Je viens de lire la brochure "contre culture et capitalisme": Je réagis "à chaud", peut être que d'autres choses ou aspects
me viendront à l'esprit par la suite.
Déjà, je pense que le "boulot" et l'initiative d'une telle brochure sont clairement à saluer, tant on entend parler
de "contre culture" un peu partout. Je suis d'accord sur le fond de la brochure, et il y a vraiment
des passages excellents ( par exemple sur la "non-violence" des hippies, la drogue, le renouveau générationnel d'une classe dominante en germe etc). ( à juste un truc, pas vraiment important,mais dommage qu'il n'y ait aucune légende sous les photos, car certaines sont vraiment pas mal mais je ne sais pas à quoi elles renvoient ou correspondent. )
Mais j'vais plutôt parler des aspects dont je suis moins "fan" ( comme d'habitude je dirais ^^ ).
A mon sens, il y a un problème à la base dans la (non)définition de ce qu'est la "contre-culture".
On parle de celle-ci dès le début, mais on ne sait pas très bien à quoi renvoie ce concept.
Ça peut paraitre futile comme remarque, mais ça ne l'est pas pour moi, car de cela découle tout le reste.
Est ce que l'on comprend celle ci à travers son sens "historique" et défini par la pensée dominante? ou autrement?
Est ce que la contre culture, ou culture alternative, ou autre mots que l'on y colle, commence dans le moment de création,
avec tout ce qui peut le motiver, ou à partir du moment ou cette création est portée, diffusée massivement et médiatiquement, et tend à être connue?
Apparemment c'est la définition "historique et dominante" qui semble prévaloir dans le texte.
Après je ne sais pas personnellement, quand on peut qualifier une forme artistique de "culture" ou "contre-culture" et la
définition précise de celle ci.
Le texte veut démontrer qu'il n'y a pas eu de récupération de la contre-culture, mais que celle ci est bien par essence
une forme de contestation petite-bourgeoise et spectaculaire. Pourquoi pas, j'pense être assez d'accord avec ça. Mais ça
dépend de ce que l'on entend par contre culture. Ci celle ci nait avec la diffusion massive d'une création par les médias, ok.
Mais ci l'acte de création à l'origine d'une forme de "culture" est déjà vu comme tel, ça me pose problème.
La contre culture, est ce pour le rock Elvis Presley, pour le reggae Bob Marley, soit les icônes du spectacle marchand, ou est ce untel, anonyme inconnu, au fond de sa cave, lorsqu'il a ressenti le besoin de créer ce que l'on va appeler plus tard le
rock ou le reggae? Enfin bon ça me pose un peu problème.
Autre truc qui me chiffonne, c'est cette référence un peu béate aux "Black Panthers". Quid des modes de fonctionnements et pratiques autoritaires, voire militaires, de cette organisation? Quid des discours à dérive nationalistes ou racistes?
Moi, qui me place dans une logique anti-autoritaire, ça me pose un peu problème tout ça, le fait de les prendre en référence,
pour critiquer le mouvement contre culturel. ( on a pas besoin d'un référent pour cela, et la critique sonne juste sans avoir à prendre les BP en référence.)
Et cette critique précédente est peut être liée à celle-ci, c'est à dire au marxisme ( qui reste une pensée autoritaire selon
moi) comme lecture unique du phénomène de "contre culture", avec son outil pseudo scientifique de "matérialisme historique et/ou dialectique" ( et toutes les pseudo-vérités messianiques et déterministes comme la finalité historique ou les phases de l'histoire, qui tiennent plus d'un reste de chrétienté dans la logique que d'analyse rigoureuse et "scientifique" ) comme grille de lecture occultant toutes les autres possibles, et les niant même ( on retrouve le discours marxiste redondant, celui qui renvoie l'affirmation de l'individu et l'individualité comme un truc égocentrique petit bourgeois, ne faisant pas la distinction entre l'individu,réalité existante et physique,doué de raison, tendant vers son émancipation totale et son autonomie avec l'Individu spirituel sublimé et porté aux nues par les libéraux et autres pensées bourgeoises).
Ainsi, la "culture populaire est communiste... ou n'est rien", ça fait un peu "la création, et par extension l'art, doit avoir une utilité d'un point de vue révolutionnaire, doit servir la Cause ou n'est rien". Et moi ce type de discours ça me gonfle un peu.
Parce qu'il découle de ce que je disais avant, parce qu'il ne voit en chacun-e et dans sa création personnelle qu'une partie d'un tout, d'un antagonisme de classe, un maillon de la chaine, de la Cause ( ici la cause est la révolution sociale communiste) et ne parvient donc pas à s'émanciper du terrain de "l'utilité sociale".
C'est quelque chose qui est par exemple je trouve, absent de la brochure sur l'art et l'artiste fait par non-fides. Et je les
rejoins plutôt en ce sens.
Autre critique, l'attaque sur le concept "d'absurde" ( je n'en vois d'ailleurs pas trop l'intérêt, par rapport au sujet d'analyse
) qui serait une sorte de truc creux conceptuel petit bourgeois bien utile
pour nier les modes d'oppression et de domination, et qui se substituerait à lui. C'est surement l'usage qui en est fait par certains et dans leur intérêts justement, mais c'est une lecture faussée de ce qu'est l'absurde selon moi.
L'absurde, ne se définit pas par une sorte d'abstraite condition humaine et ne se substitue pas à la réalité qui nous préoccupe (l 'oppression capitaliste et les modes de domination).
Il n'existe pas d'ailleurs en lui-même, ni dans l'homme, ni dans le monde. L'absurde n'est qu'un mot pour décrire la confrontation entre l'homme l'individu, et le monde ( au delà des sociétés humaines et de ses formes de coercitions) et l'incompréhension qui en résulte.
C'est ce que l'on ne peut expliquer, une prise de conscience d'une impuissance que l'on constate dans la volonté de répondre à certaines questions.
Il détruit les croyances, qu'elles soient religieuses ou idéologiques ( la fin du monde, le but de l'existence etc), toutes ces inventions pour se rassurer et se donner un but existentiel crée de toute pièce.
Quand je pense qu'il n'y a pas de réponse à la question de "pourquoi je suis là?" "pourquoi le temps, la vie, la mort?" il y a une tension qui en résulte, un vide auquel est confronté notre conscience, qui ne peut y répondre, qu'elle aille voir dans n'importe quelle direction.
Tout ça c'est l'absurde ( juste un mot pour décrire cela). Je pense qu'il n'y a pas de finalité à mon existence, pas de raison, qu'il n'y a pas de but dans la vie, ni d'avenir promis à aller chercher, à espérer, comme point lumineux dans le ciel de l'humanité.
Mais dire ça, ça ne m'empêche en rien de combattre ce qui dépend directement de nous, de l'homme, de son oppression sur ses semblables, des système et modes de domination. Pas besoin de croyance existentielle pour ça, ou de foi en l'avenir ou en une finalité historique. Juste le ressenti, parce que l'oppression on la subit physiquement, psychologiquement, et que ce présent là n'est pas supportable, du pouvoir sous toutes ces formes. Mon ressenti individuel est suffisant pour légitimer ma révolte contre cet ordre social, économique et politique. C'est de l'ordre individuel, mais individuel et collectif se rejoignent à l'arrivée. Je crois que la fameuse "subjectivité radicale" qui devrait prédominer est mise à mal justement par cette lecture idéologique unique et dogmatique du sujet.
Bon bref je crois que je m'égare à mon tour.
Dernier point, que j'ai déjà évoqué un peu. On ne peut prendre l'art et le lire qu'à travers une grille de lecture objective et idéologique, en niant tout le reste, ce que l'on pourrait appeler "les gouts etc, tout ce dont on se fout" mais qui est autant politique que le reste.
Lorsque j'écoute un live de Miles Davis en 64, je vois que c'est une musique de soirée mondaine, devenue commerciale, avec pleins de bourgeois, avec un Davis puant d'arrogance, d'élitisme, de culte de l'apparence, du surfait, je me dis que tout ça est à jeter, à gerber, dans son ensemble.
Mais lorsque j'oublie tout ça ( trahison que je fais là) et me concentre sur un solo de trompette précis, le son me perfore les oreilles, le ventre, me donne le frisson évoque en moi des choses folles, et me bouleverse autant dans mon rapport au monde qu'une des plus belles plumes de la pensée subversive et révolutionnaire.
Chacun-e y voit ce qu'il veut bien sur. Mais moi ça me parle. Et tout le reste, je m'en tape, car il n'y a plus que le son qui compte, cette note, cette mélodie là, etc.
Celui ou celle qui parle de révolution ou de lutte de classes, mais qui ne comprend pas cela, pour paraphraser un auteur très connu du situationnisme, je pense qu'il ou elle "a dans la bouche un cadavre."
En espérant que mes critiques seront comprises dans une volonté de débat sur le sujet, et en rien des attaques.