comment vivre en accord avec soi-même ?

Pour se présenter, raconter sa vie...

comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede annelou255 le Sam 30 Jan 2016 00:47

j'ai 40 ans, je suis prof de français depuis 15 ans dans le public, j'aime les élèves et travailler avec eux. Je fais auprès d'eux oeuvre subversive autant que possible depuis toutes ces années, mais ça ne me suffit plus. Et surtout cela devient de plus en plus difficile, étouffant. Même si j'essaie de me convaincre que c'est pour mes élèves que je travaille et non pour les représentants d'un Etat que j'exècre, c'est quand même d'eux que je reçois les directives qu'il me faut sans cesse déjouer ou surmonter, d'eux que je reçois ma paye. J'en peux plus de faire semblant. J'ai envie de tout plaquer, mais pour quoi faire ? Quel moyen moins hypocrite de faire profiter les autres de mes quelques savoirs et compétences ?

Dans n'importe quel milieu c'est mal vu de dire que t'es prof au collège. Pour les intellos tu es une ratée de maigre envergure, pour les bourgeois une feignasse assistée, pour les anar une chienne de garde de la transmission du pouvoir. Je sais plus comment me mettre d'accord avec moi-même, comment me regarder en face. Si j'étais seule je renoncerais à la vie en société, je suis plus solitaire qu'anarchiste, mais ce qui complique c'est deux enfants et leur père qui ne veut pas les mettre en danger, tient à leur sécurité, veut croire qu'ils auront un avenir. On parle de partir, le lointain c'est bien, mais j'ai le sentiment de fuir pour... quoi ? qu'est-ce que j'ai à apporter au monde ? Lui tient à mon poste, la "sécurité" mais quel idéal je transmets par l'exemple à mes enfants ? C'est bien beau de parler, de critiquer, de provoquer les élèves, mais ça reste du blabla et des mensonges tant que je bosse dans le système. ce dont j'ai besoin c'est de m'unifier, il faudrait que ça prenne toutes les dimensions, spirituelle, politique, pédagogique, pour que je me sente enfin d'accord avec moi-même.

Si vous avez des idées, des suggestions, de boulots que je pourrais exercer à l'étranger, qui me permettent à la fois de nourrir mes enfants (pas de gros besoins), de me rendre utile avec ce que je connais (je sais pas faire grand-chose et suis même plutôt handicapée des deux mains) et de ne pas trahir mes idéaux, je vous écoute, merci d'avance pour votre accueil.
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede frigouret le Sam 30 Jan 2016 09:03

Salut 255.

C'est bien la tristesse, ça fait du vide , de la place pour accueillir le bonheur.

Pour se réunifier le sexe c'est pas mal. Autrement pour le boulot tu pourrais te lancer dans le balai en bruyère, la bruyère y'en a tant que c'est res nullius et c'est très rec.herché par le balayeur sachant balayer, avec un tampon a 15 balles tu pourras mettre la tva in the pocket.
8-)
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede leNouveau le Dim 31 Jan 2016 07:06

Il y a peu de boulots finalement dans lesquels un travailleur libertaire n'est pas obligé de faire des compromis avec sa conscience, le prof travaille pour l'Etat, l'ouvrier pour enrichir le capitaliste, l'artisan pour enrichir son banquier et même
le chômeur, qui est payé pour faire peur à tous les autres pour qu'ils acceptent leur sort sans rechigner.

L'enseignement est une belle activité, et spécialement en littéraire, dont l'un des objectifs devrait être de développer l'esprit
critique des élèves. Il doit rester possible de le faire sans affronter directement sa hiérarchie.

Partir à l'étranger dans un pays occidental c'est se retrouver face aux mêmes problématiques d'un point de vue philosophique
sinon d'un point de vue matériel, partir ailleurs c'est tendre, vers le néo-colonialisme.
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede Pierre-Joseph le Lun 1 Fév 2016 16:58

Si je peux me permettre de te donner un conseil d'ordre presque syndical, c'est de ne surtout pas démissionner car cela leur ferait beaucoup trop plaisir. Débrouille toi au moins, si vraiment tu ne tiens plus à ton boulot, pour te faire virer en beauté. Comme ça, en plus, tu touches le chômage et, suivant combien d'années t'as cotisé, ça peut peut-être nourrir tes enfants jusqu'à la retraite.
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede rastanar le Lun 1 Fév 2016 18:08

Salut Annelou255,bienvenue sur ce forum...ne te laisse pas tomber dans la déprime,ni dans la dépression,ni dans
cette angoisse,il est légitime de poser ce genre de question "de quoi ça sert de bosser dans cette société du profit
et de cassage sociale ?".

Nous avons tout comme toi,en face de nous,cette sale réalité de participer à notre propre exploitation ,ceux et
celles qui sont au pouvoir(Ps,Reps,Udi,Fn et j'en passe...plus leurs laqués de réformistes,"partenaires sociaux",
Cgt,Cfdt,Fo,Cftc,etc...)forcément en profitent et nous imposent leur propre choix de société :arrow: capitalisme.

Alors faisons face et je te rassure si tu partais à l'étranger,ça ne ferai pas de toi une néocolonialiste même si tu
es fonctionnaire d'état,ça ne serai pas un travail précaire comme un autre peut-être ?...


Le Nouveau :
Partir à l'étranger dans un pays occidental c'est se retrouver face aux mêmes problématiques d'un point de vue philosophique sinon d'un point vue matériel,partir ailleurs c'est tendre,vers le néocolonialisme


Depuis quand celui ou celle qui vend sa force de travail pour vivre est un exploiteur ?,faudrait voir à ne pas inverser les rôles,merci pour celui ou celle qui trime,n'est-ce pas le nouveau ?.
Le soulèvement aura lieu...tu aura beau prier ton dieu---La Canaille

"C'est pas des trous de balle qui vont nous empêcher de vivre.
D'ailleurs j'en ai un et je vis très bien avec"---Karin Viard
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede annelou255 le Lun 1 Fév 2016 23:11

Bonsoir,

Tout d'abord, merci pour vos réponses : je m'aperçois que je ne suis pas la seule bien sûr à ressentir pleinement ces contradictions entre nos idéaux de justice, d'égalité, de liberté, d'autonomie et la nécessité vitale de travailler, quels que soient le secteur, la profession ou le contrat. Si je compare au privé, je dois pouvoir estimer même avoir beaucoup de chance : après tout, même en ouvrant ma g...., même si je me mets en conflit ouvert avec la hiérarchie (ce qui arrive rarement, je suis du genre diplomate retors), y a peu de chances que je perde mon boulot, mon salaire, et ça bien sûr quand t'as des mômes c'est inestimable. (peu de temps après avoir posté ce topic je me suis gravement interrogée et j'ai eu un peu honte de venir pleurnicher alors que certainement parmi vous il y a, comme dans l'ensemble de la société française, un paquet de gens au rsa, au chômage, ou sous le pouvoir d'un patron... la fonctionnaire qui la ramène, même si elle mal payée, mal considérée et manipulée par les exigences du ventre comme tous les autres, ça gonfle ceux qui sont pas payés du tout, encore plus mal considérés et encore moins libres de dire et faire ce qu'ils pensent juste. Bref, a posteriori et trop tard : désolée d'avoir posté ce truc, j'étais effectivement dans un moment d'abattement assez monstrueux...) C'est pas de la tristesse : c'est la frustration immense de tous ceux qui ne se sentent pas maîtres de leur vie...

Le coup du world-tour en camion, soupe à l'ortie cueillie dans la forêt et vente de ponchos cousus-maison (ma première proposition au papa), c'est niet, ça marche pas : trop dangereux pour les enfants, nan mais tu délires, pas d'avenir, c'est mort etc. Je dois, si je suis pas trop bouchée et immature, en convenir : mes enfants ont 8 et 10 ans, l'idée c'est leur ouvrir des horizons, qu'ils apprennent et aiment assez pour avoir envie de construire un autre monde, de faire autrement, pas qu'ils se retrouvent paysans, pêcheurs ou bûcherons exploités par des multinationales au fond du Venezuela par manque de choix. D'où le plan B (et ma question : qu'est-ce que vous en pensez ? :confus: ) :

Plan B : je retourne (légèrement, un quart de tour suffit) mon cardigan la croix-rouge : d'anarchiste de gauche, je me fais anarchiste de droite ! Ça ne règle pas mes problèmes de conscience mais mes problèmes de fric, oui... En tant que prof je fais partie des rares privilégiés qui peuvent se déplacer en conservant leur job. A mon stade, ça concerne forcément les dom-tom-com je sais plus comment on les appelle, passage par Mayotte obligatoire (ou autre île pourrie où l'administration (et le fric) français font tout pour rester entre les mêmes mains tout en essayant de faire croire à la population qu'on oeuvre pour l'égalité des chances : exactement le même mensonge qu'en Métropole, sauf que là-bas les inégalités et les basses manoeuvres sont encore plus criantes/frappantes). Du coup cette question du néo-colonialisme est plus brûlante que jamais : si je pars pour faire du fric, sachant quand même que j'aime mon boulot, que s'il a une utilité quelconque (éveiller à un minimum de sens critique comme dit plus haut) j'y suis entièrement dévouée, mais sachant aussi que ce travail-là est presque impossible (va-t'en faire de la concurrence toi la Tv, à la pub, au capital, au lavage de cerveaux organisé) mais enfin plus indispensable encore là-bas qu'ici (imagine si des rangs des miens s'élève UN esprit capable de vraiment réfléchir, et contribuer à l' harmonisation de la société !)... suis-je raccord avec moi-même ???!! tain les copains, je vous raconte pas le bordel dans ma tête...

Le néo-colonialisme, c'est quand tu crois que tes valeurs sont plus vraies que les valeurs des autres. Moi si je pars j'apporte pas des vérités, mais seulement des questions. Quelque part, depuis longtemps, je suis sûre de l’innocuité de mon enseignement, la seule chose que je peux faire, si je suis efficace, c'est du bien. Je sais que je plaquerai pas ma grille de lecture sur le réel. Mais que je me le prendrai en plein dans la g... comme à Bondy (6 ans dans le 93, c'était chaud !) Bah tfaçons, les élèves, c'est les mêmes partout : de jeunes êtres avides, d'être en vie, d'être libres, d'être heureux. C'est pour ça eux et moi qu'on s'entend bien... ;)

Je sais pas, c'est difficile. D'un côté je peux me dire : c'est l'occasion de former les jeunes qui en ont le plus besoin à faire face au monde qui les attend demain ; de l'autre : je profite à mort d'un système inique, je prends le fric là où il est (si je pars à Mayotte je vivrai dans un luxe relatif alors que mes élèves, que j'exhorterai pourtant à se battre pour faire reconnaître leurs droits face à un occident profiteur, surtout quand on parle de l'Afrique, seront pour la plupart issus de milieux très défavorisés - mais c'était déjà le cas partout où j'ai travaillé, là en campagne profonde avec des fils d'agriculteurs quasi analphabètes) et quand je me barrerai de là-bas j'aurai rien changé juste pompé un peu plus un système qui se nourrit des plus pauvres... Bref, j'ai toujours été pétrie de contradictions mais en ce moment, crise de la quarantaine oblige, c'est le pompon...

Enfin : qu'est-ce vous pensez de ça : j'ai envie (si on part et si c'est possible niveau organisation) de déscolariser mes enfants. De plus en plus de mes collègues, ici ou ailleurs, mettent leurs enfants dans le privé, ce dont je n'ai pas les moyens d'une part et ce qui, d'autre part, me pose encore d'autres problèmes de conscience, insurmontables ceux-là. Bref, pas d'école, mais une instruction libre, épanouissante, mettant au coeur des apprentissages le plaisir de l'instant, la sagesse de se contenter de rien, l'amour de son prochain (désolée je suis du genre anar chrétienne à fond), la collaboration etc. Toutes choses auxquelles l'educ nat prétend, mais sans jamais s'en donner les réels moyens, sachant que ce qui est visé au final, et à travers un mensonge institutionnel, c'est que les élèves fassent de bons petits esclaves serviteurs du Capital... Alors, j'aurai beau être la plus incitative possible, pousser mes élèves à développer leur personnalité, leur individualité, leur créativité, leur liberté... ça restera un enseignement que j'estimerai insuffisant pour mes propres enfants... Cette pensée c'est insupportable. Tu veux le meilleur pour tes gamins, et le meilleur c'est faire partie de l'élite (du moins en connaître les codes) tout en étant capable de t'en séparer (par l'esprit critique). Toutes choses que j'essaierai, mais en vain la plupart du temps, parce que contrainte par un système pervers qui s'y connaît en injonctions contradictoires, de transmettre à mes élèves, via un mode de fonctionnement que je n'estime pas digne de mes enfants ! Merde, là y a un gros problème. Travailler pour l'ennemi, et en même temps contre lui, tout en tirant son épingle du jeu, j'en demande beaucoup, non ?

Merci si vous me lisez avec bienveillance comme vous l'avez fait jusque là, je partage avec vous mes déchirements intimes, ce que je peux rarement. Aucune décision n'est encore prise, j'ai besoin d'être éclairée avant.

Ah oui, quand même : dernière option : le papa, avec ma participation, pourrait très bien, s'il s'occupe de nos enfants, monter une sorte d'école associative : à Mayotte les besoins en écoles sont très forts, on manque bcp de profs, les petites assoc' de parents de ce genre se multiplient. Est-ce que ce pourrait être une façon d'oeuvrer un peu mieux au bien commun ? de faire une concurrence déloyale (enseignement gratuit ouvert à tous) à l'éduc nat ? En dehors des grandes "enseignes" d'écoles libres (Montessori, Freynet...), pensez-vous qu'il soit possible (et rentable, non financièrement mais idéologiquement si je puis dire) de proposer un autre type d'éducation à nos enfants ? Enfin, sachant que si cette école libre - et gratuite - voit le jour ce ne sera que grâce à mes salaires (il en faut bien au moins un pour vivre à 4 ...), que penser de cette nouvelle "prostitution" ?

Pffffff, j'ai conscience que cela est très embrouillé, désolée, c'es à l'image de mes pensées en ce moment. Merci encore si vous voulez me donner un avis sur tout ça.
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede annelou255 le Mar 2 Fév 2016 00:36

@frigouret : je suis d'accord sur cette histoire de sexe. Encore une autre histoire et la même pourtant... Qu'est-ce que l'amour ? l'organisation familiale n'est-elle pas un modèle réduit de nos sociétés ? peut-on s'entendre avec quelqu'un qui ne pratique pas les bases de la communication non-violente ? Est-ce que ce que nous aimons dans le sexe c'est une part de violence, et s'ensuit-il qu'on ne peut baiser qu'avec notre ennemi ? suis-je sur le bon forum pour parler philosophie ? etc. des questions j'en ai plein ;)
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede leNouveau le Mar 2 Fév 2016 06:55

sur le projet d'école "libre" je te conseille de lire "Bonaventure, une Ecole Libertaire" aux Editions Libertaires,
ça se passe en France mais peut-etre transposable ailleurs, montre comment les parents et élèves sont impliqués
depuis la construction jusqu'à la gestion de l'école
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Re: comment vivre en accord avec soi-même ?

Messagede Pierre-Joseph le Mar 2 Fév 2016 14:44

Il ne faut pas minorer le risque de licenciement dans l'Education Nationale: il y a quand même des licenciements tous les ans, auxquels on pourrait ajouter les fins de contrats des profs contractuels et des assistants vie scolaire qui sont en fait des licenciements à peine déguisés.
Il n'y a pas de vagues de licenciements massifs, comme dans d'autres secteurs, qui font beaucoup de bruit mais des licenciements réguliers dans le silence et l'indifférence générale.
Bien sûr, les syndicats se déclarent en général contre ces licenciements mais concrètement ils ne font rien pour s'y opposer et ne pouvant rien y faire, ils choisiront plutôt de dire que ceux-ci sont tout à fait acceptables. Il reste alors le Tribunal Administratif à côté duquel les Prud'hommes passent pour une entreprise philanthropique.
Cela dit, l'école publique reste un lieu potentiellement subversif car c'est un lieu gratuit où beaucoup de gens se rencontrent. Je ne pense pas que les profs soient les éléments les plus subversifs du lieu, peu importe l'énergie qu'ils y mettent. Non, l'élément subversif à l'école, c'est l'élève. Le lycée est souvent le lieu des premières grèves, des premiers blocages, des premières occupations et il ne faut pas chercher plus loin le potentiel subversif de l'école.
Après chacun fait ce qu'il veut de ses enfants mais le lycée publique reste, à mon avis, une très bonne option.
Pierre-Joseph
 
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