ci joint une étude historique sur Albert Camus et la guerre d'Algérie qui illustre parfaitement la difficulté de tenir des positions pacifistes quand le pouvoir organise la boucherie guerrière , ce genre d'analyse peut servir a expliquer pourquoi , par exemple dans le conflit israelo palestinien , il est si difficile de faire passer les nécéssaires idées de fraternisation des exploités par delà les frontières .....
Albert Camus, un colonialiste ?
C’est l’idée opposée qui s’est répandue à partir de 1956, sous l’influence de Francis Jeanson [7], apôtre du soutien au FLN dès 1955, puis de son maître à penser Jean-Paul Sartre [8], considéré à l’époque comme le principal rival de Camus. Cette idée fut accréditée dans l’esprit de nombreux intellectuels de gauche convaincus qu’ils devaient soutenir au moins politiquement la cause du FLN algérien, et qui jugèrent sévèrement le silence dans lequel Camus s’enferma peu après l’échec de sa proposition de « trêve civile » [9] en janvier 1956, quand il rompit avec ceux de ses amis qui choisissaient (comme Jean Daniel) de prôner la négociation avec le FLN. Elle fut encore aggravée par la réponse qu’il fit à un jeune algérien nationaliste à l’occasion de la remise de son prix Nobel à Stockholm en novembre 1957, résumée par la formule sommaire : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère » [10]. Et aussi par la publication, en mai 1958, d’Actuelles III, Chroniques algériennes, 1939-1958, recueil de ses principaux articles sur l’Algérie qui se terminait par une prise de position pour le plan d’intégration fédéraliste du juriste algérois Marc Lauriol [11]. Ce fut sa dernière prise de position publique avant sa mort prématurée en janvier 1960. Beaucoup d’intellectuels de gauche estimèrent alors que Camus avait déserté la cause de la justice parce qu’il n’avait pas su résister à la solidarité familiale avec les « pieds-noirs » dont il faisait, malheureusement pour lui, partie. J’ai encore eu l’occasion d’entendre des jugements sévères sur le « racisme » inavoué d’Albert Camus [12] à l’occasion d’une journée d’étude et d’un colloque tenus à Toulouse en 1999.
Et pourtant, la vérité ne se situait ni d’un côté, ni de l’autre. La position d’Albert Camus était beaucoup plus subtile, mais fondée sur des principes très fermes, dont la cohérence et le bien fondé apparaissent aujourd’hui de mieux en mieux quand on les relit dans l’introduction d’Actuelles III [13] à la lumière d’événements récents. C’était pour lui une nécessité morale absolue que de condamner avec une égale fermeté la torture et le terrorisme. En conséquence, il s’opposait avec une égale fermeté aux intellectuels « de droite » qui refusaient de condamner la première, et aux intellectuels « de gauche » qui s’interdisaient de condamner le second. Et c’est pourquoi il ne pouvait admettre comme juste l’avenir que le FLN préparait à sa patrie, avenir inacceptable pour les Français d’Algérie mais également dangereux pour le peuple algérien musulman. Mais il n’en persista pas moins à intervenir, en secret, pour obtenir la grâce de condamnés à mort nationalistes algériens, à la demande de Jean Daniel [14] et de Germaine Tillion [15].
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