Anarchisme, violence et justice

Anarchisme, violence et justice

Messagede romegàs le Lun 23 Sep 2013 22:15

Une question me tarabuste :
Dans une société anarchiste, ou on vivrait dans des communauté ouvertes, autarciques, sans propriété, avec des modes de décision par recherche de consensus.
Il n'y aurait pas de contrainte collective de type étatique : ni loi,ni justice, ni police.
Tout le monde vit en confiance, les enfants vivent plutôt avec leur parents mais sont aussi à la garde de la communauté, sous la responsabilité de "tout le monde"
Le jour où le voisin commet un acte de violence individuel : par exemple un viol sur un enfant.
Soit on fait comme si rien ne s'était passé...
Soit on se retrouve à prendre une décision sur son sort. Mais c'est une sorte de tribunal qui va réinstituer une justice.
Soit les autres adultes prennent spontanément une décision... Et on peut se retrouver avec un lynchage.

Comment gérer ce genre de situation ?
Pardon pour le côté un peu "1er degré" de la question, mais peut-on se passer de la violence, même sans contrainte institutionnelle ? Peut-on se passer de punir, peut-on se passer de répondre violemment à la violence ? L'alternative au monopole de la violence de l'Etat, est-ce une autre forme de violence ?
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Re: Anarchisme, violence et justice

Messagede romegàs le Sam 28 Sep 2013 22:11

Bon, je continue.

Dans une société anarchiste, pas de privation de liberté, pas d'incarcération.
Pas non plus de justice, puisque pas d'Etat. Pas de code pénal, pas de peines.

On peut logiquement penser que la fin des rapports de domination économique fera complètement disparaître certaines violences : le vol, le proxénétisme.
On peut aussi espérer qu'avec la fin de l'oppression d'un sexe sur l'autre il n'y ait plus de viols. Plus du tout, on peut quand même en douter.
Pour ce qui est de la pédophilie, j'attends l'argumentation selon laquelle c'est un comportement purement capitaliste.
Donc : dans une société anarchiste, il n'y aura plus de justice, mais il y aura sans doute encore un peu de violence.

Pour revenir à la question de la mise à mort des criminels :
Les abolitionnistes nous jouent le violon de l'Etat devenu "moral", l'Etat qui ne tue plus. En fait, plus il devient fort, plus il peut se cacher : des exécutions publiques, on passe aux exécutions à huis clos, puis aux peines incompressibles, en attendant la généralisation de l'HP à vie.
Le "droit à la vie" mis en avant par les abolitionnistes pue la bonne conscience hypocrite chrétienne "humaniste".

Donc on revient à la question : dans une société anarchiste, qu'est-ce qu'on fait des meurtriers, qu'est-ce qu'on fait du meurtre ?
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Re: Anarchisme, violence et justice

Messagede vroum le Sam 28 Sep 2013 22:22

Bonjour Romegas

le sujet a déjà été traité ici, dans le topic "déviance en société libertaire" :

http://forum.anarchiste.free.fr/viewtopic.php?f=6&t=3536#p55254

et ici dans la partie "gestion des conflits" :

http://forum.anarchiste.free.fr/viewtopic.php?f=6&t=6958&st=0&sk=t&sd=a#p152816
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Re: Anarchisme, violence et justice

Messagede frigouret le Dim 29 Sep 2013 07:27

Une société sans État ( sans État nation précisément) peut tout à fait produire du droit , donc de la justice.
Il me semble même que le fondement du fédéralisme libertaire s'appuie sur un point de droit, le droit des contrats.
Pourquoi voudriez vous que la société libre reste démunie et incapable de réagir en cas d'agression ?
8-)
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Re: Anarchisme, violence et justice

Messagede romegàs le Dim 29 Sep 2013 18:34

Merci à Vroum pour les liens. Quelques remarques:

On peut toujours espérer que, dans une société anarchiste, il n’y aura plus de violence. Si l’homme est entièrement déterminé socialement, il suffit que la société soit parfaite pour que l’homme le soit. C’est d’une telle naïveté que c’est franchement assez facile à démonter. En plus, même si ça fonctionnait, on fait comme si la société pouvait passer du rien au tout sans transition. Or il est probable que les évolutions soient plus ou moins rapides selon les endroits, et que des zones autogérées coexistent à côté d’autres ou règnent encore les vieilles règles de domination, avec des points de contact, de pénétration de la violence. Comment on gère ça ? Et puis, la révolution n’est pas sans danger : on « enlève le couvercle » et donc les premiers pas d’une société anarchiste pourraient se traduire par une augmentation des violences dans un premier temps. On fait le pari ?

Quand aux arguments selon lesquels les crimes et assassinats c’est rien ou presque dans notre société actuelle, bravo pour le déni. Il y a des anars qui se fient aux statistiques de la justice ? Et les viols, les violences intrafamiliales, les abus sur les enfants, toutes les affaires non traitées ? On a tort de penser que le système répressif se manifeste uniquement par de la répression active. Il se traduit aussi par un déni massif à propos de toutes les violences qui ne le mettent pas en danger et qu’il refuse de traiter, parce qu’il s’en fout voire même parce que ces violences participent à sa domination : cognez sur votre femme, violez vos enfants, si ça vous évite d’oublier de pointer au chômage et de jouer au loto. Que certains anars participent à ce déni est pour le moins « troublant » (comme on dit en langue de bois). La violence entre individus, de « droit commun », est un problème.

Ce qui est intéressant, c’est l’idée selon laquelle une société anarchiste a quand même besoin d’un droit, avec une échelle de crimes et de réponses à ces crimes, et aussi des procédures de traitement pré-définies (mode de décision, défense, appel…). C’est cohérent et même assez rassurant, par contre on se rapproche des mécanismes d’un appareil répressif. Il faut en tenir compte, quelles que soient les intentions.

Dans des sociétés sans Etat, comme il en existe ou il en a existé plein (même en France dans les sociétés paysannes d’avant la révolution industrielle), il me semble que les affaires se traitent d’abord entre les protagonistes et leur proches, par l'enchaînement acte-rétorsion, y compris en dégénérant en vendetta. La société se tient à distance et intervient dans un second temps, au moment où les protagonistes tendent à s’épuiser, pour proposer une médiation et mettre en place des compensations. Bien sûr, c’est bancal et souvent injuste (les échelles de compensation trahissent les échelles sociales) et ça exclu toutes les victimes qui n’ont pas de statut (aucun moyen de se défendre pour un clochard, un orphelin) ou les crimes qui ne heurtent pas l’ordre social (les enfants abusés dans leur famille) mais c’est quand même intéressant pour les processus de médiation et l’idée de compensation, qui prime sur la notion de jugement.
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Re: Anarchisme, violence et justice

Messagede willio le Sam 5 Oct 2013 16:39

romegàs a écrit:Quand aux arguments selon lesquels les crimes et assassinats c’est rien ou presque dans notre société actuelle, bravo pour le déni. Il y a des anars qui se fient aux statistiques de la justice ? Et les viols, les violences intrafamiliales, les abus sur les enfants, toutes les affaires non traitées ? On a tort de penser que le système répressif se manifeste uniquement par de la répression active. Il se traduit aussi par un déni massif à propos de toutes les violences qui ne le mettent pas en danger et qu’il refuse de traiter, parce qu’il s’en fout voire même parce que ces violences participent à sa domination : cognez sur votre femme, violez vos enfants, si ça vous évite d’oublier de pointer au chômage et de jouer au loto. Que certains anars participent à ce déni est pour le moins « troublant » (comme on dit en langue de bois). La violence entre individus, de « droit commun », est un problème.


Tu décris toi-même le fait qu'un système répressif étatique ne s'intéresse pas à tous les problèmes. Et pour les autres, il ne les traite pas véritablement (punition, prison...).

On se prémunit davantage d'un acte violent en comprenant et acceptant son origine, en offrant de l'empathie à son auteur et en en faisant l'affaire de tous, plutôt qu'en le criminalisant et laissant sa gestion à une police/justice.

Ce n'est pas le décret d'une société anar qui rendra les individus respectueux de la vie, c'est la prise en main de cette problématique par de plus en plus d'individus qui fera qu'on pourra dire un jour que la société humaine est anarchiste...et encore... l'idée d'une "société anar" me paraît être un non-sens. Il y aura des relations sociales anarchiques, voilà tout.
Vous avez cru jusqu’à ce jour qu’il y avait des tyrans ? Et bien ! vous vous êtes trompés, il n’y a que des esclaves : là où nul n’obéit, personne ne commande.
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