de Lehning le Mar 27 Sep 2022 18:15
Arthur Arnould, qui avait fait partie du gouvernement de la Commune dans la commission des Affaires étrangères, est encore plus précis et catégorique: il a écrit une Histoire populaire et parlementaire de la Commune qui est malheureusement introuvable actuellement dans sa première et unique édition, et qui mériterait bien mieux que tant d'autres œuvres d'être rééditée et traduite. Arnould, qui a vécu en Belgique après la Commune, et qui, plus tard, s'est retiré de la vie politique, a écrit des pages éloquentes et profondes contre la conception étatique de la révolution. En ce qui concerne la Commune, il décrit les dissidences intérieures entre la majorité jacobine et autoritaire, et la minorité socialiste et fédéraliste (à ce moment-là on ne disait pas encore libertaire ou anarchiste):
"A peine réunis, nous constatâmes un fait important: les mots "Commune de Paris" étaient interprétés par les différents membres de l'Assemblée de deux façons: pour les uns, la Commune de Paris exprimait et personnifiait la première application du principe antigouvernemental, de la guerre aux vieilles conceptions de l'Etat unitaire, centralisateur et despotique. Pour ceux-là, la Commune représentait le triomphe du principe de l'autonomie des groupes librement fédérés, et du gouvernement le plus direct possible du peuple et avec le peuple. A leurs yeux, la Commune était la première étape d'une vaste révolution sociale et politique, qui aurait dû faire disparaître les anciens errements. La Commune était la négation absolue de l'idée de dictature, était la montée du pouvoir du peuple et, en conséquence, l'anéantissement de tout autre pouvoir en dehors et au-dessus du peuple.
"Les hommes qui pensaient, qui sentaient de cette manière, ont formé ce qui devait être appelé plus tard le groupe socialiste ou la "minorité".
"Pour les autres, au contraire, la Commune de Paris continuait la "vieille" commune de Paris, l'ancienne commune de 1793. A leurs yeux, elle représentait la dictature au nom du peuple, la centralisation du pouvoir et la destruction des vieilles structures par la substitution, dès l'abord, des hommes: des hommes nouveaux, donc, à la tête des institutions anciennes, transformées pour l'heure en armes de guerre au service du peuple, contre les ennemis du peuple. Parmi les hommes de ce groupe autoritaire, l'idée de "l'unité et de la centralisation" n'était pas complètement disparue. S'ils acceptaient d'inscrire sur leur drapeau le principe de l'autonomie communale et de la libre fédération des groupes, c'était parce que ce principe leur était imposé par la volonté de Paris, mais certains le comprenaient mal ou à peine, ou bien y faisaient des restrictions importantes...
"Au reste, engoncés dans des habitudes contractées pendant de longues périodes de luttes et de revendications, à peine passés à l'action, ils retombaient dans la voie qu'ils avaient suivie pendant des années et des années: ils se laissaient aller, avec une bonne foi incontestable, à vouloir appliquer à une idée neuve des procédés surannés. Ils ne comprenaient pas que dans des cas de ce genre, la forme implique presque toujours le fond, et qu'en voulant installer la liberté avec des moyens autoritaires ou arbitraires, on détruisait justement ce que l'on voulait sauver ou sauvegarder.
"Ce groupe, composé par ailleurs d'éléments assez différents, avait formé la majorité, et s'intitulait "révolutionnaire jacobin"." (1)
(1): - A. Arnould, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, Bruxelles, 1878, volume II, pages 82 et 84.
Photo: Arthur Arnould:
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