de Lehning le Jeu 23 Mar 2023 20:05
Affirmer que les élections ont toujours été un instrument de conservation de l'Etat et de la bourgeoisie, c'est simplifier arbitrairement le jeu des forces politiques dans un Etat contemporain. Quand les préfets de Giolitti (1) enrôlaient les "camoristes" napolitains et laissaient carte blanche aux mazzieri (2) des Pouilles, quand le fascisme terrorisait les candidats et les électeurs antifascistes, quand Mussolini faisait exécuter les opposants parlementaires, 90 % du prolétariat était amené à penser que l'Etat et la bourgeoisie défendaient leur propre conservation contre les forces de gauche qui s'étaient affirmées dans la lutte électorale et parlementaire. On ne doit pas surévaluer la signification des abstentions. L'abstentionnisme en Italie atteignait son maximum dans les régions politiquement les plus arriérées, et il serait stupide de conclure qu'en Pologne le prolétariat a le sens de l'action directe plus développé que le prolétariat espagnol parce qu'aux élections législatives polonaises de septembre 1935 il y a eu 50 % d'abstentions. Je continue à penser que les élections politiques de 1921 ouvrirent définitivement la route au fascisme, et que, en 1924, au temps de l'affaire Matteotti (3), les anarchistes auraient dû insérer leur action dans la pratique parlementaire sans se préoccuper de savoir s'ils étaient considérés comme des défenseurs de la politique de "l'Aventino".
(1) Giovanni GIOLITTI (Mondovi 1842 - Cavour 1928). Démocrate italien qui domina la vie politique italienne du début du siècle jusqu'en 1914 et même au-delà. Politicien habile, maître du "transformismo", il chercha à élargir les bases sociales de la monarchie en y associant des forces progressistes de gauche. Revenu au pouvoir en juin 1920, il favorisa la montée du fascisme dans l'espoir que, une fois brisé l'élan révolutionnaire des masses, il serait possible de pactiser avec Mussolini.
(2) Nom donné aux hommes de main des gros propriétaires agricoles du Sud de l'Italie.
(3) Giacomo MATTEOTTI (1885-1924). Député socialiste disciple de Turati, il fut tué par les fascistes le 10 juin 1924 après avoir osé dénoncer violemment, à la Chambre des députés, le régime mussolinien. Cet assassinat ouvrit une période de crise pour Mussolini et on crut possible un moment de le renverser. Les partis d'opposition cependant se contentèrent, à cette occasion, de faire "sécession" du Parlement et de se retirer symboliquement sur l'Aventino. Ainsi, passés les premiers moments d'indignation, Mussolini profita de cette crise pour mettre fin au régime parlementaire.
Photos: Giolitti ; Mussolini ; Matteotti:
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