Ni Pirl, ni Gazelle…la réponse d’un Gueulard

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Ni Pirl, ni Gazelle…la réponse d’un Gueulard

Messagede bajotierra le Lun 13 Avr 2015 09:30

Comme vous le savez si vous lisez de temps à autre ce journal, une campagne portant sur les conditions de travail sur les chantiers se développe actuellement. La campagne « Ni Pirl, Ni Gazelle » [1].https://www.facebook.com/pages/Nipirlni ... 1703180910
Elle a pour objet de dénoncer la détérioration des conditions de travail des ouvriers du bâtiment, à cause de l’obligation qu’ils ont d’utiliser des échelles spécifiques (à vrai dire des sortes de plate-formes) proprement inutilisables, en particulier du fait de leur lourdeur et de leur encombrement..

Chez les ouvriers du bâtiment que nous touchons au fur et à mesure de l’avancée de la campagne, nous rencontrons plutôt de la sympathie. Au moins chacun comprend ce dont nous parlons, plus particulièrement tous ceux qui s’exténuent à manipuler à longueur de journée les fameuses Pirl !.

A l’inverse, nous nous sommes heurtés à l’incompréhension de quelques libertaires, qui ont produit de vives critiques. La critique en soi est saine, et ce n’est pas dans ce numéro, véritable appel aux débats, que nous chercherons à la museler… mais elle est pour le moins inopérante si elle tombe « à côté de la plaque », ce qui a été largement le cas..

Malgré cela, essayons d’apporter des réponses..

A peine avions-nous mis notre appel sur facebook, que nous avons été traités de… « sexistes et misogynes ». Cette critique vient du fait que, quand nous avons lancé la campagne, nous avons précisé que par « gazelles », il fallait entendre un type d’échelle impropre à l’utilisation et non une personne de la gent féminine. Pour ceux qui ne le sauraient pas, le mot « gazelle » est en effet, dans la langue familière, synonyme de « jeune fille ». Nous avions donné cette précision sur le ton de la boutade. Elle a été reçue comme «  sexiste ». Puisqu’on est obligés de tout préciser, non seulement nous ne nous opposons en rien à la venue de « personnes de sexe féminin » (on ne sait plus comment il est politiquement correct de dire) sur les chantiers, mais nous déplorons qu’elles y soient sous-représentées. L’article de présentation de la campagne, dans notre journal était illustré par un zèbre-ouvrier..

Heureusement, les représentants des zèbres, s’il y en a, n’ont pas protesté..

Une autre remarque, en apparence plus raisonnable, nous été faite : l’affirmation que dans de bonnes conditions, les Pirl et les Gazelles pouvaient être utilisables, qu’il suffisait pour cela que les matériaux et outils nécessaires à la réalisation du chantier (qui rendent calamiteux le transport de ces échelles) soient stockés à l’extérieur du chantier. Sur un plan purement théorique, ce n’est pas faux. Mais, dans la réalité, il en va tout autrement. Il est évident que l’auteur de cette remarque n’a jamais travaillé sur un chantier, peut-être même n’a-t-il jamais planté un clou chez lui. En effet, les différents corps de métiers ne travaillent pas séparément les uns des autres mais bien en coordination, ensemble..

Un simple exemple parmi tant d’autres. Le plaquiste va poser une peau (un pan de mur), l’électricien et le plombier vont poser leurs gaines et leurs tuyaux, puis le plaquiste va refermer le deuxième pendant du mur. Pensez-vous que le plaquiste (comme tous les autres professionnels qui s’activent sur le chantier) puisse mettre son stock de plaques et de rails, tout son barda à l’extérieur du chantier, et aller chercher, au fur et à mesure, ce dont il a besoin, outil par outil, plaque par plaque, rail par rail, en éliminant aussitôt les déchets, en balayant immédiatement la surface, pour que les Pirls et les Gazelles puissent évoluer librement en roulant sur un sol lisse et parfaitement dégagé (sans quoi il faut les porter à dos d’homme) ? Et cela avec la pression du rendement que les patrons font peser sur nous ? Le propos qui nous est opposé est hors de réalité..

Autre remarque : en substance, on nous affirme que l’existence du salariat et de l’exploitation par un patron est plus nuisible que la contrainte des Pirl et des gazelles. Nous sommes bien d’accord. De là à en conclure qu’on peut immédiatement déclarer le communisme libertaire, créer la société à laquelle nous aspirons au lieu de s’encombrer de revendications immédiates, de luttes quotidiennes, il y a un pas qu’il nous paraît difficile de franchir d’un seul coup. Peut-être cet interlocuteur aurait-il intérêt à sortir de sa campagne, de sa tour d’ivoire ou de son désert pour venir se confronter à la réalité sociétale contemporaine..

Enfin, ce même interlocuteur, qui se prétend « syndicaliste révolutionnaire », déclare que nos propos sont ceux des « gueulards du bâtiment », brefs de gens qui gueulent pour tout et n’importe quoi, de gens insignifiants. Un tel mépris de l’ouvrier en dit plus sur notre contradicteur que tout ce que nous pourrions en dire nous-mêmes..

Bref, l’ouvrier du bâtiment serait «  sexiste », « gueulard », « misogyne » et pratiquement abruti (puisqu’il ne comprendrait pas le bien fondé des Pirl)… ça sent pas un peu le stéréotype, tout ça ?.

Pourtant d’autres critiques, et pourquoi pas des propositions, pouvaient sûrement être faites tant sur le fond que sur la forme et inviter de fait à une réelle réflexion stratégico-tactique sur le développement des idées et des pratiques libertaires en milieu de travail. La question des revendications immédiates est entre autres, un sujet délicat, elle mérite d’être posée, évaluée, discutée. Ainsi, la façon dont nous abordons ce qui est pour nous (surtout pour nos dos !) un vrai problème, est-elle la bonne ? Y aurait-il d’autres façons de faire ? Des revendications à avancer plus pertinentes sur le sujet ? Comment garder connectées, sur ce cas précis, la revendication immédiate et la visée d’ensemble qui est la nôtre (l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes et la révolution sociale) ? Quelles imperfections précises comporte notre démarche ? C’est là-dessus que nous aurions souhaité avoir des contributions – critiques ou pas - des milieux libertaires. Nous espérons qu’elles viendront..

Un dernier mot pour dire que l’obligation d’utiliser les Pirl et autre Gazelles nous est faite par les employeurs afin de diminuer les accidents du travail. Souci louable ; mise en œuvre insupportable. Ceux qui ont pensé ces échelles peuvent être des personnes bien pensantes (encore que, pour les patrons, il s’agit avant tout de diminuer les pénalités de la CARSAT), le problème c’est qu’elles sont coupées des réalités de terrain. Elles font pour les conditions de travail ce que les politiques font pour le « bas peuple » que nous sommes : légiférer sur des choses qu’elles connaissent mal, très mal, sans prendre la peine de demander leur avis aux principaux intéressés..

Nous remercions ces messieurs dames de leur bonté, mais confrontés tous les jours aux réalités du terrain et persuadés que nos cerveaux valent au moins les leurs, nous aspirons à prendre les décisions qui nous concernent nous-mêmes..

Bien amicalement. Un gueulard du chantier.
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[1] Voir dans notre n°141 l’article « Bâtiment - campagne d’action Ni Pirl, Ni Gazelle  ». Pirl : Plateformes individuelles roulantes [dites] légères. « Gazelle » est un des fabricants de Pirl..

http://www.cntaittoulouse.lautre.net/sp ... article747
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