Luttes à l’hôpital psychiatrique de Caen

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Luttes à l’hôpital psychiatrique de Caen

Messagede vroum le Jeu 13 Fév 2014 09:42

Luttes à l’hôpital psychiatrique de Caen : quand la voyoucratie fait face au syndicalisme de base

http://www.monde-libertaire.fr/syndicalisme/16879-luttes-a-lhopital-psychiatrique-de-caen-quand-la-voyoucratie-fait-face-au-syndicalisme-de-base

De la fabrication d’un déficit pour faire des économies sur le dos des salariés
À l’hôpital psychiatrique de Caen, fraîchement rebaptisé EPSM (pour établissement public de santé mentale), les luttes entre les salariés et la direction sont courantes depuis quelques mois. En cause, un nouveau directeur général, syndiqué à la CFDT cadre, et qui a reçu comme mission, de la part de l’agence régionale de santé, de dégraisser le millier de travailleurs constituant le personnel ou de revenir sur leurs acquis sociaux. C’est « la crise », entend-on un peu partout ! C’est, donc, en toute logique que le gouvernement applique une politique d’austérité budgétaire qui retentit jusqu’auprès des psychiatrisés.
Heureusement, ce n’est pas l’avis des syndiqués (CGT et SUD en tête), qui n’ont pas l’intention de se laisser ponctionner en toute quiétude, comme si le fatalisme et la résignation devaient l’emporter. Aussi, devant la grossière manœuvre du directeur, il était difficile de ne pas faire autre chose que de s’opposer fermement. En juin 2013, alors que jamais l’hôpital n’a été en déficit, il en crée un, l’annonce gravement via la presse et un courrier à chaque employé et impose, dans la foulée, les mesures suivantes : suppression de cinq jours de RTT et de la demi-heure de temps de repas sur le temps de travail, déqualification de postes, suppression des temps partiels, même pour les bénéficiaires actuels, fermeture du laboratoire et de la blanchisserie et restructuration de la cuisine. La CFDT, également bien implantée dans cette boîte, dénonçait également ce « plan de redressement ». Les trois organisations syndicales ont donc appelé à une AG qui a rassemblé pas moins de 500 salariés. L’opposition s’installe graduellement, commençant par une gentille occupation des locaux de l’administration. Elle se poursuit par des jets d’œufs sur la voiture et les vitres du bureau du directeur, puis un blocage des admissions via un piquet de grève présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre à l’entrée de l’hosto. Le directeur tente de se mettre les cadres dans la poche, mais il échoue. Enfin, ce sont les médecins, d’habitude très timides pour ne pas dire pro-direction, qui, en commission médicale d’établissement, votent une motion à l’unanimité expliquant leur refus du plan directoral. Ce dernier l’a mauvaise et doit revoir entièrement sa copie et ouvrir des espaces de négociations. Le paiement des jours de grève s’opère et, sur la base du rapport de forces acquis, vingt contractuels sont « mis en stage », dans la perspective d’une titularisation. Les syndicats et le personnel chantent victoire.

Syndicat de lutte contre syndicat de collaboration
De nombreuses réunions ont lieu entre la direction, les syndicats et les médecins de septembre à décembre 2013. Il s’agit, en réalité, de fausses négociations où rien n’est vraiment discuté et où le directeur maintient ses envies de taper sur le personnel d’en bas. Il persiste concernant la suppression des cinq jours de RTT et met le reste de côté, bien que de nouvelles rumeurs circulent concernant le fait de rendre payantes certaines consultations en centre médico-psychologique ou certaines chambres de l’hôpital. La CGT et SUD dénoncent la mascarade, tandis que la CFDT change de bord et défend la direction. Sans honte ni scrupule, elle caresse la direction tout en tapant sur les autres boutiques syndicales. Elle remet en cause de manière virulente et infantilisante le combat de ces dernières, prétextant que c’est aller droit dans le mur que de continuer la lutte. La collaboration est entérinée et le travail de sape fait son chemin puisque beaucoup de cadres et de médecins s’alignent sur son discours qui implique de courber l’échine en s’autoflagellant.
Fin décembre, le directeur doit faire passer son plan auprès des différentes instances de l’hôpital, et ce, avant la fin de l’année. Depuis 2009 et la loi « hôpital patient santé territoire », il n’a même pas besoin que ses propositions soient validées, il suffit qu’elles soient présentées. Il faut donc bloquer les instances dans le but qu’elles n’aient pas lieu. Suite à des AG convoquées par la CGT et SUD, c’est ce qui se passera. Et, toujours dans ce même mouvement, aura lieu une occupation du bureau du directeur qui permettra de découvrir un document intitulé « Accord CFDT-Direction EPSM de Caen ». Non seulement ces jaunes de la CFDT crachent sur le syndicalisme de lutte, mais, en plus, ils négocient secrètement avec le directeur. Les esprits s’échauffent et ce n’est pas l’envie qui manque à certains de foutre sur la gueule de ces sociaux-traîtres. On raconte que certains syndiqués CFDT ont rendu leur carte.
Malgré cela, le blocage des instances se poursuit (il y en avait quatre au total) et, en parallèle, celui des admissions perdure, ce qui provoque – comme toujours, et c’est le but – des problèmes conséquents en amont, pour hospitaliser les patients. Ces derniers doivent alors être affectés dans d’autres structures du département ou de la région. Mais ce n’est pas du goût du directeur qui demande l’intervention de la flicaille. Il l’obtiendra facilement puisque, le soir du 19 décembre, c’est une tripotée de brigadiers qui force les grilles de l’hôpital, faisant reculer les grévistes pour escorter deux ambulances. Les slogans pleuvent : « Police partout, justice nulle part », « La direction nous pisse dessus, la CFDT nous dit qu’il pleut », « Les flics à l’hôpital, c’est dégueulasse » (et pas qu’à l’hôpital, d’ailleurs…). La CGT, via son service d’ordre, assure le spectacle. Et les plus anciens jurent qu’en quarante ans de boîte, avec des mouvements de grève bien plus importants que ce petit blocage, jamais ils n’avaient vu les flics pénétrer dans l’enceinte de l’hosto pour briser des revendications… Fin des festivités, les vacances de Noël arrivent pour que le populo puisse s’empiffrer dans la consommation. La suite se déroulera début 2014.

Pour ne pas conclure
La situation caennaise n’a rien d’exceptionnelle. Par exemple, le mouvement vécu par les salariés de l’hôpital psychiatrique de Quimper il y a quelques mois est exactement similaire. Le manège du pouvoir en place est clair : l’accord général sur le commerce des services continue son bonhomme de chemin. Mis en œuvre pour mettre en concurrence les différents services publics et ainsi augmenter le profit lié à ces mêmes services, il continue sa promenade de santé. Alors que la technocratie matraque les soignants à coup de protocoles, d’autoévaluations et autres flicages en tout genre, elle enrobe le tout dans un paquet de bien-traitance qui masque ainsi les logiques économiques comme la sous-traitance à des boîtes privées, l’alliance avec des mutuelles privées, quand ce n’est pas les cliniques privées qui fleurissent sur le marché de la santé. À force d’épuiser les ressources du service public, il va être de plus en plus tentant pour tout un chacun qui aura un pépin de se tourner vers le privé.
Même si nous nous devons d’aller plus loin que la simple défense du service public en créant des alternatives autogestionnaires à la psychiatrie sécuritaire, judiciaire et gestionnaire, nous ne pouvons laisser faire cette casse qui fragilise un peu plus les salariés. Cela d’autant plus qu’au bout de la chaîne ce sont les psychiatrisés qui trinquent et sont confrontés à davantage de violence institutionnelle. La question qui demande s’il n’est pas plus opportun de créer autre chose plutôt que d’imploser avec les restes explosifs de ce service public est alors prégnante. Notamment parce que, lors de cette lutte victorieuse, aucun débat de fond sur le rôle de la psychiatrie dans notre société ni aucune expression des individus directement concernés par tout ce remue-ménage ont vu le jour.
Il est donc plus que nécessaire de radicaliser les luttes et de provoquer un remue-méninges libertaire dans le champ de la folie.

Lion Amoreb
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