L’extrême gauche et les cités

Débats politiques, confrontation avec d'autres idéologies politiques...

L’extrême gauche et les cités

Messagede bajotierra le Sam 20 Nov 2010 13:34

L’extrême gauche et les cités
Par Agone le mardi 22 décembre 2009, 11:21 - La chronique de Jean-Pierre Garnier - Lien permanent

Passer aux actes ou passer aux urnes ?

Aux dernières nouvelles, la « question de sécurité » devrait jouir d’un statut d’exterritorialité politique. C’est du moins ce qui ressort de la déclaration du président du groupe PS à l’Assemblée nationale, lors de la présentation par Sarkozy de son projet de loi sur la prévention de la délinquance, qui a publiquement souhaité que ce thème cesse de constituer « un enjeu entre républicains ». Et le maire de Nantes de préciser : « La délinquance et le crime doivent savoir qu’ils ont en face d’eux une détermination identique quelle que soit la couleur politique de celui qui l’exerce. »
Passons sur cette formulation maladroite – une détermination ne « s’exerce » pas, elle se manifeste ou s’exprime – pour n’en retenir que le contenu : « Le débat sur la sécurité est clos. » On le savait déjà depuis… 1988, lorsque le « socialiste » Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur, avait utilisé cette formulation, sous les applaudissements ironiques des députés de droite, lors de la présentation d’une série de mesures répressives contre les « violences urbaines » qui ne faisaient que s’inscrire dans la lignée de celles prises par le sinistre tandem Pasqua-Pandraud. Depuis lors, tandis que la droite courait après le FN pour lui ravir la palme en matière de sécuritarisme, la gauche en faisait autant derrière la droite pour ne pas être taxée d’angélisme et de laxisme. Si bien qu’aujourd’hui, de l’extrême droite au PCF, c’est un véritable front national contre l’insécurité qui est en train de se constituer, sans que l’on soit même sûr qu’il ne finisse pas par rallier une partie de la « gauche de gauche ».


La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), pour ne mentionner qu’elle [1], dispose d’un conseiller hors pair en matière de sécurité, en la personne du juge Didier Peyrat, ancien militant de l’organisation mais toujours en cheville avec ses leaders, qui ne ratent jamais une occasion de lui ouvrir les colonnes des publications qu’ils contrôlent (Textuel, Contretemps, Rouge, etc.). Surnommé « Le crime paiera », pour sa frénésie répressive, par quelques collègues facétieux du Syndicat de la magistrature, le juge Peyrat aime à jouer les experts ès-voyoucratie auprès d’une organisation qui, il est vrai, a déjà cessé depuis belle lurette d’être communiste et révolutionnaire. C’est pourquoi la devise qu’il a faite sienne, « réconcilier changement social et sécurité », pourrait fort bien être reprise par n’importe quel suppôt du social-libéralisme. Julien Dray, par exemple, autre rescapé de la LCR. Pendu maintenant aux jupes de Ségolène Royal, cet ancien meneur de la JCR passé au PS, dont les talents de manipulateur acquis dans l’organisation trotskiste avaient fait merveille pour neutraliser le mouvement « beur » pour l’égalité au cours du premier septennat mitterrandien, a trouvé une nouvelle vocation dans les instances dirigeantes du parti : « Réconcilier [lui aussi !] la gauche et la sécurité. » Guignerait-il, par hasard, un poste de « premier flic de France », place Beauvau, si la Dame aux Caméras parvenait au faîte de son irrésistible ascension ?

Mais revenons au juge Peyrat dans la mesure où ses diagnostics et ses préconisations, exposés en long et en large dans un ouvrage paru dans une collection dirigée par Daniel Bensaïd, le mentor intellectuel de la LCR, sont révélatrices de l’état de décomposition idéologique avancée de ce que l’on appelait jadis l’extrême gauche [2]. Comme beaucoup de ses congénères ayant troqué le léninisme et le trotskisme de leur jeunesse pour le citoyennisme, Peyrat a jeté le bébé de la théorie avec l’eau du bain marxiste. Contrairement à ce que prétendent les « antisécuritaires », les nouvelles modalités de l’exploitation et de la domination – autrement dit, les rapports sociaux capitalistes – ne seraient, selon lui, pour rien dans la multiplication et l’aggravation des délits ou des incivilités commis par la jeunesse populaire. Par « rapport social », il faudrait entendre, en effet, un « rapport entre les personnes », acception qui renoue avec la doxa bourgeoise la plus éculée. La montée de l’insécurité renverrait ainsi à une « montée du cynisme dans les rapports sociaux », c’est-à-dire dans les relations entre les individus. La délinquance, dès lors, serait elle-même un rapport social, négatif, bien sûr, qui irait à l’encontre des « fondamentaux de l’“être en société” ». Lesquels se ramèneraient à la nécessité pour chaque individu de s’unir aux autres pour « faire face à l’adversité » et « ainsi persévérer dans son être ».

D’où l’équation « anthropologique » qui tient lieu de soubassement théorique à l’idéologie sécuritaire insufflée dans les rangs de la LCR : « Le désir de société, c’est le désir de durer, donc le désir de sécurité. » Impératif écologique oblige, cette sécurité ne pourra être que « durable », à savoir « capable de faire face aux secousses de la mondialisation qui », augure Peyrat, « n’en n’est qu’à ses début ».

Olivier Besancenot peut bien clamer urbi et orbi son appétence « libertaire ». Il n’empêche que le « programme de refonte de la sécurité » proposé par le juge Peyrat aux militants et sympathisants de la LCR peut être défini comme totalitaire, au sens plein du terme. Sous couvert d’« élargir l’assise de la riposte à l’insécurité », de faire le « pari de la démocratie en valorisant la capacité de sécurité des citoyens », de « mieux enchâsser les institutions publiques [qu’« il ne s’agit pas de récuser », croit bon de préciser un homme qui leur doit son statut et ses revenus] dans la société civile », d’« y faire entrer, toujours plus l’extérieur à l’intérieur », de « développer les pratiques citoyennes dans le champ de la sécurité », c’est ni plus ni moins à permettre au pouvoir exécutif de faire le plein de ses exécutants que concourt « l’authentique tournant républicain des politiques de sécurité dont ce juge, que l’on ne saurait assurément qualifier de « rouge », s’est fait l’avocat obstiné. Néanmoins, étant donné la sensibilité politique supposée des destinataires de son discours, il fallait tout de même donner à ce « tournant républicain » un tour révolutionnaire, ne serait-ce qu’au plan sémantique. Pour baptiser un type de société où il reviendra, somme toute, à chacun de faire la police, Peyrat a forgé une appellation qui ne demande plus qu’à être homologuée : « socialisme de la civilité ».

On ne s’étonnera pas, dès lors, que pour œuvrer à l’avènement de ce « socialisme civil » – dont le juge Peyrat notifie quand même qu’il sera « moins tendu vers un avenir radicalement autre qu’à la recherche d’une adéquation de la politique avec la socialité » – un « service civil » doive être instauré « pour tous les jeunes hommes et les jeunes femmes » – donc obligatoire – « durant quelques mois dans les administrations de l’État (défense [donc militaire !], sécurité civile, santé, police, justice, etc.) ou les associations d’utilité publique », c’est-à-dire les courroies de transmission « autogérées » de l’État. Outre l’argument ressassé du « brassage des individus », ce juge ne craint pas, sur sa lancée, de nous resservir « l’intégration et l’apprentissage de la civilité ». Bref, ce que ni Chirac ni Sarko ni Ségo – du moins pas encore – n’ont osé proposer, Peyrat l’inclut sans complexe dans cette version inédite du « programme de transition ». Et gare à qui y trouverait à redire.

On connaissait la judéophobie, l’islamophobie et l’homophobie. Voilà que le maître à « repenser l’insécurité » de la LCR, très écouté aussi par les hiérarques du PS et certains maires du PCF, invente, pour stigmatiser tous ceux qui rechignent à le suivre, un néologisme, la « sécuriphobie ». Seraient atteints de cette pathologie les « virtuoses du déni » qui s’entêtent à « tirer la question de l’insécurité vers la question sociale ». Autrement dit, « à fournir aux délinquants des excuses sociologiques », comme le reprochaient le Premier ministre Lionel Jospin et sa garde des Sceaux Élisabeth Guigou aux mauvais esprits qui trouvaient un goût liberticide à la Loi sur la sécurité quotidienne (LSQ).

Qui trouve-t-on parmi ces gens qui, « après avoir évaporé l’insécurité réelle, font tout simplement disparaître la nécessité d’une politique de sécurité », et que le juge Peyrat baptise finement d’un autre néologisme : les « dénégationnistes » ? Des « libertaires radicalement anticapitalistes » et « certains réseaux de l’ultra-gauche » qui n’hésitent pas à « expliquer aux jeunes de banlieue qu’une partie de la société française leur menait une guerre de basse intensité » et que « l’un des objectifs de la “gauche gouvernementale” était de criminaliser la misère pour imposer la précarité aux jeunes prolétaires »; des « altermondialistes » abusés par la « thématique douteuse de l’“obsession sécuritaire” » et l’« opposition caricaturale entre “État pénal” et “État social” » colportée par Le Monde diplomatique ; des sociologues fourvoyés, à qui la « thématique de “l’insécurité sociale” » engendrée par la précarisation de masse, qualifiée de « fourre-tout » par le juge Peyrat, « sert à couvrir à la fois une négation de la spécificité du comportement délinquant et une répugnance de principe à l’égard des politiques de sécurité »; last but not least, car on n’est jamais si bien trahi que par les siens, les magistrats du Syndicat de la magistrature qui emboîtent le pas aux précédents : en cherchant à « dénicher derrière les illégalismes une sorte de contenu politique », ils ne feraient, eux aussi, « en la masquant », que « ratifier la résignation institutionnelle à l’insécurité de masse ».

La recherche des causes sociales de la « violence urbaine » dans laquelle se complaisent tous ces « sécuriphobes » aux dépens de l’observation de ses manifestations concrètes procéderait d’un « platonisme sommaire », d’une fuite hors de la caverne des réalités sordides vers le ciel des idées pures. Or, « une rupture claire avec l’angélisme » s’impose pour « faire émerger, à gauche, une politique de sécurité à la fois différente, efficace et communicable à la population ». Car « aucun parti, aucune alliance de partis ne pourront, dans la décennie à venir, espérer obtenir une majorité durable de suffrages, quelle que soit la qualité de leur programme dans d’autres domaines, s’ils n’attestent de leur détermination et de leur capacité à en découdre avec cette délinquance qui inquiète une écrasante majorité de citoyens et en indigne un nombre non négligeable ». Et en cette période où la « démocratie participative » est censée épauler une démocratie représentative à bout de souffle, il va de soi que la reconnaissance par la gauche de la sécurité comme impératif catégorique ne saurait être pleine et entière sans « un appui politique à une mobilisation citoyenne contre la délinquance ». Selon le juge Peyrat, il « existe une offre de participation citoyenne, en générale méconnue, quand elle n’est pas discréditée ». Ici et là, en effet, des groupes de résidents d’ensembles de HLM se sont déjà organisés pour « assurer la tranquillité dans les parties communes » ou « reprendre possession d’une rue dévorée par les trafics de stupéfiants ». Bref, « un énorme potentiel reste inemployé », et il reviendrait à la gauche de « favoriser la participation, l’initiative, l’action citoyenne » en matière de sécurité, sans que cela signifie, bien sûr, qu’elle doive se substituer « à l’action de l’État et de la justice ».

De la théorie – si tant est que l’on puisse désigner de la sorte les vaticinations sécuritaires du juge Peyrat – à la pratique, il y a un pas plus ou moins difficile à franchir selon les cas. Les émeutes de novembre 2005 vont offrir au leader historique de la LCR, Alain Krivine, l’occasion de donner l’exemple. Résidant à Saint-Denis, à proximité d’une zone « chaude », localisation permettant donc un contact privilégié avec le peuple, il a participé aux événements… en défendant, contre les « casseurs », sa voiture et sa copropriété [3] ! Certes, il reconnaissait là une « explosion de l’exclusion », diagnostic qui n’avait rien de bien révolutionnaire : ce sera aussi celui des Renseignements généraux. Mais Krivine s’est montré plus prolixe dans le magazine Marianne, connu pour son absence républicaine de mansuétude à l’égard des « sauvageons », lorsqu’il reprendra le récit de « ces nuits folles où, à soixante, les habitants font des rondes jusqu’à deux heures du matin pour éviter que la détresse n’attaque leurs murs. Cela crée des liens. Les réseaux de solidarité se sont renforcés », positivait le leader trotskiste [4]. « Pourquoi, lui demanda le journaliste qui l’interviewait, ne pas embrigader les émeutiers pour la révolution ? — Aucune organisation politique ne peut être comprise de ces jeunes », répliqua Krivine, qui semble oublier que les leaders éduqués du parti bolchevique étaient quand même parvenus à se faire entendre des ouvriers, soldats et paysans analphabètes de la Russie tsariste. Et quand le journaliste lui signala que, lui, il allait « aller parler aux jeunes », Alain lui répondit, presque inquiet : « Vous verrez, c’est tout noir. »

« La LCR a toujours été pragmatique. Lorsque l’émeute vient lécher les parkings et les murs des immeubles un peu plus cossus que ceux du reste de la zone, il s’agit d’abord pour elle de défendre la propriété. [5] » Dans la bouche d’Alain Krivine, des pratiques qui ont un air de famille avec celles d’une milice de petits propriétaires deviennent des « liens de solidarité » qui se renforcent. Pour un peu, il nous ferait croire qu’un soviet était en gestation dans l’ex-banlieue rouge ! Quant à la conscience politique de la LCR, parlons-en ! Si le 31 octobre un premier communiqué dénonçait la politique sécuritaire du pouvoir, dès le 3 novembre le ton changeait, et la LCR s’alignait sur la position du PCF, lequel, à corps et à cris, réclamait le « retour à l’ordre » et la punition des émeutiers. Ainsi peut-on lire dans un communiqué de la LCR daté du 3 novembre 2005 que « la vague de révolte et de violences suscite une inquiétude profonde parmi la population », ce qui permet à toute la gauche officielle, parti communiste en tête, d’enclencher le discours selon lequel, pour retrouver la quiétude, « rétablir l’ordre est une urgence extrême », sans oublier de préciser que « les responsables des violences et des dégradations doivent être sanctionnés » [6]. Ceux qui, jour après jour, dégradent sciemment nos conditions de vie avec une violence à peine voilée peuvent dormir tranquille. « C’est sur les opprimés que la gauche et l’extrême gauche appelaient les “sanctions”, pas sur leurs oppresseurs. [7] »

Affolement de gens surpris par l’événement ? Rien n’est moins sûr. Un an plus tard, alors que le « calme » était revenu dans les « banlieues », le député-maire « communiste » de Vénissieux, André Gérin, faisait placarder dans sa ville, et, sans doute fier de son initiative, jusque dans la presse nationale [8], un « Appel à la population » qui a dû remplir d’aise le juge Peyrat. Surmonté de l’intitulé « RÉPUBLIQUE FRANÇAISE » accompagné de la devise « LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ », le tout encadré de deux drapeaux bleu-blanc-rouge, ledit appel était calqué, au plan iconographique et par le ton martial adopté, sur les vieilles affiches de mobilisation générale apposées à la veille ou au lendemain des déclarations de guerre. Sauf que l’ennemi n’était plus aux frontières de la patrie mais déjà installé au cœur de la cité. Un ennemi multiforme : trafiquants, mafieux, intégristes, voyous, incendiaires de poubelles, lanceurs de cailloux, etc. L’heure était à la « résistance républicaine et au courage civique », à « l’engagement citoyen », au « réveil démocratique ». Mais la campagne électorale pour les présidentielles avait déjà démarré. Au-delà des « sauvageons », un double spectre hantait l’imaginaire des édiles de Vénissieux, sinon de leurs administrés. « ARRÊTE de valoriser Sarko, de travailler pour Le Pen », intimait l’appel, sans que l’on sache bien si cette injonction s’adressait au fauteur de troubles, réel ou potentiel, ou si elle était là pour dresser le reste de la population contre cet empêcheur de voter en rond. Le slogan qui, toujours en majuscules, ponctuait la fin de l’article évoquera, au moins parmi les anciens, des combats moins douteux : « LA VIOLENCE NE PASSERA PAS. » Comme si ce genre d’appel ne s’inscrivait pas dans un processus appelé à se développer au cours de ce siècle, s’il n’y est pas rapidement mis fin : une fascisation rampante, d’autant plus insidieuse qu’elle se draperait d’atours – ou d’oripeaux – progressistes.

Si réveil, résistance et engagement il doit y avoir, par conséquent, ce serait plutôt contre ce danger-là. Cette mise en garde vaut aussi pour certains rebelles de confort chouchoutés par les médias qui en viennent à concilier la posture « libertaire » qui leur sert d’image de marque avec une indulgence pour le sécuritaire frappé du sceau « populaire ». Promu « rédac’chef » d’un jour dans le journal gratuit Métro, voici ce que l’un d’eux opinait à propos de la « montée de la gauche » – en fait, d’un parti populiste à tendance protectionniste et xénophobe – lors des dernières élections aux Pays-Bas : « On voit que quand la gauche s’empare de territoires traditionnellement occupés par la droite, comme la sécurité, l’ordre, cela fait un carton. Les gens qui veulent un environnement sûr ne sont pas tous des fachos. [9] » Il ne reste plus à notre « libertaire » qu’à aider Ségolène Royal à rédiger ses prochains discours sur « l’ordre juste » pour donner à ce dernier un air primesautier. Car l’expérience historique a depuis longtemps montré, d’une part, que « la gauche » n’est qu’une appellation usurpée lorsqu’elle fait la politique de la droite, et, d’autre part, que c’est sur « le désir des gens qui veulent un environnement sûr » que le fascisme a souvent prospéré.

Jean-Pierre Garnier
Texte initialement paru dans Le Monde libertaire, 21 décembre 2007.
——
Jean-Pierre Garnier est notamment l'auteur de Une violence éminemment contemporaine. Essais sur la ville, la petite-bourgeoisie intellectuelle et l'effacement des classes populaires à paraître en mars 2010 aux éditions Agone.

Notes
[1] Quant à Lutte ouvrière, elle dénie toute légitimité à la révolte des jeunes des cités en raison de son « absence de contenu de classe », ainsi que l’a confirmé son hostilité – en fait, son incompréhension – face aux « émeutes » de l’automne 2005.

[2] Didier Peyrat, En manque de civilité, Textuel, 2005.

[3] Le récit qui suit est tiré de Combat syndicaliste, n° 93, janvier 2005.
http://www.cntaittoulouse.lautre.net/ru ... ubrique=21

[4] Marianne, 12 novembre 2005.

[5] Combat syndicaliste, op. cit.

[6] Communiqué du parti communiste français, 3 novembre 2005.

[7] Combat syndicaliste, op. cit.

[8] Libération, 29 novembre 2006.

[9] Michel Onfray, Métro, 23 novembre 2006.



http://blog.agone.org/post/2009/12/22/L ... -les-cites
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede Nico37 le Mar 23 Nov 2010 21:59

Nico37
 

Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede tatave le Mer 24 Nov 2010 10:27

J'ai été faire un tour sur ce site et j'y ai trouvé ça :
Ce qui est assez pathétique dans l'article, c'est que l'auteur semble partir bille en tête avec l'idée " je vais me faire la LCR/NPA sur les questions de sécurité " et du coup il sort que des trucs à la marge

et toi Bajotierra ça ne t'interpelle pas quelque part avec ta croisade anti npal ?
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede bajotierra le Mer 24 Nov 2010 13:15

Qu'est ce qui devrait m'interpeller le fait qu'ils préférent les contradictions a la vérité ?

pour zappa c'est marginal
et du coup il sort que des trucs à la marge.


pour vals ce qui est "marginal "n'est pas
On peut même sans problème parler de mensonges grossiers plutôt que de caricature...
...

Et pour Gérard Menvussa on se rassure comme on on peut , et on fait semblant de pas trouver ce qu'il n'y a pas a chercher, puisque la référence est donnée en note 2 par Garnier

Une parenthése, concernant Didier Peyrat ; en faisant une petite recherche, je ne trouve AUCUNE intervention de lui dans la presse du NPA, et deux interventions, dont une bréve (déplorant la sanction dont il a été victime) et un article de cristian Piquet, qui lui consacre trois lignes (pour le critiquer sur certains aspects)... C'est donc mensonger, comme tout le reste d'ailleurs. Ce qui n'a rien d'étonnant....


Voilà ce qui est écrit par Garnier sur le sujet

La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), pour ne mentionner qu’elle [1], dispose d’un conseiller hors pair en matière de sécurité, en la personne du juge Didier Peyrat, ancien militant de l’organisation mais toujours en cheville avec ses leaders, qui ne ratent jamais une occasion de lui ouvrir les colonnes des publications qu’ils contrôlent ([u]Textuel, Contretemps, Rouge, etc.). [/u]Surnommé « Le crime paiera », pour sa frénésie répressive, par quelques collègues facétieux du Syndicat de la magistrature, le juge Peyrat aime à jouer les experts ès-voyoucratie auprès d’une organisation qui, il est vrai, a déjà cessé depuis belle lurette d’être communiste et révolutionnaire. C’est pourquoi la devise qu’il a faite sienne, « réconcilier changement social et sécurité », pourrait fort bien être reprise par n’importe quel suppôt du social-libéralisme. Julien Dray, par exemple, autre rescapé de la LCR. Pendu maintenant aux jupes de Ségolène Royal, cet ancien meneur de la JCR passé au PS, dont les talents de manipulateur acquis dans l’organisation trotskiste avaient fait merveille pour neutraliser le mouvement « beur » pour l’égalité au cours du premier septennat mitterrandien, a trouvé une nouvelle vocation dans les instances dirigeantes du parti : « Réconcilier [lui aussi !] la gauche et la sécurité. » Guignerait-il, par hasard, un poste de « premier flic de France », place Beauvau, si la Dame aux Caméras parvenait au faîte de son irrésistible ascension ?

Mais revenons au juge Peyrat dans la mesure où ses diagnostics et ses préconisations, exposés en long et en large dans un ouvrage paru dans une collection dirigée par Daniel Bensaïd, le mentor intellectuel de la LCR, sont révélatrices de l’état de décomposition idéologique avancée de ce que l’on appelait jadis l’extrême gauche [2]. Comme beaucoup de ses congénères ayant troqué le léninisme et le trotskisme de leur jeunesse pour le citoyennisme, Peyrat a jeté le bébé de la théorie avec l’eau du bain marxiste. Contrairement à ce que prétendent les « antisécuritaires », les nouvelles modalités de l’exploitation et de la domination – autrement dit, les rapports sociaux capitalistes – ne seraient, selon lui, pour rien dans la multiplication et l’aggravation des délits ou des incivilités commis par la jeunesse populaire. Par « rapport social », il faudrait entendre, en effet, un « rapport entre les personnes », acception qui renoue avec la doxa bourgeoise la plus éculée. La montée de l’insécurité renverrait ainsi à une « montée du cynisme dans les rapports sociaux », c’est-à-dire dans les relations entre les individus. La délinquance, dès lors, serait elle-même un rapport social, négatif, bien sûr, qui irait à l’encontre des « fondamentaux de l’“être en société” ». Lesquels se ramèneraient à la nécessité pour chaque individu de s’unir aux autres pour « faire face à l’adversité » et « ainsi persévérer dans son être ».

[2] Didier Peyrat, En manque de civilité, Textuel, 2005.


Didier Peyrat, "En manque de civilité" !!!!! Voilà un titre qui interpelle ......
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede fabou le Mer 24 Nov 2010 15:33

Bah c'est le NPA quoi ...
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede tatave le Jeu 25 Nov 2010 09:55

fabou89 a écrit:Bah c'est le NPA quoi ...

On dirait le Sud
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede bajotierra le Jeu 1 Mar 2012 10:33

Gauche et extrême gauche :
TROP CONSCIENTS POUR SE REVOLTER


dimanche 8 janvier 2006



La révolte qui a suivi la mort des deux jeunes de Clichy était propice à remettre en question toute la politique actuelle. Or, cela n’a pas été le cas, au contraire. Avec la proclamation de l’état d’urgence, un pas de plus a été franchi. L’absence de solidarité de la part de mouvements politiques qui se disent révolutionnaires ou libertaires est en partie responsable de ce résultat néfaste. Pour tenter de justifier cette absence de solidarité envers la population des banlieues, deux prétextes ont été martelés du début à la fin : "l’absence de conscience politique" et la "violence" des manifestants.



Constatons tout d’abord que, dans la bouche de "révolutionnaires", ces deux prétextes sont d’autant plus malvenus qu’ils renforcent la thèse du pouvoir, un pouvoir qui présente systématiquement l’action de ces populations sous l’éclairage de la "délinquance", en faisant semblant d’oublier qu’il s’agit d’une réaction à l’extrême violence sociétale qu’elles subissent.

Constatons également que ce qui a été posé en banlieue, ce sont bel et bien des actes politiques. Les militants "conscients" et "responsables", en niant le sens de ces actes, en les disqualifiant par un discours calqué sur celui du pouvoir, ont contribué à l’isolement humain et moral des révoltés et finalement à notre défaite à tous.

Un tel comportement n’est pas prêt d’être oublié par la fraction du prolétariat qu’ils ont aussi lamentablement abandonnée.

ARLETTE, LES VOYOUS ET LES TRAFIQUANTS

De la même façon que sous une dictature certains se déclarent trop intelligents pour penser, affichant ainsi une spirituelle lâcheté, les militants officiels d’extrême gauche se sont déclarés trop conscients pour se révolter. Commode. Trop commode.

Sur ce sujet Lutte Ouvrière a été la plus clairement fidèle à une certaine tradition marxiste qui repose sur une hiérarchisation de la population : il y aurait, tout au-dessus du panier ceux qui ont bien compris Marx (en l’occurrence, les militants de Lutte Ouvrière, qu’ils soient issus de la haute bourgeoisie ou du monde ouvrier), un peu en dessous l’élite ouvrière (qui n’a pas tout à fait bien compris Marx mais qui est désignée par celui-ci comme le principal acteur de la révolution à venir) et tout à fait en bas, le monde ouvrier le plus pauvre. Les premiers prétendent diriger les seconds et abominent les troisièmes, qu’ils nomment lumpenprolétariat, c’est à dire sous-prolétariat (en insistant bien sur le sens péjoratif de "sous"). Ils englobent dans sous ce dernier terme l’ensemble des individus réfractaires à leur interprétation de la conscience politique. Avec cette conception de la vie, on peut écrire sans sourciller, comme le fait Arlette Laguiller, dans l’éditorial de l’hebdomadaire Lutte Ouvrière du 4 novembre 2005 : "C’est pourquoi lorsque les jeunes s’en prennent aux pompiers en tant que représentants de l’autorité, cela ne montre pas une bien grande conscience (…) La violence au quotidien dans ces quartiers est peut être le fait de voyous ou de trafiquants." La semaine suivante Arlette récidive : pour elle les violences témoignent parmi les "jeunes" d’une "absence de conscience sociale et de solidarité", alors que c’est de tout l’inverse qu’il s’agit : c’est bien en solidarité avec deux jeunes poussés par la pression policière à se réfugier dans un transformateur -et à y mourir- que les quartiers se sont embrasés, et, s’il y a une partie de la population qui comprend d’emblée ce qu’est l’antagonisme des puissants et des opprimés, c’est bien dans les banlieues qu’elle se trouve.

Les propos des militants d’extrême gauche sont tellement influencés par les médias qui, pour servir les stratégies sarkosiennes, ont savamment mis en scène les "violences", que c’est à se demander s’ils ont une autre source d’information que le journal de TF1 !

IL FAUT SAUVER LA VOITURE DU SOLDAT KRIVINE

Pourtant, tous ces militants n’habitent pas dans le très chic XVIème (à Paris), le tout aussi chic quartier Ozenne (à Toulouse) ou la très mondaine place Stanislas (à Nancy). Alain Krivine, le leader historique de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), habite par exemple à Saint-Denis. Tout près d’une zone chaude. Grâce au contact privilégié avec le peuple que lui permet cette localisation, Alain a participé aux événements … en défendant, contre les "casseurs", sa voiture et sa copropriété ! Laissons s’exprimer ce grand héros trotskiste. Certes, il reconnaît là une "explosion de l’exclusion" mais il est plus prolixe dans le magazine Marianne du 12 novembre 2005 lorsqu’il "reprend le récit de ces nuits folles où à soixante, ils font des rondes jusqu’à deux heures du matin pour éviter que la détresse n’attaque leurs murs. Cela crée des liens. Les réseaux de solidarité se sont renforcés, positive le leader trotskiste (…) Pourquoi ne pas embrigader les émeutiers pour la révolution ? Aucune organisation politique ne peut être comprise de ces jeunes réplique-t-il" et quand le journaliste lui indique que, lui, il va allers parler aux jeunes, Alain lui répond "presque inquiet ’vous verrez, c’est tout noir’."

La LCR a toujours été pragmatique. Lorsque l’émeute vient lécher les parkings et les murs des immeubles un peu plus cossus que ceux du reste de la zone, il s’agit d’abord pour elle de défendre la propriété. Des pratiques qui ne sont pas loin d’être celles d’une milice de petits propriétaires deviennent, dans la bouche d’Alain Krivine des "liens de solidarité" qui se renforcent. Pour peu, il nous ferait croire qu’un soviet était en création dans sa copropriété ! Quant à la conscience politique de la LCR, après quelques tergiversations, elle semble surtout avoir eu pour objectif de sauver la voiture d’Alain.

En effet, si le 31 octobre un premier communiqué de la LCR dénonce la politique sécuritaire du pouvoir, dès le 3 novembre le ton change et cette même LCR s’aligne sur la position du Parti communiste (PC), lequel à corps et à cris, réclame le retour à l’ordre et la punition des émeutiers. Ainsi, peut-on lire dans le communiqué de la LCR daté du 3 novembre 2005 que "la vague de révolte et de violences suscite une inquiétude profonde parmi la population", ce qui permet à toute la gauche officielle, Parti communiste en tête, d’enclencher le discours selon lequel, pour retrouver la quiétude, "rétablir l’ordre est une urgence extrême", sans oublier de préciser que "Les responsables des violences et des dégradations doivent être sanctionnés" (Communiqué du Parti communiste français du 03/11/2005). Ceux qui, jour après jour, dégradent sciemment nos conditions de vie avec une violence à peine voilée peuvent dormir tranquille. C’est sur les opprimés que la gauche et l’extrême gauche appellent les "sanctions", pas sur leurs oppresseurs.

DES LIBERTAIRES : SILENCIEUX D’ABORD, INCOHERENTS ENSUITE

Chez ceux des libertaires qui prônent la "visibilité médiatique" [1], les réactions ont été encore plus tardives. A croire que cette "visibilité", dont ils font un axe essentiel de leur stratégie, n’est destinée qu’à leur permettre d’ajouter une signature sur les tracts des partis politiques ou à suivre les manifs plan-plan des syndicats. Quand l’ambiance se teinte de révolte, ce n’est plus à de la visibilité que nous assistons, ce n’est même pas à une humble discrétion, c’est carrément à une disparition corps et biens. Le silence initial des "libertaires visibles" est d’autant plus assourdissant que c’est à Paris que les événements ont débuté dès le 27 octobre 2005 et que c’est dans cette même ville que se trouve -de fait même quand la forme affichée est autre- la "tête" de ces organisations là.

Or, ce n’est qu’autour du 07 novembre 2005, plus de dix jours après le début des événements que les premiers -et bien piteux- communiqués de presse ont été rédigés. La lecture de ces écrits démontre surtout, s’il restait un doute, que le mouvement libertaire français a intégré le discours dominant sur la violence [2]. Les communiqués d’Alternative libertaire (AL), de la Fédération anarchiste (FA), vont "regretter" la violence des manifestants. Le ton est lamentable et ne sort pas de la litanie médiatique : "Oui, il y a des raisons de se révolter, mais brûler des voitures, frapper au hasard ne fait que du tort." (Premier communiqué de la Fédération anarchiste, 08 novembre 2005).

Remarquons au passage que cette focalisation de toute la gauche et de l’extrême gauche sur les voitures brûlées est curieuse à de nombreux titre. Ne serait-ce que parce que ces milieux revendiquent souvent … l’abandon de la voiture au profit des transports en commun ou du vélo.

Remarquons également que, sans amener aucune piste concrète, ces organisations semblent découvrir que l’expression de la révolte est toujours un mouvement contradictoire dans lequel le révolté met en jeu ses intérêts présents dans l’espoir d’un avenir meilleur. Alors oui, la révolte, surtout si elle est matée et contenue, s’effectue au détriment de ceux qui la font. C’est là un risque qu’apparemment les "anarchistes" français de la FA et AL ne sont pas prêts de courir.

Il aura également fallu beaucoup attendre pour savoir ce que pensait de la situation la CNT-Vignoles. Ensuite, les prises de position se sont multipliées. Mais, la seule conclusion que l’on puisse tirer de leur lecture, est l’invraisemblable incohérence de cette organisation. Ainsi, le titre du communiqué de "l’Union régionale de la région parisienne" est éclatant de radicalité : "Nous sommes tous de la racaille" Proclame-t-il. Quel dommage qu’il ait fallu attendre le 11 novembre 2005 pour lire une affirmation aussi fière et aussi … décalée !

Car, ce communiqué paraît quand, en région parisienne, le mouvement a pratiquement disparu. Et ou est la cohérence avec le premier communiqué des Vignoles, bien moins fier, daté du 6 novembre 2005 : "Les enseignants de la CNT ne prônent pas bien sûr les incendies de voitures ni de bâtiments publics, mais ils ne prônent pas non plus la résignation". Ou, bien pire, avec l’éditorial du site web de l’Union régionale CNT-Vignoles d’Aquitaine (qui détient, c’est symbolique, le bureau national de cette organisation). Ce communiqué critique ouvertement les irresponsables ("la CNT regrette les comportements irresponsables d’une fraction de la jeunesse sacrifiée") avant de conclure, d’un peu compréhensible (vu le contenu de tout le texte) "Où est la vraie racaille ?" Bref, la confusion règne. Aux Vignoles, les uns dénoncent les "comportements irresponsables" et se demandent où est “la racaille” pendant que leurs camarades leurs répondent, certes avec un prudent retard, : "C’est nous". Et il faut attendre le 13 novembre pour que, dans ces groupes qui se réclament du "syndicalisme révolutionnaire", on se rappelle qu’en cas de révolte, le minimum de l’action syndicaliste, c’est d’appeler à la grève en solidarité. Le mot de "grève" est finalement lâché le 13 novembre. Oui, mais le 13 novembre, tout était fini.

PENDANT LA REVOLTE, LE SPECTACLE CONTINUE

Des analyses aussi indigentes ne pouvaient que conduire à des actions tout aussi minables. La première manifestation parisienne a eu lieu le 09 novembre 2005. C’était bien tard : cela faisait une quinzaine de jours que la répression s’abattait sur les populations des quartiers de la région parisienne. Contre l’état d’urgence (dont ils ont justifié d’avance la proclamation par leur "inquiétude" et leurs appels à la répression) le PC, les Verts, la LCR et une multitude d’organisations rassemblent à grand peine 300 personnes à Bobigny. Les organisations libertaires parisiennes quant à elles sont encore terrées. Rien n’est proposé, elles se contentent d’envoyer des communiqués aux médias.

Le point d’orgue de ce monstrueux décalage se produit le 12 novembre, quand la machine répressive bat son plein. Il y a ce moment là en France prés de 3 000 personnes, qui, après les avanies des gardes à vues, des coups et des insultes dans les commissariats, des perquisitions à leur domicile à coup de fusil à pompe pour faire sauter la serrure, sont préventivement en taule et défilent en comparution immédiate devant la justice. Il y a à ce moment là des jeunes qui ont été gravement blessés au visage ou qui ont perdu un membre. Et il y a ce jour-là un concert de solidarité. Il est organisé par la CNT Vignoles, justement dans son local rue des Vignoles à Paris, en solidarité avec … la CNT Vignoles. Vous avez bien lu : le 12 novembre, la solidarité des Vignoles va au syndicat du spectacle des Vignoles, pas aux "racailles".

Trotskistes, "anars", "syndicalistes révolutionnaires", … ont sur le fond (avec de très faibles nuances) un discours commun, réglé sur le discours du pouvoir. La mise en oeuvre d’une mécanique unitaire réformiste et récupérateur, de plus en plus large, va, de se fait, se mettre en place tout "naturellement". Le 13 novembre, la FA, le Mouvement de la jeunesse socialiste (MJS) et compagnie signent un appel selon lequel "L’action des forces de l’ordre (…) ne saurait être la seule réponse”. Ce qui est reconnaître que “l’action” des forces de répression est une des réponses socialement utiles. C’est tout simplement consternant, venant d’"anarchistes", qui ne s’arrêteront pas en aussi bon chemin. FA, CNT Vignoles, LO finiront par signer un appel commun à manifester contre l’état d’urgence et pour un Etat social le 16 novembre, devant le sénat, avec le PC et le MJS (et cela bien que le Parti socialiste -dont le MJS fait partie- ait été tout à fait favorable au départ à cet état d’urgence).

Mais ni les uns ni les autres n’en sont plus à une contradiction près, même s’ils dégoûtent toute la population. C’est d’ailleurs pourquoi, l’appel pour la manif du 16, signé par presque toute la gauche, toute l’extrême gauche et cette partie du mouvement libertaire atteint de "visibilite chronique" (représenté par la FA et la CNT Vignoles) réunit à grand peine 2 000 personnes à Paris (dont fort peu de banlieusards). Cet échec cuisant est la démonstration qu’il n’y a plus grand monde pour être dupe : on ne peut d’un côté appeler de ses voeux une politique répressive en demandant à ce que "l’ordre soit rétabli" (PC) contre des individus désignés comme "inconscients" (LO) ou "irresponsables" (CNT Vignoles), et d’autre part appeler à manifester contre l’état d’urgence lequel n’est que la conséquence politique du discours tenu par les organisations signataires de l’appel du 16 novembre.

Cette bouffonnerie d’organisations qui se réclament du mouvement libertaire ou "syndicaliste révolutionnaire" est de nature à déconsidérer les idées qu’elles prétendent représenter aux yeux de tous les révoltés. Or, le développement et la concrétisation des idées libertaires est pour nous quelque chose d’essentiel (c’est bien entendu ce qui nous oblige à commenter l’attitude des organisations qui s’en réclament). Les événements de la toussaint en France doivent amener tout militant à s’interroger et à faire des choix stratégiques.

Qu’elle crédibilité peut-on accorder à des organisations qui non seulement n’ont rien apporté au débat mais qui, de plus, ont enfoncé les portes ouvertes par Sarkozy ? à des organisations qui exploitent une imagerie violente et qui sont largement absentes quand, justement, la violence qu’elles glorifient sur les "produits dérivés" qu’elles vendent [3] devient, un tout petit peu, réalité ?

Cette révolte était-elle ou non légitime ? Pour nous, à la CNT-AIT, c’était la seule question à se poser. Si oui, il fallait en assumer clairement les contradictions, et avoir le courage politique d’en payer éventuellement les conséquences. C’est ce que nous avons fait. Cela, parce que nous sommes persuadés que la place des militants révolutionnaires est avec les révoltés, lorsque cette révolte est légitime, et parce que ce n’est que de cette place que nous pourrons, avec eux, dépasser les contradictions inhérentes à toute révolte et passer de la révolte à la révolution.

Des militants

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[1] 1 : Le Combat syndicaliste de Midi-Pyrénées a lancé le débat sur ce thème. Voir par exemple : Représentativité et visibilité ou encore Anarco-syndicalisme et visibilité

[2] Quant ils ne le relaye pas carrément ... Ainsi, le 6 novembre, le PCF indiquait dans son communiqué "L’ordre doit être rétabli ". Le 7, le gouvernement ayant entendu les appels du PC décrétait l’état d’urgence ... Le 8, le même PC trouvant que son appel avait été largement exhausé indiquait - en compagnie de la LCR, des Verts, d’Alternative Citoyenne (Claire Villiers) - qu’une législation exceptionnelle n’était pas nécessaire pour rétablir l’odre, l’arsenal législatif ordinaire était suffisant. Cet appel à "stopper les violences" dans le cadre strictement "républicain" a été signé par le Syndicat de la presse SIPM et sa fameuse section de l’Humanité ...

[3] Elles ont des catalogues pleins de tee-shirts ou de casquettes estampillés de poings, armes, bombes ou de slogans vengeurs. Elles soutiennent des groupes de variété dont le nom à lui seul est une exaltation de la lutte armée (Kochise, Brigada Flores Magon, …), diffusent des ouvrages sur Ravachol ou autres, utilisent des services d’ordre qui défilent en gonflant les muscles…
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede Cheïtanov le Jeu 1 Mar 2012 18:20

Doublon^^

Sinon très bons articles (celui du ML et celui de la CNT-AIT)
"J'ai appris à marcher au pas, avec du punk au bout des doigts. J'ai l'coeur en miettes quand j'pense à ça..."
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede pit le Jeu 1 Mar 2012 19:52

archives

tract d'Alternative Libertaire

Non à l’état d’urgence !

Pour répondre à la révolte des quartiers populaires, le gouvernement Villepin prolonge l’état d’urgence décrété en vertu de la loi d’exception du 3 avril 1955. Cette loi avait été initialement appliquée entre 1955 et 1962 du temps de la guerre d’Algérie, puis en 1984-1985 en Nouvelle-Calédonie, pour mater la rébellion indépendantiste du peuple kanak.
Ziad Benna et Bouna Traoré sont morts électrocutés dans un transformateur EDF, un troisième mineur est dans un état grave. Ils se croyaient poursuivis par la police. La mort de ces deux adolescents aura été l’étincelle. La jeunesse des banlieues est saturée de rancœur contre un État qui, depuis des années, ne lui apparaît plus que dans son essence policière, judiciaire, et de plus en plus pénitentiaire.

Dans les quartiers populaires, les habitant(e)s vivent constamment dans la peur, pour eux ou leurs enfants, des contrôles d’identité humiliants, au faciès, des arrestations arbitraires, des passages à tabac impunis, et des inculpations pour « outrage et rébellion » frauduleuses afin de satisfaire à la « politique du chiffre ». Rappelons-nous simplement la lutte d’un quartier de Dammarie-les-Lys en juillet 2002 contre l’insécurité policière.

Et que dire des provocations du ministre de l’Intérieur, mais surtout du mépris d’une politique qui, considérant les cités comme des territoires à reconquérir, s’apparente de plus en plus à une pratique coloniale et militaire du « maintien de l’ordre » ?

Alors oui, on regrette que cette violence - répondant à celle illégitime du pouvoir - s’exprime le plus souvent et paradoxalement contre celles et ceux qui, dans les quartiers de relégation, subissent déjà la violence étatique et patronale. Brûler des voitures, des écoles ou des bus nuit à la légitimité de cette révolte spontanée dont le sens est pourtant confusément compris par la population.

Et en même temps il nous faut rappeler la réponse de l’État lorsque ces jeunes et leurs familles choisissent d’autres voies, comme celles des plaintes contre la police qui ne conduisent qu’exceptionnellement à des condamnations. Ces deux semaines d’émeutes expriment le désespoir de la frange la plus marginalisée d’une génération en manque de perspectives. Elle est pourtant à mettre en lien avec la stratégie de la tension du gouvernement et l’actuelle répression des mouvements sociaux (transports, Poste, mouvement des lycéen-nes, faucheurs d’OGM …). Ces luttes témoignent de la même insécurité sociale. Nous n’irons pas réclamer un retour à la « police de proximité » ou la construction de gymnases pour que la jeunesse se défoule en silence. Croit-on sérieusement résoudre ainsi la détresse sociale due à la violence politique et sociale du pouvoir ?

Sans redistribution du travail et des richesses, et si la régression sociale, les inégalités, le racisme et l’exclusion continuent de perdurer, de tels accès de rage sont appelés à se reproduire.

Aucune « prévention », aucune récupération religieuse, aucune répression n’y pourront rien. Seules la justice et l’égalité économique et sociale constituent une réponse.

Nous réclamons :
. la mise en cause des policiers dans le drame de Clichy
. l’abandon des poursuites judiciaires contre les émeutiers et l’amnistie de ceux qui ont été condamnés
. le retrait des forces de répression des quartiers
. l’indemnisation par l’Etat des biens des particuliers détruits ou endommagés
. l’abrogation de l’état d’urgence et celle des lois sécuritaires de droite et de gauche (la démission de Sarkozy ne suffit pas)
. l’accès de toutes et tous à la santé, l’éducation, l’emploi, le logement donc à la justice sociale


Alternative libertaire dénonce la décision prise par le gouvernement d’appliquer la loi du 3 avril 1955, sur l’état d’urgence, pour faire “régner l’ordre” dans les quartiers populaires.

Le texte en question prévoit, sur simple décision administrative : couvre feux, perquisitions de jour et de nuit, tribunaux militaires, interdiction de rassemblement, fermeture des cinémas, des théâtres, des cafés, des lieux de réunion, mais aussi contrôle de la presse. Avec l’état d’urgence, tout est dit de la façon dont l’État français conçoit la réponse à apporter à la détresse sociale dans les quartiers populaires : C’est désormais ouvertement la gestion coloniale des “cités” qui est à l’ordre du jour.

Alternative Libertaire
http://alternativelibertaire.org/spip.php?article146


Image

Ne pas se tromper de colère

Les banlieues flambent, les loups hurlent. Sarkozy, Le Pen, De Villiers et leurs sectateurs rivalisent pour multiplier les appels à la haine raciste. Leurs éructations sont relayées avec la plus grande complaisance par la plupart des médias qui reprennent leur grille de lecture en faisant passer les tensions sociales actuelles pour des tensions ethniques, en misant sur le mensonge, la stigmatisation et les peurs.

Il s’agit bien de marteler des clichés (“ zones de non droit ”, “ sauvageons ”, “ racailles ”…) pour imposer un programme politique : celui de la tolérance zéro.

La tolérance zéro est le discours de la démagogie et de l’hypocrisie totale de la bourgeoisie et plus généralement de tou(te)s les bien-pensant(e)s qu’ils/elles soient UMP, UDF, FN ou PS. C’est une tolérance dans les faits à 100 % des discriminations envers les immigré(e)s (contrôles policiers, embauche, logement, éducation…), envers les femmes (violences qui touchent 10 % d’entre elles et débouchent sur près de 100 meurtres par an en France, injures sexistes, pubs sexistes, embauche, rémunération…), envers les jeunes (flicage, répression de leurs actions revendicatives, stages non payés, travail précaire de masse, développement de la prostitution pour financer ses études…).

Et c’est aussi une tolérance à 100 % de la fraude fiscale (50 milliards d’euros par an) dont l’essentiel provient de 2 % des contribuables et porte pour une grande part sur les revenus professionnels, financiers et la TVA. C’est une tolérance à 100 % des accidents du travail (721 227 en 2003) rendus possibles notamment par le fait que les gouvernements de droite comme de gauche n’ont jamais souhaité compter plus d’un millier d’inspecteurs/trices du travail pour contrôler plus de 1 500 000 entreprises.

Autrement dit pour qu’une minorité vive bien, il faut que des millions de personnes vivent dans une situation de grande précarité et de contrôle social et policier renforcé.

Alors, après 3 semaines d’émeutes, un ordre de type colonial règne dans les banlieues. Et comme en 1955 quand fut promulgué le décret instaurant l’état d’urgence, peu nombreux/ses sont celles et ceux qui prennent la mesure de cet état d’exception et de la remise en cause des libertés qu’il suppose.

Le spectacle qu’offrent les partis de gauche, voire d’extrême gauche, la plupart des syndicats, et même nombre d’associations, qui font profession de foi de combattre le racisme et défendre les droits humains, est tout à fait lamentable. Au lieu de redoubler d’énergie et de mobiliser pour l’abrogation du décret de 1955 et des lois sécuritaires de droite et de gauche, le retrait des forces de répression des quartiers populaires, la mise en cause des policiers dans le drame de Clichy, l’abandon des poursuites judiciaires contre les émeutiers et l’amnistie de ceux qui ont été condamnés, tout en exigeant l’indemnisation par l’État des biens de particuliers détruits ou endommagés, ainsi que l’accès de toutes et tous à la santé, l’emploi, l’éducation et le logement, toutes ces organisations se contentent de se fendre de communiqués plus ou moins indignés. Et il n’est bien sûr pas question de prendre des initiatives à la hauteur que la situation exige.

Cette résignation est révélatrice des peurs, de l’aveuglement et de l’absence de lucidité qui travaillent et divisent ces organisations dont une partie des responsables et des militant(e)s approuvent les politiques sécuritaires mises en œuvres depuis des années. Sans mythifier la figure - toujours masculine - du “ jeune rebelle des banlieues ” à l’ombre desquels vivent aussi des jeunes filles qui ont encore moins le droit à la parole et souffrent doublement des discriminations, nous devons faire comprendre qu’il n’y a pas “ eux ” et “ nous ”. Cette prise de conscience est nécessaire pour faire tomber le rideau de fumée du discours sécuritaire et surmonter les divisions qui empêchent les opprimé(e)s de se rassembler pour porter ensemble des coups décisifs contre la dictature du capital.

Alternative libertaire,


Violences Sociales : qui sème la misère…

(...)Il est facile de crier qu’il faut transformer la révolte des banlieues en mouvement politique revendicatif, qu’il ne faut pas brûler des voitures mais s’organiser et lutter. Mais depuis combien de temps les militants, les mouvements sociaux ne sont plus présents dans ces quartiers populaires ? Il n’est donc pas surprenant que le sentiment d’abandon prenne le pas sur la nécessité de mener un combat réellement politique. Il n’y a pas “ eux ” d’un côté et “ nous ” de l’autre, mais un “ nous ” qui englobe tous les précaires. Car nous constituons bien une seule et même classe sociale, celle qui travaille ou qui le voudrait. Et la nécessité de lutter ensemble apparaît d’autant plus urgente car le rouleau compresseur du capitalisme armé ne va pas tarder, au rythme où il va, à annihiler tout potentiel de lutte parmi les plus volontaires.
(...)

http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?article3


Chronologie des évènements sur le blog d'AL Montpellier : http://al-montpellier.over-blog.com/art ... 29387.html
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede bajotierra le Ven 2 Mar 2012 11:41

c'est marrant le lien d'AL porte bien ceci

A Toulouse, dans l’après-midi, un bus de la ligne 3 est incen­dié par une quin­zaine d’indi­vi­dus en cagoule dans le quar­tier de la Reynerie. Un des assaillants d’un auto­bus saisit une gre­nade lacry­mogène lancée par la police, « vrai­sem­bla­ble­ment pour la ren­voyer sur les forces de l’ordre », repren­nent les jour­naux et les sites web, « pour l’éloigner d’un groupe d’enfants », indi­que la CNT-AIT (voir page 53) ; la gre­nade explose et lui arra­che la main ; il devra être amputé.



et il renvoie a "mondialism org"

.............qui renvoie a ceci ( ...)

UNE SEMAINE DE LUTTE A TOULOUSE ( texte de la CNT-AIT )

jeudi 29 décembre 2005



Avant même qu’il ne se passe quoi que ce soit dans l’agglomération, d’importantes forces de répression ont convergé vers Toulouse le vendredi 4 novembre. Dès lors, la police "met la pression" sur le grand Mirail, comme elle l’avait fait voici quelques mois [1].Les même causes produisant les mêmes effets, des incidents éclatent immédiatement. Au sein de la CNT-AIT, la discussion entre les militants appelés à une assemblée générale n’a pas besoin d’être longue. Une position unanime émerge et un premier tract est rédigé collectivement dans la foulée. Après avoir rappelé le sens de la crise, dénoncé les mensonges des politiciens et des médias, il se conclut par "Il est grand temps de nous attaquer aux véritables causes de la violence que nous subissons. Partout, il est temps d’élargir solidairement la lutte. Organisons, là où c’est possible, des rencontres, des manifestations, des grèves contre la violence de l’Etat et du capital". Le ton est donné : solidarité avec la lutte, dénonciation du rôle criminel de l’État et du capital, appel à manifester et à faire grève, ce sera du début à la fin notre position.



Dimanche 06/11/2005 : Des habitants dans la rue

- En ville : distribution de 1 000 tracts sur les marchés (Saint-Sernin, Saint-Aubin).

- A la Reynerie, bonne surprise en soirée : quelques dizaines de parents sont spontanément descendus dans la rue pour protéger les gosses face aux 300 CRS armés jusqu’aux dents. Nous (les militants CNT-AIT du quartier) nous joignons immédiatement à eux, d’autant que nous ne sommes pas des inconnus pour plusieurs d’entre les présents et que les choses sont plutôt claires. Certes, le groupe informel qui se constitue ainsi est très hétérogène (pour être exact, précisons que tous les soirs des militants du PC, parfois quelques chevénementistes et quelques intégristes musulmans ainsi que des militants catholiques s’y joindront). Malgré tout, ici, on comprend la révolte des jeunes et on le dit : "Ce sont nos enfants" rappelle un voisin. Et, si tout le monde aspire à une vie paisible, personne n’est dupe du discours médiatique : on sait trop d’où vient la violence. Quand les vannes de la dénonciation s’ouvrent, ce n’est pas contre les "racailles", c’est contre le chômage, les violences policières, la misère, la ségrégation scolaire, les loyers, la gestion des HLM, le prix des aliments et celui de l’eau, … la liste est longue ! Certes, l’incendie de l’école troublera quelques participants de ce groupe informel. Mais, même à leurs frais, certains restent solidaires. Comme ce jeune ouvrier d’entretien, dont la voiture à été une des premières à flamber, et qui tout en se demandant comment il irait au travail le lendemain, est venue se joindre à nous "parce que je suis comme eux". D’ailleurs, ce groupe n’est pas coupé des plus jeunes. Certains, à plusieurs reprises, viendront, dans la semaine, discuter avec nous. Ce ne sont pas les arguments qui leur manquent, ni le raisonnement ! Contrairement à l’image négative que les médias et les pseudo-intellectuels à la solde du pouvoir s’ingénient à donner, le niveau de réflexion, la conscience politique sont sûrement plus élevés chez ces jeunes que chez des millions de spectateurs de la Star Ac’ et autres niaiseries télévisuelles de masse.

Dans la soirée, des affrontements ont lieu rue de Kiev suite au tabassage d’un jeune dont le seul crime avait été de conduire son scooter sans casque !

La nuit, un hélicoptère armé d’un puissant projecteur ne cesse de tourner au-dessus du quartier traquant les révoltés... Il passe au ras des immeubles, dont les vitres tremblent. On ne peut pas dormir. Les enfants ont peur.

Lundi 7/11/2005 : Action antisolidaire des syndicats de chauffeursde bus


- En ville : 4 000 tracts CNT-AIT sont distribués pour appeler à manifester et à faire grève. Ces tracts sont bien reçus. Une vingtaine de compagnons qui distribuaient vers 21 heures ont été pris pour "des bandes de jeunes circulant au centre ville" par des journalistes (FR3 édition 23 heures ).

- A la Reynerie : En fin d’après-midi, un bus flambe. Les CRS lancent des grenades sur tout ce qui bouge. En voulant éloigner une grenade tombée tout près d’un groupe d’enfants, un jeune homme perd la main droite. Pendant ce temps, comme ils l’avaient fait à la suite du meurtre du jeune Habib par un policier [2], les chauffeurs décident d’exercer immédiatement leur "droit de retrait" occasionnant une pagaille brutale jusqu’au lendemain (toute la journée), dans toute la ville. Par cet acte anti-solidaire, les traminots, totalement soutenus par l’ensemble des syndicats (dont SUD) criminalisent encore plus les jeunes de la Reynerie en les faisant passer aux yeux des autres habitants pour responsables de la paralysie de la ville. Pour couronner le tout, le métro est coupé.

En soirée, le groupe informel s’interpose, en haut de la rue de Kiev, devant les forces de répression pour éviter toute nouvelle exaction. On évoque la possibilité d’organiser une manifestation en ville.

Mardi 08/11/2005 - La venue de Sarkozy remet le feu aux poudres.

- En ville et à la fac : Les Jeunes libertaires et la CNT-AIT distribuent des tracts à la fac du Mirail (située à moins de 500 mètres de l’épicentre des événements) et dans plusieurs lycées,.. Des militants assurent une première présence au tribunal (soutien aux personnes passant en comparution immédiate). Une délégation, issue du Mouvement des femmes du quartier (association de fait, non déclarée, non subventionnée) va à la préfecture.

- A la Reynerie : vers 18 heures un rassemblement, auquel participent beaucoup de femmes et beaucoup des personnes du groupe informel, s’organise place Abbal. Le discours des habitants va dans la droite ligne de ce qui se disait au comité de soutien aux incarcérés après les émeutes du 20 mars [3]. Alors que tout est calme, vers 19 heures, l’annonce de l’arrivée de Sarkozy à Toulouse remet le feu aux poudres. Des affrontements sporadiques mais violents ont lieu entre des jeunes et deux escadrons de gendarmes mobiles. Vers 22 heures, les gardes mobiles font dégager les deux derniers groupes d’adultes qui restent dans la rue (un groupe pour chaque escadron) pour faire place a son Excellence, M le Ministre de l’Intérieur et du Désordre Public.

Fait nouveau : à partir de cette date, la CNT AIT est moins seule. Un tract, sans signature, est distribué en ville pour appeler à un rassemblement à 22 h au Capitole : 300 manifestants seront présents à ce moment devant la mairie de Toulouse (moitié des militants libertaires et autonomes, moitié des jeunes, dont un de la Reynerie qui a pris la parole au mégaphone). Absence totale des gauchistes et autres politicards.

Mercredi 09/11/ 05 : La démocratie s’arrête aux Arènes.


Reprise des transports en commun. Mais toutes les lignes desservant le Mirail s’arrêtent à 17h, puis les jours suivants à 20h. Comme le fait remarquer ironiquement un compagnon "la démocratie s’arrête aux arènes" (dernière station de métro ouverte sur la ligne). Si on ajoute à cela l’important dispositif policier qui encadre ces quartiers, les rondes continuelles d’hélicoptères qui n’ont pas cessé depuis dimanche, on peut dire que la population vit un véritable état de siège.

- La Renyerie : Vers 18h, à Reynerie, divers politicards et militants associatifs (SOS racisme, etc.) tentent de prendre contact avec les jeunes. Ceux-ci, pas dupes du double discours de ces militants (qui soutiennent l’état d’urgence), leur demandent poliment mais fermement de partir car "on ne vous voit jamais, sauf quand il y a de l’argent à récupérer". Les politiciens veulent rester là. Pour les faire partir, une voiture est lancée dans une école maternelle (en travaux) puis incendiée. Les CRS lancent des grenades et dispersent les politiciens.

- En ville : au Capitole [4] (22 h - 23 h 30) : Un rassemblement sans étiquette regroupe 300 personnes. Un "pont" commence à s’établir peu à peu entre des habitants du centre et des habitants de banlieue. Il est décidé d’être là tous les soirs 22 heures. Pas d’incidents. Un tag fait son apparition sur la façade de la Mairie "Non à l’urgence, non à l’État". Une partie des personnes présentes partent en manifestation de nuit.

Jeudi 10/11/2005 : La pression policière à la baisse

- A la Reynerie, c’est jour de marché. Vers 10 heures, la CNT-AIT et les Jeunes libertaires, diffusent massivement leur tract. De rares personnes ne sont pas du tout d’accord, mais de nombreux habitants nous font savoir qu’ils sont contents de se sentir soutenus sans paternalisme ni mépris. A 12 h15, au même endroit, manifestation citoyenniste (LDH, PS, PCF, CGT, etc.) à laquelle nous ne participons pas bien entendu. Les habitants du quartier restent comme nous à l’écart et regardent très moqueurs tous ces gens venus à la pêche aux voix et aux sous.

En fin d’après-midi, un constat : Manifestement, la police a décidé de faire tomber la pression. Le dispositif policier a été allégé d’un coup, et, au lieu d’avoir le troupeau habituel de "goldoraks" qui nous regarde avec haine, ce sont à peine quelques gardes mobiles, en tenue de ville, qui patrouillent sur la place, presque avenants, semblant chercher le contact avec notre groupe informel, présent comme tous les soirs. Du coup, il n’y a pas d’incident. Vers 21 heures, des jeunes prennent même un ballon et se mette à jouer au foot au milieu des gardes mobiles, qui, après avoir hésité à les dégager, se poussent finalement.

- En ville à 20 h, la CNT-AIT organise dans son local une réunion publique d’information. La modeste salle est pleine de gens de tous horizons solidaires avec les habitants des cités. Une nouvelle manifestation de nuit a lieu.

Vendredi 11/11/2005 : Soutien aux victimes

La présence policière est encore plus discrète. Des habitants ont pris l’initiative d’organiser une soirée en soutien au jeune qui a perdu la main. Dans la rue, il y a de la musique, des merguez, des sandwichs. L’intégralité de la recette (la matière première a été offerte par les uns et par les autres) est destinée à cette famille. Un bon groupe de jeunes et de moins jeunes y participe.

Samedi 12/11/05 : manif politicienne sans les habitants du quartier, rassemblement solidaire au Capitole

Depuis le 10/11/2005, très "unitairement" les politiciens ont tenté de faire croire que les habitants de la Reynerie avaient décidé d’organiser une marche avec eux. Tous les médias, élus et autres permanents ont été mobilisés pour cela. Cette manœuvre avait deux objectifs : récupérer les banlieusards dans le giron des prochaines élections présidentielles et faire pièce a l’action de la CNT AIT qui, avant cela et depuis plusieurs jours, appelait à un rassemblement pour le samedi 12 sur la place du Capitole. Cette manœuvre a échoué assez lamentablement.

- Reynerie : A partir de 14 h, à l’appel de ces partis, syndicats et associations, cinq à six cents personnes se retrouvent sur le centre de la place Abbal. Très peu d’habitants du quartier se joignent à eux (tellement peu, que les organisateurs ont été obligés de le reconnaître). Nous (les habitants) sommes concentrés (en particulier beaucoup de gens du groupe informel, sauf les quelques militants politiques qui, bien sûr étaient de l’autre côté) sur le pourtour de la place, avec pas mal de jeunes, sans rien dire. Quand des organisateurs viennent vers nous pour nous inviter à nous joindre à eux, il ne manque rien ! Tour à tour, ils se font rappeler qu’ils ont soutenu l’état d’urgence, été au pouvoir et rien fait, bouffé des subventions, créé les centres de rétention, … Un monsieur maghrébin d’un certain âge conclut, avec un petit clin d’œil complice à notre égard : "Pas de récupération, ni politique ni religieuse". Ce à quoi tout le monde à applaudit.

- Au Capitole : à 15 h 30, le rassemblement de la CNT -AIT a eu lieu. Il n’a pas été annoncé dans les médias, puisque nous avions décidé de ne leur envoyer aucun communiqué. En effet, étant donné leur rôle dans la criminalisation de la population des banlieues nous avons trouvé indécent de nous adresser à eux. Malgré cela, au seul appel de la CNT- AIT, près de trois cent personnes se sont réunies face à la mairie, avec, en particulier des mères de famille de la Reynerie et d’autres habitants de tous âges. Discussions très intéressantes. Prises de contact pour mettre en place un soutien aux victimes de la répression.

CONCLUSION

Il est sûr que ce mouvement n’a pas bénéficié de l’élargissement social qu’il méritait. En particulier, les syndicats, quand ils n’ont pas attaqué les jeunes (comme on l’a vu avec l’exemple des chauffeurs de bus) se sont bien gardés de toute action qui aurait pu permettre la moindre généralisation. Eux, qui prétendent "faire reculer le pouvoir", "défendre les travailleurs", "mettre le gouvernement à genoux" ont attendu que les banlieues soient redevenues calmes pour reprendre leurs traditionnelles grèvettes à la SNCF, dans l’éducation nationale... De notre côté, ce n’est pas vraiment une surprise, nos moyens, à eux seuls, ne nous ont pas permis d’atteindre les objectifs qui auraient été souhaitables. Au moins aurons-nous essayé. Au moins aurons-nous fait acte de solidarité. Au moins aurons-nous contribué à préparer un autre futur.

Les militants CNT-AIT du Mirail


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[1] Dans notre n°90 (Mai 05) nous avons publié un article prémonitoire : "Mon quartier à l’heure du Maréchal"

[2] Voir la brochure CNT-AIT : "Pipo, un meurtre en banlieue" et l’article TOULOUSE 8 AOUT 2001 : UN BIEN ETRANGE PROCES sur ce site

[3] voir nos précédents numéros, en particulier l’article “Représentativité et visibilité” dans notre n°83

[4] place centrale de l’Hôtel de Ville

http://www.cnt-ait.info/article.php3?id_article=1182
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede Cheïtanov le Ven 2 Mar 2012 19:22

A part deux ou trois passages typiques (l'Etat doit faire ceci ou cela, unité) j'admets que les communiqués d'AL sont les mieux que j'ai lu de toute l'histoire de cette orga, et que surtout ça change de ce que FA ou Vignobles ont pu publier...

Quelqu'un aurait les positions des autres (CGA, OCL, No Pasaran...)
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede pit le Sam 3 Mar 2012 04:12

Fais ton malin...Il s'agit dans cet exemple mis en valeur essentiellement de la cnt-ait Toulouse, ce qui ramène à peu de chose au regard du mouvement libertaire, et au delà de la la cnt-ait toute entière qui fait là commémoration du peu qui s'est/se fait. Mais c'est un peu le fond de commerce de la cnt-ait, où la concurence fait véritable enjeu douteux et combat contre les autres dans une très ébouriffante stratègie où l'on pourrait se demander où est le véritable ennemi.
Alors qui c'est qui à fait un super tract, et un super rassemblement en 2005 ? La cnt-ait de Toulouse ! :v:

Le problème il est surtout que les anarchistes révolutionnaires, et je ne parle pas des anarchistes lunaires qui s'épanouissent sur ce pauvre forum, passent un peu à côté de ce réel, parce qu'ils n'y sont pas vraiment (d'ailleurs si la cnt-ait-f, tendance fédé-réseau depuis la dernière scission, de Clermont-Ferrand était comme poisson dans l'eau par rapport à ce qu'il s'est passé dans sa ville et la mort de Wissam El-Yamni et la révolte populaire qui s'exprime, çà se saurait, parce qu'elle en parlerait pour se faire mousser comme à son habitude), et que le parachutage n'est pas plus que çà très efficace non plus. De fait je pense que ce type de question doit plutôt s'aborder en terme de comment on peut construire, participer à construire, et en terme de construction de force collective en dynamique révolutionnaire, et çà prendra du temps et du réel investissement, et c'est un peu plus compliqué et un peu plus dur à faire que de la simple mise en scène et commémoration pour épater la galerie.
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede toma le Sam 3 Mar 2012 10:52

pit a écrit: De fait je pense que ce type de question doit plutôt s'aborder en terme de comment on peut construire, participer à construire, et en terme de construction de force collective en dynamique révolutionnaire, et çà prendra du temps et du réel investissement, et c'est un peu plus compliqué et un peu plus dur à faire que de la simple mise en scène et commémoration pour épater la galerie.


Pit a autre chose à faire que penser, il articule des mouvements, il converge des luttes, il construit des espaces, il porte des convictions, il travaille sur les modalités d'articulation de la convergence des espaces de luttes révolutionnaristes, il pompe, il pompe... un vrai Shadok!

Ou Don Quichotte, qu'il devrait lire... le chevalier errant qui part en croisade, pour la gloire, avec ce pauvre Sancho à qui il promet un territoire... et Sancho en prend plein la gueule. Et Pit, il aimerait bien avoir quelques milliers de Sancho a envoyé au casse-pipe... en leur promettant le paradis communiste libertaire.

Et Don Quichotte se réfère à une époque révolue, qui n'a même jamais vraiment existé... Dans son délire, il s'en prend à n'importe qui, aveuglé par ses illusions et son orgueil, vanités. Mais il fait bien rire les puissants... les bourgeois et les paysans... les chevaliers et les domestiques. Même Sancho a du mal à le prendre au sérieux, mais comme on lui a promis un territoire, il suit le mouvement et les ordres de Quichotte.

Ah misère! Pauvres révolutionnaires...
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Re: L’extrême gauche et les cités

Messagede Cheïtanov le Sam 3 Mar 2012 19:47

:lol:

Pit. A l'époque, le SIPN (Paris) a également organisé (à sa petite échelle évidemment) la solidarité. Pour le reste je sais pas, y' aussi des villes (où j'étais à l'époque par exemple) où il se passait rien, et en 2005 j'étais gauchiste.

Ensuite. Pour Wissam, on continue, et les syndicats de la CNT-AIT font signer des pétitions lors de leur table de presse. On se rend toujours sur place, illes viennent toujours tirer du matos au local, les rassemblements continuent. Mais vois-tu, on pétarade pas. Quand on disait que les anars devraient passer à la Gauthière, c'était pas une attaque, ni de la moquerie. Quand on dit qu'on a pris une claque, c'est la réalité. Mais tu as été touché dans ta petite personne qui est partout, tout le temps, et qui me semble brasser du vent, puisque tu es silencieux sur AL 37. Bref.

Et, je note, que face à cette auto-organisation qui fait grincer des dents (la mairie, donc FdG, Verts, NPA, LO compris) leur a retiré la salle où illes se réunissent mais leur a rendu sous la pression. Et toi tu proposes de s'organiser entre cartels, avec les syndicats et les partis (qui leur ont retirer la salle), alors que le Comité a clairement pris position la dessus. Exemple, le chef suprême du NPA (un camarade à Pitou pour sur) est médecin. Il a proposer à la famille de devenir le médecin pour l'enquête. Elle a refusé afin d'éviter la récup. On voit que pour toi, même en auto-organisation, si le super syndicat des masses et le glorieux groupe spécifique n'apparaissent pas, c'est naze. Tiens ça me fait penser, LO a fait un énorme collage dans le quartier. Bien sur illes ont collé, mais pas été voir le collectif... qui a recollé non sur les slogans LO mais sur la gueule de Arthaud :D

(enfin tu remarqueras que je dis que votre communiqué est pas mal, c'est la 1e fois que ça m'arrive, mais tu gueule encore.
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