De la modération et de la propagande sur le net

De la modération et de la propagande sur le net

Messagede vroum le Lun 10 Déc 2012 15:12

Les modérateurs du Net ont parfois le blues
Enquête | Leur mission : traquer les propos racistes ou diffamatoires sur les sites d'info. Une prouesse qui affecte parfois leur moral, tant le flot d'infamies est continu.

Le 01/12/2012 http://www.telerama.fr/medias/les-moderateurs-du-net-ont-parfois-le-blues,90061.php
Erwan Desplanques - Télérama n° 3281

Si la presse en ligne se consommait sans modération, ça se saurait : on verrait des torrents de boue dégouliner en continu sur l'écran. La majorité des commentaires postés sous les articles sont déjà suffisamment vaseux/fumeux/haineux (cochez la case que vous voudrez), mais ce serait bien pire sans eux – les modérateurs – qui biffent les propos pédophiles, diffamatoires ou dégradants, vivent les mains dans la vox populi, à écouter les râleurs, les racistes, les grincheux, les mécontents anonymes. A la fin de la journée, si tout se passe bien (c'est-à-dire mal), ils se sentent poisseux. « C'est sûr qu'on ne lit pas les gens les plus heureux de vivre », dit poliment l'un d'eux.

Nous sommes à quelques rues de la place de l'Etoile, à Paris, dans les locaux de Concileo, la première entreprise de modération française, créée il y a douze ans par David Corchia, un ancien des studios Warner. Son premier client, en 2000, fut la radio Europe 1, qui inaugurait ses forums. Puis d'autres médias ont embrayé avec l'essor du Web participatif, dès 2004. Aujourd'hui, les salariés de Concileo modèrent le site du Figaro, de L'Equipe, de TF1, de Radio France, d'Arte, du Parisien, du Journal du dimanche, de Libération, de Voici ou encore de Femme actuelle ou Nice-Matin... Rares sont les titres qui assurent eux-mêmes, en interne, le tri des commentaires (c'est le cas à L'Express ou à Télérama). La plupart font appel à des prestataires extérieurs (Netino, par exemple, qui modère en partie lemonde.fr). Concileo traite jusqu'à deux millions de contenus par mois. Avec « un commentaire modéré toutes les quatre secondes ». Le dispositif est conséquent : dix-neuf salariés en France (la moitié dans les bureaux parisiens, l'autre en télétravail), vingt personnes au Maroc (notamment pour scruter le site de TF1), qua­tre en Australie ou en Nouvelle-Zélande pour modérer la nuit (payées en horaires de jour). Ces cyber-vigies assurent ainsi une veille sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si vous postez une boule puante sur le site du Figaro à 3 heu­res du matin, elle sera aussitôt interceptée par un modérateur vivant quelque part au fin fond de l'Australie. Magique.

Ils sont en permanence six à se partager un rez-de-chaussée à Paris, situé au fond d'une impasse. Profils variés : un ancien journaliste de RTL, un éducateur artistique, beaucoup de trentenaires intéressés par les médias, payés sur la base du smic. Ils balaient chacun deux mille commentaires par jour – cinq mille quand une actu mal digérée provoque trop de remontées acides. Sur l'écran, les messages suspects s'affichent en rouge : un « troll » (perturbateur) déjà repéré, une insulte identifiée par logiciel, un simple spam... Les modérateurs étudient le message en question et prennent très vite une décision : garder ou jeter, selon la charte de chaque titre. « Il faut mo­dérer avec précision, explique David Corchia. On doit impérativement motiver notre choix, l'argumenter. Le risque, c'est de surmodérer et de passer pour des censeurs. » Pour éviter ce soup­çon, Liberation.fr ne transmet plus à Concileo que les contenus signalés par au moins trois internautes. Le reste passe automatiquement, au nom de la liberté d'expression.

Avant de mettre en ligne un article particulièrement polémique, certains rédacteurs en chef préviennent par mail. Préparez casque et armure, ça va pleuvoir. « Sur l'affaire Charlie hebdo, ce qu'on a lu donnait la chair de poule », raconte le patron de Concileo. Les sujets qui fâchent sont souvent les mêmes : l'islam, les faits divers, l'homosexualité, la corrida... « Même si les internautes arrivent à être idiots sur à peu près n'importe quel sujet », note Valérie, modératrice depuis dix ans, entre sarcasme et désenchantement. Le tabou du moment, ce sont les animaux : « Avant, c'étaient les enfants, il ne fallait pas toucher à un seul de leurs cheveux. Maintenant, c'est l'animal. La dernière incarnation de l'innocence absolue dans l'imaginaire collectif. L'autre jour, Le Parisien racontait l'histoire d'un chien retrouvé décapité dans une piscine. L'article a surexcité les internautes, les a rendus fous, incontrôlables. »

Assise devant son écran, Valérie regrette l'âge d'or des forums, où les internautes échangeaient vraiment, se lisaient, s'écoutaient. Le système actuel des commentaires postés sous les articles la laisse plus perplexe. « Ils ne se lisent pas entre eux, on retrouve cinquante fois les mêmes messages, avec la même violence, ça n'a même plus de dimension cathartique. » Avec les années, la jeune femme pense s'être « blindée », mais constate que la parole gagne en virulence, contaminant jusqu'à la parole politique (« Certains élus sont très violents sur Twitter, preuve que les verrous ont sauté à tous les niveaux »).

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Illustration : Erwann Surcouf

Finalement, les messages orduriers ou diffamatoires sont épinglés assez vite. Un autre problème préoccupe Concileo depuis quelques mois : les attaques concertées, « extrêmement bien orchestrées » par des groupes politiques ou des associations de lobbying, déguisés en internautes anonymes. De la propagande insidieuse, jouant sans cesse avec la charte, frôlant la ligne jaune sans jamais la dépasser. « Ils fonctionnent comme une structure militaire, maîtrisent les règles pour être lus, et viennent égrener la bonne parole », explique David Corchia. L'extrême droite envoie régulièrement des escadrons d'internautes pour orienter les discussions et alimenter la haine 2.0. Ils débarquent par grappes et s'emparent du débat. « Les partisans du FN sont particulièrement actifs, ils ont réussi leur révolution numérique quand l'extrême gauche ne sait toujours pas allumer un ordi », ironise Valérie.

Les gouvernements étrangers scrutent également ce que la presse française dit d'eux, de leur pays. Et ripostent souvent en loucedé pour rectifier leur image. « Récemment, on s'est rendu compte que la majorité des commentaires sur un reportage en Russie prenaient le parti de Poutine contre les Pussy Riot. Tous écrits avec la même rhétorique, les mêmes éléments de langage », constate Corchia. Idem avec les articles sur la Chine, la Turquie ou les pays arabes... « Il y a quelque temps, lefigaro.fr a posté un reportage sur la Syrie. En moins d'une heure, on a reçu cinq mille commentaires pro-Bachar El-Assad ! » Les modérateurs ne sont pas armés pour contrer ces messages de propagande. Tant que la charte est respectée, les propos sont publiés. Parfois, ils font remonter aux journalistes une attaque (ou un « bad buzz »), proposent en dernier recours de fermer les commentaires (c'est très rare). Ils estiment devoir intervenir sur environ 10 % des textes qu'ils reçoivent (environ 30 000 par jour pour Le Figaro ou L'Equipe). Les internautes réagissent mal. « On est sans cesse pris à partie », explique le directeur de Concileo. Nouvelles cibles des théoriciens du complot, ces flics du Net deviennent à leur tour paranoïa­ques : « En Norvège, un modérateur s'est fait tuer, dit David Corchia. Alors on fait attention ». L'une des modératrices refuse qu'on cite son nom dans l'article, par précaution...

Psychologiquement, le travail sape un peu le moral. Quand un salarié est trop plombé par ce qu'il lit, il peut éventuellement passer la main, troquant le conflit israélo-arabe pour le gentil dossier « minceur » de Femme actuelle. Parfois, les uns et les autres se font lire les commentaires les plus gratinés, en rient – ça oxygène le cerveau – puis replongent dans la boue. « On finit par s'y faire, dit Cédric, chargé de la modération "soir et week-end". Notre métier consiste à rester froid et neutre. Il faut conserver à tout prix notre capacité de jugement sur les contenus qui posent problème ou pas. » Ils ont aussi une fonction d'alerte. L'obligation de prévenir une plate-forme de gendarmerie dès qu'ils repèrent une « personne en détresse » qui écrit des commentaires inquiétants. Cela arrive de temps à autre. On pourrait tout à fait imaginer qu'un lecteur de Nice-Matin menaçant de se suicider au milieu de la nuit soit sauvé in extremis grâce à l'intervention d'un modérateur français de 25 ans vivant en Australie. La scène ferait un beau titre pour la presse française. Et serait suivie d'un énième débat plus ou moins stérile surveillé par une poignée de Sisyphes numériques.
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Re: De la modération et de la propagande sur le net

Messagede claudiomas le Mar 11 Déc 2012 21:26

L’homme et sale et il pue, ce n’est pas avec du maquillage que il va être meilleur.
modérer , censurer , couvrir la merde ne la fait pas disparaitre, au contraire, ralenti la putréfaction
Laissez le monde s'étriper, suicider les suicidaires, assassiner entre eux caïd mafiosi et tribus adverse,
de toute façon sous la couverture de démocratie, les malfrats les plus abominables sont perpétrés ,
Les gents ne sont rien d'autre que des mutons qui suivent le berger fou
Seulement de la fin de cette société immonde peut renaitre l'HOMME
et viendra le jour ou il serait lui même et pas la marionnette que il croie être
et l'ANARCHIE sera, ne dieu, ne état, ne patron ne esclave
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