Impressions à propos de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame des Landes et ce qui s’en est dit.
http://regard-noir.toile-libre.org/impressions-a-propos-de-la-manifestation-contre-laeroport-de-notre-dame-des-landes-et-ce-qui-sen-est-dit/
Je n’ai que très peu suivi la lutte de ND des Landes et j’ai pris la décision de venir à Nantes avant de savoir qu’il y aurait une manif ce jour là. J’étais donc à la manifestation du samedi 22 février à Nantes, mais plutôt en touriste.
J’ai tout d’abord été impressionnée par le nombre et la diversité des manifestants. Nous n’avons pas trouvé celui de la FA, alors on a voyagé de cortèges en cortèges. C’était facile parce qu’il n’y en avait pas vraiment, juste une longue file ininterrompue, où parfois se détectait une appartenance commune (même tract sur 10 m, 30 personnes avec le même gilet, pancartes associées,…) sans pour autant marquer de frontière avec ceux de devant ou de derrière. Peu de banderoles, ou attachées aux remorques des tracteurs. J’ai même eu l’impression qu’il y avait plusieurs parcours, on a croisé des foules n’arrivant pas du même endroit que nous.
On a rencontré des gens qu’on connaissait, de paris, de Nantes et d’ailleurs, il faisait beau, et puis je n’étais jamais venue à Nantes, alors c’était une chouette ballade. En fait, pour être honnête, les clowns qu’on a croisé ne m’ont pas fait rire, je n’ai pas trouvé les chars particulièrement beaux (sauf le triton), je ne suis pas fan de la batucada (j’aime mieux les fanfares), les tracteurs c’était rigolo mais ça donne une méchante odeur de gaz d’échappement, y avait des organisations avec lesquelles on s’entend pas (EELV et FdG par ex.), des drapeaux bretons et des bonnets rouges, y avait des illuminés pieds nus que ça fait pas sérieux quand même, et tout plein de têtes connues en qui je n’ai aucune confiance. Cependant c’était agréable, l’ambiance était détendue, il y avait des gens de plein d’horizons différents, des familles avec grands parents et petits enfants, pas de sonos assourdissantes, pas de tension apparente entre cortèges,… La contestation de ce projet d’aéroport est partagée par la majorité de la population. Il y a plusieurs angles d’entrée: gaspillage de l’argent public, pollution, réquisitions de terres agricoles,… Les habitants sur place qui ne participent pas à la mobilisation l’accueillent quand même bien de ce qu’il m’a semblé. Les portes ne se sont pas fermées sur notre passage.
Le premier point « chaud », c’est quand la manif est arrivée à « Commerce », du nom de la station de tram. C’est à partir de là que le trajet n’avait plus été accepté par la préfecture. Derrière les grilles de la police, c’est un quartier commercial, vitrines clinquantes et bars branchouilles. La République reconnaît le droit d’expression tant qu’il n’influe pas sur les recettes d’un samedi après-midi ensoleillé. Certains s’indignent de ce que la police protège les intérêts capitalistes, mais n’est-ce pas là son rôle? Rien de bien méchant donc, on s’invective, quelques canettes volent, les tracteurs klaxonnent, ça ne va pas plus loin.
Le cortège reprend. On fait une boucle sur l’île, où on rencontre des gendarmes en face à face ce coup-ci. Ils protègent les aires de stationnement des entreprises de travaux qui se sont installées ici. Ils font bien car en retraversant la Loire, on aperçoit une grosse fumée noire. La manifestation se termine (si on peut dire), du côté de la bourse, ou de la médiathèque… enfin pas très loin de Commerce. Tous les tracteurs se garent, c’est assez impressionnant de voir combien ont fait le voyage. On entend des discours, je pense que ce sont les organisateurs, ou les partis présents, mais je n’ai pas écouté. La place (l’avenue?) restera bondée un bon moment. Plusieurs heures. Je rencontre enfin les compagnons de la FA venus d’un peu partout. Et puis la curiosité l’emportant, je vais voir ce qui brûle.
Deuxième acte de l’affrontement à Commerce. Là encore, il n’y a pas de frontière entre les bons et les mauvais manifestants. En dehors du mégaphone d’EELV qui incitait son cortège à poursuivre son chemin et laisser les casseurs s’opposer à la police, la zone d’affrontement semblait curieusement bien s’intégrer à la situation. Il n’était pas vraiment possible d’ignorer ce qui se passait, parce que certains avaient les yeux rougis par la lacrymo et toujours la fumée noire, mais il n’y a pas eu de scène de panique ou de mouvement de désolidarisation. Les deux parties sont restées solidaires et les flux de l’une à l’autre constants et égaux. Pour la fumée c’était une foreuse se consumant tristement seule dans son enclos. Elle était du mauvais côté des grilles de la police.
L’agitation était un peu moins loin. De ce côté là de la ville, les rues sont plus étroites, ce qui ne favorise pas l’évacuation des gaz. Au milieu du tumulte, l’air était un mélange de gaz lacrymogène, d’odeur de bombe de peinture, de pétards et feux d’artifices et de divers objets en feu. Des gens jetaient des bouts de trottoirs décelés ou autres, et la police répliquait avec un canon à eau et des tirs de gaz. Pour l’avoir expérimenté je ne conseille à personne de se perdre dans les ruelles de Nantes au milieu d’un nuage de lacrymo sans équipement adéquat.
Cet affrontement a un objectif médiatique, je pense. Il montre que la contestation existe, que la conflictuallité ne s’exprimera pas par les urnes, et entretient une dynamique de lutte. Politiquement,je suis mitigée. La population de Nantes commencerait à fatiguer des dégradations à répétition et de l’omniprésence de la police. Chaque mois, les occupants de la ZAD font une manifestation dans Nantes avec des pots de peinture, occasionnant à chaque fois un dispositif policier important. « Militairement », il ne faut pas croire que des jets de pierre vont faire plier un tel dispositif. Lorsque la police a voulu avancer, elle a repris la place. Les médias se focalisent sur la violence. Mais la violence est en amont, quand le projet d’aéroport décide de se maintenir contre l’avis de la population, quand la manifestation est condamnée avant d’avoir eu lieu, et quand la ville est mise en état d’urgence. Quant à la violence des manifestants, c’est une blague si on considère l’équipement dont disposent les CRS. Casser des abribus, déceler des pavés, frapper contre un grillage, c’est plus inutile que violent. Ça ne met pas les gens à la rue, ça ne pollue pas l’environnement, ça n’incite pas à la haine, … bref ça n’est pas comparable à l’exercice d’un gouvernement.
Je suis partie à ce moment retrouver les copains avec qui j’étais venue, et nous n’avons pas assisté aux derniers face à face, éparses, qui se sont poursuivis jusque tard dans la soirée et ont abouti à des arrestations. Il faut savoir terminer une émeute, comme aurait dit le grand Maurice.
De l’autre côté de la ligne, tout un tas de flics. Au moins deux par carrefour jusque loin dans la ville. Ils semblaient un peu perdus, ne sachant quoi attendre ni quel côté de leurs barrages protéger.
En voyant le centre ville de Nantes, j’ai pensé aux luttes contre la gentrification du Grand Paris. Les vieux docks réhabilités en centre artistique subventionné, tout un quartier pavé à grand renfort de granit blanc de chine alors que le sous-sol de la région en regorge. Des aménagements qui coûtent des millions à la métropole au détriment des services à la société. Ces quartiers repoussent les couches populaires plus loin, où l’exclusion est encore renforcée par le manque d’infrastructures et de transports. L’urbanisme est parfois misanthrope. C’est à nous de relancer une réflexion sur les aménagements urbains et les moyens d’y parvenir.
On peut s’insurger contre Vinci, ses méthodes, les appels d’offre auxquels l’entreprise ou ses concurrents répondent, qui sont liés à la logique capitaliste, mais peu sont ceux qui actuellement sont en mesure de développer les grandes infrastructures nécessaires à la société moderne où la communication et le transport ont acquis une telle importance. C’est bien de savoir enlever des pavés, mais c’est tout aussi important de savoir les remettre. Les structures qui régissent ces grandes sociétés sont incompatibles avec un fonctionnement libertaire. Tout est donc à repenser. Et en l’absence de syndicats capables d’amener à autre chose (eh oui, ils devraient servir à ça, tendre à organiser les activités de production sur d’autres bases), ou d’autres solutions, on reste dépendant par défaut.
Dans les titres des journaux de la semaine qui a suivi, c’est la curée sur la manifestation de Nantes: une violence inacceptable, le « black bloc » des casseurs professionnels, des dégâts à un million d’euros, les institutions républicaines bafouées, des élus en port à faux avec le gouvernement,…
La manifestation est un spectacle. En soi, que des dizaines de milliers de personnes marchent ensemble dans la rue, tout le monde s’en fout. La préfecture prête même des agents de police pour stopper la circulation des voitures. Elle n’est réellement prise en compte que dès lors qu’elle brave un « interdit » policier ou moral. Combien y a-t-il eu de manifestations syndicales rassemblant plus de monde et dont personne ne s’est soucié? Tandis que là, l’affrontement final est une mise en scène du mécontentement global. Cette manifestation s’est donnée les moyens d’apparaître comme mouvement de contestation.
On peut me rétorquer que seul un petit nombre y a pris part. Mais s’il n’avait pas été soutenu par ceux qui en sont restés spectateurs, cet événement n’aurait pas pris une telle ampleur. Si ç’avait été une bande d’énervés en marge de la manifestation, des éléments extérieurs venus perturber une manifestation républicaine, festive et familiale, il y aurait eu une fracture au sein du rassemblement, il n’y aurait pas eu d’enfant dans les nuages de gaz et les manifestants blessés par la police seraient tous convoqués pour leur procès.
Le ministère de l’intérieur parle de Black bloc. Ce n’est pas justifié. Le black bloc est à l’origine une technique de manifestation utilisée par les mouvements « radicaux » en Allemagne pour se protéger, notamment lors d’évacuations de squats ou lorsqu’ils ont décidé de passer outre une interdiction de manifester. Là-bas, la police est en contact direct avec les manifestants et se montre plus violente. Aussi, ils s’habillent tous de la même manière et se masquent pour ne pas être reconnus et pris pour cible, en noir parce que c’est la couleur de vêtement la plus rependue (Black), et défilent en rangs, accrochés les uns aux autres, entourés de banderoles (Bloc). Cette approche s’est « internationalisée » lors de grands rassemblements comme les contre-sommets au G8 ou à l’OTAN. Mais dans les manifestations en France ne persiste du black bloc que l’idée de se masquer et de s’habiller sans marque distincte pour être plus difficilement identifiables. Cette technique est utilisée par de très nombreux groupes (dont nous-même à l’occasion) pour différentes raison, la plus rependue et la moins assumée étant le folklore.
La police en France est à la pointe de ce qui se fait en maintient de l’ordre. Tant en stratégie qu’en équipement. Ce qui s’est passé à Nantes n’a pas dû leur faire peur en ce qui concerne la violence. Il y étaient d’ailleurs bien préparés. L’interdiction du parcours initial, le dispositif mis en place, les déclarations antérieures à la manifestation, tout indique que les autorités avaient prévu ce qui allait se passer, et que d’une certaine manière ils étaient d’accord. L’État y trouve son compte: en effet, soit il ne se passe rien, c’est qu’on peut faire ce qu’on veut et hop on tourne la page de la contestation discrètement, soit il y a bien un affrontement et alors on peut se permettre de fermer les yeux sur l’opposition générale au projet d’aéroport sous prétexte de maintien de l’ordre public. C’est tout bénef!
Il y a bien eu quelque blessés côté manifestants, parce que bon, là y avait pas le même équipement, et qu’il serait malhonnête de dire qu’un tel échange avec la police ne présente pas de danger. Si notre violence en reste souvent au symbolique il ne faut pas oublier que la police a elle les moyens d’une violence réelle et que rien ne s’acquiert pacifiquement contre l’État et les intérêts économiques qui nous dépassent.
C’est pourtant ce qui est reproché. De passer outre les institutions et les biais légaux. Mais ces pistes ont été suivies. Inutilement. Bien que la majorité de la population s’oppose au projet, légalement il reste valable. Il faudrait, pour s’opposer à un projet du gouvernement, utiliser les instances républicaines composées de membres qui sont là parce qu’ils acceptent le système qui a mis et garde les gouvernants au gouvernement. Et que si on est pas d’accord, bah on a qu’à entrer nous-même au gouvernement et que pour ça y a qu’à suivre les règles du gouvernement,…on tourne en rond. Ah bon?
Un des principes à respecter, par exemple, pour gagner une élection, et c’est pour ça qu’on y va pas, c’est celui de la girouette: tourner la tête là où le vent souffle. Et comme en ce moment il souffle plus trop pour le PS qu’est à la tête du gouvernement, les élus front de gauche et les verts commencent à regarder chez les opposants. C’est surtout opportuniste. Quand l’État est fort, ça ne les dérange pas les aéroports.
Quant aux dégâts, un million pour les travaux publics, ce n’est pas excessif par rapport à l’existant. La question à savoir, c’est la part qui est réservée à la reconstruction, celle réservée à l’État, et celle à Vinci et autres constructeurs. Parce qu’avec de telle sommes, il n’est pas rare qu’une partie se perde en chemin.
Bref, la révolution reste à faire.
Agnès, du groupe Regard Noir
Communiqué de presse - Notre-Dame-des-Landes, le 16 octobre 2015
Nous avons été informés dans la journée de rumeurs de préparation d'une opération commando sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, par des groupements de types milices privées issues des milieux du transport routier et/ou du BTP pro aéroport.
À Sivens, de telles actions violentes avaient été portées par des milices de la FNSEA et la préfecture du Tarn s'était fait remarquer par son laisser-faire irresponsable.
Envisager, à des fins de politique régionale, que le même scénario puisse se reproduire ici, porté par d'autres organisations pro aéroport, relève de l'inconscience vu les enjeux et les mobilisations en place.
Toute tentative de passage en force directe ou indirecte rencontrera notre détermination, ici et sur l'ensemble du territoire national.
En pleine période de réflexion sur le climat, au lieu de traiter le vrai débat : « Faut-il gaspiller l'argent public et détruire une zone humide pour déplacer un aéroport très performant ? », certains candidats aux élections régionales et les pouvoirs en place - gouvernement et préfecture - préfèrent semer la peur et parler de zone de non droit à éradiquer.
Toutes ces manœuvres ont pour objectif d'éluder le débat sur le fond du dossier pour entraîner l'opinion publique sur des questions de droit commun et de faits divers, bien marginales en regard de l'importance des enjeux.
Tous nos travaux, toutes nos études démontrent à l'évidence l'incohérence de ce projet, nous demandons donc toujours l'annulation de la DUP et la prise en compte des vraies données techniques du projet de Notre-Dame-des-Landes et du réaménagement de Nantes Atlantique.
Copain44 - ACIPA - ADECA
Luka a écrit:Toujours est il qils occupent un terrain qui n'est pas à eux ,donc ils enfreignent la loi ...
Le truc en défaveur des zadistes c'est qu'ils sont infiltrés voir complices des éternels abrutis qui exaspèrent la population locale par leurs comportements irresponsables.
Retourner vers Luttes actuelles et manifestations
Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 15 invités