Errico MALATESTA: Ecrits Choisis

[Lehning]

Quelle que soit la façon dont les choses tourneront, nous devrons toujours et sans jamais un seul instant d'interruption, continuer la lutte contre les propriétaires et contre les gouvernants, en ayant toujours en vue l'émancipation totale, économique, politique et morale de l'humanité toute entière.

[Lehning]

V - CONCLUSION

Nous voulons donc abolir radicalement la domination et l'exploitation de l'homme par l'homme. Nous voulons que les hommes, rendus frères par une solidarité consciente et délibérée, coopèrent tous volontairement au bien-être de tous, nous voulons une société dont le but soit de donner à tous les êtres humains les moyens d'atteindre le maximum de bien-être possible, le plus grand développement moral et matériel possible. Nous voulons pour tous du pain, la liberté, l'amour et la science.

[Lehning]

Pour atteindre ce but suprême, nous croyons qu'il est nécessaire que les moyens de production soient à la disposition de tous et que nul homme ou groupe d'hommes ne puisse obliger les autres à se soumettre à sa propre volonté, ni exercer d'autre influence que la force de la raison et de l'exemple.

[Lehning]

Donc: expropriation, à l'avantage de tous, de ceux qui détiennent le sol et le capital et abolition du gouvernement.

[Lehning]

Et en attendant de pouvoir le faire: propagande de notre idéal ; organisation des forces populaires ; lutte permanente, pacifique ou violente selon les circonstances, contre le gouvernement, et contre les propriétaires, pour conquérir le plus possible de liberté et de bien-être pour tous.

[Lehning]

POSTFACE

Nous partîmes donc pour la Suisse, Cafiero et moi.

Photo: Cafiero:

[Lehning]

A cette époque j'étais en mauvaise santé, je crachais le sang et on me disait phtisique, ou quelque chose dans ce genre, d'autant plus que j'avais perdu mes parents, une sœur et un frère, tous emportés par une maladie de poitrine. En passant le Gothard de nuit (il n'y avait pas encore de tunnel à l'époque, et il fallait traverser la montagne sous la neige en diligence), je pris froid et j'arrivai le soir, fiévreux et toussant, à Zurich, dans la maison où était Bakounine.

Photo: Bakounine:

[Lehning]

Après les premières paroles de bienvenue, Bakounine m'installa un lit de fortune, m'invita et me força presque à m'y étendre, me couvrit avec toutes les couvertures et les pardessus qu'il put entasser, me donna du thé bien chaud et me recommanda d'être tranquille et de dormir. Et cela, avec une sollicitude et une tendresse toute maternelle qui m'allèrent droit au cœur.

Photo: Bakounine:

[Lehning]

Tandis que tous croyaient que je dormais, bien enveloppé dans les couvertures, j'entendis Bakounine dire beaucoup de bien de moi, à voix basse, et ajouter ensuite d'un ton mélancolique: "Dommage qu'il soit si malade, nous le perdrons bientôt. Il n'en a pas pour six mois." Je n'accordai aucune importance à ce triste pronostic parce qu'il me paraissait impossible que je puisse mourir (j'ai peine à le croire, même maintenant) ; je pensais que ç'aurait été presque un crime de mourir alors qu'il y avait tant à faire pour l'humanité ; je me sentis heureux de l'estime que me portait un homme comme lui, et me promis de tout faire pour la mériter. Et aujourd'hui, sous le poids des années, je suis fier de ce que, si finalement je n'ai pas pu faire tout ce que j'aurais voulu, parce que je n'en étais pas capable et parce que les circonstances ne s'y prêtaient pas, mes intentions du moins n'ont jamais démérité de cette estime que Bakounine m'accordait quand j'étais tout jeune.

Photo: Bakounine:

[Lehning]

... J'ai connu Bakounine alors qu'il était déjà d'un certain âge et qu'il était miné par la maladie qu'il avait contractée dans les prisons et en Sibérie. Mais je l'ai trouvé toujours débordant d'énergie et d'enthousiasme, et j'ai compris toute cette puissance de communication qu'il y avait en lui. Il était impossible pour un jeune d'être en contact avec lui sans se sentir brûler du feu sacré, sans voir s'élargir ses propres horizons, sans se sentir chevalier d'une noble cause, sans faire de magnanimes projets.

Pensiero e Volontà, 1er juillet 1926

Photo: Bakounine:

FIN