Mélenchon : plus besoin de le calmer !
Chloé Demoulin - Marianne | Jeudi 30 Juin 2011 à 12:10Hier soir, le lancement de la campagne du Front de Gauche était placé sous le signe de «l'union». Plus posé, Jean-Luc Mélenchon a quitté la « fureur » du tribun pour endosser la stature d'un présidentiable.
Ce qui fait la richesse du socialisme, c'est qu'il ne sera pas le régime de la minorité. Nous avons fait le choix de la justice et du nombre », lance Christian Picquet, porte-parole de la Gauche unitaire, devant les 4000 personnes réunies à Stalingrad, hier soir. C'était le «leitmotiv» des militants, il fallait que la place « soit trop petite!» Plusieurs fois dans la soirée, il en sera question, le chiffre « incroyable » de « 6500 » participants est même annoncé avant l’entrée en scène de Jean-Luc Mélenchon. Plus tôt, Clémentine Autin, fondatrice de la Fédération pour une alternative sociale et économique (FASE), appelait déjà « les déçus du NPA qui hésitent » à venir grossir les troupes du Front de gauche.
Le choix de l’endroit est symbolique. Il rappelle les places prises par le « peuple » dans les pays arabes mais aussi par les « indignados » en Espagne. Les drapeaux du Parti de gauche flottent au vent en compagnie de ceux du PCF, de la Gauche unitaire, de la FASE et de deux ou trois drapeaux français. Et ce n’est pas un hasard si nulle part on ne peut trouver de bannière « Mélenchon 2012 » ou « Mélenchon Président ». L’heure est à « l’union » et à l’effacement du « je » pour le « nous ».
C'est la condition à laquelle le Parti communiste a accepté, pour la première fois depuis 1974, d’être représenté à la présidentielle par un candidat qui ne fait pas partie des siens. Du coup, quand Christian Picquet parle d’en finir avec la « présidentialisation» et la «personnalisation» de la Ve République, les réactions ne se font pas attendre. «Ecoute ça Mélenchon! Faut le calmer!», s’emporte une militante. Signe que le choix du « bruit et de la fureur » n’a pas fait l’unanimité au sein du PC.
Pourtant, si l’ex ministre de Lionel Jospin a été plébiscité le 19 juin dernier à 59,12%, c'est justement parce qu’il était le candidat le plus médiatique face à un André Chassaigne moins à l'aise avec l'exigence de personnalisation qu'impose la présidentielle.
« MÉLENCHON PRÉSIDENT ! »
Ton posé, plus solennel - presque « mitterrandien », osent certains militants du PG - Jean Luc Mélenchon a vraisemblablement endossé la stature d'un présidentiable. Contrairement à Pierre Laurent (PCF), en chemise décontractée, qui l'a précédé sur l'estrade, le co-président du Parti de gauche porte le costume sombre et la cravate rouge foncé des grands soirs.
Mais Jean-Luc Mélenchon se garde bien de rentrer dans les détails du programme commun. Rien sur l’euro en particulier, ni sur le protectionnisme. Il déroule tranquillement ses thèmes de campagnes : « partage des richesses » (salaire maximum), « planification écologique », «VIe république», « une autre paix »(sortie de l’Otan, fin des interventions en Libye).
La rhétorique est bien rodée. Il oppose le « peuple qui sait mieux ce qu’il y a de mieux pour lui » à « l’oligarchie », au « capitalisme fou » et aux « bons docteurs du FMI ». « A bas le mot d'assistanat ! » envoit-il à l'intention du gouvernement. « Il y en a qui se sont déjà beaucoup sacrifiés, c'est au tour des autres. Ca tombe bien, ils en ont les moyens », ironise-t-il plus loin, suscitant les acclamations des militants.
Soucieux de rapprocher la démarche du Front de gauche de celles des autres mouvements européens, Mélenchon ne manque pas l'occasion de dédier son discours « à nos frères et soeurs grecs » à qui les banques « demanderaient de vendre jusqu'à l'air qu'ils respirent ».
Sa seconde « dédicace » est destinée au juge qui a relaxé Xavier Mathieu, le « Conti » qui avait refusé de se soumettre à un prélèvement d'ADN, « créant une jurisprudence ». « L'action syndicale pour protéger son gagne-pain n'est pas un crime, c'est un droit! », s’exclame-t-il alors que son auditoire scande la « résistance ».
Lorsque à la fin de son discours, il loue la France « la belle, la rebelle » et que l'« Internationale » puis « La Marseillaise » sont entonnées, il ne fait plus aucun doute que les militants sont conquis. Enfin, les mots sont lâchés : « Mélenchon Président ! Mélenchon Président !»