Autonomes

Débats politiques, confrontation avec d'autres idéologies politiques...

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Messagede croquemitaine le Lun 23 Juin 2008 19:28

Bon, perso le caractère révolutionnaire du pillage et de l'autoréduction me semble douteux. Là dessus je suis plutot d'accord avec Kuhing. Par contre au sujet des émeutes / affrontements avec la flicaille ils me semblent qu'ils peuvent etre un apport réel à un mouvement social. Et effectivement il est nécessaire d'apprendre à ce battre contre ceux qui demain assasinerons.

Je vais bouffer :mrgreen: , je reviens ...
croquemitaine
 
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Re: Autonomes

Messagede Dieppe le Mar 24 Juin 2008 05:12

Bonjour,

alors déjà, désolé pour la question de béotien, mais quel est l'apport de l'action directe pour une future révolution (en admettant qu'il y ait bien une future révolution) ?

Parce que j'ai l'impression (mais corrigez moi si je me trompe) que si on regarde bien, jusque maintenant, ça l'a plutôt desservie en donnant une mauvaise image de l'anarchiste (en gros = terroriste) qu'autre chose.

'fin voilà, une question sûrement déjà entendue plein de fois, mais j'ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante.

'n'journée.
Dieppe
 
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Messagede Roro le Mar 24 Juin 2008 06:42

Ne pas confondre action directe (qui est extrêmement variée dans ses modes d'actions) et terrorisme.

L'action directe consiste à saper l'autorité de l'état et du capital par divers biais. La grève, la grève générale, la grève générale insurrectionnelle, la grève générale expropriatrice, le sabotage...

Un site qui reprend tous les grands types d'action directe.

http://www.subsociety.org/actiondirecte.php
Roro
 

Re: Autonomes

Messagede kuhing le Mar 24 Juin 2008 09:38

Roro a écrit:Le fait d'attaquer et de piller des commerces (je suis pour ce genre d'actions perso, à la condition qu'elles s'attaquent à des chaînes, le "vrai" petit commerçant, galère souvent bien plus que les premiers, car il doit se battre contre eux, ce qui est loin d'être aisé) permet de rentrer en opposition directe au capitalisme. .


Plusieurs remarques sur ce qui a été écrit précédemment.

-Sur celle de Roro au dessus, le problème c'est qu'il n'y a pas trop de magasins "Carrefour" ou "Auchan" sur les parcours habituels des manifestations et que ceux qui trinquent sont 99 fois sur 100 des petits commerçants qui galèrent pour la plupart et sont, en plus, proches des habitants des quartiers.
Quant à piquer dans les grands magasins je l'ai moi-même fait quand j'avais pas 1 thune et je me suis fait chopper au bout d'un moment. C'est vrai que ça dépanne au debut et ensuite tu y trouves un certain plaisir voire une certaine "puissance" quand ça marche. Par contre je ne vois pas grand chose de révolutionnaire là dedans.

-Sur la question de l'affrontement avec les forces armées que Roro soutient et que Croquemitaine justifie dans une perspective d'apprendre à se battre contre eux, je crois qu'apprendre à se battre ne se fait pas qu'en prennant des coups sans pouvoir en donner et c'est ce qui se passe quand tu affrontes des CRS sur-entrainés, sur-équipés, qu'on sort d'un car surchauffé et qui n'ont qu'une seule envie c'est se défouler sur toi.
Et ensuite si te te fait chopper, comme ça arrive assez souvent, c'est la garde à vue, et le tribunal.
Plutôt inégal comme combat si tu l'engages de façon isolée.
Et je ne suis pas sur que l'impact auprés de la population soit vraiment favorable...
par contre quand l'affrontement vient des personnes directement et massivement en lutte, pas de problèmes.
donc, si vous voulez apprendre à vous battre, je vous suggère de choisir comme moi l'option sport de combat. Tu t'entraines pas juste quand il y a une manif et t'as le temps d'assimiler la technique.

-Concernant le septicisme sur un évventuel déferlement massif, je ne serai pas aussi pessimiste que Léo.
Nous avions un camarade chilien lors de notre dernière réunion du CAam qui a vécu la période Allende et a du s'exiler ici aprés et, de sa vision extérieure et fort de son expérience, il nous a expliqué que la France lui semblait pour lui la plus grosse poudrière sociale qu'on pouvait trouver sur toute la planète...
kuhing
 

Re: Autonomes

Messagede Olé le Mar 24 Juin 2008 12:01

kuhing a écrit:
-Sur la question de l'affrontement avec les forces armées que Roro soutient et que Croquemitaine justifie dans une perspective d'apprendre à se battre contre eux, je crois qu'apprendre à se battre ne se fait pas qu'en prennant des coups sans pouvoir en donner et c'est ce qui se passe quand tu affrontes des CRS sur-entrainés, sur-équipés, qu'on sort d'un car surchauffé et qui n'ont qu'une seule envie c'est se défouler sur toi.
Et ensuite si te te fait chopper, comme ça arrive assez souvent, c'est la garde à vue, et le tribunal.
Plutôt inégal comme combat si tu l'engages de façon isolée.
Et je ne suis pas sur que l'impact auprés de la population soit vraiment favorable...
par contre quand l'affrontement vient des personnes directement et massivement en lutte, pas de problèmes.
donc, si vous voulez apprendre à vous battre, je vous suggère de choisir comme moi l'option sport de combat. Tu t'entraines pas juste quand il y a une manif et t'as le temps d'assimiler la technique.


Un sport de combat peut servir mais je pense que ça n'est pas primordial. Le combat de rue est particulier, il y a d'autres paramètres extérieurs qu'on ne trouve pas sur un tatamis ou un ring. Savoir qd attaquer, qd reculer, garder le contrôle de ses nerfs, analyser une situation mettant en activité pas mal d'individus... après j'suis d'accord avec toi, vouloir faire le zorro et se lancer seul c'est beau mais l'issue reste la même ds 99% des cas. Le crs est mieux entrainé que vous ( physiquement, psychologiquement), est équipé comme un playmobil, bref..
Pis bon ds des manifs importantes rassemblant quelques centaines de personnes on sait très bien que si les flics chargent une infime minorité va s'interposer.

kuhing a écrit:-Concernant le septicisme sur un évventuel déferlement massif, je ne serai pas aussi pessimiste que Léo.
Nous avions un camarade chilien lors de notre dernière réunion du CAam qui a vécu la période Allende et a du s'exiler ici aprés et, de sa vision extérieure et fort de son expérience, il nous a expliqué que la France lui semblait pour lui la plus grosse poudrière sociale qu'on pouvait trouver sur toute la planète...

:shock: :shock: eh ben ça sent pas bon pour le reste de la planète alors...qd on voit l'état des consciences en France. :lol: :wink:
Olé
 

Re: Autonomes

Messagede Berckman le Mar 24 Juin 2008 13:22

Personnellement je pense que le terme "Autonomes" est utilisé à toutes les sauces aujourd'hui.
Il est utilisé pour désigner un regroupement hétérocilte de groupes et d'individus qui se caractérisent, dans leur diversité, par le refus des modes d'organisations formelle, et par l'idée que le niveau de violence ou d'illégalisme dans les luttes est le critère principal pour déterminer le caractère révolutionnaires de celles-ci.

Mais pourtant, au delà de ces points communs, il existe des "traditions" (ou plutôt des tendances) très différentes dans l'Autonomie (entendu au sens de mouvement). Je pense aussi que l'influence du maoisme reste forte, pas tant comme référence (la plupart des Autonomes se réfèrent aujourdh'ui au mouvement libertaire), que comme méthode d'action. Il existe cependant des Autonomes qui affichent ouvertement des références maoistes).
une autre frange du mouvement Autonome français actuel se situe dans la sphère d'influence de l'individualisme anarchiste comme courant historique.
Il existe enfin une tendance communiste libertaire conseilliste et antisyndicaliste.
Parmi ces tendances, il y a des rapports très différents selon les personnes et les groupes aux mouvements sociaux : parfois indifférence, parfois participation (les actions plus "radicales" s'intégrant dans le processus de lutte, complémentaires), parfois -je dirais même trop souvent- mépris pour les mouvements de masse, décris comme "moutonniers", "plan plan", "spectaculaires", parfois instrumentalisation (comme masse protectrice, terrain refuge)

Une chose est sure, le mouvement qui actuellement se désigne (ou est désigné) comme "Autonome" n'a plus grand chose à voir avec l'Autonomie Ouvrière historique, qui a émergé principalement en Italie et en Allemagne. En France le "mouvement" Autonome n'a jamais réuni plus de 2 à 3000 personnes au plus haut, alors qu'en Italie lors des années 70 c'est une centaine de milliers de personnes qu'on pouvait rattacher à ce courant, avec une implantation ouvrière non négligeable (ce qui n'est pas le cas des Autonomes français). Par ailleurs dans les mouvements Autonomes italiens ou Allemand, il existait et il existe des organisations structurées, formelles, y compris pour certaines très hiérarchiques, ce qui n'est pas ou peu le cas dans le mouvement Autonome français, où il existe plus des modes d'organisations informels (mais non moins hiérarchiques)...

Bref je pense qu'il faut se garder des définitions d'un mouvement Autonome qui serait uniforme.

Après, les principales divergences que j'ai avec les camarades Autonomes sont stratégiques, et portent sur la conception de l'organisation. Je pense personnellement que l'organisation informelle est par nature beaucoup plus à même de produire des rapports de domination, parce qu'elle invisibilise les rapports de pouvoir mais ne les fait pas disparaitre.
Idem pour le regroupement sur des bases affinitaires.
Je me retrouve en partie dans les critiques de la "tyrannie de l'absence de structure" faites par Jo Freeman, où le primat de l'informel favorise les élites informelles (celles qui disposent du réseau de connaissance, du monopole de l'information,etc...).
Ma seconde critique concerne une partie seulement du mouvement "Autonome" qui ne se donne pas toujours les moyens de son autonomie, c'est à dire qui se greffe sur les luttes plutôt que de les créer. Ce n'est pas le cas de tous les Autonomes (et de nombreux camarades qui construisent des luttes sur leur base propre méritent le respect et la solidarité, y compris en cas de désaccord stratégique)

Autre aspect, sur la construction du changement social :
La réflexion sur la pertinence de telle ou telle action (par ex. casser des vitrines)n'est pas une réflexion en terme de légitimité (il n'y a rien d'illégitime à exprimer sa colère et sa révolte dans une société comme la notre), mais de son efficacité stratégique dans une perspective révolutionnaire.
Pour briser l'Etat et le capitalisme, il faut un mouvement massif. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire en attendant, mais à mon avis il n'est pas inutile de réfléchir en se demandant si ce qu'on fait va dans le sens de la construction de ce mouvement ou non.
Il n'y a là ni discours sur le "bien" ou le "mal" ni jugement moral, mais des choix stratégiques et ou tactiques.
C'est ce constat de la nécessité du nombre (si l'on veut sortir de la seule expression individuelle de la révolte, nécessaire mais non suffisante pour ne pas s'enfermer dans la seule contestation, mais se donner les moyens d'en finir avec la domination et l'exploitation) qui est l'objet d'une discussion stratégique sur les différentes action.
Pour moi un même type d'action peut jouer un rôle positif ou négatif selon le contexte, selon la situation, selon, le rapport de force en présence. Par positif ou négatif, j'entends pour la perspective de transformation révolutionnaire (développant le rapport de force quantitatif et qualitatif), pas au plan moral (toute révolte est légitime, mais certaines expressions de la révolte sont des impasses, y compris suicidaires).

Si je m'abstiens de faire référence à la société future, c'est que je pense qu'elle naitra progressivement en fonction des luttes menées. Je vois plus l'Anarchie comme "l'inaccessible étoile" ( Jacques Brel, "La Quête") pour laquelle il faut se battre, un idéal dont ont doit se servir chaque jour pour orienter sa réflexion et ses actions, que comme "la société de demain".

Autre divergence, ici avec toi, Clown, c'est que je pense que les luttes menées prennent une orientation et un sens très différent selon qu'il existe ou nom chez tout ou partie des acteurs de ces luttes la conviction qu'une autre société est possible, et selon également le type de société envisagée (centraliste/fédéraliste, autoritaire/libertaire...)
Berckman
 

Re: Autonomes

Messagede kuhing le Mar 24 Juin 2008 14:02

Berckman a écrit:
kuhing a écrit:-Concernant le septicisme sur un évventuel déferlement massif, je ne serai pas aussi pessimiste que Léo.
Nous avions un camarade chilien lors de notre dernière réunion du CAam qui a vécu la période Allende et a du s'exiler ici aprés et, de sa vision extérieure et fort de son expérience, il nous a expliqué que la France lui semblait pour lui la plus grosse poudrière sociale qu'on pouvait trouver sur toute la planète...

:shock: :shock: eh ben ça sent pas bon pour le reste de la planète alors...qd on voit l'état des consciences en France. :lol: :wink:


Encore une fois je ne suis pas d'accord avec cette façon de considérer la situation objective en France.

je trouve que le niveau de conscience est ici particulièrement élevé quand tu parles avec les gens de façon individuelle.
Il y a certes des zones d'ombres et des interrogations mais déjà je crois qu'une grande majorité admet que "quelque chose ne va pas"qu'il faudrait "changer les choses" sans trop savoir pour mettre quoi à la place ni comment, certes.
Ensuite il faut discuter, argumenter, accepter les avis qui ne sont pas bien sur calqués directement sur une réflexion telle que nous pouvons l'avoir. Et c'est un travail de fourmi.

Mais pour exemple, pouvait-on imaginer il y a seulement 5 ans que Besancenot deviendrait la 4ème personnalité politique la plus appréciée dans le pays ?(sondage récent)
On peut bien sur parler de la politique effective de la LCR, du NPA en gestation et des moyens utilisés pas Besancenot.
Il n'en reste pas moins que quelque part OB et la LCR sont associés à un changement radical de société dans la tête de beaucoup de gens.

Donc je pense que oui, et je le répète : objectivement nous sommes dans une situation où tout pourrait basculer d'un moment à l'autre pour peu qu'un déclencheur permettre aux populations de lever les blocages orchestrés par la repression et les moyens médiatiques du pouvoir en place et les freinages des organisations politiques et syndicales qui font tout pour atomiser et essoufler toutes les luttes par le biais des journées d'actions et autres négociations de couloirs.

Mais ensuite un déclencheur ne suffit pas , il faut aussi le catalyseur qui permettra de passer trés vite de la grève générale à la prise des pôles de production pour mettre en place l'économie parallèle qui laissera l'état, les états exangues.

Et ça c'est une autre histoire. C'est là que je pense que nous ne sommes pas prêts. :|

Pour briser l'Etat et le capitalisme, il faut un mouvement massif

Pour la seconde partie de ton intervention concernant le mouvement Autonome en tant que tel, je la trouve intéressante et je suis plutôt d'accord avec les grandes lignes que tu developpes.
kuhing
 

Re: Autonomes

Messagede Olé le Mar 24 Juin 2008 14:22

Kuhing tu t'es trompé dans ton quote, ce n'est pas Berckman qui disait cela mais moi...
Olé
 

Re: Autonomes

Messagede kuhing le Mar 24 Juin 2008 14:25

Léo a écrit:Kuhing tu t'es trompé dans ton quote, ce n'est pas Berckman qui disait cela mais moi...

alors je suis d'accord avec toi là dessus et d'accord avec les grandes lignes de l'analyse que fait Berckman sur le mouvement autonome
kuhing
 

Re: Autonomes

Messagede Paul Anton le Dim 24 Aoû 2008 18:41


EXTRAIT DU CAHIER DE L’ANARCHOSYNDICALISME N°38

AUTONOMIE POPULAIRE ET DESOBEISSANCE CIVILE :
LES AUTOREDUCTIONS EN ITALIE

VIII. RVI (RENAULT VEHICULE INDUSTRIE), GREVE DE 1979 :

J’ai été amené, au cours de mes recherches, à feuilleter le mémoire d’histoire de Cédric Leroy, consacré à la décennie des grèves ouvrières : 1968-79. Je me suis arrêté sur le passage d’une grève à RVI-Caen, menée en mai-juin 1979, durant laquelle avaient flotté des drapeaux rouges et noirs. J’ai eu la chance de croiser un ancien militant du comité des travailleurs révolutionnaires, cité dans son mémoire. Cet individu m’a accordé un entretien, en juin 2005, pour témoigner de cette persistance à l’expression de la radicalité et de l’autonomie dans le mouvement ouvrier.

Paul Anton : En quelle année as-tu intégré RVI ?

M.B : 1974, au mois de juin, en tant qu’ouvrier spécialisé .

Paul Anton : Pourquoi as-tu entrepris cette démarche ?

M.B : J’ai décidé de quitter Moulinex pour rentrer à RVI, devenue une citadelle rouge depuis les événements de Mai 68. D’importantes luttes revendicatives se développaient.

Paul Anton : Est-ce qu’il y a eu une autre raison essentielle ?

M.B : La grande majorité des jeunes salariés de cette usine de camions ont été radicalisés par les événements de Mai 1968.

Paul Anton : Tu as constaté le résultat de la mixtion de la décentralisation, du baby-boum et du modèle fordiste.

M.B : Exact !

Paul Anton : Avais-tu une expérience de lutte ouvrière ?

M.B : J’en avais une puisque j’avais déjà travaillé à Moulinex où j’ai participé à plusieurs luttes très dures. Je tenais à préciser que j’avais été, dans un premier temps, un jeune lycéen imprégné par les événements de Mai 1968 : les manifestations impressionnantes, les occupations d’usines, les affrontements violents…

Paul Anton : As-tu rejoint un syndicat pendant cette époque ?

M.B : Oui, j’ai adhéré à la CFDT peu de temps après mon entrée à RVI.

Paul Anton : Ta prise de carte à la CFDT paraîtrait étonnante aujourd’hui.

M.B : Sûrement ! Mais, la CFDT était très combative à cette période. Un courant autogestionnaire existait même en son sein !

Paul Anton : Si nous revenions à RVI, que tu m’expliques la mise en place du comité des travailleurs révolutionnaires !

M.B : Volontiers. On observait que les syndicats n’incitaient pas à la lutte et qu’ils entendaient faire exprimer le mécontentement vers un jeu de soutien au programme commun de la gauche. Leur principal objectif était de le réorienter dans le mécanisme électoral et parlementaire pour mieux limiter, annihiler complètement, le recours à l’utilisation de la grève, qui s’accompagnait parfois d’autres actions des salariés contre les patrons et les petits chefs.

Paul Anton : Et l’impact ?

M.B : Nous l’aurons dès l’enclenchement du processus de lutte, en touchant un certain nombre de camarades syndiqués CGT, CFDT et non syndiqués.

Paul Anton : A propos de l’étiquetage politique ?

M.B : Il a été hétérogène : des trotskystes, des maoïstes, des libertaires et beaucoup de camarades qui ne se reconnaissaient dans aucun parti. Ce point commun nous a conduit à éditer des tracts, réalisés sur notre appréciation de la lutte en cours. Ceux-ci ont reçu un écho favorable chez les travailleurs combatifs.

Paul Anton : Quelle méthode d’intervention utilisiez-vous ?

M.B : Défiants vis-à-vis des appareils syndicaux, les membres du comité des travailleurs révolutionnaires privilégiaient la discrétion, en diffusant les tracts subrepticement, à l’intérieur des ateliers par exemple. Nous intervenions de manière individuelle mais coordonnée lors des assemblées générales, des meetings et des débrayages d’ateliers. Nous insistions sur le fait de promouvoir un mode de fonctionnement qui privilégie la constitution d’un comité ou d’un collectif de lutte, pour stimuler une hausse des revendications. Nous exprimions aussi les idées d’autogestion, de contrôle ouvrier, du refus de produire de l'équipement militaire et le rejet de l’idéologie du travail salarié…

Paul Anton : Bref, l’idée des soviets !

M.B : Vraisemblablement !

Paul Anton : Combien étiez-vous à cet instant ?

M.B : Environ une centaine de membres actifs, mais il m’aurait été difficile d’évaluer le nombre des sympathisants. Je pense qu’il a pu se chiffrer à quelques centaines. Notre impact s’amplifiera pendant la phase dure du conflit. Le comité des travailleurs révolutionnaires, via les piquets de grève, deviendra ouvertement la structure organisatrice et référenciée parmi les travailleurs combatifs. Aucune décision ne pouvait se prendre en dehors du cadre des assemblées générales. Le comité des travailleurs révolutionnaires a été, à ce moment, en adéquation totale avec la lutte. La propagande anarchiste s’est manifestée. Certains grévistes ont découvert qu’ils partageaient une large sympathie pour cette idéologie. C’est pour cela qu’apparaît le drapeau noir à coté du drapeau rouge pendant toute la durée des piquets de grève ! Ils seront hissés en haut du mât tandis que plusieurs milliers de grévistes entonneront l’Internationale ! La CGT, outrée, a tenté d’imposer la présence du drapeau tricolore. Les grévistes l’ont brûlé car ils n’admettaient que ces deux couleurs : le rouge (le mouvement ouvrier) et le noir (l’anarchisme) !

Paul Anton : les syndicats ont-ils eu une posture unanime ?

M.B : La CGT et FO ont été très embarrassées et la CFDT a soutenu le conflit tout en étant divisée. Le vrai problème était que celui-ci concernait les OS. Ce conflit n’arrivait pas à s’étendre aux autres salariés, dont une majorité inactive avait tergiversé sur le fait de soutenir ou de s’opposer au conflit, le bénéfice profitant à chacun en cas de victoire. Soucieux des élections syndicales, les syndicats se sont retrouvé écartelés entre une majorité inactive et une minorité offensive qui maintenait la tradition historique de lutte ouvrière à RVI. Les syndicats n’ont pas souhaité courir le risque de se mettre à dos l’une ou l’autre. Leur existence s’en trouvait liée.

Paul Anton : Le comité des travailleurs révolutionnaires dominait, si j’ai bien compris !

M.B : Oui, l’AG des piquets de grève menait la lutte et les syndicats se voyaient obligés de négocier indirectement avec le comité des travailleurs révolutionnaires. Je rajouterai que la démarche visant à la création du comité des travailleurs révolutionnaires ne s’est pas arrêtée qu’à RVI. Elle s’est mise en marche sur d’autres lieux : SMN, PTT, CHU, Moulinex. Une réelle dynamique d’auto-organisation s’est ébauchée vis-à-vis des syndicats et des partis politiques de gauche, qui posaient, à terme, leur légitimité à encadrer et représenter les exploités.

Paul Anton : Quelle a été l’analyse des grévistes ?

M.B : Ces derniers se sont posé le dilemme suivant : arrêter ou continuer ! Nous n’entraînions pas la totalité des salariés de notre côté. La direction avait joué sur le pourrissement et les syndicats s’étaient trouvés dans l’expectative. Les grévistes ont décidé de monter l’action d’un cran en proposant l’occupation de l’usine et ont envisagé d’étendre le conflit au niveau de l’agglomération. C’est à partir de ce moment là que la situation a changé très rapidement. La direction a essayé de mobiliser les non grévistes avec l’appui des cadres et de certains petits chefs. Lors d’une marche vers l’entrée principale de l’usine, ils ont tenté d’enfoncer le piquet de grève, qui tenait bon malgré les heurts violents.

Paul Anton : Que s’est-il passé ensuite ?

M.B : Les forces de l’ordre ont accompli leur besogne quelques temps plus tard, pour rétablir le libre accès à l’entreprise, en dégageant les camions qui obstruaient les entrées.

Paul Anton : Cédric Leroy a mentionné, dans son mémoire, l’intervention les forces de l’ordre à la demande effective des syndicats.

M.B : Il était tout à fait possible que les syndicats souhaitaient, d’une façon active ou passive, le concours de la police pour liquider ce conflit qu’ils ne maîtrisaient pas. Les relations entretenues par les deux camps ont d’ailleurs été de plus en plus inquiétantes, risquant d’instituer un climat très nuisible dans les conditions de travail. Il ne faut pas oublier que RVI était l’entreprise phare de la région. Je n’ai pas su si la CGT et FO sont intervenues directement. Mais si c’était la réalité : rien n’a filtré ! Au sujet de la CFDT, la polémique entre Guy Robert et Norbert A était connue. Guy Robert indiquait que Norbert A avait agi afin de favoriser l’intervention des forces de l’ordre.

Paul Anton : Qu’est-ce que vous avez décidé ?

M.B : Le comité des travailleurs révolutionnaires s’est fondu dans une structure dénommée "Débordement", en utilisant le même mode d’intervention. Son audience s’avérera importante pour continuer d’inquiéter les syndicats et la direction.
Paul Anton : Et la gauche est arrivée au bord du pouvoir ? Alors ? J’imagine que tu n’as pas fait la fête le 10 mai 1981 !

M.B : Avant cet événement, les syndicats, les partis de gauche, en y incluant l’extrême gauche trotskyste, ont placé leurs espoirs dans la réalisation du programme commun, contribuant largement à la démobilisation des travailleurs. Nous assistions à une décrue des luttes dures (ou directes). Cela a été le point mort ! "Débordement" a tenté de briser le mirage social-démocrate. Nous devions atteindre quelques années pour que celui-ci cesse.

Paul Anton : La réaction des patrons ne s’est pas fait attendre !

M.B : Ils ont profité de la nouvelle période, avec l’appui tacite de la gauche politico-syndicale, afin de nettoyer les entreprises des éléments radicalisés et révolutionnaires, qui étaient mutés continuellement d’un poste à l’autre à RVI. La hiérarchie appliquait une logique de plus en plus disciplinaire, usant de techniques connues d’isolement, pour affaiblir psychologiquement les travailleurs combatifs. L’amoindrissement du rapport de force a permis à la direction de liquider le noyau révolutionnaire. Personnellement, comme d’autres, soumis à ce genre de traitement, j’ai choisi de quitter RVI en empochant l’indemnité de licenciement plutôt que d’attendre la faute grave.

Paul Anton : Ce qui explique en partie la faiblesse des luttes actuelles.

M.B : En effet, la réaction patronale s’est exercée minutieusement envers les éléments radicaux sur l’ensemble du territoire, surtout dans les établissements dits sensibles : les entreprises, les administrations, la fonction publique, etc. Tout cela a montré nettement qu’en dernier recours, la social-démocratie était l’allié du capital, n’hésitant pas à anéantir les forces révolutionnaires, pour que ce dernier continue de renforcer l’extraction de la plus-value garante du taux de profit.

Paul Anton
 
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Re: Autonomes

Messagede Ady le Dim 31 Aoû 2008 17:27

kuhing a écrit:
Roro a écrit:Le fait d'attaquer et de piller des commerces (je suis pour ce genre d'actions perso, à la condition qu'elles s'attaquent à des chaînes, le "vrai" petit commerçant, galère souvent bien plus que les premiers, car il doit se battre contre eux, ce qui est loin d'être aisé) permet de rentrer en opposition directe au capitalisme. .


Plusieurs remarques sur ce qui a été écrit précédemment.

-Sur celle de Roro au dessus, le problème c'est qu'il n'y a pas trop de magasins "Carrefour" ou "Auchan" sur les parcours habituels des manifestations et que ceux qui trinquent sont 99 fois sur 100 des petits commerçants qui galèrent pour la plupart et sont, en plus, proches des habitants des quartiers.
Quant à piquer dans les grands magasins je l'ai moi-même fait quand j'avais pas 1 thune et je me suis fait chopper au bout d'un moment. C'est vrai que ça dépanne au debut et ensuite tu y trouves un certain plaisir voire une certaine "puissance" quand ça marche. Par contre je ne vois pas grand chose de révolutionnaire là dedans.

-Sur la question de l'affrontement avec les forces armées que Roro soutient et que Croquemitaine justifie dans une perspective d'apprendre à se battre contre eux, je crois qu'apprendre à se battre ne se fait pas qu'en prennant des coups sans pouvoir en donner et c'est ce qui se passe quand tu affrontes des CRS sur-entrainés, sur-équipés, qu'on sort d'un car surchauffé et qui n'ont qu'une seule envie c'est se défouler sur toi.
Et ensuite si te te fait chopper, comme ça arrive assez souvent, c'est la garde à vue, et le tribunal.
Plutôt inégal comme combat si tu l'engages de façon isolée.
Et je ne suis pas sur que l'impact auprés de la population soit vraiment favorable...
par contre quand l'affrontement vient des personnes directement et massivement en lutte, pas de problèmes.
donc, si vous voulez apprendre à vous battre, je vous suggère de choisir comme moi l'option sport de combat. Tu t'entraines pas juste quand il y a une manif et t'as le temps d'assimiler la technique.

-Concernant le septicisme sur un évventuel déferlement massif, je ne serai pas aussi pessimiste que Léo.
Nous avions un camarade chilien lors de notre dernière réunion du CAam qui a vécu la période Allende et a du s'exiler ici aprés et, de sa vision extérieure et fort de son expérience, il nous a expliqué que la France lui semblait pour lui la plus grosse poudrière sociale qu'on pouvait trouver sur toute la planète...


- Sur les autoréductions et compagnie, je suis aussi sur l'optique qu'on doit s'attaquer en priorité aux chaines qui brassent énormément de pognon. Acte parfaitement légitime à mon sens, ces groupes passent leur temps à enculer les consommateurs (certains apprécient remarque...), alors les enculer de temps en temps, ne serait-ce qu'un peu, ça fait plaisir.
Rien de très révolutionnaire c'est vrai... Disons que c'est un moyen d'économiser ses ressources et donc de travailler moins pour vivre... ce qui laisse, par conséquence, davantage de temps pour la lutte et ses plaisirs...
On peut le voir comme ça ;)

- Sur les affrontements face aux agents de l'ordre social, de nos jours, je ne vois plus l'intérêt -personnellement- de les affronter. Autant il y a qqs décénies, on pouvait frapper puis fuir... on pouvait avoir un avantage un certain temps...
Mais j'ai l'impression qu'aujourd'hui, ces agents sont tellement nombreux, équipés, organisés, que leurs interventions sont trop rapides et ne laissent pas assez de marge de manoeuvre aux révoltés pour que ceux-ci puissent fuir le moment voulu sans risques...
Je préfère éviter, même si de temps en temps, j'en ressens le 'besoin', je tiens trop au peu de liberté que j'ai pour aller me jeter dans la gueule du loup bêtement, juste pour dire "je me suis pas laisser écraser, j'ai résister... et puis j'ai finis en zonzon"... mais bon... au final je ne vois pas l'intérêt, l'apport apporté à la lutte...
Après, c'est une question de choix personnel... je n'agis pas sur ce terrain là.. c'tout.
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Re: Autonomes

Messagede Alayn le Lun 20 Oct 2008 01:03

Bonsoir ! Tiens, à l'occas, je viens de relire ce topic...

Y'a eu, je le redis, une sacrée merdouille sur La Vache Qui Rit (Pas toujours) ! Purée, j'espère sincèrement qu'elle reviendra: qu'on ne lui tirera pas sur le pis d'entrée car désoled, cette vache-là est anar ! (y'a pas de doute !)

Salutations Anarchistes !
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Re: Autonomes

Messagede alcibiade le Ven 7 Nov 2008 17:26

Bonjour .
Les autonomes que j'ai connu étaient Maoïstes, ils avaient le culte de la violence, de l'émeute du vol,pillage sabotage .Certains étaient machos . Ils étaient proches des brigades rouges et de nombreuses sectes marxistes italiennes et francaises; ils sont bien evidemment ouvriéristes. Ils avaient de nombreux squatts et des associations comme le comité des mal logés et le MIB (banlieue) . Ils sont contre les journalistes , le vote, les artistes. Ils n'aiment pas les anars qu'ils traitent de branleurs . Et comme partout il y des personnes correctes et d'autres qui envoient les jeunes au casse pipe et en prison pour satisfaire leur névrose et leur pouvoir .leur névrose consiste à vouloir vivre des mythologies révolutionnaires (Espagne, Russie, jacquerie, Chine,) sans voire qu'il sont une micro avant garde sans armée dérière .
Ils sont moins sectaires qu'avant et tolèrent les anars ,les écolos, les végétariens et les excentriques afin de renouveler leurs effectifs . Ils sont peu nombreux sur Paris car il n'arrive pas à pénètrer le peuple et les banlieues .
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Re: Autonomes

Messagede RickRoll le Sam 8 Nov 2008 19:50

et que penses-tu des autonomes anarchistes? car en fait c'est d'eux que l'on parle sur ce topic.
RickRoll
 

Re: Autonomes

Messagede alcibiade le Jeu 13 Nov 2008 17:49

bonjour, je parle des autonomes que je connais, j'ai rarement rencontré des autonomes anarchistes sur Paris . Les anciens et les jeunes confirment . Qu'il y ait des individus qui intellectuellement ou factuellement se disent autonomes anarchistes c'est possible mais ils sont ultra résiduels .
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Re: Autonomes

Messagede kuhing le Ven 14 Nov 2008 20:28

Je sais pas s'il a été déjà donné , mais voici un lien qu'il me semble intéressant de conserver :

http://sebastien.schifres.free.fr/
kuhing
 


Re: Autonomes

Messagede Antigone le Jeu 26 Mar 2009 21:59

Depuis que je me suis inscrit à ce forum, j'ai passé une bonne partie de mon temps de connexion à lire ce qui a été écrit depuis presque un an et je dois dire que je suis assez étonné par votre méconnaissance de l'histoire de tout ce qui n'est propre à celle de l'anarchisme, et en particulier pour ce qui est expliqué dans ce ... topic (quel mot bizarre !) sur l'autonomie... Car en réalité l'autonomie ne se réduit pas à ce que vous en dites (avec pas mal d'erreurs qu'il serait trop loin de reprendre).

L'autonômie ouvrière a existé en marge de l'ultra-gauche bien plus longtemps que vous le croyez à travers des groupes qui s'en sont réclamés puis qui ont évolué, mais sans jamais aller à l'encontre de ce qui a constitué ses fondements. Elle a eu des développements qui sont allés jusqu'à tenter de redéfinir soit le situationnisme en terme critique, soit les contours d'une société sans domination dans une optique communautaire et humaniste.
Moi même, je continue de me réclamer de cette autonômie pour les idées qui ont été mises en avant et pour ses avancées qui restent importantes... et bien que je ne sois plus autonôme depuis longtemps.

Commençons d'abord par cette confusion pénible qu'on entretient avec ce qu'on pourrait appeler le guévarisme des villes.
A la fin des années 60, les révolutions chinoises et cubaines étaient perçues comme des modèles pour les révolutionnaires du monde entier qui rêvaient d'aventure épique. Les longues marches dans la jungle, les bivouacs de fortune à partager la vie des paysans, à faire leur éducation, à les engager dans le combat font partie d'une légende que le cinéma vient encore de rélater dernièrement avec "Che". L'histoire du petit noyau d'intellectuels qui finissait par rallier à leur cause une véritable armée jusqu'à l'apothéose finale et la prise de la capitale à fait rêver des générations d'ados.

Le guevarisme était un mouvement adapté aux régions forestières de l'Amérique du Sud, mais il existe au Sud de ce continent des régions qui ne sont pas forestières, et qui, à la même époque, vivaient elles aussi sous le joug de régimes militaires ou autoritaires corrompus. Et c'est dans le plus petit d'entre eux, en Uruguay, que s'est développé un mouvement, les Tupamaros, qui a mis au point une stratégie radicale et moderne de lutte adapté à la ville: la guerilla urbaine.
Dans un premier temps, à la fin des années 60, pour répondre aux détournements de fonds et autres manipulations financières du régime, ils ont commencé par s'attirer la sympathie de la population en jouant les Robin des bois, attaquant camions, magasins, entrepôts remplis de vivres et en redistribuant le pactole aux habitants des quartiers.
L'action armée s'est apparentée dans un premier temps aux actions qu'on a connu en France avec la Résistance: recherche de moyens matériels et assassinat de policiers. Puis, l'argent étant comme chacun sait le nerf de la guerre, surtout quand celle-ci dure, il a fallu trouver toujours plus d'argent pour faire face à toujours plus d'acharnement et de moyens venant des forces armées. Hold-ups, bracages, enlèvements de fonctionnaires (on peut revoir "Etat de siège" de Costa-Gavras), la lutte armée s'est alors intensifiée, et à ce petit jeu, le mouvement fut écrasé, les dirigeants emprisonnés.

Cette forme de lutte, peu après, a servi de modèle en tout point à la Fraction Armée Rouge allemande et aux Brigades Rouges italiennes.Toutefois, ce qui distingue les Tupamaros de leurs émules, c'est qu'il ne s'agissait pas d'un mouvement terroriste groupusculaire. Il comprenait des milliers de militants-combattants actifs soutenus par un réseau de dizaines de milliers de sympathisants ce qui, à l'échelle de ce petit pays, n'était pas négligeable. L'écho qu'il a rencontré au sein de la population est d'une toute autre ampleur que celle qu'ont connu leurs mouvements de lutte armée allemands et italiens.
Il y eut une suite à l'histoire des Tupamaros. Quand la dictature tomba dans les années 80, et que les prisommiers politiques furent libérés, Le mouvement des Tupamaros s'est fondu dans le jeu politique, participant à la coalition de gauche, puis accédant au gouvernement. Quoi de plus normal pour un mouvement, qui tout comme la RAF et les BR n'ont jamais remis en cause les structures étatiques de pouvoir, et ont reproduit des formes hierarchiques de commandement.

Ces mouvements n'avaient pris cette fausse apparence révolutionnaire que parce qu'ils étaient plongés dans une société bloquée, dans une situation sans issue, où toute possibilité d'accéder au pouvoir par les moyens démocratiques ordinaires paraissait imposible. Cette même analyse a été faite en Italie où la Démocratie Chrétienne détenait le pouvoir depuis la fin de guerre sans que la puissance du PCI ne permette d'ouvrir des perspectives, et en Allemagne également où SPD et CDU se renvoyaient le pouvoir tout en oeuvrant de concert aux performances remarquables de l'économie.

Par conséquent, je ne vois pas en quoi ces groupes adeptes de l'affrontement avec les forces de l'ordre et du pillage seraient "autonomes" ! En plus, ils ne font que singer les pratiques de guerilla urbaine puisque dans une démocratie parlementaire, elles n'ont pas du tout le même enjeu que dans une dictature quadrillée par les forces armées. Je ne comprends pas pourquoi chaque fois que l'on évoque l'Autonomie ouvrière, mouvement spécifique de la fin des années 70, on ne peut s'empêcher de faire référence à des mouvements guevaristes et tupamaristes, tous d'inspiration stalinienne et maoiste...

L'Autonomie ouvirère, la seule que je connaisSe, n'a aucun rapport avec ce que je viens d'évoquer.
Tout d'abord, ce qui caractérise l'Autonomie, c'est une critique puiS une rupture avec toutes les structures intermidiaires de
conciliation, de négociation, de gestion et d'encadrement qui servent de tampon entre la classe ouvrière et le patronat, autrement dit les partis et les syndicats.
Mais je dois faire remarquer que d'autres, bien avant, avaient fait le même constat sans qu'on les appelle pour autant des autonômes. Sans remonter trop loin, j'ai encore une brochure de "Vive La Révolution" (proche de La Cause du Peuple) datée de 72 où les syndicats sont traités "d'autre jambe de l'appareil d'Etat avec la police".

Néanmoins, historiquement, en France c'est en 1976, au moment d'une grêve à la Société Générale à Paris, après qu'une fraction de la section CFDT ait fait voter en AG le principe d'un comité de grêve constitué de représentants élus et révocables qui se substituait aux syndicats dans la conduite de leur lutte, qu'on a commencé à parler d'Autonomie Ouvrière.
Certes, en mai 68, on avait déjà vu prendre forme des comités de grêve sous la conduite de militants d'extrème-gauche qui avaient dans la tête le modèle des conseils ouvriers, les soviets. Mais cette fois, c'était différent. Cette aspiration à l'autonomie s'accompagnait d'une critique du rôle joué par les syndicats dans l'entreprise et les positions défendues par cette fraction étaient portées par des idées conseillistes d'ultra-gauche. D'ailleurs, une fois la grêve terminée, cette fraction a pris le nom de Groupe de travailleurs pour l'abolition du salariat.

Je reconnais qu'il soit difficile de passer d'un comité de grêve basée sur la démocratie directe à l'abolition du salariat comme ça, carrément, sans attraper un coup de froid. Alors peut-être qu'une petite explication s'impose car tout cela n'arrive pas dans un ciel serein.

La crise économique apparait brutalement en 1974 juste après la guerre du Kippour. Le pétrole flambe. Le prix du brut est multiplié par 4. Les économies occidentales qui n'étaient pas préparées à ce choc vacillent. Des entreprises ferment, les industries échaffaudent des plans de restructuration et les syndicats dont l'action défensive se borne à faire des manifestations pour dire "non au chômage" donnent l'impression d'être impuissants.

En Italie, il existe, depuis le mouvement de 69, un courant "operaiste" typiquement italien (opera signifie travail en latin) pour qui la seule manière de lutter contre le capitalisme, c'est qu'il n' y ait plus d'ouvriers ! En refusant le travail salarié, on enlèverait au capitalisme les moyens objectifs nécessaires à sa survie... et viendrait alors le communisme ! La principale organisation operaiste s'appelle Lotta Continua. Activiste, spontanéiste, elle intervient dans tous les mouvements de contestation qui s'expriment dans la société notamment contre les dégats causés par la morale chrétienne et pour la libération de la femme.

Autant dire que pour une organisation dont la théorie repose sur le refus du travail, la crise économique qui va s'accompagner d'une augmentation très imprtante du nombre de chômeurs va arriver comme une bénédiction ! L'Autonomie ouvrière n'aura aucune peine à se développer contre des syndicats "à la solde du capital" qui de leur côté font leur possible pour trouver des compromis avec le patronat afin d'éviter les licenciements et les fermetures. Voila pourquoi ce mouvement sera d'une grande ampleur, sera même soutenu par grand nombre d'intellectuels.. Et Lotta Continua va se dissoudre peu à peu dans ce Movimento qui malgré tout ne sera pas aussi informel qu'il en donnera l'air.

Mais le ciel va rapidement s'assombrir quand l'absence de perspectives politiques va poindre à l'horizon et surtout quand l'appareil d'Etat policier va vouloir y mettre un terme. L'affrontement de plus en plus violent va alors devenir l'unique perspective.
En 1977, le mouvement autonôme italien prend fin au congrès de Bologne, dernière tentative pour fédérer et donner du sens à tout ça. Ce congrès ne sera qu'un capharnaüm invraissemblable où personne ne pourra s'exprimer ou se faire entendre. Le poing levé y sera remplacé par la forme du pistolet P38 faite avec les doigts. La suite, on la connait, elle appartient aux faits divers.

Voila pourquoi quand l'idée de l'abolition du salariat est ouvertement revendiquée par un comité de grêve en 1976, ce n'est pas reçu à l'époque comme s'il s'agissait de divagations d'une bande d'illuminés.

En France, partis de gauche et syndicats ont l'oeil sur les législatives de 1978 et la présidentielles de 1981 qui pourraient tout changer. Il faut éviter tout dérapage et l'encadrement des luttes est une nécessité. Cette pratique sournoise qui est perçue comme provenant de directions traitres et servant les patrons et le systême capitaliste, ne passent pas chez les militants les plus combatifs et les plus radicaux.
En 1977, plusieurs groupes autonômes d'entreprises voient le jour sur des bases qui remettent en cause le travail salarié. Des militants de l'OCL viendront aider et soutenir les initiatives mais il ne sera pas possible de coordonner l'action de ses groupes qui resteront résiduels, pour en faire une vraie force.

Au même moment, des manifestations de soutien aux prisonniere de la RAF et à leur avocat Klaus Croissant donneronnt lieu à des débordements, des vitrines sont brisés. des voitures renversées... La presse qui se plait à créer un amalgame entre l'Autonomie italienne et les groupes terroristes qui avaient choisi l'épreuve de force avec l'Etat, désignait les responsables de ces incidents en les appelant des "autonômes"... mais autonômes de quoi ? on se le demande bien.
Il se trouve qu'à ce moment, l'autonômie était devenue une mode et que les contestaires inorganisés de tous bords, qui trouvaient plus facile de jeter un pavé que de réfléchir, s'en réclamaient, mais ce n'est pâs parce qu'on s'en réclamait qu'on l'était forcément loin de là.
Berckma, parle de 2 à 3000 personnes maximum, personnellement je diviserais par 10 (et sur des bases aussi radicales, ce n'est pas rien). Par contre, les 9/10e restants, c'était n'importe quoi.
Quant à l'Autonomie ouvrière en Allemangne ! ?? Je ne sais pas d'où Berckman la sort.

Mais finalement, l'histoire de l'Autonomie est paradoxale. Alors qu'on a l'habitude de partir d'une théorie pour tenter de la vérifier par la pratique, en France on a fait le contraire.

A partir de 1979, les groupes autonômes vont disparaitre. L'OCL va se tourner vers d'autres collectifs, mais en y apportant ailleurs l'esprit de l'autonômie, car cet esprit va demeurer.
Le courant autonôme va alors s'incarner organisationnelement parlant dans PIC (Pour une Intervention Communiste), une organisation de l'ultra-gauche conseilliste anti-léniniste qui publiait Jeune Taupe et dont l'un de ses membres faisait partie du Groupe des travailleurs communistes des banques issu de la grêve de la Société Générale. Autour de cette organisation, des individus, certains ayant vécu l'expérience toute fraiche de 77, des militants en rupture (comme moi), et... une fracion dissidente de la FA: le groupe "Commune de Kronstadt" de Nanterre, qui en réalité était un couple (mais avec le bébé, ils deviendront 3). Ce couple intégrera le groupe un peu plus tard mais en ressortira peu de temps après.
Des réunions seront organisées pour d'essayer d'homogénéiser les points de vue, avancer dans la compréhension de ce mouvement, faire une analyse de la période et envisager des actions communes mais en définitive cela n'aboutira pas. Au contraire même, PIC éclatera en 1981.
Une tendance activiste animée par ce que ses membres désigneront par l'urgence de la crise et la nécessité d'intervenir au plus vite et davantage fonde alors "Volonte Communiste". La suite leur a donné tort.

Les autres (la majorité) vont préfèrer rentrer dans une phase de réflexion théorique. Ils commenceront par tirer les leçons du mouvement de Solidarité en Pologne et à partir de 84, ils publieront des brochures sous le nom de "L'Insécurité Sociale". Dans le même temps, ils se rapprocheront des positions socialistes utopistes de "Socialisme Mondial" (lointaine survivance du parti de Daniel De Leon) qui prône l'établissement d'une communauté mondiale sans argent, sans économie, sans frontières. Ils tenteront de définir les conditions nécessaires à une autre société qu'ils vont continuer d'appeler "communiste" alors même que les références marxistes habituelles auront été abandonnées depuis des lustres. Ainsi, ils appeleront par capitalisme non pas un mode de propriété mais un mode de relation entre les individus, l'adhésion à un certain mode de vie.
De façon surprenante, jamais la moindre référence à l'anarchie n'apparaitra. De 88 à 91, ils publieront leurs textes dons une revue "Interrogations pour la communauté humaine".

L'autonômie ouvrière influencera aussi ceux qui tenteront de l'analyser et de l'interpréter d'après la lecture des situationnistes, puis rapidement en s'en éloignant, et en en donnant une autre traduction. Ce sera le point de départ pour un certain nombre de groupes (Les Fossoyeurs du Vieux Monde, Os Cangaceiros, La Banquise, Subversion...) d'une réflexion qui s'est étalee sur plus d'une décennie, avec des fortunes diverses.
J'ai fait partie de cette aventure.
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Re: Autonomes

Messagede fu hsang le Jeu 26 Mar 2009 23:33

merci de ces precisions .... a un moment sur ce topic , j ai cru qon allait dire que ravachol etait autonome vu qu il usait de violence , j ai eu peur ,je n aurais pas pu faire de resume aussi concis je serais alle d ans l attaque personnelle des la deuxieme ligne
merci a toi
fu hsang
 

Re: Autonomes

Messagede Ellaurenzovfoot le Ven 27 Mar 2009 03:52

yep merci pour ce texte, bien sympa à lire et instructif.
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