Nationalisme & religions contre la justice sociale & la libe

Débats politiques, confrontation avec d'autres idéologies politiques...

Nationalisme & religions contre la justice sociale & la libe

Messagede bajotierra le Mar 9 Oct 2012 09:15

Nationalisme & religions contre la justice sociale & la liberté


Le 17 décembre 2010 Mohamed Bouazizi ne s’est pas immolé pour un drapeau ni contre une caricature, il ne s’est pas immolé pour défendre ses traditions ni pour que son pays entre en guerre contre le voisin. Il s’est immolé parce que ses conditions de vie étaient insupportables. A sa suite, en Tunisie d’abord puis dans le monde entier, des millions de personnes ont compris cet acte comme un message de révolte de l’Etre humain contre un système d’oppression généralisée..

Deux ans ne sont pas encore écou- lés depuis ce geste que force est de constater combien ce message limpide s’est corrompu. Moins de deux ans, c’est ce laps de temps qui a suffi pour qu’une savante combinaison de propagande nationaliste ou religieuse, propagée par des minorités grassement rétribuées et relayée par des médias mercenaires, vienne obscurcir les esprits. Aux millions de travailleurs exploités, aux populations précarisées, mal logées et réduites à la disette, les politiciens de tous les pays n’ont pas apporté de réponse. Bien au contraire, ils ont mis en route la classique panoplie de crises en tous genres, puis ils ont grand ouverts les macabres bazars de drapeaux et de livres saints pour lesquels, à l’heure voulue, celui qui s’en sera imprégné sera invité à bien vouloir se faire tuer..

En France en 2012, entrer dans un édifice public, une CAF ou une mairie, y dire - comme Jacques - son désespoir de ne plus recevoir des allocations dues depuis des mois ou celui de ne pas trouver de logement pour y loger ses enfants comme Corinne, puis s’asperger d’essence et craquer une allumette, c’est-à-dire s’immoler comme le fit Mohammed Bouzizi en 2010, cela ne vaut rien. Que l’on soit un chômeur de 51 ans, ou une mère de famille nombreuse, c’est au maximum quelques lignes dans la presse et puis c’est tout. Jacques et Corinne n’ont pas eu droit à plus..

Lecteur d’Anarchosyndicalisme !, c’est peut-être la première fois que tu entends parler de leur immolation. A croire que, désormais, se brûler vif en place publique est devenu presque ennuyeux aux yeux des medias. Pour eux ce sont d’autres événements qui méritent de focaliser tous leurs commentaires et donc toute notre attention. Les îles Sengaku par exemple. Personne n’en avait entendu parler, de ces quatre cailloux totalement déserts, qui « appartiennent » à la Chine. Personne n’y habite et tout le monde s’en fout. Il fallait que ça change. Alors on a trouvé deux choses : d’abord quelques œufs et un peu d’huile et ensuite et surtout, une dizaine de Japonais avec leur drapeau pour y débarquer en plein mois d’août..

Miraculeusement, il y avait là, ce 18 août, force caméras, de quoi faire passer et repasser en boucle sur nos écrans cette poignée de charlots en goguette et surtout de quoi faire monter la mayonnaise. Une mayonnaise bien utile, pour un gouvernement tout de même déstabilisé par sa gestion calamiteuse de Fukushima, sa corruption et son enfermement dans le dogme nucléariste. Comme par mira- cle d’ailleurs, le premier pied nippon n’avait pas été posé sur le premier caillou qu’on nous dénichait quelques experts pour nous informer que, s’il n’y pas d’habitants aux Sengaku , il y aurait quand même beaucoup de pois- sons dans l’Océan. Grande nouvelle. Mais il fallait bien donner une apparence de rationalité à l’affaire pour que ses rouages n’apparaissent pas trop..

Quoiqu’il en soit, quelques jours plus tard, nous avons été abreuvés des images « en retour », sorte de réponse du berger à la bergère : celles de manifestants chinois. Ils s’indignent de cet abordage. Ils se sentent insultés. Atteints au plus profond de leur être. En tant que « communauté chinoise », ils réclament la guerre contre les « démons japonais »... le tout sous les yeux bien- veillants des forces de l’ordre, dans un pays où la manifestation la plus inno- cente est réprimée avec la plus grande sauvagerie, dans un pays qui s’acharne à ne rien laisser filtrer – ni à l’extérieur ni à l’intérieur – des révoltes populai- res, des soulèvements de paysans, des grèves sauvages des esclaves du « made in China ». Il transpire pourtant que ces mouvements de révolte sont le fait de masse importantes... raison de plus pour détourner l’attention ! Car nationalistes japonais ou chinois, sont les deux faces de la même médaille : celle qui impose à des populations un choix entre deux camps, dont aucun n’est celui des exploités. Pour le Pouvoir, c’est se réserver la possibilité d’assourdir, par le bruit des bombes, la clameur des luttes émancipatrices. La guerre est donc une aubaine pour tous les États en difficulté, une aubaine qui rapporte aux marchands et appauvrit les consciences. Dans la période que nous traversons, le concept de guerre civile – c’est-à-dire le passage de la guerre de l’Etat contre la population à la guerre entre fractions de la population – a commencé réellement à être réactivé en Lybie avant de s’épanouir pleinement en Syrie..

Si l’on en croit les chiffres officiels, dans ce dernier pays 1 habitant sur 1 000 a déjà été tué. A cette propor- tion terrible, il faut ajouter le chiffre des disparus, des mutilés et des exilés. Le rapport est de neuf personnes mises ainsi « hors de combat » pour une personne tuée. A l’échelle de la France, cela représenterait 60 000 morts et au bas mot un demi-million de personnes directement touchées. Quel serait donc l’état de la France après une telle saignée frappant les habitants parmi les plus jeunes et les plus progressistes ? A n’en pas douter il y aurait une grosse redistribution de cartes au niveau politique et social. Les anarchosyndicalistes connaissent bien ce type d’élimination de masse et ses conséquences pour en avoir été victi- mes. Ce fut le cas en France en 1914/18 : face à un mouvement anar- chosyndicaliste relativement puissant (la CGT), l’Etat prit la décision d’en- voyer en première ligne, pour qu’ils s’y fassent tuer, les militants repérés (c’est la fameuse histoire du « Carnet B » [1]), et ceux qui refusèrent furent pour- chassés, fusillés comme déserteurs ou mutins . En quatre ans, la CGT bascula de positions majoritairement révolutionnaires à une majorité réformiste. Nous ne sommes donc pas surpris de voir comment, de nouveau, une révolte civile légitime peut se terminer dans la confusion d’un conflit militarisé n’ayant plus qu’un lointain rapport avec elle. L’espace vidé par l’élimination physique des premiers opposants est occupé par des groupes qui arrivent au secours des institutions mises en cause (l’Etat et ses structures) avec de gros moyens logistiques et des relais internationaux pour leur propa- gande. Peu importe finalement le nombre de ces groupes et leur puissance numérique réelle. A l’instar des nationalistes japonais qui ont abordé les Sengaku , ce qui est redoutable, c’est l’effet d’aubaine qu’ils peuvent procurer à un Pouvoir déstabilisé et l’appui institutionnel et financier dont ils peuvent bénéficier en retour. Tel est le cas des groupes dits « salafistes ». Le secrétariat de l’AIT a reçu fin juillet le courrier d’un jeune anarchiste syrien. Voici un extrait de ce message [2] : « En fait, il y a toujours de très grandes divisions entre la gauche syrienne et arabe : les staliniens conservent des liens avec le régime actuel en tant qu’antiimpérialistes. Comme à l’habitude, ils négligent la nature oppressive du régime, c’est tellement naturel pour eux. Il y a trois partis communistes syriens qui soutiennent le régime actuel sans remords. D’autres partis staliniens d’Arabie soutiennent le régime également. De l’autre côté, les trotskystes s’opposent à ces régimes, mais ils voient les islamistes comme de possibles alliés, ce qui crée un autre conflit, car ils oublient la nature réactionnaire, autoritariste et capitaliste, voir même néolibérale du projet islamiste. ».

Ce courrier vient nous confirmer le rôle réactionnaire du fanatisme religieux dans les pays d’Afrique et du Moyen-Orient secoués par des vagues de révoltes populaires. C’est en Tunisie, premier pays touché par cette vague de révolte, que les salafistes ont d’abord fait parler d’eux en commettant une série d’exactions contre des femmes, des lieux culturels, des locaux syndicaux. Le 23 août dernier des milices salafistes ont attaqué le quartier populaire de Sidi-Bouzid (ville berceau de la révolution tunisienne). Ses moyens d’action rappellent aux Tunisiens le fascisme des années 30, d’autant plus que, comme le souligne un blog local : « Les confréries musulmanes en Egypte, Ennahdha en Tunisie, et les salafistes dans toute la région sont tous à l’ai- se avec, et soutiennent le genre de politiques néolibérales économiques dont les États-Unis t l’Europe font partout la promotion. Ils se sont opposés aux droits syndicaux, ainsi qu’aux politiques économiques fortement orientées vers l’Etat. Quand il s’agit de l’économie néolibérale, l’ouverture à la pénétration commerciale et financière étrangère, les Islamistes et les décideurs politiques américains sont en complète harmonie. ».

Cette convergence entre religion et capitalisme ne concerne pas que les pays où les pétrodollars arrosent des groupes de fanatiques. Au détour d’un article sur la crise grecque, on apprend par exemple la richesse de l’Eglise orthodoxe : elle serait à la fois le deuxième propriétaire foncier et le deuxième actionnaire de la banque centrale de ce pays... cela, pour ceux qui auraient oublié, qu’en Occident aussi, les églises sont dans le camp des privilégiés et des exploiteurs..

C’est donc tout naturellement que, peu à peu, on assiste dans l’opinion publique internationale à une prise de conscience de cette collusion. Même si elle n’est pas explicite, elle est patente, que ce soit avec les Pussy-Riot en Russie (qui, pour avoir manifesté cont re Poutine ont été condamnées à deux ans de camp pour « incitation à la haine religieuse »), que ce soit en Iran où deux jeunes filles ont rossé - et de belle manière - ces jours-ci un iman qui voulait les forcer à se voiler, que ce soit en Libye où la population de Bengazi a récemment attaqué une caserne de miliciens salafistes,... ce qui est dénoncé par tous ceux là, in fine, c’est cette complicité des religieux et du Pouvoir ..

Mais là où les choses se compliquent, c’est que, depuis quelques décennies, l’idéologie dominante a mensongèrement imposé la religion comme un fait « culturel » et identitaire. Par le biais de ce pseudo déterminisme culturel, elle a accouplé le fait religieux au fait national, ouvrant ainsi un boulevard à la réaction et à l’extrême droite. C’est pourquoi à l’heure actuelle la moindre position antireligieuse court le risque d’être retournée comme une agression contre une « communauté » ou une « nation ». Ainsi, dès lors que l’on a commencé par accepter cette vision d’une cartographie planétaire qui divi- se le monde en zones de traditions diverses, on finit insidieusement par accepter que, selon le lieu où l’on vit, les droits des individus varient au nom du respect qu’ils devraient à ces traditions locales [3]. C’est cette accumulation d’erreurs de jugement qui explique certains faits extraordinaires. Parmi ceux-ci, le succès que se taille le FN en prêchant une laïcité autochtone contre l’islam qui serait une xénoculture ..

Nous devons proclamer notre soli- darité avec les actes de résistance anti- religieuse et antinationaliste, mais comme toujours, sans perdre de vue que le combat émancipateur est global et idéologique. Contrairement à la vision que veut imposer l’idéologie dominante, nous devons affirmer qu’en réalité les idées n’ont pas de pays. Que le véritable « fait culturel » est précisément celui qui met en capacité chaque individu, quel que soit le lieu où il habite, de remettre en cause, de soumettre aux feux de sa critique sa « culture » et celle des autres ! Enfin en tant qu’anarchosyndicalistes, nous pouvons ajouter que cette critique ne se construit jamais ex nihilo et qu’elle se fonde sur l’aspiration universelle à la justice sociale et à la liberté..

M..
..

[1] L’histoire officielle dit, qu’au dernier moment, le fichage des militants et leur embrigadement dans les pires conditions n’aurait pas été appliqué... la réalité est bien différente..

[2] Lettre mise en ligne par les compagnons anglais de la SF http://www.solfed.org.uk/?q=internation ... -anarchist, traduction par des compagnons canadiens.

[3] Voir par exemple le texte remarquable :« Indigènes de la République : Derrière le "féminisme islamique", le racisme et le patriarcat.. ».
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http://www.cntaittoulouse.lautre.net/sp ... article541
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Re: Nationalisme & religions contre la justice sociale & la libe

Messagede AnarSonore le Ven 12 Oct 2012 22:09

DOSSIER DEMYSTIFICATION
CATALOGNE : MANOEUVRES NATIONALISTES
http://www.cntaittoulouse.lautre.net/sp ... article542

Le processus qui se déroule en Catalogne est une pleine illustration de l’article qui précède. Avant d’accueillir dans nos colones de larges extraits d’un texte rédigé par un groupe des Jeunesses libertaires résident dans cette région, soulignons que, comme partout, le repli identitaire s’accompagne des attitudes les plus réactionnaires.

Ainsi, le flicage est devenu une sorte de « trait culturel » des catalanistes, tant et si bien que « Le Monde » (édition magazine du septembre 2012), peu enclin pourtant à critiquer les régionalistes, leur attribue la palme mondiale de la délation pour la façon dont la police catalane a diffusé les photos de plusieurs dizaines de supposés « émeutiers » - en fait des manifestants contre l’austérité - mais aussi pour la façon dont la régie de transports de Barcelone diffuse une application pour smartphones afin que les fraudeurs soient dénoncés en temps réel ! Voici donc la réplique des Jeunesses libertaires face à ces manœuvres nationalistes.


Pour nous il est clair que nous ne participerons pas à de telles manifestations. Nous espérons que la contribution au débat que nous faisons d’un point de vue anarchiste pourra contribuer à développer une force sociale qui, par la pensée et l’action et s’opposera au courant nationaliste dominant. Les partis politiques de toutes couleurs, bourgeois comme pseudo-ouvriers, de droite comme de gauche, alimentent un courant d’opinion dominant au caractère patriotique et nationaliste dans lequel la société catalane est en train de se noyer et auquel nous sommes peu nombreux à être capables d’échapper.

Les mouvements nationalistes tendent à appliquer un critère manichéen : « Si tu n’es pas avec moi, alors tu es contre moi », si tu n’es pas des miens, tu es du peuple ennemi (Catalan ou Espagnol, Serbe ou Croate, Ukrainien ou Russe). Quiconque décide de se démarquer des plans et du program- me d’un mouvement nationaliste est accusé de soutenir le peuple haï, d’appartenir à l’ennemi. Cela quel que soit le motif car il n’y a pas de raisons (rationnelles) qui puissent s’opposer au sentiment (irrationnel) d’appartenir à un peuple décidé à réaliser sa glorieuse saga.

Nous, anarchistes, nous ne suivons pas le courant dominant catalaniste pas plus que nous ne ramons avec toutes les forces politiques en faveur de l’indépendance de la Catalogne ou que nous nous identifions avec la patrie catalane. C’est pour cela qu’on nous taxe d’espagnolisme.

Par ce texte, nous voulons casser la dualité catalan-espagnol, indépendantiste- espagnoliste. Nous voulons en toute simplicité apporter un troisième éclairage, une nouvelle voie pour dépasse le conflit national. Nous voulons dépasser ce conflit en mettant l’accent sur l’individu dans la perspective de construire une société juste et sans oppression.

Aujourd’hui, l’autoritarisme sous ses diverses formes (capitalisme, patriarcat, religion, État...) s’étend sur tout le globe et maintien dans la soumission, d’une façon ou d’une autre, la totalité de la population. A cette force aliénante et abrutissante qui repose sur l’autorité s’opposent l’action et les idées de celles et ceux qui veulent créer un monde basé sur le lien fraternel, libre et solidaire entre individus et communautés ; nous voulons parler des anarchistes.

En Catalogne une grande partie de la population s’identifie à une série de traits linguistiques et culturels qui ne correspondent pas dans leur totalité aux valeurs linguistiques, morales et éthiques que le royaume d’Espagne promeut et impose uniformément à tous ses sujets. Nous pourrions dire qu’une grande partie de la population catalane a le sentiment de faire partie d’un collectif d’individus avec lequel elle partage des manières relativement semblables de parler, de participer aux festivités, de manger, de regarder le foot, de marier les filles...

Il est probable que ceux qui s’identifient à ce collectif ne sachent pas très clairement quelles sont les caractéristiques qu’il faut posséder pour appartenir à ce club si hétérogène, si vaste, si abstrait. Les membres de ce club disent « Moi, je suis Catalan ! », mais à peine peuvent-ils dire ce que signifie être Catalan ou définir avec clarté ce qu’est le « peuple catalan ».

Ceci posé, ce que les membres du club, et surtout son président, savent très clairement c’est comment tu ne peux pas parler si tu veux être memb- re du club, comment tu ne peux pas fêter noël ou quelle équipe de foot tu ne peux pas soutenir. Pour être Catalan, tu as le droit de parler comme les « pijos » (jeunesse dorée) de Barcelone ou comme les gitans de Lleida, mais tu ne peux pas parler comme Don Quichotte, tu ne peux pas manger une zarzuela pour le réveillon, tu ne peux pas soutenir l’équipe de foot de Madrid, tu ne peux pas, tu ne peux pas, tu ne peux pas...

Depuis l’apparition de l’Etat espagnol (1714), ses élites dominantes ont appliqué un plan d’homogénéisation de la population au niveau culturel et linguistique consistant à imposer des traits culturels et linguistiques qui appartenaient seulement à une partie de ses sujets, les Castillans. L’objectif était de créer une communauté homo- gène de sujets qui s’identifient avec une langue unique, un roi unique, un État unique, un drapeau unique.

Ce processus d’uniformisation culturelle a pour victimes la diversité et l’hétérogénéité. Ce rapport de domination a provoqué, dans l’histoire, la répression et la persécution des traits culturels et linguistiques vernaculaires.

En réponse à cette répression culturelle, tout au long de l’histoire, ont surgi des initiatives sociétales et politiques revendiquant l’autodétermination du « peuple catalan ». Aujourd’hui cette tension persiste, bien que moins brutalement, et les forces indépendantistes et nationalistes catalanes continuent de revendiquer l’autodétermination, toujours sur un même principe : la création d’un état catalan. Mais, sous quelle forme le « peuple catalan » peut-il réelle- ment être libre ?

Les anarchistes conçoivent la liber- té comme le plein développement des individus sous toutes ses facettes (intellectuelle, émotionnelle, culturel- le, physique...) au sein d’une société libre et solidaire expurgée de toute forme d’autorité. C’est pourquoi nous rejetons l’idée selon laquelle un État- nation quel qu’il soit – et même s’il s’autodénomme catalan – serait la solution à notre esclavage. Nous sommes pour la destruction de tous les Etats, pas pour la création de nouveaux.

L’anarchisme propose de construire la société en centrant l’attention sur l’intérêt de chacun des individus qui la composent puisqu’il postule que ces derniers ne sont pas nés pour satisfaire des aspirations de tiers mais pour s’autoréaliser. De son côté, le nationalisme prétend construire la société et la justice en mettant l’accent sur les intérêts des nations. Il s’agit là d’entités abstraites, construites, au-dessus des individus. Dans les nations, les individus sont des moyens pour satisfaire l’intérêt national, c’est pourquoi dès que l’intérêt de l’individu s’oppose à l’intérêt national, la société basée sur la nation oblige l’individu à agir cont- re son intérêt et contre sa volonté pour satisfaire ce qui est le plus sacré : la volonté nationale. C’est ainsi que les soldats vont faire la guerre à la nation ennemie en étant disposés à donner leur vie pour sauver la patrie.

Le nationalisme catalan, comme tous les autres, tend à créer une perception homogénéisatrice et simpliste de ce qu’implique être né dans un lieu déterminé. Le nationalisme, le patriotisme culpabilise, exclut et punit la diversité culturelle (par exemple, la coexistence de différentes langues ou de différentes identités dans un territoire donné) qu’il considère comme un danger pour sa propre identité. L’exaltation patriotique de ce qui est propre à un peuple nous amène en plus, très sou- vent, à vouloir maintenir des traditions et coutumes qui, par leur anachronisme et leur caractère injuste, devraient être dépassées.

Notre conclusion la plus claire est que tous les types de nationalisme (y compris les indépendantismes, par exemple basque ou catalan) sont à leur tour centralistes et répriment les différences qui existent en leur sein, puis- qu’ils se basent sur la « nation », en oubliant que chaque personne est une entité autonome, avec un certain nombre de caractéristiques propres qui la rendent différente de quelque autre personne que ce soit.

Bien souvent deux « peuples », deux « nations » peuvent être différenciés sur la base de leur religion (Serbes orthodoxes, Bosniaques musulmans, Croates catholiques) alors qu’ils partagent la même langue (Serbes, Bosniaques et Croates dans leur majorité parlent une langue slave, dite što- kavica, štokavština ou štokavsko narječe).

Dans le cas qui nous occupe ici, la langue est la caractéristique déterminante, ou, pour être plus précis, elle le devient au moment de créer une différence puisque tant les Catalans que les Espagnols, traditionnellement, se soumettent au pape. L’histoire ne manque pas d’exemples de nations ou de peuples qui se sont créés et dissous en fonction des intérêts politiques des élites dominantes du moment. Pour créer une nouvelle identité nationale qui corresponde à un nouvel État, il suffit de fixer l’attention sur un trait différentiel répandu sur l’ensemble du territoire du futur État en l’élevant au rang de valeur nationale. Par exemple, dans le cas de la Yougoslavie de Tito, les différences de religion entre Serbes, Bosniaques et Croates furent oubliées et l’identité fut construite sur la base de la lutte contre le fascisme et d’une langue commune, le serbo-croate.

Pour diviser une nation en deux ou plus, il suffit de nier ce qui est commun et de souligner au maximum ce qui fait différence. Pour séparer les Catalans des Valenciens, on fait l’impasse sur les similitudes du parler valencien avec le parler occidental catalan et on met le focus sur les particularités de la langue de la capitale valencienne ; une ligne de partage est ainsi tracée. Pour diviser la nation yougoslave en nation serbe, nation croate et nation bosniaque, il a suffi de rappeler à la population que la génération précédente – celle d’avant l’époque de Tito – allait à la mosquée ou à telle ou telle église.

La création des nations et son évolution est clairement déterminée par les intérêts politiques des élites dominantes qui appliquent des plans d’homogénéisation ou de division de la population en mettant en avant ou en masquant des différences et des traits culturels. Les nations telles que nous les connaissons et telles que nous en connaissons les frontières ont surgi des guerres et du choc des intérêts des élites au pouvoir dans différents lieux du territoire.

Les « Pays catalans », du sud des Pyrénées Orientales aux Baléares, sont le résultat des conquêtes de Jacques Ier d’Aragon dit le Conquérant (en catalan, Jaume I), du nettoyage eth- nique qu’il pratiqua dans les territoires conquis sur les Maures et de l’établissement de populations « catalanes » dans les domaines annexés à sa couronne. Les nationalistes catalans pré- tendent conserver pour les siècles des siècles cette situation héritée de Jacques Ier d’Aragon, tandis que les nationalistes espagnols prétendent conserver la situation héritée de Philippe V.

Les uns comme les autres entendent appliquer leur plan sur une population déterminée. De manière tout à fait consciente, ils prétendent modeler la culture du pays et la faire évoluer suivant leurs intérêts en s’opposant et en tentant d’éviter le développement naturel des traits culturels et linguistiques des différentes communautés. Pour assurer le succès de cette planification culturelle, ils utilisent les moyens de communication nationaux, ils créent des standards linguistiques, ils enseignent les traits culturels souhaitables dans les écoles de tout leur territoire, et, s’il le faut, ils procèdent au nettoyage ethnique en potentialisant le racisme.

En tant qu’anarchistes, nous nous opposons à toute tentative de manipulation planifiée de la population en vue de la réalisation d’intérêts poli- tiques. Nous défendons la diversité culturelle et linguistique, le métissage, les échanges, le dépassement des traditions injustes. Nous défendons le développement libre et naturel des cultures en pratiquant le respect des particularités de chacun et de chaque collectivité.

C’est pour cela que nous nous opposons à l’État espagnol et à ses plans d’homogénéisation artificielle et préméditée de la même façon que nous nous opposons au nationalisme catalan qui vise à créer des frontières, à catalaniser et à construire la « justice sociale » sur la base des intérêts nationaux.

C’est seulement en combattant de la même manière le nationalisme, qu’il soit basque, espagnol, gallicien, catalan ou andalou que l’on peut être un minimum cohérent car ils sont tous aussi pernicieux les uns que les autres. C’est seulement en s’appuyant sur le fédéralisme et l’internationalisme libertaire qu’on peut respecter l’autonomie individuelle, les différentes cultures autochtones, les particularités de chaque zone sans les sacrifier à des intérêts politiques. (...)

Groupe anarchiste EL L’Albada social, FIJL

(Fédération ibérique des jeunesses libertaires)
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Re: Nationalisme & religions contre la justice sociale & la libe

Messagede bajotierra le Mer 11 Sep 2013 15:48

salut ,

je fais remonter ce texte de l'an dernier qui nous montre qu'ne syrie l'évolution de la situation était largement prévisible

La guerre est donc une aubaine pour tous les États en difficulté, une aubaine qui rapporte aux marchands et appauvrit les consciences. Dans la période que nous traversons, le concept de guerre civile – c’est-à-dire le passage de la guerre de l’Etat contre la population à la guerre entre fractions de la population – a commencé réellement à être réactivé en Lybie avant de s’épanouir pleinement en Syrie..

Si l’on en croit les chiffres officiels, dans ce dernier pays 1 habitant sur 1 000 a déjà été tué. A cette propor- tion terrible, il faut ajouter le chiffre des disparus, des mutilés et des exilés. Le rapport est de neuf personnes mises ainsi « hors de combat » pour une personne tuée. A l’échelle de la France, cela représenterait 60 000 morts et au bas mot un demi-million de personnes directement touchées. Quel serait donc l’état de la France après une telle saignée frappant les habitants parmi les plus jeunes et les plus progressistes ? A n’en pas douter il y aurait une grosse redistribution de cartes au niveau politique et social


par ailleurs la " lettre d'un anarchiste syrien" , mazen , qui tourne en boucle sur des forums , date déjà d'un petit moment ..

[2] Lettre mise en ligne par les compagnons anglais de la SF http://www.solfed.org.uk/?q=internation ... -anarchist, traduction par des compagnons canadiens.


et a la vitesse où s'organise la solidarité internationale ce garçon a eu largement le temps de se faire tuer ...
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Re: Nationalisme & religions contre la justice sociale & la libe

Messagede acratack le Mer 11 Sep 2013 16:18

A ce sujet Poutine à clairement planifié un réarmement de la Russie pour que son armée soit capable de rivaliser avec les autres pays. C'est un plan sur 5 ans. La guerre en Syrie est une aubaine pour pouvoir écouler du stock et ainsi se réaprovisionner. La Syrie est aussi un moyen de tester les armes russes en grandeur nature.
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