Loi sur la pénalisation des clients : billet d’humeur
La militante pour les droits des transexuel.le.s, et libertaire, Hélène Hazèra réagit à l’adoption, en avril, de la loi pénalisant les clients de personnes prostituées. Le Monde libertaire lui donne la parole.
Patrick Schindler : quels sont à ton avis, les dangers de la nouvelle loi sur la prostitution qui vient d’être votée ?
Hélène Hazèra : la loi sur la prostitution est une loi qui inquiète les associations de prévention. En effet, instaurée par la loi adoptée en avril, la pénalisation des clients de personnes prostituées, risque de renforcer la vulnérabilité face au VIH/sida.
PS : Peut-on dire que cette loi vient renforcer l’arsenal de répression sociale mis en place tout azimut par le gouvernement ?
H : Absolument. Il s’agit d’un lourd coup qui vient d’être porté, avec la première floraison
printanière, aux trans travailleuses du sexe (et aux gigolos) en France : le vote définitif par le Parlement de la loi pénalisant les clients. D’abord déposée au début du quinquennat, elle s’inscrit dans un arsenal d’arrêts autoritaires du gouvernement Hollande : contre les roms, contre les putes, contre les réfugiés et dernièrement, contre les salariés…
PS : Comment qualifierais-tu cette loi liberticide ?
H : De « grande misère absolue » ! D’ailleurs, Giovanna Rincon, fondatrice d’Acceptess-T, une association majoritairement constituée de trans migrantes, précise que « depuis des mois, les revenus des filles diminuent. Pour les plus précaires, c’est la misère absolue ». Du coup, tous les scénarios qu’avaient avancé les associations de lutte contre le sida se réalisent : « Les clients sont paniqués, tout se fait trop vite, il n’y a plus le temps pour négocier le préservatif. Je conseille à nos usagères séronégatives de se mettre à la PrEP [note], tout en étant vigilantes en surveillant les autres IST [note] ».
PS : Pourtant, cette loi a été présentée par le gouvernement comme une loi féministe !
H : Oui, mais, sous prétexte de féminisme, elle met les femmes en danger. Le mépris du président de la République de l’avis du Conseil national du sida et de celui des associations de lutte contre le sida est sidérant. L’épidémie se nourrit d’ignorance ; et l’ignorance, le tabou. Le tabou est ici que les femmes trans ont des hommes mariés pour clients. Si ceux-ci se contaminent, ils contamineront leurs femmes. Sous prétexte de féminisme, on met donc les femmes en danger…
PS : Peut-on qualifier cette nouvelle loi de « chasse à la prostituée » ?
H : Tout-à-fait. Et la chasse à la prostituée est en général un sport d’intégristes religieux. Et ce qui me fait le plus de mal, en tant que libertaire, c’est que dans cette croisade, on a même retrouvé des anarcha-féministes - sous le prétexte de s’attaquer aux « échanges économico-sexuels » et aux manifestations du « système prostitutionnel » - devenir de fait les alliées du lobbying catholique intégriste du Mouvement du nid. A contrario, certaines féministes, dont Simone de Beauvoir, ont dénoncé les autres formes de prostitution et d’aliénation (dans le mariage, dans les relations homme/femmes…). Cette dernière avait d’ailleurs reçu, en 1975, une délégation de la grande grève des putes de 1975 et aidé Margo St. James à monter le Coyote (Call Off Your Old Tired Ethics) [note] , premier syndicat de prostituées dans le monde.
Aujourd’hui, il est à espérer que le collectif 8 mars pour touTEs [note] tournera à son tour, définitivement, la page d’un féminisme policier ! »…
Propos recueillis par Patrick Schindler, groupe Botul de la Fédération anarchiste
PAR : Patrick Schindler
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