Nique la « race » !
Ou comment éclatent les frontières entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche du pouvoir
dimanche 18 octobre 2015
Le 31 octobre à Paris, a lieu la « marche pour la dignité et contre le racisme », organisée et signée par un certain nombre de groupes et d’individus pour le moins ambigus sur leurs rapports avec l’extrême-droite ou l’Islamisme politique et la récupération (mutuelle) de leurs idées, elle marque l’avancée d’une mystification grossière et de plus en plus courante, qui ne peut fleurir que sur le vide et l’ignorance qui caractérisent cette époque décomposée. Parfois il n’y a pas d’ambiguïté, comme par exemple avec Tariq Ramadan (et ses Frères Musulmans), maître du double langage et partisan d’un « moratoire » sur la lapidation des femmes. On nous parle de « races » et d’anti-racisme dans les mêmes phrases, un boulevard ouvert au XIXe siècle par certains courants racialistes et colonialistes de gauche, et arpenté depuis quelques années par Dieudonné, Soral et leurs (ex-)amis des Indigènes de la République, avec l’appui de quelques « antifascistes » perdus, et d’investissements divers des actionnaires internationaux de la réaction. Vous allez marcher aux cotés d’un mouvement (le PIR) qui appelle, comme le parti nazi à une autre époque, à la « lutte des races », un concept remis à l’ordre du jour pas des universitaires qui font leurs carrières dans le sillon du philosophe des ayatollah, Michel Foucault, ou du darwiniste social Ludwig Gumplowicz (der Rassenkampf).
L’idée de « race », entendue comme classification des différents groupes ethniques de l’espèce humaine, a été abandonnée par les sciences autour du XIXe siècle, car la variabilité génétique entre individus d’un même groupe est plus importante que la variabilité génétique moyenne entre groupes géographiques éloignés. La race n’est donc pas un critère biologique valide ou crédible depuis déjà longtemps, du moins en ce qui concerne la description de l’espèce humaine. Le terme continue d’être employé pour les autres espèces animales, pour lesquels les « races » sont distinguées à des fins d’élevage et de sélection, une utilisation que nous ne trouvons pas beaucoup plus acceptable, mais ce n’est pas le sujet du jour.
L’utilisation des « races » appliquée aux humains, a malgré cela perduré encore quelques décennies dans l’usage courant (entendre, au café du commerce). C’est derrière ce concept que se sont organisées les rafles et l’extermination des juifs et des tziganes d’Europe par les nazis et leurs relais locaux, comme l’État français. Aux « races inférieures », les nazis opposaient la « race supérieure », celle des forts, des nordiques, les « aryens ». Rien de nouveau donc lorsque l’on analyse la nouvelle marotte des Indigènes de la République et leurs amis racialistes : Le dit « philo-sémitisme d’Etat », d’un État francais qui a donné le plus possible des juifs qu’il avait sous la main pour les parquer, les exploiter et les exterminer. On reste sur les plates bandes piégées d’Eric Zemmour, qui lui, nous explique de la même manière que Pétain a « sauvé des juifs » (sic !).
Or, le racisme doit être combattu sous toutes ses formes, celui des opprimés comme celui des dominants, celui des Zemmour et des Le Pen comme celui de l’homophobe Bouteldja (qui n’a rien d’une opprimée, mais tout d’une hipster issue de la bourgeoisie universitaire franco-algérienne) et des racistes Soral et Dieudonné (qui s’en mettent plein les poches au passage), mais également le racisme entre opprimés. La destruction des juifs d’Europe, Houria Bouteldja, patronne des indigènes, la décrit comme d’une « historicité douteuse ». Rendant ainsi hommage au père spirituel du négationnisme pro-nazi : Robert Faurisson et ses nouvelles mules : Soral et Dieudonné. De même, le discours qui consiste à associer les israéliens (et les juifs !) à l’État d’Israel ou les palestiniens (et les arabo-musulmans !) aux autorités palestiniennes, ou alors le sionisme et le judaïsme, les juifs SDF et les juifs banquiers, les fedayins du moyen-orient et les arabes et musulmans d’ici (qui peuvent aussi bien être patrons, militaires, juges ou flics), etc.. Fini la lutte des classes, et place à la lutte des « races », les « races sociales », même. Tout n’est que raccourci, parce que les raccourcis sont plus faciles à faire avaler à des ignorants que des pensées complexes, documentées et un tant soit peu sérieuses, sans parler même de révolutionnaires (un truc de blanc, la révolution ? nous dit-on parfois, sans aucun fondement historique réel…).
Le concept de « race » a aussi été utilisé pour justifier, par exemple, les zoos humains dans lesquels, en Europe, on exposait dans des cages les individus de « races inférieures » (des individus capturés comme du gibier dans les colonies) aux occidentaux, comme une curiosité exotique, à coté des femmes à barbes et des concours de lancers de nains. Le colonialisme lui même était basé sur le concept de « race » et sur la prétendue « supériorité » des unes sur les autres, ou selon les points de vue, des autres sur les unes. Ce sont les mêmes conceptions qui ont permis l’esclavage de populations entières par d’autres à travers les ages et à des échelles monstrueuses, comme lors des différentes traites des noirs ou le commerce triangulaire sur lequel les Etats occidentaux (mais aussi d’autres régions du monde, notamment celles où étaient capturés les esclaves) se sont enrichis pendant des siècles. L’utilisation du mot a perduré encore quelques décennies, dans un usage le plus souvent lié à l’ignorance et à l’habitude, jusqu’à ce qu’il ne soit plus utilisé que par des courants racistes (ou racialistes, mais nous laissons la distinction aux taxidermistes) d’extrême-droite, comme les suprémacistes blancs du Ku Klux Klan aux USA ou chez les Afrikaner de l’apartheid sud-africaine, mais aussi chez les suprémacistes noirs de Louis Farrakhan, etc. Dans tous les cas, il nous paraît important de rappeler que les « races » sont des constructions sociales sans aucun autre fondement que les idéologies et les traditions réactionnaires. Un concept qui n’a jamais servi à rien d’autre qu’à créer des hiérarchies entre les humains sur des critères sociobiologiques orientés, pour d’un coté, gommer les différences entre les classes (au service de la guerre au pauvre), et séparer les exploités dans de petites communautés fermées où seuls les « siens » comptent, et le reste du monde peut bien crever.
Aujourd’hui, le concept de « race » semble vouloir faire son retour, mais pas uniquement à droite. Cela fait des années que dans certaines mouvances d’extrême-gauche, des racialistes d’un genre nouveau sont en train de reprendre le pouvoir. Fondamentalement, le racialisme de gauche n’est pas nouveau, il a servi, en « prouvant » l’infériorité des colonisés, à justifier le colonialisme de gauche, entre autres méfaits. La différence avec celui de droite c’est souvent qu’il se veut bienveillant (éduquer les « sauvages », leur apporter « nos » Lumières et autres balivernes civilisatrices et paternalistes) lorsqu’à droite il se veut toujours malveillant, et parfois exterminateur. Suite à une longue dérive, ce néo-racialisme (qui n’a de nouveau que les protagonistes) marque la prise de parti racialiste de toute une gauche identitaire qui classe et trie les individus selon leurs origines ou le pantone de leur épiderme, comme la droite identitaire, et leur assigne de façon mécanique, comme les marxistes autrefois avec le prolétariat, une « tache historique ». La seule différence, répétons-le, c’est que le tri se fait pour la promotion à gauche et pour l’exclusion à droite.
Les nouvelles idéologies de gauche, souvent issues de l’université, comme les post-colonial studies (et les radical studies en général), l’intersectionnalité, certaines formes de féminismes ou d’« antiracisme » remettent le concept au goût du jour, l’air de rien. La proposition organisationnelle de la non-mixité, par exemple, en est l’un des meilleurs exemples. Cela principalement lorsque les critères de cette non-mixité sont basés sur des critères racialistes : noirs, blancs, etc. Mais à partir de quel degré ou pourcentage de mélanine peut-on être considéré comme noir ou blanc, ou ni l’un ni l’autre ? De la même manière, les tailles et les formes du clitoris et du pénis sont tellement variables que nous posons la même question sur le genre, comment enfermer un individu, avec toute sa complexité et son unicité, dans des cases aussi fantoches que « noirs », « blancs », « femmes », « hommes » mais aussi « homosexuels » ou « hétérosexuels », « juifs », « chrétiens » ou « musulmans ». Un individu homosexuel, est-il homosexuel à 100 % ou à 33 %, si il a déjà eu du désir pour un individu du sexe opposé, est il toujours à sa place en non-mixité homo ? A partir de quel pantone doit-on se considérer comme noir, blanc, jaune ou on ne sait quoi d’autre ? Plutôt U-78566 ou UE-988009 ? Qui décide de qui est « noir » ou « blanc », de qui est l’untermensh et de qui est l’« aryen » ?
Toutes les catégories qui réduisent les individus à des critères biologiques (ou sociobiologiques) ou à des identités fixes, sont des catégories du pouvoir qui n’ont jamais servi à rien d’autre qu’à séparer les humains entre eux, pas sur des critères de classe, ou sur des critères liés aux choix individuels des uns et des autres, mais sur des critères imaginaires, essentialistes et englobants. On est « noir » ou « blanc », on est « français », « espagnol », « israélien » ou « palestinien », comme on est « juif », « chrétien » ou « musulman », c’est à dire par choix, par assignation ou par intériorisation des catégories du pouvoir. Dans les trois cas, le résultat est le même : le repli identitaire, tribal et communautariste. Mais les identités sont des illusions et des fantômes sur lesquels se sont toujours recroquevillés les exploités en période de crise sociale, relayant les imaginaires de division du pouvoir pour perpétuer la « paix sociale », l’autre nom de la guerre aux pauvres. Si nous tenons à l’idée d’une rupture avec ce monde de fric et de flic, il nous faudra abandonner toutes ces catégories du pouvoir qui ne servent qu’à diviser pour mieux régner, et donc assurer la domination de l’économie et des États sur les populations.
Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier que, par exemple, les Indigènes de la République ont rejoint les thèses racialistes de l’extrême-droite, ou bien pour le dire simplement : qu’ils ont rejoint l’extrême-droite pour y former une nouvelle tendance qui ne diverge d’avec les autres que sur un seul point : un vieux fond de commerce gauchiste et l’inversion des schémas racistes ordinaires, mais toujours les mêmes vieux schémas pourris de l’intérieur, c’est-à-dire la race, et le plus souvent, l’homophobie, le sexisme et la haine du « juif ». Pas étonnant alors que derrière eux, se meuvent des groupes religieux alliés historiques des totalitarismes divers comme les Frères Musulmans, en terme de financement comme en terme d’apports idéologiques et pratiques (au même titre que les Black Panthers, la Nation of Islam ou le Hamas).
Révolutionnaires, nous devons remettre la « race » dans les poubelles de l’histoire où nous l’avons trouvé, sous peine de rendre impossible toute transformation radicale de l’existant. A l’heure où les frontières entre extrême-droite et extrême-gauche n’avaient pas été aussi floues que depuis la Belle Époque et les thèses immondes de Gobineau sur l’inégalité (et l’existence !) des races, le simple fait que nous ressentions le besoin de ré-exprimer de telles banalités (que les races n’existent pas) à l’occasion d’une manifestation prétendument « anti-raciste », devrait être un signal d’alarme assez fort. L’heure est grave, et nous insistons :
Il n’y a pas de races, seulement des racistes !
Contre toute forme de racisme-racialisme-"racisation",
Anarchistes contre le racialisme
NdNF : Nous reprenons ici un commentaire publié sur un site "open-publishing" théophile (dont souvent les contributions les plus intéressantes sont à trouver dans les parties censurées) : Indymedia Nantes. Celles et ceux qui ont le cœur bien accroché pourront lie la prose du groupe politique derrière ce site à travers les commentaires signés "modo" ici (par exemple). Le commentaire a été trouvé en dessous de l’article (lui, validé) au titre évocateur (Nadine Morano inversée) : "Pourquoi en tant que blanche, je participe à la Marche de la dignité", publié originellement sur le site du rouge-brun Alain Gresh, compagnon de route historique des Frères Musulmans (par ailleurs compagnons de route de leur kamarade Hitler) et auteur de livres co-écrits avec Tariq Ramadan. Ce qui n’a pas échaudé le groupe politique "Indymedia Nantes". De droite comme de gauche, luttons contre toute forme de racisme et contre toutes les religions. Il n’y a pas de "religion des opprimés", seulement des religions qui oppriment. Il n’y a pas de races, seulement des racialistes.
Il y a plusieurs choses dans ce texte "Pourquoi en tant que blanche, je participe à la Marche de la dignité" qui devraient, à juste titre, soulever des questionnements de fond et de sérieux problèmes pour des individus qui se pensent un tant soi peu révolutionnaires, anarchistes, communistes ou tout autre étiquette que l’on veut bien s’accoler.
On ne vas pas se lancer dans une critique de la Marche de la Dignité, on pourra se contenter de relire ce texte. On ne vas pas non plus se lancer dans une critique de plus de ce qu’est le PIR, ni de tous les signataires de l’appel à la marche, ce serait trop fastidieux et d’autres ont déjà entrepris ce travail. On se contentera ici de reprendre quelques passages du texte pour les critiquer ainsi que leurs logiques sous-jacentes.
1. "Ils vont marcher pour exiger l’égalité concrète et la justice"
D’emblée, le cadre de cette manifestation est posé, on ne vas pas marcher dans une perspective un tant soi peu subversive, de renversement de l’État, du capitalisme, etc., mais tout simplement dans une logique réformiste. Pas besoin d’avoir tout lu pour comprendre que l’auteur exige, ou plutôt demande, à savoir que toutes les personnes vivants en France soient traités de manière égale par l’État et que la justice soit enfin impartiale, ce qui revient à demander au système en place de changer et non à ce qu’il disparaisse ou soit détruit.
Si on n’avait pas bien compris, cela devient encore plus limpide un peu plus loin dans le texte : "On parle ici aussi d’emploi, de logement décent, d’accès à la prise de parole, au pouvoir médiatique, politique, économique." Le problème n’est donc pas l’État en soi mais bien un pan de celui-ci et tout le paragraphe "Parce que la parole des non-blanc(s)-hes est confisquée, étouffée […]" résume bien le positionnement de l’auteur. C’est dégueulasse, les noirs et les maghrébins ne peuvent pas devenir grand patrons du CAC40, profs, députés, etc. Ainsi, la parole qui leur est confisquée est celle qui s’exprime par le biais de l’État et pour sa défense, sa perpétuation donc. On ne veut pas que le système qui depuis des millénaires nous opprime soit détruit mais que celui-ci opère une transformation pour mieux intégrer d’autres composantes sociales, en clair le réformer et le renforcer dans sa légitimité.
Petit exemple un peu provoc’ : il est difficile pour un noir de devenir flic, c’est un fait, mais qu’est-ce qui nous intéresse ? Qu’il soit noir et qu’il ait enfin "réussi" là où tant d’autres ont échoué ou qu’il soit flic et doive donc être traité comme tel, un garant de la paix sociale et de la stabilité économique ?
2. "Les structures sociales nous dépassent mais pour les combattre, pour les mettre à terre, il faut les comprendre et analyser notre propre position dans les rapports de domination. En attendant, concrètement, nous sommes les blancs. Nous devons nous penser enfin comme tels et agir dans ce cadre."
"Devenons des traitres. Dénonçons. Refusons, par tous les moyens à notre disposition, de participer à la reproduction de ce système. Nous n’y parviendrons qu’en redonnant la parole et la place aux « racisé-es », en accordant foi et soutien à leurs témoignages, actions et expériences autonomes. Nous devons nous taire pour leur faire enfin place. Marcher derrière, pour une fois (la première d’une longue série) mais marcher avec. Proposer un soutien, pas noyauter un mouvement, pas prendre des décisions à leur place. Les mouvements autonomes « racisés » ne nous excluent pas, ils nous interpellent. Nous pouvons et nous devons y participer. A notre juste place."
Prenons les choses dans l’ordre : si je suis blanc, je doit donc devenir un traître à ce système inégalitaire, le dénoncer puis enfin me taire (comment ces deux choses contradictoires s’articulent n’est pas précisé, ni non plus comment on peut marcher derrière mais avec).
On fait donc l’injonction aux blancs d’admettre leur position dans la société française, qu’ils participent au mouvement en dénonçant leur position dominante, mais surtout qu’ils se taisent. Ce n’est donc pas un appel à lutter ensemble qu’il faut voir ici mais une obligation à un soutien passif, puisque si l’on écarte d’emblée la possibilité de parler ("Nous devons nous taire pour leur faire enfin place") et d’agir véritablement ensemble ("Proposer un soutien"). Tout individu blanc étant donc relégué à la simple place de soutien de la contestation. On n’est pas acteur mais simple spectateur. On n’agit pas, on se contente de dénoncer et d’apporter un soutien acritique.
En guise de conclusion partielle
Au final, vouloir se battre contre le racisme ne peut passer par l’affirmation de son identité et de sa couleur de peau (blanc de classe moyenne, noir des banlieues, etc.), classes sociales et distinctions qui sont les produits de ce système, et donc par la séparation et la classification de chaque individu sous une étiquette. Vouloir au final faire à tout prix cette distinction ne mène qu’à nier toute individualité et toute l’importance des choix que chacun fait dans sa vie, sans nier l’importance et l’influence des conditions extérieures. Que l’on soit blanc ou noir, ce qui est vraiment important est de quel côté de la barrière on se situe : avec ou contre l’État.
En suivant ce raisonnement, on en finit par ne plus considérer tout un chacun selon ce qu’il fait mais selon ce qu’il est à la naissance (noir, blanc, jaune, etc.). Ce que propose l’auteur de ce texte n’est donc pas d’attaquer ce monde en entier mais seulement un pan de celui-ci, le racisme. Si ce dernier disparaît, est détruit, nous vivrons alors dans le meilleur des monde - capitaliste - où tous auront la possibilité de consommer, d’opprimer, sans aucune discrimination basée sur la race. Peu révolutionnaire comme finalité…
Les opprimés n’ont ni patrie ni race.
[Sauvé des poubelles du site du groupe politique "Indymedia Nantes".]
Pour la patrie, ou plutôt contre, c'est la vision un monde ressemblant a un grand marché sans barrieres
frigouret a écrit:Faudra que je pense a ouvrir ( si c'est pas déjà fait) un fil " lutte des classes"pour approfondir ton affirmation sans polluer ce fil.
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