Bonjour tout le monde,
Bien que cela fasse un bon moment que je ne participe pas au forum, je vais essayer de me glisser dans ce débat.
En préambule, tout à fait anecdotiquement, je vois que Frigouret fait référence à la Commune de Paris. Lui qui est allergique à la lutte des classes, c’est marrant. Car, même sans être marxiste (pour Marx, la Commune était l’illustration même de la lutte des classes), il faut reconnaître que c’est bien un épisode (sanglant) de la lutte des classes qui s’est joué là. Les versaillais ne s’y sont pas trompés qui parlaient de « guerre sociale » (« Il semble que la guerre sociale soit toujours suspendue sur nos têtes, et que les incendiaires soient prêts à rallumer leurs torches », conclut le rapport du versaillais Martial Delpit devant la Commission d’enquête parlementaire). Quant à la conclusion de Frigouret, à la suite de propos insultants envers les jeunes, selon laquelle « Il serait évidement bien plus profitable a la jeunesse de consacrer son énergie a des choses utiles comme le jardinage, la couture ou la construction », elle me donne à rêver : à rêver d’un monde ou le vieux Frigouret ne se consacrerait qu’à des choses utiles comme la passementerie ou le polissage des silex et s’abstiendrait de bombarder de ses commentaires le forum. Mais c’est un rêve, hélas.
En dehors de ça, je trouve que le débat est plutôt intéressant. Voici mes opinions sur quelques points abordés.
1 – Le code du travail et toutes les réglementations du travail (conventions collectives, jurisprudences) : leur but est de réguler les conditions de la production. Les textes majeurs sont écrits par l’Etat (lois : députés et sénateurs, décrets : ministres – les uns et les autres n’étant pas du tout « neutres » !) les textes mineurs (conventions collectives, accords) par les « partenaires sociaux ». Ces textes formalisent une sorte « d’équilibre » (ni juste, ni équitable) entre, en très gros, les capitalistes qui veulent tirer le plus de profit possible de la production et les producteurs qui ont l’intérêt exactement contraire. Cet équilibre est toujours très instable. Si vous vous consultez un site de droit du travail vous verrez qu’il y a des mini-retouches tout le temps (qui, par accumulation, peuvent modifier très profondément les choses). De temps en temps il y a de très grosses modifications (ou des projets, comme c’est le cas actuellement).
Les modifications répondent, indirectement au moins, aux rapports de force (en très gros, les patrons peuvent lâcher un peu de lest s’ils sentent qu’ils auraient finalement plus d’intérêt à le faire qu’à se crisper).
Le code du travail n’a donc pas à être sacralisé. Il est un simple « marqueur » de la situation sociale à un moment donné dans un type de société donnée (organisée autour d’un Etat). Mais, pour autant, il n’est pas à négliger en pratique : ses modifications peuvent entrainer d’importantes conséquences sur la vie de tous les jours pour des millions de gens.
2 – Nous sommes depuis très longtemps dans ce jeu d’équilibre (défavorable aux salariés depuis des dizaines d’années) et on peut y rester pendant très longtemps encore. Pour l’instant, le mouvement social auquel nous assistons me semble s’inscrire dans ce jeu. Mais, il y a peut-être (il est difficile de l’affirmer), l’émergence chez certains manifestants d’un élément nouveau (par rapport à d’autres mouvements sociaux de travailleurs) ; une sorte de sentiment sourd que le problème ce n’est pas le code du travail (il y a eu tellement et tellement de lois, d’élections, de tractations…), mais quelque chose de plus profond (l’exploitation, l’oppression, même si le mot peine à apparaître). C’est à partir de l’expression de ce sentiment, si elle s’affirme, que la rupture (mentale au moins) avec le système peut avoir lieu chez un certain nombre de personnes et que des perspectives peuvent voir le jour.
3 – Si perspectives il ya a, ou si de nouveaux militants (ce que l’on ne peut que souhaiter) apparaissent, la question de fond sera celle de la construction de la continuité. En effet, les luttes sociales, si elles ne sont que des feux de paille, ne produisent pas beaucoup d’effets positifs ! En constatant nos très faibles capacités de participation au mouvement actuel, nous ne faisons que payer l’absence d’un véritable mouvement libertaire en France. C’est ce mouvement qu’il faudrait construire, avec deux forts ancrages : un ancrage social et un ancrage théorico-critique. « Pas de révolution sans révolutionnaires » !
Bon courage !