éloge de la fragilité

[Polack]

Éloge de la fragilité

Je tiens à faire ici l'éloge d'une qualité trop souvent ignorée : la fragilité. On la mésestime, on la méconnait voire... on la méprise. Mais c'est bien pourtant une des qualités les plus remarquables que l'on puisse rencontrer chez une chose, un animal ou un être humain. C'est peut être même une qualité pour les idées... Je m'explique.

La fragilité renvoie à la fin de toute chose, à sa destruction possible, à son état temporaire, mutable, à une intégrité remise en question. La fragilité induit donc chez un être doué de raison, d'émotion et d'empathie, un sentiment d'attention et surtout d'attention à prendre garde de cette caractéristique. C'est à dire que je fais l'hypothèse qu'elle induit une attention à prendre soin de ce qui est fragile.

Cependant il est aussi possible que chez un être lui aussi doué de raison et d'émotion, la fragilité implique une réflexion liée au pouvoir que celle ci permet. Pouvoir d'user et d'abuser, pourvoir de tordre et d'écraser, pourvoir de détruire.

Dans les deux cas, lors d'une interaction entre deux sujets conscients où l'un des deux fait état d'une fragilité, cette qualité fait office de révélateur. C'est à dire que la fragilité de l'un révèle l'attitude de l'autre à l'égard de cette qualité.

Où l'on apprend ce que le pouvoir demande de responsabilité... ce que le pouvoir permet parfois d'innommable.

Hormis ceci, la fragilité à également cette vertu de permettre la souplesse. Si on ne s'en tient pas au sens strictement mécanique du terme, la fragilité est effectivement un gage d'adaptabilité, de remise en question, d'évolution et d'involution. Là où la dureté s'affirmera et résistera envers et contre tout (même en dépit du bon sens), la fragilité s'effacera, se mettra de côté, en retrait, cèdera peut être... ce qui est bien souvent gage de survie, d'intelligence ou de renouveau.

Où l'on apprend que la finesse peut être une force... qu'il vaut mieux plier comme le roseau dans la tempête et ne pas rompre comme un chêne.

Enfin la fragilité a quelque chose d'attachant. C'est totalement subjectif me direz vous et vous aurez bien raison. Mais pour ma part c'est le sentiment que j'ai à l'égard de cette qualité. Et il vaut mieux s'attacher et susciter en l'autre soin et attention, que se heurter quitte à susciter haine, mépris ou incompréhension. non ?

Je finirais ici cette courte éloge de la fragilité, il y aurait sans doute beaucoup à dire encore mais que voulez vous... ce soir j'ai la plume fragile.

"Dureté et rigidité sont compagnons de la mort. Fragilité et souplesse sont compagnons de la vie."
[Lao-Tseu]

Polack

[conan]

Je crois qu'on tient un nouveau texte pour le prochain petit Noir !

[lounablue]

Joli texte vraiment :-)

La fragilité peut autant être un défaut qu'une qualité en mon sens.

Personnellement, j'aime la fragilité chez les autres car c'est ce qui les rend attachants comme le dit le texte.
Par contre je déteste la mienne, je n'aime pas montrer ma fragilité alors je passe mon temps à me construire une carapace pour me protéger.

[conan]

Ca me rappelle un bouquin de Jean-Marie Pelt, "la raison du plus faible", où selon lui seules les espèces végétales et animales apparemment "faibles", c'est-à-dire non agressives et prédatrices, sont parvenues à durer dans le temps, par la collaboration notamment.
Bon après, je sais pas ce que ça vaut scientifiquement, je l'ai pas lu ; je sais que c'est très critiqué pour le côté plaquage de conceptions christiano-citoyennistes sur le monde du vivant (un peu comme le père Kropotkine avec ses études sur les biotopes sibériens).

[Polack]

Par contre je déteste la mienne, je n'aime pas montrer ma fragilité alors je passe mon temps à me construire une carapace pour me protéger.

Je crois qu'on en est tous plus ou moins réduits à ça...

[Neill]

Ah Lao!

A fragilité, je préfère "éphémère", éphêmeros, qui ne dure pas, caractéristique intégrée - intériorisée - au Vivant qui se croit constant et immortel.

Quant à la carapace!!! Oui! Malheureusement, nous nous dotons tous de cette petite douceur. quand à y être réduits, j'espère bien que non!!!!

[Vilaine bureaucrate]

"Et il vaut mieux s'attacher et susciter en l'autre soin et attention, que se heurter quitte à susciter haine, mépris ou incompréhension. non ?" Non pour la liberté, non.

[Alayn]

Bonsoir ! Rien compris au bloubilbouga trollesque de VB...

Sinon, voui, très beau point de vue Polack, très touchant et émouvant. Oui, nous sommes fragiles même si, dans ce monde impitoyable, c'est considéré comme une faiblesse de le montrer parfois.
Et où certaines ou certains en profiteront pour t'enfoncer encore plus.

Salutations Anarchistes !

[Denis]

je note, pour le n°13(arf!)

[kim]

Je finirais ici cette courte éloge de la fragilité, il y aurait sans doute beaucoup à dire encore mais que voulez vous... ce soir j'ai la plume fragile.

Dès les premières lignes, j'ai pensé au chêne et au roseau de la Fontaine...
L'autre face de la question est peut-être qu'il n'y a pas plus fragile que ceux qui se croient forts et vice versa...
d'où y'a toujours moyen de trouver le "talon d'Achile" d'un système totalitaire, par exemple.

Kim

[Polack]

ouais alors d'ailleurs là soit dit en passant je le trouve pas super super ce texte et je le retoucherai bien avant une éventuelle parution dans le pti noir. voilà voilà.

[skum]

Emouvant ce texte.

Je me demandais si des "anars" avaient écrit sur le "handicap physique", sur la "contradiction" (J'suis mal dans ma peau parce que le monde est pas beau) entre "vouloir tout faire faire péter" et le fait d'être "myopathe" ou du moins presque unijambiste, voire même mono-neuronal ? Je sais qu'Albert Libertad était infirme mais j'ignore si il a écrit sur son "handicap" (je n'ai pas encore lu Le culte de la charogne). Je pense aussi à Nietzsche qui était selon moi un espit "fort" dans un corps "faible", ou encore à Palante (La sensibilité individualiste - je me méfie d'Onfray...), voire à Cioran (dont l'alcool et/ou le tabac étaient interdits - j'imagine un métabolisme en totale opposition...), etc. (bien que pas tous "anars" mais cependant on pu continuer à (sur)vivre), mais j'ignore si ils (du moins les prétendus anars) ont écrit directement sur "la maladie", tenant aussi compte que leur pensée est peut-être issue directement de leur manière(s) de vivre en fonction de leur corps... Bref, est-ce qu'il existe des textes (journaux intimes, confidences...) "anars" sur la/les maladies, handicaps, etc. ?

Si je pouvais être éclairé...