de Lehning le Sam 21 Mai 2022 17:00
Mais il y avait autre chose. A partir de 1885, des ramifications idéologiques, auxquelles on n'avait prêté aucune attention les années précédentes, se répandirent. Elles furent: le naturisme, l'apologie du primitivisme sauvage, puis le naturisme en matière diététique, le végétarisme, ..., et toute une quantité de petits foyers éphémères, de petits systèmes, de Gravelle à Zisly, en passant par Butaud, Sophie Zaïkowska et autres. Par ailleurs, le néo-malthusianisme, propagé avec mauvaise foi par Paul Robin, conquit un terrain énorme. Beaucoup s'y consacrèrent entièrement, soit sur le plan matériel, soit pour discuter interminablement des problèmes sexuels. Tout cela constituait pour notre milieu une grande perte d'énergie. De Paul Robin aux nombreuses publications d'Emile Armand et à son En dehors, il y eut une vaste production d'ouvrages intéressants pour un observateur, mais qui, objectivement, a constitué une grande dispersion de forces libertaires durant cette période. L'esperanto et les langues similaires absorbèrent d'autres forces et, pour quelque correspondance exotique rendue possible par ces langues, pour quelques lettres échangées peut-être avec le Japon, on sacrifiait l'étude des langues européennes, l'anglais ou l'allemand, l'espagnol ou l'italien, qui auraient pu multiplier les connaissances et les relations en Europe. L'antimilitarisme, comme je l'ai déjà dit, et pour autant qu'il ait été tenacement diffusé, était dirigé contre les formes extérieures du militarisme: la caserne, l'armée, et non contre ses sources profondes: le patriotisme, le manque de connaissances des autres peuples, le jeu néfaste de la diplomatie, de l'industrie et de la finance. Il existait des "Universités populaires", des "Théâtres du peuple", des centres d'éducation enfantine et autres activités utiles et sympathiques pour une période sans troubles qui donnaient peu de forces et d'énergie nouvelles aux idées anarchistes. Dans le même temps, d'autres forces mettaient la main sur le peuple et l'opinion publique: la C.G.T. avec son immense prestige, Jaurès et Hervé dont le crédit fit parfaitement front à la C.G.T., les intellectuels "dreyfusards", qui, plus tard, se hissèrent au pouvoir réel, comme Clemenceau, comme Jaurès, ou qui se firent les promoteurs des nationalismes des causes de la guerre. Les anarchistes avaient autre chose à faire -me semble-t-il- que s'occuper d'esperanto, de néo-malthusianisme sexuel et autres déviations. Ils ne le firent pas, et furent ainsi relégués au second plan. Du dehors, on vit briller et vibrer la C.G.T., Jaurès, Hervé, mais on ne connut que très peu les anarchistes qui cependant, de 1881 à 1894, avaient attiré l'attention du monde.
Photos: Zisly ; Butaud ; Sophie Zaïkowska:
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