de Lehning le Jeu 4 Aoû 2022 18:02
En revanche, Lénine conçoit la dictature "à la poigne de fer", dans le sens classique et despotique du terme. Qu'il la préconise pour une bonne finalité ne change pas l'essence de la chose. Et puisque beaucoup se creusent la cervelle sur la signification du mot "dictature", pour y voir seulement un synonyme de violence prolétaire, conciliable avec la liberté du mouvement individuel et collectif de la classe ouvrière et des forces révolutionnaires en action, on nous pardonnera de reproduire, tirée du fameux discours programme tenu par Lénine au congrès panrusse des soviets en avril 1918, une longue mais claire exposition de sa conception de la dictature:
"Si nous ne sommes pas anarchistes, nous devons admettre la nécessité de l'Etat: donc, de la coercition pendant la période de transition du capitalisme au socialisme. La forme de contrainte est déterminée par le degré d'évolution de la vraie classe ouvrière, ensuite par certaines circonstances spéciales, comme les séquelles d'une longue guerre réactionnaire, et aussi par certaines formes de résistance de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Il n'y a donc pas, absolument pas, contradiction de principe entre la démocratie des soviets et l'usage du pouvoir dictatorial de la part des particuliers. La distinction entre une dictature prolétaire et une dictature bourgeoise consiste en ceci: la première, même si elle est exercée par des particuliers, l'est non seulement par la masse des travailleurs exploités, mais aussi par les organisations qui sont formées de telle sorte qu'elles élèvent la masse au travail créatif de l'histoire. Les soviets font partie de cette espèce d'organisation.
"Quant à la deuxième question sur la signification du "pouvoir dictatorial individuel" en raison des problèmes spécifiques de la présente période, nous devons dire que toute grande industrie mécanique -source productive matérielle et base du socialisme- requiert la plus illimitée et la plus rigide "unité du vouloir" qui "dirige" le travail commun de centaines, de milliers, de dizaines de milliers de personnes.
"Cette nécessité tombe sous le sens du point de vue historique, technique et économique, et a toujours été reconnue comme telle par tous ceux qui ont donné au socialisme quelques idées. Mais comment assurer une unité inébranlable de "vouloir" ? Par la subordination de la volonté de milliers de personnes au vouloir d'un seul.
"Cet assujettissement, si les participants au travail commun sont idéalement conscients et disciplinés, peut ressembler à la faible direction d'un conducteur d'orchestre ; mais peut aussi assumer la forme extrême d'une dictature, s'il n'y a pas de discipline idéale et consciente. Mais, de toute façon, "la subordination incontestée à une volonté unique" est absolument nécessaire pour la réussite des processus du travail, qui sont organisés sur le type de la grande industrie mécanique. Cela est doublement vrai pour les chemins de fer.
Et justement ce passage d'une tâche politique à une autre qui apparemment n'a aucune ressemblance avec la première, constitue la caractéristique de la présente période.
"La révolution vient de rompre les plus anciennes, les plus fortes, les plus lourdes chaînes auxquelles les masses ont été contraintes de se soumettre. Il en était ainsi hier. Et aujourd'hui la même révolution -et vraiment dans l'intérêt du socialisme- exige la soumission absolue des masses à la volonté unique de ceux qui dirigent le processus du travail." (1)
(1): - Lénine, L'opera di ricostruzione dei Soviet (l'œuvre de reconstruction des soviets), pages 38-39. Au moment de corriger les épreuves, il nous parvient une seconde édition de cet important discours de Lénine, un peu différent de celui de la première édition. Par commodité, nous avons suivi le nouveau texte, en corrigeant seulement l'indispensable.
Photo: Lénine:
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