Je ne suis aucunement religieux mais je me pose quand même plusieurs questions (non pas si oui ou non je devrais le devenir, il n'en est pas question, mais sur la place de la religion dans la société et dans la réflexion libertaire).
Déjà, il me semble qu'il existe tout un courant, relativement important, d'anarchisme chrétien. Tolstoi, Ellul, Ortt ou Illich par exemple ?
Je ne suis pas beaucoup renseigné sur cette mouvance ni sur les rapports qu'elle entretient avec l'anarchisme plus classsique (Ni Dieu Ni Maitre), mais elle existe. Pour continuer, le mouvement zapatiste, qui par certains traits à avoir avec une société d'inspiration libertaire, et qui constitue une réelle expérimentation sociale révolutionnaire, a de grosses relations avec un certain catholicisme et une théologie de la libération.
De même, les juifs ont entretenu de grandes relations avec le mouvement révolutionnaire et/ou libertaire notamment en Europe de l'Est (jusqu'à l'illusion du Kibboutz israélien).
Aussi, des personnalités précises voire même des courants révolutionnaires/libertaires ont pu traverser le monde de la religion musulmane. Le courant soufi a joué un grand rôle: Hakim Bey, à l'origine des TAZ, n'est-il pas libertaire et soufiste ? Yakoub Islam et sa
charte d'anarcho-musulman ne sont-ils pas révélateurs ? Et même Henri Gustave Jossot, n'a-t-il pas été un libertaire révolté en même temps qu'un musulman ?
Ces courants n'ont jamais été majoritaires, et finalement plus des initiatives individuelles qui se sont répandues comme des épi-phénomènes si l'on se saisit des religions d'un point de vie global ; mais ces courants ont existé, et sont donc je pense révélateurs.
Donc bon, je pense pas que l'anarchisme devrait être aussi dogmatique concernant les religions. Je suis tombé sur beaucoup de sites d'athées anars qui n'avaient rien à envier à certains articles de Rispote Laique (sur l'Islam) ou d'Egalité et Réconciliation (sur le judaisme).
Ce que je pense, c'est que le mouvement libertaire d'émancipation aurait plutôt tendance à faire preuve de pragmatisme sur le sujet ; et à tous ceux qui crient à la lâcheté dès que l'on parle de pragmatisme, je leur rétorque qu'ils ne veulent finalement rien d'autres que leur révolution individuelle.
L'anti-religiosité peut souvent cacher le pire des racismes, et aujourd'hui, l'opprimé est bien souvent religieux. De fait, c'est s'isoler et s'aliéner une grande partie de révolutionnaires potentiels que de rejeter par principe et en bloc tout trait religieux. La critique de la religion ne doit ni hiérarchiser les religions (comme le fait Onfray), ni oublier les rapports sociaux, et la sociologie de la religion.
De plus, on ne peut pas empêcher des gens de faire groupe sur base religieuse par la force. Ce serait très compliqué. Et envisager, dès demain, un monde sans religion, alors que la religion est dominante dans beaucoup de régions du monde, semble absurde. Ainsi, il semblerait plutôt de saisir les contours politiques de la religion, de saisir ses ressorts historiques, de critiquer avec force toutes ses dérives extrêmes (islamismes, catho extrémistes, juifs extrémistes, sionisme, etc, qui bien souvent en plus ne sont que des interprétations erronées des religions concernées - contrairement à ce que pas mal d'anar ont essayé de me faire croire pour me montrer que toute religion était mauvaise).
La religion doit être saisie dans toute sa complexité. Et, aussi, je pense qu'elle doit être reléguée peut être au second plan par rapport au "Ni Maitre" dans la lutte émancipatrice ; cela n'est pas question de principe mais d'urgence, de pragmatisme, car déjà un cadre où égalité économique et sociale et laicité réelle serait en place serait bien moins favorables aux religieux de tout poils.
Bien sûr que le révolutionnaire doit vouloir faire reculer à long terme la religiosité, mais pour ça il ne peut s'appuyer ni sur les racistes de tous bords, ni les critiques religieux tapageurs mais contre-productifs, mais envisager cette mutation culturelle de grande ampleur d'un point de vue complexe sur le long terme.