de Lehning le Dim 20 Sep 2020 15:56
Smith consacre plusieurs chapitres excellents, qui gardent, jusqu'à présent, leur fraîcheur et leur beauté, à l'étude de la façon dont la conscience, c'est-à-dire "un spectateur impartial" qui est en nous, se développe naturellement chez l'homme ; il montre comment en même temps qu'elle, naît le goût de la dignité du caractère et de la beauté morale. Ses exemples sont empruntés à la vie réelle (quelquefois aussi à la littérature classique) et pleins d'intérêt pour quiconque réfléchit sérieusement aux questions morales et cherche un appui non dans des prescriptions d'en haut, mais dans son propre sentiment et sa propre raison. On regrette seulement, en les lisant, que Smith n'ait pas examiné du même point de vue l'attitude de l'homme envers les différentes questions d'ordre social, cela d'autant plus qu'à l'époque où il écrivait, ces questions agitaient la société et étaient bien près d'être posées dans la pratique sous forme de revendications de justice sociale. (1)
(1): Dans la revue historique des explications données à la morale avant lui, Smith fait la remarque suivante. En parlant des utilitaristes, il explique ainsi le raisonnement par lequel ils arrivent à faire découler l'évolution des idées morales de considérations d'utilité. La société humaine, si on l'envisage au point de vue philosophique, est une gigantesque machine en travail, écrit-il, machine dont les mouvements réguliers produisent de nombreux effets agréables et jolis. Moins il y aura en elle de frictions inutiles, plus sa marche sera belle et élégante. De même, au sein de la société, certains actes contribuent à créer une vie sans frictions et sans heurts, tandis que d'autres amènent les résultats opposés ; moins il y aura de raisons de conflits, plus facile et plus égale sera la vie de la société.
C'est pourquoi, quand on nous raconte quels innombrables avantages l'homme retire de la vie en société et quelles vastes perspectives nouvelles cette vie lui offre, le lecteur n'a pas le temps de s'apercevoir que ce ne sont pas ces avantages de la vie sociale, auxquels, peut-être, il n'a même jamais songé, qui forment la base de sa sympathie ou de son antipathie pour tels ou tels traits de caractère humain, que c'est une autre raison qui l'influence. De même, lorsque nous lisons dans l'histoire une description des qualités de caractère d'un héros, ce n'est nullement parce que ces qualités pourraient nous être utiles actuellement que nous sympathisons avec le héros: c'est parce que nous nous imaginons ce que nous ressentirions si nous vivions à son époque. Cette sympathie pour des hommes du passé ne peut être considérée comme une manifestation de notre égoïsme.
En général, pense Smith, le succès dont jouit la théorie qui explique la morale par l'égoïsme est fondé sur une compréhension inexacte et insuffisante de la sympathie. (VI° partie, section III, ch. I.)
Photo: Smith:
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