de romegàs le Dim 29 Sep 2013 18:34
Merci à Vroum pour les liens. Quelques remarques:
On peut toujours espérer que, dans une société anarchiste, il n’y aura plus de violence. Si l’homme est entièrement déterminé socialement, il suffit que la société soit parfaite pour que l’homme le soit. C’est d’une telle naïveté que c’est franchement assez facile à démonter. En plus, même si ça fonctionnait, on fait comme si la société pouvait passer du rien au tout sans transition. Or il est probable que les évolutions soient plus ou moins rapides selon les endroits, et que des zones autogérées coexistent à côté d’autres ou règnent encore les vieilles règles de domination, avec des points de contact, de pénétration de la violence. Comment on gère ça ? Et puis, la révolution n’est pas sans danger : on « enlève le couvercle » et donc les premiers pas d’une société anarchiste pourraient se traduire par une augmentation des violences dans un premier temps. On fait le pari ?
Quand aux arguments selon lesquels les crimes et assassinats c’est rien ou presque dans notre société actuelle, bravo pour le déni. Il y a des anars qui se fient aux statistiques de la justice ? Et les viols, les violences intrafamiliales, les abus sur les enfants, toutes les affaires non traitées ? On a tort de penser que le système répressif se manifeste uniquement par de la répression active. Il se traduit aussi par un déni massif à propos de toutes les violences qui ne le mettent pas en danger et qu’il refuse de traiter, parce qu’il s’en fout voire même parce que ces violences participent à sa domination : cognez sur votre femme, violez vos enfants, si ça vous évite d’oublier de pointer au chômage et de jouer au loto. Que certains anars participent à ce déni est pour le moins « troublant » (comme on dit en langue de bois). La violence entre individus, de « droit commun », est un problème.
Ce qui est intéressant, c’est l’idée selon laquelle une société anarchiste a quand même besoin d’un droit, avec une échelle de crimes et de réponses à ces crimes, et aussi des procédures de traitement pré-définies (mode de décision, défense, appel…). C’est cohérent et même assez rassurant, par contre on se rapproche des mécanismes d’un appareil répressif. Il faut en tenir compte, quelles que soient les intentions.
Dans des sociétés sans Etat, comme il en existe ou il en a existé plein (même en France dans les sociétés paysannes d’avant la révolution industrielle), il me semble que les affaires se traitent d’abord entre les protagonistes et leur proches, par l'enchaînement acte-rétorsion, y compris en dégénérant en vendetta. La société se tient à distance et intervient dans un second temps, au moment où les protagonistes tendent à s’épuiser, pour proposer une médiation et mettre en place des compensations. Bien sûr, c’est bancal et souvent injuste (les échelles de compensation trahissent les échelles sociales) et ça exclu toutes les victimes qui n’ont pas de statut (aucun moyen de se défendre pour un clochard, un orphelin) ou les crimes qui ne heurtent pas l’ordre social (les enfants abusés dans leur famille) mais c’est quand même intéressant pour les processus de médiation et l’idée de compensation, qui prime sur la notion de jugement.