu’états d’âme…