Histoire de l'Anarchie de Max Nettlau

[Lehning]

Mais pour les socialistes d'alors, la "représentation du travail" répondait au sentiment exprimé, par exemple, par Eugène Hins, de Bruxelles, au congrès de Bâle, soutenant que l'Internationale "est et doit être un Etat dans l'Etat ; qui permette à l'Etat de continuer sa route jusqu'à ce que notre Etat soit le plus fort. Alors, sur les ruines de l'Etat, nous érigerons le nôtre, déjà préparé et prêt, ainsi que cela existe dans chaque section". C'est dans cet esprit qu'à la même période parut un article dans "L'Internationale" de Bruxelles traduit de "La Federacion" de Barcelone du 7 novembre 1869: "Les institutions actuelles de l'Internationale considérées par rapport à l'avenir." (1) Il commençait ainsi: "L'Association Internationale des Travailleurs porte en elle le germe de la régénération sociale... le germe de toutes les institutions futures, quand elle sera établie partout,... alors on verra disparaître comme par enchantement la vieille société et fleurir l'ordre nouveau qui doit régénérer le monde."
(Nous trouvons dans ce "par enchantement" une idée de baguette magique !), "la section ou société ouvrière est le modèle de la commune." "Les sociétés de résistance sont destinées à organiser le travail dans l'avenir, transformées en ateliers coopératifs, comme les sociétés coopératives de consommation seront transformées en bazars communaux où seront exposés les différents produits avec l'indication exacte de leur prix de revient...". (2)

(1): Rapporté dans "El Proletariado militante" de Anselmo Lorenzo.

(2): Traduction adaptée de R. Lamberet "La première..." p. 67 (Ndt.)

Photos: Eugène Hins ; Anselmo Lorenzo ; R. Lamberet:

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De même, César De Paepe avait dit dans un de ses rapports au congrès de Bâle (1869): "Celles-ci (les sociétés de résistance) par leur fédération et leur groupement, organisent le prolétariat et finissent par constituer un Etat dans l'Etat, un Etat économique, au milieu de l'Etat politique, bourgeois. Cet Etat se trouve naturellement représenté par les délégués des corporations ouvrières qui, tout en pourvoyant aux nécessités actuelles, constituent ainsi l'embryon de l'administration de l'avenir.... Eh bien, étant donné cette nouvelle situation, il se pourrait fort bien qu'un jour cet Etat nouveau prononçât la dissolution de l'Etat ancien..."

Photos: César De Paepe ; congrès de Bâle (1869):

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Bakounine lui-même, dans un manuscrit de 1871 écrit:

"... L'organisation des sections de métier, leur fédération dans l'Association Internationale unissant la pratique à la théorie, peuvent et doivent étudier la science économique, elles enfantent encore les germes vivants du nouvel ordre social qui doit remplacer le monde bourgeois. Elles créent non seulement les idées, mais les faits même de l'avenir."

[Lehning]

Et Eugène Hins au congrès de Bâle: "Oui, les sociétés de résistance subsisteront après la suppression du salariat, non point comme nom, comme œuvre: elles seront alors l'organisation du travail. Elles seront alors la résolution du libre échange, en opérant une vaste répartition du monde du travail d'un bout à l'autre. Elles remplaceront les anciens systèmes politiques: au lieu d'une représentation confuse et hétérogène, on aura la représentation du Travail."

Photo: congrès de Bâle:

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A la veille du congrès de Barcelone (19-26 juin 1870), la Federacion publie "La représentation du trabajo" (du 15 au 29 mai) en concluant qu'il est nécessaire... "de créer, en un mot, les bases de l'Etat économico-ouvrier au sein de l'Etat politico-bourgeois actuel...". C'est dans cet esprit que furent rédigés au congrès les statuts de la Fédération espagnole qui avaient été élaborés par l'Alliance, et comme le dit Lorenzo (1) furent "surtout l'œuvre de jeunes étudiants bourgeois en liaison avec les travailleurs associés de Barcelone et avec les membres actifs de l'Alliance de la Démocratie socialiste". Le rapporteur sur l'organisation fut Antonio Gonzales Garcia Meneses, un futur professeur, et, d'après Lorenzo, le plus actif fut probablement le futur médecin José Garcia Vinas, et l'autre pourrait être Trinidad Soriano.

(1): Op. cit.

Photos: l'Alliance ; José Garcia Vinas:

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Convaincus de l'idée que l'organisation actuelle devait être construite de telle façon qu'elle puisse devenir un organisme dont les différentes parties seraient capables de remplir de vastes et importantes fonctions, ces jeunes camarades, Meneses en premier lieu, firent un travail d'une précision méticuleuse, un véritable code, qui se trouve exposé dans le Règlement typique approuvé par le premier Congrès ouvrier de la Région espagnole de l'Association Internationale de Travailleurs, tenu à Barcelone le 19 juin 1870. (1) Par la suite, le caractère clandestin de l'organisation -de 1874 à 1881- simplifia ces statuts qui devinrent en quelque sorte lettre morte. Mais la Fédération régionale de 1881 les ré-adopta jusqu'à ce qu'elle put fonctionner librement (en 1881 et surtout en 1882) c'est-à-dire vers 1887-1888 quand ni le mode d'organisation ni l'idée (de l'embryon) ne furent plus soumis à la critique.

(1): 48 pages, in 16. La conférence de Valence, en septembre 1871 augmente ces textes "Organizacion social de las secciones obieras de la Federacion Regional Espagnola", 88 p. Le congrès de Cordoue en décembre 1872 donna lieu à une nouvelle édition en 1873, 96 pages.

Photo: Congrès ouvrier de Barcelone en 1870:

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Dans le reste de l'Internationale, cette idée, née dans les milieux belges et que Bakounine ne voulait pas décourager, n'eut pas de vie réelle à cause des conditions créées après 1870 et qui furent défavorables à la vie théorique et aux progrès de l'organisation.
Furieux de n'avoir pu, au congrès de Bâle, faire valoir leurs idées contre les antiautoritaires (Bakounine, les Belges, les Jurassiens, une partie des Espagnols et des Français), les autoritaires commencèrent leur offensive en faveur de l'action politique, c'est-à-dire de la conquête de l'Etat (et non plus de sa liquidation) qui, suivant les cas, tomba dans l'action électorale ou dans la dictature blanquiste.
Les Genevois (contre Bakounine et les Jurassiens), les sociaux-démocrates allemands, Marx et sa faction au Conseil général, dans une polémique odieuse et des manœuvres rendues possibles par l'abus de pouvoir que leur conféraient les statuts, commencèrent cette guerre, parfois ouverte, parfois sourde, contre les antiautoritaires de l'organisation.

Photo: Bakounine et Marx:

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En France, les persécutions générales de mai 1870 étouffèrent la vie de l'Internationale jusqu'en septembre, en pleine guerre, quand la situation générale força la main. En Belgique, on assistait passivement aux évènements français, et non seulement l'expansion de l'Internationale fut impossible mais encore on vit une crise économique qui détruisit les progrès accomplis. L'Espagne même entra en crise à l'hiver de 1870-1871 (de même que le Jura) et, en 1871, la Fédération espagnole fut frappée de persécutions tandis qu'en 1872 les intrigues de Lafargue lui causèrent des difficultés.
Ce ne fut qu'en 1873 que cette fédération prit de vastes proportions pour devenir, après l'été, c'est-à-dire après Alcoy et San Lucar de Barrameda, l'objet de nouvelles persécutions et donc obligée à la clandestinité à partir de janvier 1874.

Photos: Commune de Paris en 1871 ; Lafargue:

[Lehning]

Le fondement des prévisions de 1869, c'est-à-dire l'accroissement généralisé de l'Organisation, qui cette année-là était encore si détruite, et qui, à l'exception de l'Espagne, allait après 1870 s'affaiblir et s'éloigner de ces idées, ne se réalisa jamais dans la vie de l'Internationale durant vingt ans (1864-1884 environ) et, pour l'Espagne, en réalité jusqu'en 1888.

Photo: La 1ière Internationale:

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L'idée fut reprise par le syndicalisme français, surtout dans sa période d'expansion de ferveur révolutionnaire, 1904 à 1908, et elle se trouve contenue dans l'utopie "Comment nous ferons la révolution" de E. Pataud et E. Pouget. (1) Elle fut toujours soutenue à nouveau lorsqu'une organisation syndicale nourrissait de grands espoirs, comme ce fut le cas des syndicalistes allemands lors de leur reconstitution après 1918, ou dans celui des syndicats espagnols, en avril 1931, quand des possibilités semblaient apparaître. D'autre part elle fut soutenue théoriquement, par exemple dans le livre de Pierre Besnard "Les syndicats ouvriers et la Révolution sociale". (2)

(1): Paris, novembre 1909, VIII-398 pages.

(2): Paris, 1930, 349 pages.

Photos: E. Pataud ; E. Pouget:

[Lehning]

Photo: Pierre Besnard:

[Lehning]

De même que Bakounine, en 1870, ne refusa pas son aide à ce qui lui semblait être une force vive, Kropotkine reconnut la possibilité de développement de la C.G.T. quand celle-ci lui apparut une force réelle. Toutefois, ni l'un ni l'autre ne peuvent être inclus, à mon avis, parmi les véritables défenseurs de cette idée, ceux qui voient en elle la route unique, inévitable, sûre, en faveur de laquelle ils jugent nécessaire d'abandonner les autres, ainsi que le firent les internationalistes espagnols, les syndicalistes français, et comme le font aujourd'hui les soit-disants "syndicalistes purs".

Photo: Kropotkine:

[Lehning]

Cette idée va de pair avec d'autres diverses prévisions, telle que celles de la commune libre, de la communauté appelée soviets, du groupe anarchiste ou de la communauté expérimentale (le phalanstère), qui constituent le stade primordial, dans lequel et par lequel la coexistence sociale libre et les réalités et nécessités de la vie économique future acquièrent le mieux leur expansion première.
Aucune de ces formes n'exclut ni ne renforce les autres, et ces cinq ou six activités (il existe aussi l'organisme des coopératives) feraient bien de s'habituer à travailler en liaison parce qu'elles seront toutes utiles et il faudra aussi une force qu'aucune organisation ne pourrait créer mais qui est indispensable: le bon vouloir, l'enthousiasme, le bon sens, la tolérance mutuelle et la volonté.

[Lehning]

Pour l'Internationale, cette utopie syndicale ne fut qu'un épisode. En Espagne, elle fut vivement critiquée, même par ses anciens adeptes, et nous trouvons cette critique, formulée surtout par Antonio Pellicer Paraire dans la revue "Acracia" (1) et dans "El Productor". Dans tous les pays où existe actuellement un syndicalisme, cette utopie a laissé la fâcheuse conséquence que dans toute localité, région ou pays, il n'y aurait qu'un seul organisme reconnu, et cette exclusivité a entraîné des luttes intestines et des excommunications sans fin. C'est en somme, une dictature anticipée sur l'humanité future, sur l'humanité présente par le développement de la propagande et des organisations actuelles. Cette idée, aussi bien intentionnée soit-elle, a été chargée précisément de ce poids qui lui vaudra toujours des adversaires dans le présent et aussi dans l'avenir éventuel si elle parvient à s'imposer.

(1): "Acratismo societario" ; janvier-juillet 1887.

[Lehning]

La guerre franco-allemande de 1870-1871 mit fin, au sein de l'Internationale, à l'élaboration des idées à discuter dans les congrès, et en septembre 1969 (Bâle) les autoritaires et les libertaires ne se rencontrèrent qu'en ennemis absolus, chacun étant prisonnier de sa propre doctrine. Le désir de révolution sociale raviva chez Bakounine, en août 1870, les anciennes passions nationalistes. Les plans, jusqu'alors théoriquement ébauchés dans des écrits pour la plupart restés longtemps inédits se révélèrent faibles et inadéquats en face de la réalité (Lyon et Marseille). Il se réfugia dans le travail de critique qui, du fait des passions du moment, atteignit bientôt son apogée philosophique dans les manuscrits restés inachevés sur le "Fantôme divin" et surtout dans celui qui fut appelé "Dieu et l'Etat".

Photo: Bakounine:

[frigouret]

Pour l'Internationale, cette utopie syndicale ne fut qu'un épisode. En Espagne, elle fut vivement critiquée, même par ses anciens adeptes, et nous trouvons cette critique, formulée surtout par Antonio Pellicer Paraire dans la revue "Acracia" (1) et dans "El Productor". Dans tous les pays où existe actuellement un syndicalisme, cette utopie a laissé la fâcheuse conséquence que dans toute localité, région ou pays, il n'y aurait qu'un seul organisme reconnu, et cette exclusivité a entraîné des luttes intestines et des excommunications sans fin. C'est en somme, une dictature anticipée sur l'humanité future, sur l'humanité présente par le développement de la propagande et des organisations actuelles. Cette idée, aussi bien intentionnée soit-elle, a été chargée précisément de ce poids qui lui vaudra toujours des adversaires dans le présent et aussi dans l'avenir éventuel si elle parvient à s'imposer.

(1): "Acratismo societario" ; janvier-juillet 1887.

Content de lire ça, et c'est précisément une critique encore valable

[Lehning]

SUITE de "Histoire de l'Anarchie" de Max Nettlau:


Ce travail fut interrompu par la Commune de Paris, et Bakounine, dans l'impossibilité d'apporter une aide quelconque à celle-ci (en mai 1871 il se trouvait dans le Jura), l'analysa à fond et prit sa défense et celle de tout le socialisme contre Mazzini qui l'avait outragée. La défense de la Commune procura à Bakounine de nombreuses relations en Italie et l'Internationale fut enfin profondément implantée dans ce pays, conquis à fond par les idées du collectivisme anarchiste et par la tactique préconisée par Bakounine, et en août 1872, la Fédération italienne fut créée. La même année, Bakounine entra en contact plus étroit avec l'Espagne. Dans le Jura (circulaire de Sonvillier) il commença la lutte contre les autoritaires, défiant leur conférence privée de Londres en septembre.
Quant à la France, l'Internationale s'y était affaiblie et sa faction autoritaire, après la chute de la Commune, se réduit rapidement à quelques réfugiés et à un petit nombre de communalistes. En Belgique, le mouvement intellectuel fut pour ainsi dire paralysé du fait du scepticisme sur l'efficacité des moyens révolutionnaires qui frappa les intellectuels devant les massacres de Paris.

Photos: Commune de Paris ; Bakounine ; Mazzini:

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La Commune de Paris fut le produit de facteurs multiples, ce qui lui valut un préjugé favorable, d'idées très diverses et pas seulement libérales et libertaires. Il y eut le vieil antagonisme entre cité et Etat, l'orgueil de la capitale contre un gouvernement et un Etat sans prestige, humiliés devant l'opinion publique durant cette période (de septembre à mars) ; le regroupement des forces ouvrières et socialistes durant le siège, qui se termina en une sorte de dictature militaire du prolétariat armé, lequel s'opposait à la dictature féroce des généraux. Il y avait de tout, sauf l'esprit fédéraliste, et encore moins l'esprit franchement anti-étatiste désireux de substituer à l'Etat français la Fédération des 40 000 communes que Elisée Reclus, dans son discours de Berne (1868) avait définies comme des satrapies formées d'obéissants et de contribuables, qui avaient toutes leurs juges, leurs conseillers municipaux, leurs prêtres et autres fonctionnaires, jusqu'au garde-champêtre, avides de gouverner quelqu'un. C'était cependant de bonnes gens, amis du progrès et qui saluaient la nouvelle tentative comme une protestation sociale contre l'impuissance et la cruauté séculaires de l'Etat.

Photos: Commune de Paris ; Elisée Reclus:

[Lehning]

Considérée en elle-même, la Commune, contrariée et poussée vers l'autoritarisme par sa défense désespérée contre des ennemis féroces qui l'étouffaient dans le sang, fut un microcosme autoritaire, plein de passions du parti, de bureaucratisme et de militarisme. A cause de la fin héroïque de la Commune, ces faits furent souvent considérés comme secondaires par les libertaires qui les connurent pourtant bien et qui, du reste, pouvaient les contrôler de près aux contacts des nombreux réfugiés, à Genève par exemple.
Chez les meilleurs représentants de la Commune, comme Gustave Lefrançais, un vieux communiste de 1848, l'anti-étatisme était total, mais au sein de la Commune préconisée il y avait des restes indélébiles de gouvernementalisme municipal, local, et une méfiance envers l'anarchisme. En somme, de même qu'existait la théorie de l'Etat minimum, on croyait à la Commune minimum, gouvernée le moins possible, mais néanmoins gouvernée. Les libertaires qui combattaient avec ces communalistes furent attirés et à la fois repoussés par eux. L'idée de la Commune fut leur credo et le gouvernementalisme leur parut oppressif ; quelques-uns cependant coururent le risque et, comme Paul Brousse, furent absorbés et donc perdus pour nos idées. D'autres, comme Elisée Reclus (qui fut combattant et ardent partisan de la Commune et resta ami de ses défenseurs) ne se laissèrent pas séduire par le communalisme et devinrent toujours davantage des anarchistes clairvoyants. Louise Michel la combattante la plus enthousiaste de la Commune, après avoir vu se développer les erreurs et l'autoritarisme chez ses meilleurs partisans, devint anarchiste sur le bateau qui l'emmenait en déportation (subie jusqu'en 1899) quand elle put réfléchir à ce qu'elle avait vu.
Une autre combattante, Victorine Rouchy, devint aussi une des premières anarchistes communistes de Genève. Bakounine ne fut pas absorbé, ni complètement fasciné par la Commune de Paris, comme tant d'autres dont le champ visuel resta limité par ce grand évènement. En Italie et en Espagne on n'eut généralement pas cette limitation de vue, mais elle se fit ailleurs et, à mon avis, cela entraîna une certaine désagrégation de l'Internationale.

Photos: Commune de Paris ; Gustave Lefrançais ; Paul Brousse:

[Lehning]

Photos: Elisée Reclus ; Louise Michel ; Victorine Rouchy: