de Boehme le Dim 16 Nov 2014 12:27
Révolution, j'écris ton pseudo.
Le monde tel qu'il va est injustifiable, et ceci pour une raison simple : la révolution est partout, et elle a finit par n'être nulle part. Une certaine forme d'organisation des rapports de force nous a déclaré la guerre depuis quelques années. Une guerre larvée qui ne se révèlera jamais en tant que guerre, car la déclarer reviendrait à lui donner une pleine visibilité. Mais l'adversaire est devenu invisible, car lui aussi a finit par être partout. Oui, il s'agit bien de toi, Révolution. Et pourtant, il est toujours préférable de croire que son ennemi est extérieur à soi. Si le war against terrorism de Bush nous a appris quelque chose en terme de tactique politique, c'est que les systèmes de valeurs les plus décadents ne peuvent que nommer leur grand Autre. Le peu de gens qui ont compris cela n'en tirent pas le seul constat qui porte à conséquence; à savoir que cette désignation nécessite toujours d'empêcher des prises politique de parole au nom de drapeaux et des ersatz d'ennemis à détruire. L'état d'urgence, de nos jours, c'est quand des trognes bien connues vous serinent à longueur de journée que l'ennemi nous menace; et plus ils vous le diront, plus l'ennemi sera menaçant comme simple simulacre. Quelques éditos plus loins, quelques manifestations plus loin, une fois l'espace public saturée de leur solidarité du mois, l'affaire sera entendue et la fête terminée, jusqu'à une prochaine fois. Dans un monde où "nique ta mère !" ne signifiait pas encore "on s'est compris", on aurait appelé ça un état insurrectionnel. En régime de signes spectaculaires, on appelle ça la vie quotidienne.
Aucune différence, à cet égard, avec quelques fractions anarchistes qui disent combattre la "répression policière", la "violence", l' "inégalité", et d'autres de ces noix creuses qui forment une gamme de produits culturels. En haut des étagères trône ce qui est à la fois désiré par tout le monde et accessible par aucun : le "système capitaliste néo-libéral", youcouncoun de l'action politique inconséquente. Mais que serait le capitalisme sans les multiples agents et locuteurs — à commencer par toi et moi — qui leur donne corps ? Rien. Il paraîtrait que tout est devenu récupérable. C'est sans doute le cas, tant qu'on ne touche pas à la racine de tout ce bordel, c'est-à-dire toi. Toi non pas comme citoyen, comme démocrate, comme anarchiste ou comme aubergine, mais comme singularité irréductible.
Et quand on compte sur soi-même, on peut faire confiance aux autres du moment qu'ils comptent sur eux-mêmes. Pas besoin d'en passer par la guillotine, cet âge est désormais révolu en Occident. Nul besoin d'en passer par une "masse humaine" et indifférenciée, elle n'a jamais rien fait ta masse, parce qu'elle n'existe pas. Tout comme le peuple. A moins, bien sûr, que tu puisses me présenter à elle, histoire qu'on puisse se serrer la main — je ne dis pas parler en leur nom, mais simplement présenter. Tu ne le peux pas ? alors laisse-tomber toutes ces coquilles vides tout juste bonnes à être exhibées lors de grandes messes cathodiques, aies les foies de parler en ton nom propre. Lève-toi parmi l'assemblée, avec un brouillon pourquoi pas, les deux pieds bien ancrés sur le sol, et parle, crie, hurle en serrant les fesses. "Idéologie individualiste" ? Parlons plutôt de l'idéologie du consensus, qui élimine à l'avance tout combat politique mené pour son propre compte. La bienséance de nos sociétés spectaculaires-marchandes appelle ce genre de prise de parole : "critique non-constructive" — on l'appelle "antidémocratique" lorsqu'on commence à se chier dessus. Lorsqu'un véritable dissensus survient, on agite les ostensoirs et on enfile ses perles démocratiques. Pour le reste, on ménage les différences, on pondère le propos, on force un peu la polémique pour exciter le chaland. Show must go on, avec ce soir en guest star le FN. Celui qui critiquerait ceux qui font du FN leur fond de sauce serait-il d'extrême-droite ? Faux suspens, insignes indignations, faiblesse du propos. On accuse l'un d'être habité par le ressentiment alors que tout dégouline de ressentiment. A moins que ce ne soit peut-être une nouvelle idée ? Mais pour quel rayon alors ? Extrême-droite ou extrême-gauche ? Politologie ou Histoire ? A moins que ce ne soit l'Histoire, celle qui se fait et que personne ne voit, qui en décide.
« Je ne vole que ce qui m'appartient déjà. » (L'Unique)