Trois petites lettres
Il était une fois trois petites lettres, trois petites lettres de l'alphabet ; pas plus.
Trois petites lettres qui, partant du principe que l'union fait la force, se réunissent à la fin du siècle dernier.
Au grand bonheur des exploités, lesquels en conçoivent un immense espoir.
Au grand effroi du patronat qui, dans la crainte de perdre ses prérogatives, tombe aux genoux du ministre de l'Intérieur en le suppliant de perfectionner la machine policière.
Mais les trois lettres n'en ont cure.
Elles comptent près de cent mille adeptes.
Tout est possible à cent mille hommes qui veulent.
Au cours d'une année célèbre d'action directe, la grève générale est annoncée.
Si fort que la bourgeoisie perd contenance et que certains de ses représentants vont se cacher dans leurs caves, terrorisés.
Résultat satisfaisant.
Les trois lettres sautent de joie.
Seulement, quoique fort jeunes, elles ne manquent pas de réflexion et devinent bientôt le grave danger que représente la politique.
Aussi, le congrés d'Amiens, en 1906, les voit-il prendre la décision de demeurer toujours éloigner de ce foyer de corruption, de ne jamais céder aux avances des politiciens.
Tout marche à merveille.
Les exploités continuent d'espérer.
Les exploiteurs de trembler.
Mais la politique veille ...
Elle n'a pas désespéré de mettre sa main malpropre sur les trois petites lettres dont la pureté devient choquante.
Et son opiniâtreté se voit bientôt couronnée. En 1914, la C.G.T. accepte l'idée de l'union sacrée. C'en est fait de sa liberté, de son idéal. Chaque jour qui passe l'enfonce de plus en plus dans la lie.
La fameuse scission en fait deux parties, qui s'empressent de se prostituer. La première (C.G.T.) dans les bras du Parti socialiste, la seconde (C.G.T.U.) dans ceux du Parti communiste.
De compromissions en compromissions, de déchéances en déchéances, elles en arrivent à devenir conseillères de l'Etat, agents d'exécution des réglementations gouvernementales. La classe ouvrière, assidûment, progressivement trompée, ne cesse hélas ! de leur confier ses représentants.
Si bien que la Confédération générale du travail, qui avait été à l'origine un organisme destiné à endiguer les exigences du patronat au profit de la classe ouvrière, devient bientôt l'organisme chargé d'endiguer les exigences légitimes de la classe ouvrière au profit du patronat.
Et comme toutes ces infamies ne parviennent pas à satisfaire pleinement ce besoin de dégradation de la C.G.T., elle y met finalement le comble en s'abandonnant aux répugnantes caresses des policiers.
Des policiers qui, après le premier congrès de la C.G.T., reçurent du patronat l'ordre de sévir contre ce mouvement ouvrier menaçant dangereusement de saper les fondements de l'édifice bourgeois.
Les patrons peuvent exulter, dormir sur leurs deux oreilles.
Que risquent-ils, à la vérité ?
Ce sont eux qui mènent la barque et leurs défenseurs, les policiers, font partie de l'équipage.
Plus de danger et vogue la galère !
Plus de danger... en apparence seulement. Car un beau jour - plus proche que d'aucuns le supposent - lassés de subir le joug de leurs maîtres, les matelots se souviendront des sens des mots : mutinerie, insurrection ; et, ce jour-là, messieurs les capitaines, rira bien qui rira le dernier !
Il était une fois trois lettres, trois petites lettres bien pures...
Mais le temps a passé et avec lui la pureté. Aussi les ouvriers doivent-ils se persuader que ces lettres fameuses ne méritent rien d'autre que les cinq non moins fameuses avec lesquelles Cambronne fabriqua le célèbre mot.
Georges-Charles Brassens
Le Combat Syndicaliste, avril 1947.
La lune s'attristait. On comprend sa tristesse
On tapait plus dedans. Ell' s' demandait quand est-ce
Qu'on va s' rappeler de m'enculer.
Dans mon affreux jargon, carence inexplicable,
Brillait par son absence un des pires vocables
C'est : "enculé". Lacun' comblée.
Lâcher ce terme bas, Dieu sait ce qu'il m'en coûte,
La chos' ne me gên' pas mais le mot me dégoûte,
J' suis désolé d' dire enculé.
Oui mais depuis qu'Adam se fit charmer par Eve
L'éternel féminin nous emmerde et je rêve
Parfois d'aller m' faire enculer.
Sous les coups de boutoir des ligues féministes
La moitié des messieurs brûle d'être onaniste,
L'autre d'aller s' faire enculer.
A force d'être en butte au tir des suffragettes
En son for intérieur chacun de nous projette
D'hélas aller s' faire enculer.
Quand on veut les trousser, on est un phallocrate,
Quand on ne le veut point, un émul' de Socrate,
Reste d'aller s' faire enculer.
Qu'espèrent en coassant des légions de grenouilles ?
Que le royaum' de France enfin tombe en quenouille,
Qu'on coure aller s' faire enculer ?
Y a beaux jours que c'est fait devant ces tyrannettes,
On dans' comm' des pantins, comm' des marionnettes
Au lieu d'aller s' faire enculer.
Pompadour, Montespan, La Vallière et j'en passe
Talonnèrent le roi qui marchait tête basse
Souhaitant aller s' faire enculer.
A de rar's exceptions, nom d'un chien, ce sont elles
Qui toujours min' de rien déclenchent la bagatelle ;
Il faut aller s' faire enculer.
Oui la plupart du temps sans aucune équivoque
En tortillant du cul ces dames nous provoquent,
Mieux vaut aller s' faire enculer.
Fatigué de souffrir leur long réquisitoire
Ayant en vain cherché d'autres échappatoires,
Je vais aller m' faire enculer.
D'à partir de ce soir cessant d' croquer la pomme
J'embarque pour Cythère en passant par Sodome,
Afin d'aller m' faire enculer.
Afin qu'aucun' de vous mesdames n'imagine
Que j'ai du parti pris, que je suis misogyne,
Avant d'aller m' faire enculer
J'avoue publiquement que vous êtes nos égales,
Qu'il faut valider ça dans un' formul' légale,
J' suis enculé mais régulier.
En vertu d' quel pouvoir, injustes que nous sommes,
Vous refus'-t-on les droits que l'on accorde aux hommes,
Comme d'aller s' faire enculer.
Homophobe, il l'était surement : il parlait du "crime pédéraste"
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