Recherche sur le militantisme homo

Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede Morgan le Mar 7 Juil 2009 15:33

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Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede Vilaine bureaucrate le Mar 21 Juil 2009 01:38

Enfin, ya pas que la petite lecture, ya aussi des compagnons sur le forum qui se font insultés de "phoque", le militantisme homo, ça serait de coincer l'auteur des propos (pour prendre le thé, evidement).
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Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede conan le Sam 12 Sep 2009 12:49

Ca me plaît bien ce truc (bon un peu citoyenniste avec mêmes droits mêmes devoirs, l'appel à élire un homo... ou encore la revendication de la "banalité") ! Je vais l'utiliser en classe en parlant des discriminations...
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Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede vroum le Sam 18 Juin 2011 23:15

Que reste-t-il du FHAR, quarante ans après ?

in Le Monde libertaire # 1639 du 9 au 15 juin 2011

http://www.monde-libertaire.fr/antisexisme/14681-que-reste-t-il-du-fhar-quarante-ans-apres

De jeunes camarades demandent régulièrement aux quelques anciens militants du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) s’ils ne veulent pas intervenir dans la presse militante ou dans des conférences. En effet, ce mouvement né, comme le Mouvement de libération des femmes (MLF), en 1971 est directement issu de la lutte des femmes. Il a laissé une image très positive, même quarante ans après 68. Cela vient-il du subtil mélange qu’a su entretenir le FHAR entre humour, sens de la dérision et militantisme, ou bien de son organisation sur des bases libertaires ? Nous avons essayé de répondre à ces interrogations durant le Festival des résistances et des alternatives à Paris, qui a rassemblé beaucoup de militants des jeunes générations.

Image

Avant le FHAR, il n’y avait rien ou presque ! Avant 68, l’homosexualité était encore taboue en France, et Arcadie et son mensuel étaient la seule et unique voix d’expression des gays en France. La revue, qui permettait de faire partie de l’association avait été créée par André Baudry, avec le soutien de Roger Peyrefitte et de Jean Cocteau. Elle fut interdite aux mineurs dès 1954, et censurée. En 1960, à la promulgation de l’amendement Paul Mirguet comptant l’homosexualité parmi les « fléaux sociaux », les petites annonces et les photographies furent supprimées. Autant dire qu’à cette époque, la devise des homos était plutôt : pour vivre heureux, vivons cachés ! Il fallu attendre Mai 1968 pour que deux militants rédigent un texte-affiche signé « Comité d’action pédérastique révolutionnaire », dont huit furent collés sur les murs de la Sorbonne. Le lendemain, elles avaient disparu. Cependant, un millier de tracts en reproduisant le texte furent distribués à l’Odéon et dans les tasses, de Paris (à l’époque, les tasses ou vespasiennes, étaient les seuls lieux de drague accessibles avec quelques parcs et jardins). Pendant quelques années, il ne se passa plus rien en France.

La revanche de Stonewall

En revanche, c’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’en 1969 éclatent les fameuses émeutes de Stonewall. Dans la nuit du 27 au 28 juin, la police new-yorkaise opère des descentes musclées dans les bars gays de Greenwich Village. Quand elle investit le Stonewall Inn, établissement installé à Christopher Street, les clients se rebellent. Des passants se joignent à eux, la foule grossit et les forces de l’ordre sont obligées de se barricader dans l’établissement en attendant les renforts. Suivront une série de manifestations spontanées et violentes qui durèrent cinq jours et cinq nuits, comme si toutes les brimades endurées par les homosexuels durant des siècles ressurgissaient subitement. Ces événements sont souvent considérés comme le premier exemple de résistance des gays et des lesbiennes contre l’homophobie aux États-Unis et partout dans le monde. Un an plus tard, les militants gays de New York organisent une marche pour commémorer l’événement: la première Gay Pride.

Femmes et « pédales » mêmes ennemis, même combat !

Retour en France : le 26 août 1970, les militantes féministes « rendent les honneurs à la femme du soldat inconnu ». En septembre de la même année, à la suite d’un numéro de la revue Partisans consacré à la libération des femmes, un certain nombre de lesbiennes militantes rejoignent ce petit groupe qui n’a pas encore de nom officiel et sont bientôt suivies par un certain nombre d’homosexuels hommes. Le groupe devenu mixte participe activement au sabotage du meeting organisé par le professeur Lejeune, le « conseiller scientifique» de l’association anti-IVG Laissez-les-vivre. Un mois plus tard, le 10 mars 1971, salle Pleyel, a lieu une intervention du tout jeune MLF et de militants homosexuels des deux sexes, contre l’émission publique de Ménie Grégoire « L’homosexualité ce douloureux problème » sur Radio Luxembourg. L’estrade est envahie et les orateurs s’enfuient sous les cris de « À bas les hétéroflics » et « Les travelos avec nous ». En mai 1971 paraît le premier des six numéros du journal Le Torchon brûle, édité par le MLF jusqu’en 1973.

Création du FHAR sur un mode libertaire

Malgré la présence de quelques homosexuels masculins tolérés dans certaines AG, le MLF est non mixte et la question du désir lesbien et de l’homosexualité a du mal à émerger. De ce fait, plusieurs militantes du MLF participent avec les militants gays à l’émergence du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) en mars 1971, rejoints par des militantes des Gouines rouges, un groupe qui constitue la liaison entre le MLF et le FHAR. Le FHAR est donc issu d’un rapprochement entre des féministes lesbiennes et des activistes gays et marque la naissance de l’image de « la folle – ou la goudou – revendicative » (en opposition à « la folle – ou la goudou – honteuse », versus Arcadie), à la fois aux plans de la sexualité et du genre. Les militants du FHAR portent leur critique sur toutes les formes de contraintes sociales (la normalité, la famille, la domination masculine, les « hétéro-flics » et les « homo-flics »). Le fonctionnement du groupe s’appuie sur une pratique politique anti-autoritaire, la « fierté communautaire » et l’action de rue. Au FHAR, il n’y a pas de chef, pas de comité directeur, pas de porte-parole. Les principales activités du groupe consistent en des distributions de tracts dans les boîtes homosexuelles et les réunions hebdomadaires dans un amphithéâtre des Beaux-Arts, ou des interventions à la faculté libre de Vincennes. Au plan théorique, des groupes de travail et de réflexion sont constitués autour de plusieurs thématiques.

Un mouvement trop voyant

Sans se revendiquer comme leaders, l’écrivain et coauteur avec Félix Guattari de Trois milliards de pervers, Guy Hocquenghem et l’écrivaine et cofondatrice du MLF, Françoise d’Eaubonne sont les deux principales figures qui animent le mouvement. Lors des réunions aux Beaux-Arts, on croise également la chercheuse du CNRS, Christine Delphy, spécialisée dans le féminisme et les questions de genre, l’écrivain communiste-libertaire Daniel Guérin ou encore René Schérer, le philosophe fouriériste proche de Gilles Deleuze et de Michel Foucault (habitué aujourd’hui du Monde libertaire et de Radio libertaire), etc. Fort de cette « petite armée » intellectuelle mais pacifique, en avril 1971, le FHAR participe à la rédaction du journal Tout – ce que nous voulons : la révolution, et obtient un quatre pages où le mouvement a la possibilité de s’exprimer librement (c’est à la suite de ce numéro que je militerai au FHAR). Le groupe décide, entre autre, de publier un manifeste inspiré de celui des 343 salopes avorteuses, avec un préambule choc : « Nous sommes plus de 343 salopes. Nous nous sommes fait enculer par des Arabes. Nous en sommes fiers et nous recommencerons. »

Les pouvoirs publics s’émeuvent de sa large diffusion… le numéro est saisi et Jean-Paul Sartre est poursuivi pour y avoir publié une déclaration. Finalement, un arrêt du Conseil d’État déclare inconstitutionnelles les atteintes à la liberté d’expression et fait cesser les poursuites.

1er mai 1971 : le FHAR au milieu des syndicats

Le 1er mai 1971, pour la première fois de l’histoire, des hommes, des femmes et des transsexuelles défilent fièrement et joyeusement, sans service d’ordre, avec à leur tête une simple banderole en toile blanche bombée du nom du FHAR, tandis que les militants massés derrière scandent : « Les pédés dans la rue », « Nous sommes tous un fléau social », « Nous ne sommes pas des poupées, phallocratie : à bas ! ».

Les réactions sont mitigées, plutôt récalcitrantes du côté des syndicats et, selon mes propres souvenirs, plutôt amusées du côté des libertaires, à l’époque la Fédération anarchiste (FA) – dont je faisais également partie, tout en ne cachant pas mon appartenance au FHAR – et l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA). Des gros bras de la CGT essayent de nous interdire la manif, mais, instinctivement, suivis par les comités de lycéens, nous emboîtons le pas à la FA, qui entre également en force (comme chaque année) dans le cortège syndical, et nous collons derrière… Un scénario qui se reproduira tous les ans (peut-être explique-t-il les liens avec des associations comme Act Up-Paris, qui préfèrent encore aujourd’hui défiler avec les libertaires le 1er mai avant de se glisser dans le cortège purement syndical de l’après-midi ?).

Qui trop embrasse mal étreint !

À la suite aux quatre pages parues dans le journal Tout et à la manifestation du 1er mai, le FHAR prend rapidement de l’ampleur et de l’importance. Une dizaine de comités de quartier sont créés et fonctionnent, ainsi que dans différentes villes de l’Hexagone, notamment à Marseille, où des militants organisent plusieurs actions. Le courrier afflue, surtout de province. Le 27 juin 1971, les militants du FHAR se joignent aux féministes pour fêter l’anniversaire de la fondation du Groupe de libération des femmes, au jardin des Tuileries. Mais la fête militante est interrompue par l’arrivée massive des flics qui interpellent et embarquent quatre participants. Cependant, les réunions hebdomadaires continuent aux Beaux-Arts, mais la prédominance numéraire des hommes commence à agacer les féministes et les lesbiennes qui ont l’impression que leurs spécificités sont occultées, et finit par amener à la scission. Les lesbiennes et des femmes du FHAR constituent formellement le groupe des Gouines rouges, qui a pour objectif d’orienter plus spécifiquement leur lutte contre le sexisme et la phallocratie. C’est une époque où d’autres fractions se singularisent, comme les Gazolines, et où naissent la revue théorique situationniste Le Fléau social et la revue L’Antinorme, qui explique dans son premier numéro: « Être militant au FHAR, c’est revendiquer notre liberté physique et morale par la destruction des lois de la société en place et des tabous de la religion judéo-chrétienne. » C’est dans cette optique qu’il faut interpréter le défi lancé aux moeurs par certains camarades qui se sont mis à poil dans l’amphi de Beaux-Arts au cours d’une assemblée générale. Ce geste était un acte libérateur visant à une égalisation des rapports. La nudité estompe les critères apparents de richesse déduits de l’habillement, une tentative de destruction des notions bourgeoises selon lesquelles il y a d’un côté une belle jeunesse qui doit se taire, et de l’autre des vieux, compensant leur « laideur » par l’exercice du droit à la parole et du pouvoir et enfin, une pratique révolutionnaire attaquant sur un mode radical les lois antisexuelles de notre société qui se fondent uniquement sur des critères idéalistes : la pudeur, ou les bonnes moeurs. Pour leur part, les militants du FHAR publient en 1971 un Rapport contre la normalité et se collent à l’écriture d’un épais numéro spécial de la revue Recherches dirigée par Félix Guattari, qui ne paraît qu’en 1973.

L’heure des scissions

Bien que tous ces groupes se reconnaissent dans les slogans du FHAR : « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! », « Lesbiennes et pédés, arrêtons de raser les murs ! » et la lutte contre les « hétéro-flics », ils finissent par prendre leurs distances les uns par rapport aux autres. D’autres conflits s’amorcent, notamment celui concernant les positions (non majoritaires) du FHAR sur le droit à la libre sexualité pour les mineurs. Les Gazolines sont un autre point de discorde. En effet, leur groupe situationniste pousse la logique de la provocation à l’extrême et interroge la structuration du pouvoir à l’intérieur du FHAR, selon elles, détenu par quelques intellectuel(le)s, tout en pointant du doigt la rigidité morale des militants d’extrême gauche. Ainsi, apparaissent-elles voilées de noir à l’enterrement de Pierre Overney, militant maoïste tué par un vigile en 1972, en scandant « Liz Taylor, Overney, même combat ! ». Cette performance suscite la colère des organisations d’extrême gauche qui reprochent au FHAR son manque de tenue et son manque de sérieux. Si les Gazolines ont atteint leur but, c’est-à-dire rendre visibles les limites de l’extrême gauche en matière de sexualité, elles provoquent la démission de Daniel Guérin qui quitte le FHAR, à cause de leurs outrances durant l’enterrement de Pierre Overney. Pour sa part, Françoise d’Eaubonne quitte également le Front, n’y voyant plus qu’un « vulgaire lieu de drague ». Après trois ans d’existence et de militance, c’est en février 1974 que la police interdit les réunions à l’école des Beaux-Arts, et que le FHAR, après avoir fait bouger bien des choses, abandonne ses actions spectaculaires.

Quel héritage pour le FHAR ?

Cependant, le FHAR a fait des petits ! Ses héritiers sont les Groupes de libération homosexuels (GLH), la plupart situés en province, le GLH-PQ (politique et quotidien) et les groupes Sexpol (sexe et politique), qui ont autant d’histoires propres. Leurs objectifs et revendications, issus du FHAR, perdureront à travers les associations homosexuelles des années 1980, comme les Universités d’été euro-méditerranéennes des homosexualités et le CUARH ou la création de la revue Gai Pied. Malgré les ravages causés par les années sida, les côtés radicaux et politisés du FHAR seront repris par les mouvements lesbiens, gay, bi et trans, inspirant en partie le courant queer, aux États-Unis et en France. Sur un autre registre, Act Up-Paris sera créé en 1989 et se démarquera en proposant une nouvelle forme militante : « le pédé séropositif », qui marquera une rupture générationnelle. Pour autant, si le premier objectif d’Act Up est la lutte contre l’épidémie, l’association ne reniera jamais, mais au contraire continuera à s’appuyer sur la « figure de la folle » fortement revendicative sur le plan de la sexualité et, en quelque sorte par extension, sur l’identité des personnes séropositives. Au fur et à mesure de son existence, l’association deviendra mixte et radicalisera son discours politique, avec des actions toujours non violentes, gardant en son sein une poignée de militants libertaires. Ces derniers seront les garants d’une pratique issue du FHAR : les décisions sont prises en assemblée générale, qui a lieu tous les jeudis dans un amphithéâtre des Beaux-Arts, en souvenir des plus belles années du FHAR. Et à quand la remise au goût du jour d’une convergence de toutes les luttes pour la Sociale, le libre choix et l’autodétermination des individus dans le respect mutuel ?

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Messagede vroum le Lun 14 Jan 2013 15:29

Homosexuels et subversifs

http://www.monde-diplomatique.fr/mav/118/BREVILLE/47101

Il y a quarante ans naissait en France un Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) qui associait bouleversement des mœurs et transformation sociale. Si les liens avec les partis politiques traditionnels peinèrent à se nouer, cette création libéra la parole, témoignant de l’irruption des luttes minoritaires au sein de l’extrême gauche.

par Benoît Bréville, août 2011

Dans la nuit du 27 juin 1969, des policiers font irruption au Stonewall Inn, un bar gay de New York fréquenté par des travestis afro-américains et portoricains. Bousculades, empoignades, arrestations : le contrôle dégénère. S’ensuivent trois nuits d’émeute qui radicalisent le mouvement homosexuel et aboutissent à la création du Gay Liberation Front (GLF).

Dans son Gay Manifesto, ouvrage-phare du radicalisme homosexuel américain publié en 1970, Carl Wittman trace le chemin à suivre : unir les luttes des opprimés, associer engagement révolutionnaire et émancipation homosexuelle. « Les hétérosexuels (mais aussi les Blancs, les anglophones, les hommes, les capitalistes) perçoivent les choses en termes d’ordre et de comparaison, écrit-il. A est avant B, B est après A ; un est inférieur à deux, qui est inférieur à trois ; il n’y a pas de place pour l’égalité. Cette idée s’étend à l’opposition homme/femme, en haut/ en bas, marié/célibataire, hétérosexuel/homosexuel, patron/salarié, Blanc/Noir, riche/pauvre. Nos institutions sociales engendrent et reflètent cette hiérarchie (1). »

L’analyse séduit le Black Panther Party (BPP), si bien que des liens se tissent. Le slogan du GLF, « Gay is good », répond ainsi à la devise du BPP, « Black is beautiful ». En 1970, des militants homosexuels participent à la Revolutionary People’s Constitutional Convention organisée par le BPP à Philadelphie. « Nous devons essayer de nous unir avec [les femmes et les homosexuels] dans une perspective révolutionnaire (…). Personne ne reconnaît aux homosexuels le droit à être libre. Ils sont peut-être la couche la plus opprimée de la société (2) », déclare Huey Newton, l’un des fondateurs des Panthers, lors de son discours inaugural.

Dans le sillage du GLF, d’autres groupes radicaux essaiment à travers le monde : en Belgique, le Mouvement homosexuel d’action révolutionnaire ; en Italie, le Fuori (3) ; au Québec, le Groupe homosexuel d’action politique (GHAP), etc. Après la rencontre d’Aarhus (Danemark) en 1972, seize groupes, représentant dix pays, s’associent pour former une Internationale homosexuelle révolutionnaire (IHR).

En France, le mouvement se fait connaître lors du sabotage d’une émission de la radio RTL. Le 10 mars 1971, Ménie Grégoire, animatrice vedette de la station, organise un « débat » en direct de la salle Pleyel à Paris, consacré à « l’homosexualité, ce douloureux problème ». Douloureux, il le sera surtout pour les experts conviés à son examen (un curé, un psychanalyste, les Frères Jacques…) quand des militantes lesbiennes, proches du Mouvement de libération des femmes (MLF), prennent d’assaut la tribune et contraignent la régie à interrompre l’émission. Quelques jours plus tard naît le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR). Son ambition sera double : proposer une révolution sociale aux homosexuels et une révolution sexuelle aux travailleurs.
« La révolution totale, ce n’est pas seulement séquestrer un patron qui vous fait chier : c’est accepter le bouleversement des mœurs, sans restriction. »

Les militants du FHAR s’organisent en groupes de travail thématiques et en comités de quartier, distribuent des tracts devant les boîtes de nuit, animent des réunions d’information à l’Ecole des beaux-arts. Certains membres plaident pour une plus grande politisation du Front. A une époque où l’Eglise catholique joue encore un rôle central, quoique déclinant, un rapprochement avec la droite est impensable. Celle-ci rejette l’homosexualité dans le camp du vice et de la perversion. Au Parti socialiste (PS), la prudence est de mise : selon lui, les préférences sexuelles appartiennent à la vie privée et ne méritent pas de prises de position politiques. Le Parti socialiste unifié (PSU), plus à gauche, se montre davantage ouvert aux homosexuels, mais il ne partage pas le projet révolutionnaire du FHAR. Les regards se tournent donc naturellement vers l’extrême gauche.

« Faisons une série de textes pour raconter ce que nous avons vécu, suggère l’écrivain Guy Hocquenghem, également engagé au sein de l’organisation maoïste Vive la révolution (VLR). Je travaille dans un journal gauchiste qui s’appelle Tout !, ce sont des types assez ouverts, je les connais bien, je pense qu’ils accepteraient de les publier (4). »

En avril 1971, Tout !, alors dirigé par Jean-Paul Sartre, consacre sa douzième livraison à « La libre disposition de notre corps ». Des membres du FHAR en rédigent les quatre pages centrales. Aux travailleurs, ils expliquent que « la révolution totale, ce n’est pas seulement réussir une grève sauvage, séquestrer un patron qui vous fait chier : c’est aussi accepter le bouleversement des mœurs, sans restriction. Plus ça vous paraîtra dur, moins vous comprendrez, plus vous pourrez dire que vous êtes sur le bon chemin ». Aux homosexuels, ils recommandent de sortir du « ghetto marchand » dans lequel la société bourgeoise les a parqués : « Une boîte, c’est le royaume du fric, on y danse entre hommes, on s’y apprécie mutuellement en tant que marchandise : la société hétéro-flic nous y récupère. » A côté des textes politiques, d’autres articles jouent davantage sur la provocation et affirment, sur le modèle du GLF américain, la fierté gay (gay pride). « Nous sommes plus de 343 salopes, nous nous sommes fait enculer par des Arabes. Nous en sommes fiers et nous recommencerons (5) », proclame l’un d’eux.

Le 1er mai 1971, le FHAR poursuit sa tentative de rapprochement avec le mouvement ouvrier. Des homosexuels radicaux, accompagnés de membres du MLF, défilent aux côtés des syndicats sous une vaste banderole appelant à mettre « A bas la dictature des “normaux” ! ». Habillés en travestis et avec leur maquillage criard, certains d’entre eux bousculent les codes des mobilisations politiques et dérangent les services d’ordre.

Car tout le monde ne partage pas ce goût pour la provocation. Une information judiciaire est ouverte contre Tout ! pour outrage aux bonnes mœurs ; un membre du FHAR qui vend le journal à la criée est arrêté à Grenoble. A la fin du mois de mai, la police saisit les dix mille exemplaires disponibles dans les kiosques.

Mais les attaques contre le FHAR viennent aussi de la gauche révolutionnaire. Au sein de VLR, l’aile ouvriériste refuse de distribuer le numéro de Tout ! incriminé devant les usines ; il est également hors de question, pour la librairie gauchiste Norman-Bethune, d’afficher une telle publication sur ses étalages. Dans un courrier adressé à Tout !, un lecteur explique ses appréhensions : « Le problème ne se pose pas en termes de normaux et d’anormaux, mais en termes de riches et de pauvres, et leur lutte n’est donc pas en tant que pédés, mais en tant qu’exploités, analyse-t-il. Par conséquent, consacrer la moitié d’un journal à la publication de problèmes qui n’en sont pas et qui ne sont solubles que par une société socialiste bien conçue, relève de la trahison, alors que la nécessité de soutenir les ouvriers de Renault (qu’ils soient pédés ou non) devrait passer au premier plan (6). »

Ce n’est pas l’analyse politique — la question homosexuelle est-elle contingente par rapport à la lutte des classes, ou lui est-elle inhérente ? — mais les méthodes d’action du FHAR qui troublent la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). « Nous n’avons aucune hostilité de principe contre la lutte que mènent les homosexuels contre l’ostracisme dont les entoure la société bourgeoise, nous n’en trouvons que plus lamentables les grotesques exhibitions du FHAR, lors des dernières manifestations (…). En se comportant comme des ‘’grandes folles’’, les homosexuels du FHAR révèlent à quel point ils sont victimes de l’oppression sexuelle bourgeoise », explique l’organisation trotskiste dans son périodique Rouge en mai 1972.

Du côté du Parti communiste français (PCF), l’accueil est plus hostile. Interviewé en mai 1972 par Le Nouvel Observateur, Pierre Juquin résume la position officielle : « La couverture de l’homosexualité ou de la drogue n’a jamais rien eu à voir avec le mouvement ouvrier. L’une et l’autre représentent même le contraire du mouvement ouvrier (7). » Lors d’un meeting à la Mutualité, Jacques Duclos se montre plus virulent encore lorsqu’un militant du FHAR lui demande si le PCF « a révisé sa position sur les prétendues perversions sexuelles ». Agrippant le micro, l’ex-candidat communiste à l’élection présidentielle s’écrie : « Comment vous, pédérastes, avez-vous le culot de venir nous poser des questions ? Allez-vous faire soigner. Les femmes françaises sont saines ; le PCF est sain ; les hommes sont faits pour aimer les femmes (8). » Pour Lutte ouvrière enfin, les textes du FHAR s’élèvent « à la hauteur des graffitis de pissotière » et reflètent l’« individualisme petit-bourgeois (9) ».
« On nous a emprisonnés dans le jeu de la honte, que nous avons transformé en jeu de la fierté. Ce n’est jamais que dorer les barreaux de notre cage. »

Rejeté par l’extrême gauche, le FHAR se fissure. Les Gouines rouges, qui reprochent aux membres masculins leur mainmise sur le groupe, font scission. Au risque de se couper du mouvement ouvrier, les Gazolines grimées en « folles » et en travestis accentuent la stratégie de la provocation. Leurs slogans — « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! », « Nationalisons les usines de paillettes ! » — revendiquent la fierté homosexuelle. Hocquenghem, qui prône un militantisme politique plus traditionnel, se détourne de ces « pédérastes incompréhensibles » en juillet 1972 : « On nous a emprisonnés dans le jeu de la honte, que nous avons transformé en jeu de la fierté. Ce n’est jamais que dorer les barreaux de notre cage (10) », écrit-il alors dans la revue Partisans.

Le Groupe 5 du FHAR se réclame quant à lui de l’Internationale situationniste ; il crée le journal Le Fléau social en mai 1972 et finit par abandonner le champ de la lutte politique. Le Groupe 11, qui publie L’Antinorm, prend le chemin inverse et persiste dans la voie du rapprochement avec les partis d’extrême gauche.

Victime de ses dissensions internes, le FHAR disparaît en février 1974. Son existence éphémère a ouvert une brèche : trois ans plus tard, le PCF crée une commission homosexualité au sein du Comité d’études et de recherches marxistes (CERM), et la LCR met en place une Commission nationale de l’homosexualité (CNH). Mais ces initiatives, surtout symboliques, n’effacent pas les rigidités sur les questions de mœurs.

L’affaire Marc Croissant met à nouveau le PCF au centre des critiques du mouvement homosexuel. En janvier 1979, ce membre de la commission homosexualité du CERM et employé de la mairie communiste d’Ivry s’inquiète auprès de Roland Leroy du traitement par L’Humanité d’un fait divers impliquant un homosexuel mineur. Le directeur du journal lui répond vertement ; M.Croissant est écarté de sa cellule et licencié de son travail.

La même année, trois membres de la CNH quittent la LCR, arguant que le parti néglige les problèmes des homosexuels : aucun texte portant sur l’oppression et le travail des homosexuels n’a été discuté au cours de son IIIe Congrès. « Ce n’est pas là un problème conjoncturel, lié aux conditions du Congrès, écrivent-ils dans Rouge. Jamais le mouvement ouvrier, à l’exception de la social-démocratie de Karl Liebknecht, n’a accepté de lutter aux côtés des homosexuels. Au sein même du mouvement trotskiste, notre situation n’est pas nouvelle (11). » L’intégration politique des militants homosexuels se heurte aux traditions de l’extrême gauche, qui valorise une identité ouvrière à la fois masculine, productiviste et hétérosexuelle.

Aux Etats-Unis, à l’aube des années 1980, une autre forme d’intégration, commerciale cette fois, guette le mouvement gay. Le journaliste Andrew Kopkind, un « radical » de la cause, déplore ainsi l’abandon du terrain politique par les homosexuels, au profit d’un consumérisme festif, d’un hédonisme incarné par la vague disco. « A New York, écrit-il en 1979, les gays peuvent vivre dans des quartiers majoritairement gays, avec une infrastructure sociale et économique imprégnée d’aspects de la culture gay (…). Les gays peuvent travailler dans le commerce gay, pour satisfaire une clientèle gay (…). [Ils peuvent] manger dans des restaurants gays, faire leurs courses sur des avenues gays, dans des boutiques gays, danser dans des bars gays (…), lire des magazines et des romans gays, avaler des pizzas et des burgers gays (…). En un sens, une forme d’oppression remplace l’autre (12). »

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Messagede vroum le Jeu 16 Mai 2013 12:26

Réédition du Rapport contre la normalité du FHAR

25 pages au format .pdf à lire ici : https://juralib.noblogs.org/files/2013/05/FHAR.pdf

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Messagede vroum le Lun 7 Oct 2013 21:01

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Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede Atomix le Mar 8 Oct 2013 00:17

Le FHAR, c'est pas ceux qui publiaient des trucs dégueulasses sur la pédophilie ?
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Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede vroum le Mar 8 Oct 2013 09:30

c'est quoi le lien entre homosexualité et pédophilie ?

attention à ce que tu dis...
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Re: Recherche sur le militantisme homo

Messagede Atomix le Mer 9 Oct 2013 13:49

"Le FHAR va par ailleurs jusqu'à défendre la pédophilie : en 1975, le sexologue Gérard Zwang, qui avait exprimé son hostilité personnelle à la pédophilie, fait l'objet d'une « haine agissante » de la part de militants du FHAR. En 1975, ceux-ci empêchent la Société française de sexologie clinique, créée par Zwang, de siéger à l'Université de Vincennes8."
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"Années 1960-80

Dans les années 1960 et surtout 1970, les pédophiles sont parfois considérés, par certains activistes liés aux mouvances de la révolution sexuelle comme dans certains milieux politiques situés notamment à gauche et surtout à l'extrême gauche, comme une minorité sexuelle devant être défendue et libérée. L'apologie de la pédophilie, si elle demeure très minoritaire dans l'opinion, se retrouve à l'époque dans un certain nombre de discours politiques et de prises de position publiques, qui considèrent comme « réactionnaire » le fait de dénoncer cette tendance sexuelle. Le Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) prend, en France, la défense des pédophiles, de même que certains courants de l'extrême gauche34. Des intellectuels comme Michel Foucault ou Guy Hocquenghem (animateur du FHAR) dénoncent comme un « nouveau régime de contrôle de la sexualité » la séparation sexuelle entre enfants et adultes35 ; l'universitaire René Schérer, lui aussi figure du FHAR, défend ouvertement la pédophilie36. Des journaux comme Libération ou, plus discrètement, le Monde, font la promotion de ces idées35, et défendent des pédophiles poursuivis par la justice. Des pétitions contre la législation sur la majorité sexuelle sont signées en France par des personnalités. Des écrivains comme Gabriel Matzneff ou Tony Duvert disent leur goût pour les adolescents impubères, voire pour les enfants : le second se dit ouvertement pédophile, et écrit avoir eu des partenaires sexuels âgés de six ans37. En 1977, dans leur essai Le Nouveau Désordre amoureux, Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut constatent que les livres de Tony Duvert provoquent le « scandale » alors que, selon eux, « ils devraient stimuler, susciter des vocations, dessiller les yeux »38. En 1979, les mêmes auteurs citent à nouveau Duvert, estimant qu'il est « en tant que pédophile, l'héritier des grands mythes amoureux », étant victime de « l'ordre collectif ancienne manière [qui] ne renaît que pour faire la chasse aux amours pédérastiques. (...) Regrettez-vous ces temps barbares et lointains où la foi faisait violence à l'amour ? Désirez-vous connaître l'intensité des passions impossibles ? Une seule solution : éprenez-vous d'un(e) enfant »39.

Dans les années 1970, quelques mouvements et réseaux de militantisme pro-pédophile ont vu le jour en Europe du Nord et aux États-Unis. Aux Pays-Bas, le sénateur Edward Brongersma est à l'époque le défenseur le plus en vue de la pratique pédophile40. Des organisations pédophiles comme la NAMBLA (États-Unis) et MARTIJN (Pays-Bas) ont fait partie de l'International Lesbian and Gay Association et n'en ont été exclues que dans les années 1990. Les discours favorables à la pédophilie disparaissent progressivement de l'espace public, notamment à partir du milieu des années 1980, quand la société bascule, selon les termes de l'historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu, « dans la réprobation unanime »41."
Source : Wikipédia

Après je posais une question, j'ai jamais parlé de lien entre pédophilie et homosexualité.
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Atomix
 
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