LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME

Débats politiques, confrontation avec d'autres idéologies politiques...

LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME

Messagede bajotierra le Lun 26 Sep 2016 15:56

EXTRAITS de http://www.cntaittoulouse.lautre.net/sp ... article348


LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME
Samedi 30 janvier 2010


Ernest Renan,le grand mystificateur.

Joseph-Ernest Renan (1823-1892) était quelque peu tombé dans l’oubli. Le débat du jour le tire de l’ombre. Il redevient une référence, celle dont se revendiquent ouvertement des politiciens de haut vol comme Alain Juppé [1]..

Renan, ancien séminariste devenu rapidement, après quelques frictions avec Napoléon III, l’historien pour ainsi dire officiel de l’État, a au moins un avantage : son cynisme est tel qu’il n’y va pas par quatre chemins pour « lâcher le morceau ». Dans « Qu’est-ce qu’une nation  ? », conférence prononcée en 1882, il ne se gène pas pour écrire : « L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger ». On ne saurait être plus clair....

Renan, véritable « saint » de la troisième république, s’affirme partisan, pour les besoins de la cause, de « l’erreur historique », ce pourquoi on peut lui décerner le titre de «  Père du révisionnisme historique décomplexé  ». Aujourd’hui comme hier, ce révisionnisme permet au Pouvoir de continuer de travestir la vérité historique, de la faire entrer dans le moule qui lui convient, et de justifier ainsi son idéologie et sa pratique..

Chantre du mensonge officiel, Renan fut le premier historien postérieur à la Révolution Française à remettre en selle, en tant que piliers de la « nation moderne », ceux qu’il nommait avec tendresse les « personnages du passé ». A sa suite, l’école de la troisième république intégrera toute une brochette de psychopathes royaux (et quelques uns de leurs plus célèbres laquais) dans l’imagerie héroïque de la France. Par ce coup de baguette magique, les brutes couronnées et leurs larbins devenaient, dans les livres scolaires, des héros qui auraient fondé la patrie française et se seraient sacrifiés pour elle..

Les falsifications historiques vomies par Renan ont été la source à laquelle, à la fin du XIXème siècle, s’est abreuvée avec délectation cette bourgeoisie revancharde qui venait de massacrer les Communards. Les théories de Renan lui permettaient de faire coup double, d’une part en donnant un contenu clairement chauvin et réactionnaire à une République qui venait de s’installer par défaut [2], d’autre part, en contrant l’émergence du mouvement ouvrier internationaliste grâce à l’utilisation de cette version nationaliste de l’histoire. Deux attitudes qui allaient directement conduire à la boucherie sanglante de 1914/1918..

L’essentiel de la falsification historique voulue par Renan et ses successeurs porte sur la Révolution française. Tout leur travail consiste à masquer la « rupture épistémologique » que représente cette période et à la présenter comme un simple prolongement du cours antérieur de l’histoire. Ainsi en est-il de l’idée de Nation, qui apparue dès le début de la Révolution, va être vidée de son sens par nos historiens et politiciens révisionnistes et déformée jusqu’à signifier le contraire de son sens premier. En effet, quand le terme Nation fait irruption dans le débat politique en 1789, il désigne clairement la collectivité formée par tous les individus, égaux entre eux, et de ce fait, la seule instance politique légitime dans un pays. L’idée de Nation se construit en opposition totale au pouvoir d’un seul (ou d’une petite caste), en opposition donc à la tyrannie qu’ont précisément défendu les Jeanne d’Arc, les Charles Martel et autres « personnages du passé » lors des siècles d’oppression féodale et monarchique, en opposition totale à cette idéologie qui permettait à n’importe quel crétin (pourvu qu’il fusse couronné) d’affirmer : « L’État, c’est moi  ! »..

Ainsi, pendant la Révolution Française, on pouvait fort bien être étranger, être né loin du territoire français, et être immédiatement intégré dans la Nation. C’est pourquoi des hommes et des femmes de tous les pays se retrouvèrent en France, dés 1789, à délibérer, à décider et à agir pour les idéaux révolutionnaires. A partir de 1792, il y eut même des bataillons entiers formés par les nombreux étrangers désireux de combattre sous les drapeaux de la Nation. On ne parlait pas alors de « brigades internationales » mais de « Légions » : Légions Belges, Légion Franche Étrangère Batave (Hollandais), Légion des Allobroges, Légion Germanique, Légion des Américains (Antillais et habitants métis ou blanc des colonies), etc..

Ces faits sont aussi remarquables qu’il sont peu connus. Et pour cause : ils gênent les historiographes nationalistes, préoccupés d’élaborer leur mystification xénophobe. Ils gênent tout autant l’école historique marxiste qui, les oeillères du matérialisme dialectique bien rivées, n’a jamais voulu voir dans la Révolution française que son expression bourgeoise. Il est vrai que l’existence des Légions belges, germaniques ou américaines prouve que la conscience internationaliste n’a pas attendu la théorie de Marx et la pratique de Lénine pour se manifester de façon concrète !.

Cette caractéristique du conflit fondateur de la Nation française est renforcée par un deuxième élément qui vient compléter clairement la signification en contrepoint : tout comme on pouvait être étranger et membre de la Nation, on pouvait tout aussi bien bien être français de souche, né sur le territoire et appartenir au parti de l’étranger..

la frontière : fracture idéologique et non réalité territoriale.

En effet, si des esprits éclairés sont venus d’Europe et des Amériques pour défendre la Révolution, à l’inverse des membres éminents de la noblesse, de l’église et des milieux affairistes, tous « Français de souche » ont fui en masse le pays à partir de la prise de la Bastille [3]. Ceci nous montre où se situe la véritable fracture : non pas entre lieu de naissance, non pas entre territoires géographiques (d’un coté du Rhin ou de l’autre) , non pas entre « cultures » (culture française contre culture allemande...), mais bien entre intérêts économiques et de pouvoir..

La France de la Révolution n’avait donc pas de problème avec les personnes nées hors de France. Elle en avait de sérieux avec toutes celles qui, selon l’expression des sans-culottes, formaient le « parti de l’étranger », parti désigné ainsi parce qu’il se regroupait sans vergogne autour des despotes régnant à l’étranger [4]. Un parti qui reçut la participation massive de « Français de souche » : on évalue à un million, chiffre énorme pour l’époque, le nombre de nobles, de riches et de curés qui n’hésitèrent pas à déserter le territoire français pour revenir l’attaquer avec les armées royales étrangères [5]..





[1] Voir par exemple le site de juppé.
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[2] la chute de Napoléon III, la république fut instituée de façon provisoire par une assemblée monarchiste qui n’arrivait pas à se mettre d’accord entre elle. Moyennant quoi, cette Troisième république fut la plus longue de l’histoire de France.
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[3] Trois jours après, le 17 juillet 1789, le comte d’Artois, frère du roi (et lui même futur roi, sous le nom de Charles X), passait à l’étranger sans oublier d’emporter tout ce qu’il pouvait de sa fortune.
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[4] Certains lecteurs ont peut être entendu parler de Rivarol, une feuille qui se veut l’hebdomadaire de l’« opposition nationale et européenne » et soutient régulièrement le Front National. Ce périodique, adepte du slogan « La France ou on l’aime ou on la quitte » fait semblant d’oublier que le célèbre pamphlétaire royaliste dont il tire son nom ... a quitté la France en 1792, comme quoi, il ne devait pas l’aimer tant que ça....
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[5] Voir A. Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française. Ajoutons que c’est précisément pour avoir soutenu ce « parti de l’étranger »que Louis XVI, né français de souche, a été guillotiné en 1793..
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Re: LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME

Messagede frigouret le Lun 26 Sep 2016 17:23

Déjà premiere remarque si l'histoire est une science il n'y a pas de "vérité historique" , car le propre d'une science n'est pas de produire de la vérité mais de proposer des explications réfutables.

Après l'article chipote sur la nation, tient elle sa légitimité de la souveraineté nationale ou bien de la souveraineté populaire, mais n'envisage pas que la nation n'a pas de légitimité du tout, que la souveraineté revient à la seule réalité concrète , l'individu. La nation est un truc qui doit rester informel, un sentiment hautement subjectif mais en aucun cas une personne morale de droit publique.
8-)
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Re: LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME

Messagede bajotierra le Lun 26 Sep 2016 18:37

Je ne conçois pas l'histoire comme une science , mais comme une enquête , sons sens premier , qui débute par des faits .

Trouver un cadavre dans un champ , c'est un fait irréfutable , ce sont les explications que l'on peut en donner qui peuvent être aussi nombreuses que réfutables , et soi dit en passant si le caractère de réfutabilité suffisait a déterminer ce qu'est une science alors ce forum serait une science ( il ne faut pas pousser Popper dans les orties ) je renvoi a Claude Bernard et au caractère expérimental et reproductible nécéssaire a cette réfutabilité scientifique : Un événement historique est non reproductible et par conséquent non réfutable expérimentalement .

La vérité historique est donc constituée par l'ensemble des faits historiques qui sont irréfutables , le fait qu'i y ait eu une guerre en Europe entre 1914 et 1918 est irréfutable mais que les explications que l'on peut en donner soient aussi nombreuses que réfutables ne changent rien a cette réalité première .

Que la nation soit une construction imaginaire et donc subjective c'est évident , mais cela n'est en rien excuse quand les idéologies , mentent , nient ou déforment sciemment la vérité historique .
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Re: LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME

Messagede frigouret le Lun 26 Sep 2016 19:43

C'est instructif ce que tu dis, merci.
Par contre ce que l'article présente comme vérité historique va bien au delà des faits. On a bien une interprétation historique de la révolution comme " rupture épistémologique " ou de la nation comme " consensus idéologique" ( ce qui est potentiellement très dangereux à mon avis).
8-)
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Re: LA VERITE HISTORIQUE, PREMIERE VICTIME DU NATIONALISME

Messagede Lehning le Mar 27 Sep 2016 13:53

Bonjour !

Je suis d'accord avec Bajotierra.

L'Histoire, ce sont avant tout des faits. De toute nature.
Ensuite, il y a plusieurs interprétations (où il peut y en avoir) de ces faits. Selon l'angle où l'on se place, selon ses croyances, ses tendances idéologiques, etc.

On a affaire clairement à une sorte de repli identitaire, de repli nationaliste, de nationalisme (La FRAAANCE !), qui est exacerbée par une guerre religieuse et également économique. Qui oblige aussi celle-ci à être liée à l'Europe (monnaie unique donc bloc monétaire).

Bien sûr que cette fable de Nation est un gros mensonge. Au niveau des populations et même au sein d'un pays, matérialisé avec des frontières.
Un mythe mais qui a toujours servi aux politicard-e-s.

Un mythe d'autant + grand que c'est l'économie de marché qui domine tout maintenant et même les Etats. (mondialisation du système capitalo).

Salutations Anarchistes !
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