Un sujet qui me tient à cœur et qui d'une certaine manière a influencé ma façon de penser : mon quartier, La Bastide, sur la rive droite de Bordeaux (ça a son importance, vous le verrez). Vous verrez aussi que je vais faire part de pas mal de souvenirs de mon enfance, pour bien vous montrer en quoi le fait de vivre à La Bastide a influencé ma façon de voir les choses.
On va commencer par un peu d'histoire (très approximative).
Au départ, Bordeaux c'est installé sur la rive gauche de la Garonne. Pour rejoindre la rive droite, une seule possibilité : les barges. Au départ, La Bastide était une zone agricole, je vous le donne en mille, c'était des vignes. Puis, vers la Révolution industrielle, les premières usines ont fait leur apparition sur la rive droite. C'est sous Napoléon que le pont de pierre a été construit (ou Napoléon 3, je ne sais plus), reliant les 2 rives. Au début des années 1900, la ville de Cenon, elle aussi sur la rive droite et limitrophe de La Bastide actuelle, vend La Bastide à la ville de Bordeaux, permettant à cette dernière d'avoir un pied sur la rive droite. La Bastide comptait alors 16000 habitants dont beaucoup d'ouvriers. Puis, plus tard, vers les années 1960-1970 les usines ont commencé à fermer, quand je suis né, en 1987, l'activité ouvrière était devenu quasi-nulle.
"La Bastide c'était un quartier pourri" comme le dirait un ami qui lui a grandi à Lormont, autre commune de la rive droite, c'est un peu le 93 bordelais. Beaucoup d'espaces étaient occupé par des friches industrielles. De grands terrains vague, des usines à l'abandon. La voirie était assez pourrie aussi.
Quand j'étais gosse, mon terrain de jeu c'était la gare d'Orléans. La gare d'Orléans c'était des ruines aussi, avec un terrain vague équivalent à à peu près deux terrains de foot si ce n'est plus. Avant, elle servait à acheminer les produits qui sortaient des usines, elle avait été brûlé, 2 fois. On y faisait un peu ce qu'on voulait. Y avait les bouteilles de bières qu'on s'amusait à dégommer avec des pierres, et le terrain étant bien défoncé, on y faisait pas mal de vélos aussi. D'ailleurs on aimait bien quand il pleuvait, car au milieu de la gare, entre les deux ailes, il y avait une espèce de cour en U qui se remplissait de flotte. Du coup, on récupérait tout ce qui trainait aux alentours (pneus, planches de bois..) et on y faisait un pont pour y passer à vélo. Je peut vous assurer qu'il valait mieux pas se toller au milieu du pont...
Les gens se parlaient pas mal. Y avait pas mal de vieux. Le sujet de discussion et de commérage à l'époque c'était qui risquait de se faire expulser de chez lui car il/elle avait dût mal à payer le loyer. C'était avant le boom de l'immobilier dans le quartier évidemment. Beaucoup de vieux, je l'ai déjà dit mais c'était criant à l'époque. Mais les gens se parlaient. On hésitait pas à aller demander au voisin s'il avait pas un truc à dépanner. Y avait de l'entraide quoi.
De toutes les personnes que j'ai connu, il y en a une que j'aimais bien, non seulement car elle était de mon âge et qu'en plus elle était jolie. C'était Ismane, ma voisine d'en face. On était fourré soit chez l'un soit chez l'autre. C'était un peu ça aussi la vie à La Bastide avant, les gosses faisaient à peu près tout ce qu'ils voulaient et ils allaient les uns chez les autres. Un souvenir qui me revient et qui m'a marqué. C'était l'anniversaire de mes 8 ans. J'étais malade. Mais, la mère d'Ismane m'avait fait un gâteau (elle était boulangère). Un gâteau très particulier : en forme de 8, pour mes 8 piges... Quand j'y repense, c'était trop mignon. Je me rappelle plus s'il était bon ou pas. J'ai perdu de vue Ismane, elle a déménagé après deux ans passés dans ma rue.
C'est à cette époque là, je devais alors avoir 10 ans, que j'ai rencontré un autre rebeu, je me rappelle plus de son nom, juste qu'il habitait une cité à côté de chez moi. On s'était rencontré lors de l'incendie d'une entreprise de menuiserie. A l'époque, un incendie c'était la distraction a pas loupé. C'est dégueulasse, mais quand on a pas de passe-temps dans le quartier... Là, c'était plus des virées en vélo sur les terrains vagues et des journées à jouer à la play.
Je vais arrêter ici mon autobiographie socio/géographique, pour vous parler un peu plus de Bordeaux et des communes avoisinantes et de la dualité rive gauche/rive droite.
Ayant fait deux années de géographie je comprends un peu mieux aujourd'hui les différences qui existe entre les quartiers. Et, à Bordeaux la différence est criante entre les deux rives. Déjà, il y a 500 mètres à faire entre les 2 rives. Le fleuve fait donc office de frontière en quelque sorte. Frontière psychologique (j'y reviendrai), architectural, social et culturelle.
Bordeaux rive gauche, dans l'imaginaire de la plupart des jeunes et des habitants de la rive droite, et qui n'en est pas pour autant infondé, c'est la rive des bourges. A l'inverse, pour les habitants de la rive gauche, la rive droite a peu d'intérêt (ce qui est vrai) quand pour certain(e)s c'est pas un coupe-gorge. Une anecdote là-dessus. J'ai été dans un lycée rive gauche et j'ai eut une discussion avec 3 bonnes bourgeoises de ma classe en terminale. Je leur disait qu'il m'arrivait d'aller faire mes courses au Carrefour de Lormont et que quand je faisais de la natation, il m'arrivait aussi d'aller à la piscine de Lormont pour des compétitions (voir ce que j'ai dit sur Lormont plus haut). Elles m'ont regardé avec des yeux ronds. Pour elles, Lormont c'est un quartier coupe-gorge où on s'y fait forcément agressé, elles m'ont d'ailleurs dit qu'aller sur la rive droite la nuit "c'est craignos". Vous voyez le genre de stéréotypes qu'ont les habitant(e)s de la rive gauche sur la rive droite...
La suite plus tard.