PÉNALISATION ou DÉPÉNALISATION ?
Alors que l’agitation contre le mariage gay va fondre comme neige au soleil dans les semaines qui viennent, deux autres questions sociétales commencent à refaire surface : celle du cannabis et celle de la prostitution. Quoi de commun ? Tant de choses ! Prohibitionnisme, morale, répression, focalisation médiatique… tout cela est fort semblable. un point rapide de la situation
En principe, la prostitution est actuellement légale en France alors que pour le cannabis, tout (consommation, transport, culture, possession…) est interdit et passible de lourdes peines [1]. La réalité n’est pas si simple, car dans la « vraie vie », la notion de légalité est à géométrie très variable. Depuis la loi abolitionniste de Sarkozy [2], le racolage, même passif, est interdit, ce qui permet de harceler les prostituées[ Voir l’encadré p 18]] alors qu’en ce qui concerne la consommation du cannabis, une certaine tolérance a fini par s’imposer. L’échec de la politique prohibitionniste conduite depuis 1971 est en effet énorme et les consommateurs de cannabis sont devenus tellement nombreux qu’à moins de transformer le pays en prison, il est impossible d’appliquer la loi.
Les débats qui s’enclenchent tourneront autour d’évolutions (ou de régressions) législatives. Décryptage.
Dans toute société, les idées, les attitudes et les comportements évoluent, plus ou moins vite, parfois sans cohérence. Cette évolution est le résultat des batailles idéologiques qui traversent tout groupe humain.
En France, il y a à peine quelques dizaines d’années, une personne pouvait être expédiée directement en psychiatrie ou en prison pour simple fait d’homosexualité [3]. Aujourd’hui, il reste de sinistres individus qui affichent ouvertement leur homophobie, mais ils sont devenus une minorité. L’homophobie n’a pas disparu pour autant. Elle a certes régressé mais surtout l’évolution sociétale oblige les homophobes actuels à camoufler leur attitude. Les plus malins d’entre eux en sont venus à dire qu’ils n’avaient rien contre les gays (et même qu’ils les trouvaient sympathiques...) mais qu’ils manifestaient contre l’adoption par les gays ou contre la procréation médicalement assistée… Bien naïf qui s’y laisserait prendre. La vérité, c’est que les manifestants contre le mariage gay sont avant tout des homophobes.
Il en va de même pour les prostituphobes. Du fait de l’évolution sociétale, ils sont maintenant dans l’impossibilité d’attaquer de front les prostituées, ce dont ils ne se privaient pas quelques dizaines d’années plus tôt. Ils camouflent donc leur prostituphobie en affirmant qu’ils n’ont rien contre les prostituées. Mais ils réclament la pénalisation des usagers. Bel exemple de perversité intellectuelle et politique.
Les anticannabis de leur côté biaisent le débat de façon assez voisine. Eux que l’on recrute parmi les plus gros consommateurs d’alcool, se présentent comme de vertueux citoyens livrant une guerre sans merci à « la drogue »…
Des considérations sanitaires sont mises en avant contre le cannabis, mais la motivation de tous les anti (anti-cannabis, anti-prostituées, anti-gays) repose sur une seule base : la vieille morale judéo-chrétienne, patriarcale, oppressive. Si certains prennent la peine de voiler leurs pensées par un discours sur la « dignité de la femme » ou la « protection de l’enfance et de la jeunesse », d’autres sont plus directs : « Tout ça, c’est sale » disait récemment un de ces sinistres individus sur une radio. A ce niveau, on ne peut même plus parler de réflexion, c’est du réflexe conditionné, un réflexe parfois entretenu par des secteurs d’opinion qui auraient dû s’en débarrasser depuis belle lurette [4].
POURQUOI TANT DE HAINE ?
Pourquoi tant de haine contre le cannabis, les prostituées, les gays ? Cette question mériterait de longs développements. Soulignons simplement que les pires « anti » sont en général des individus qui, lourdement travaillés par ces problématiques, refusent d’admet-tre leurs tendances à cause de leur fameuse morale. Refusant de s’accepter tels qu’ils sont, ils en viennent à transformer en haine l’objet de leur désir, à maudire ceux qui assument, transformant ainsi des pulsions tout à fait normales en violence et en perversion. C’est pourquoi il n’y a pire homophobe qu’un homosexuel refoulé. Il n’y a pire prostituphobe qu’un pervers. Il n’y a pire anticannabis qu’un alcoolique franchouillard. Et, sur le plan législatif, la haine se traduit par un seul mot : interdiction.
DES CONSÉQUENCES GRAVISSIMES
L’interdiction, la pénalisation, ont toujours et partout les mêmes conséquences. On le sait depuis au moins la prohibition de l’alcool aux USA.
Interdire, pénaliser, réprimer ne fait qu’amplifier le phénomène. La France, dont la législation contre le cannabis est la plus dure d’Europe, est en tête des pays consommateurs. La Suède qui a adopté une loi pénalisant les clients des prostituées a vu exploser le tourisme sexuel de ses ressortissants (vers d’autres pays, vers des bateaux dans les eaux internationales). C’est devenu une sorte de sport national dont les autorités pudibondes de ce pays très clérical [5] se gardent bien de mesurer l’effet d’entraînement.
Pire : la prohibition est la meilleure alliée de toutes les mafias. C’est une évidence. Elle augmente la rentabilité (les tarifs sont plus élevés), elle impose une organisation sophistiquée. Quoi de mieux pour les maquereaux que la pénalisation du client ? Il faudra qu’ils payent plus cher, il faudra qu’ils aillent sur des bateaux, ou dans des hôtels à l’étranger (ou, si c’est interdit partout, dans des hôtels ultra-clandestins), et qui va posséder ces infrastructures, sinon les pires mafias ? L’interdiction, la pénalisation du client ne conduisent qu’à une chose : le renforcement du pouvoir des maquereaux. Quoi de mieux que l’interdiction du cannabis pour les dealers ? D’où pensez-vous que sorte l’essentiel de l’argent de la corruption ?
Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, l’interdiction permet à l’État de prendre un pouvoir grandissant sur les individus, de les harceler, de les opprimer. L’interdiction du cannabis fait peser sur la tête de tout jeune l’humiliation d’un contrôle n’importe où, n’importe quand. Elle permet à la police de le fouiller y compris en pleine rue. C’est un harcèlement insupportable mais légal. La pénalisation du client aura le même type de conséquences. Si elle était adoptée, la police aura un motif pour faire intrusion dans l’intimité de chacun sous prétexte de contrôler avec qui vous couchez. Pour les prostituées, les conséquences seront tragiques : tout homme en relation avec elles (dans une voiture, dans leur maison, dans un cabinet médical, un magasin, voire dans la rue…) pourra être suspecté d’être un client. De ce fait, elles ne pourront qu’être rejetées dans un isolement de plus en plus grand. C’est déjà largement le cas comme le montre le témoignage que )vous pouvez lire dans l’encadré (p 18) et que je résume ici : une femme fichée comme prostituée par la police est en voiture avec un homme. Les policiers arrêtent la voiture, l’accusent d’être un client. En fait, c’est un voisin qui accompagne cette prostituée étrangère pour une démarche administrative. Au lieu de pouvoir déposer son dossier avec son voisin, elle est conduite au commissariat pour une garde à vue. Si la loi de pénalisation du client était passée, le voisin serviable se serait retrouvé en prison. La vie des prostituées n’est déjà pas rose. Les prohibitionnistes vont la transformer en enfer.
NOTRE PLACE DANS LE DÉBAT
Il est clair que, dans tout débat sociétal, notre place ne peut être que du côté de la liberté. Entendons-nous bien : pour nous, ces questions de société ne sont pas les seules. Nous savons qu’elles peuvent servir à faire diversion. Par ailleurs, dans ce journal - et c’est suffisamment rare en milieu libertaire pour être souligné-, nous avons fait une critique sévère de la drogue (en l’occurrence, l’alcool, mais la critique a une portée générale) et de ses effets contre-productifs en milieu militant [6]. Toujours dans ce journal, nous nous battons, numéro après numéro, contre toute forme d’exploitation. Ce sont justement ces prises de position, ces combats permanents qui nous donnent la force et la légitimité pour écrire ce que nous écrivons : les atteintes portées à la liberté des consommateurs de cannabis, les attaques contre les prostituées (et, encore plus, quand elles ont la perversité d’interdire en pratique ce qu’elles autorisent en principe) sont totalement inacceptables.
1 2
[1] La simple consommation de cannabis (sans seuil : même une simple bouffée) est actuellement passible d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende !
[2] Le racolage, même passif, est puni de 3 750 euros d’amende et de deux mois de prison.
[3] L’OMS n’a « déclassifié » l’homosexualité en la retirant de la liste des maladies mentales pour tous les pays qu’en 1992.
[4] Ainsi, le groupe « Alternative libertaire » est-il à la tête de la croisade prostituphobe. D’ici à ce que Frigide Barjot fasse un front commun avec eux, il n’y a pas loin, vu le niveau de réflexion...
[5] La séparation de l’Église et de l’État n’a commencé en Suède qu’aux débuts des années 2 000 !
[6] « Boire ou militer, il faut choisir ».
frigouret a écrit: il faudrait donc réprimer leur comportement , si je te suis.
frigouret a écrit:Puisque tu évoques le bisness , je pense que c'est sous la prohibition qu'il prospère le mieux.
Personnellement je suis abolitioniste de la prostitution, mais pas "l'abolition" vue par l'Etat qui est répression des prostituées.
Pour la grande majorité des Français et des Françaises, qui pensent comme moi que la meilleure façon de diminuer les défauts dont le commerce du sexe souffre en France n'est pas la répression (sauf celle, évidemment, de toute forme de coercition), trois évènements importants ont eu lieu au cours de ces derniers mois, confirmant que le bon sens gagne progressivement du terrain :
23 mars - Le fer-de-lance des abolitionnistes le reconnaît enfin : La plus grande partie des prostituées ne sont pas des victimes.
Le 23 mars, un débat s'est tenu sur Radio France International (RFI) entre le secrétaire général du Mouvement du Nid et la secrétaire générale du Strass, le Syndicat des Travailleurs sexuels : alors que la pugnace Morgane Merteuil lui reprochait d'assimiler toutes les personnes qui se prostituent à des victimes, le plus ardent chantre de l'abolition de la prostitution, Grégoire Théry a répondu :
"Absolument pas. Nous ne disons pas que toutes les personnes sont contraintes à la prostitution ou qu'elles sont toutes victimes. D'ailleurs sur les 5000 personnes que nous rencontrons il n'y (en) a que 1500 qui nous demandent du soutien concret, et ce soutien concret, ce n'est pas forcément une aide pour quitter la prostitution. Donc ça veut bien dire que toutes les prostituées ne sont pas contraintes et forcées à la prostitution."
En quoi cette déclaration est-elle si importante ? Eh bien parce que le Mouvement du Nid, association initiée par un prêtre vers 1936, est dans notre pays le fer-de-lance du combat pour la disparition de toute forme de prostitution, et ce depuis fort longtemps : dès 1946, ce mouvement a eu une influence décisive dans la fermeture des maisons closes, qui avaient de grands défauts, c'est vrai, mais que l'on aurait mieux fait de chercher à corriger plutôt que de jeter à la rue les femmes qui y travaillaient, en prétendant leur rendre leur dignité. Et le porte-parole actuel du Mouvement du Nid, Grégoire Théry, un jeune homme dynamique doté d'une conviction à faire pâlir d'envie un témoin de Jéhovah, a tout fait depuis dix ans pour convaincre plus d'un(e) élu(e) que la prostitution était un fléau, que 90 % et plus des femmes qui s'y consacrent sont victimes de contrainte ou de traite. Et voilà qu'il conteste son propre dogme et reconnait que moins de trente pour cent des prostitué·e·s que son association rencontre sont des victimes de la traite !
Cette déclaration conforte bien les différences sources que j'ai eu l'occasion de citer dans mes tribunes sur Le HuffPost, en particulier le rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) qui affirme que les chiffres souvent proclamés sont très incertains, au mieux de grossières approximations, ne concernent qu'une petite partie de la prostitution (la rue) et ne peuvent être extrapolés aux autres formes que prend cette activité, escorts, salons, Internet, étudiants : la prostitution prend des visages si variés, dans la contrainte comme dans la liberté, qu'une "réponse unique" telle que le projet d'interdire l'achat de tout acte sexuel serait totalement injustifiée.
23 avril - La Ligue des Droits de l'Homme éclaire la Délégation aux Droits des Femmes
La deuxième bonne nouvelle c'est que justement que le même avis a été donné à la Délégation aux Droits des Femmes par la Ligue des Droits de l'Homme : Dans le cadre des auditions devant la commission sur la prostitution présidée par la députée PS Maud Olivier, on peut lire sur le site Internet de la présidente de la délégation, Catherine Coutelle, que le président de la Ligue des Droits de l'Homme, Pierre Tartarowsky a déclaré : Nous ne sommes pas plus partisans de légaliser que d'interdire : nous sommes partisans d'un processus d'éducation globale (...) Nous sommes profondément ancrés sur l'idée que le corps n'est pas une marchandise ; mais nous ne sommes pas non plus favorables à la pénalisation, qui serait une sorte de répression flattant l'idéal politique selon lequel la répression suffirait. » Sur les moyens d'action, le Président de la LDH a ajouté que "l'arsenal législatif est déjà extrêmement riche contre la prostitution et la traite" et qu'il préférerait voir "améliorés les moyens d'actions de l'Etat, dispersés administrativement et relevant de nombreux ministères, pour qu'ils aient une effectivité réelle".
Ce sont peut-être des déclarations comme celles ci-dessus qui conduisent progressivement la Commission, dans le projet de législation qu'elle entend voir débattre à l'Assemblée à l'automne, à viser à l'éducation plutôt qu'à la pénalisation : c'est ce que tous demandent. Je me permettrai pour ma part dans une prochaine tribune de revenir, à la lumière d'expériences réalisées dans d'autres pays et de réflexions de nombreux sociologues et chercheurs, sur ce que pourraient être - et ce que ne devraient pas être - les mesures "pédagogiques" qu'envisage le projet de loi.
21 juin - La Cour Suprême américaine au secours des prostituées
Enfin, c'est d'Amérique que nous vient la troisième bonne nouvelle : Le 23 juin, aux Etats-Unis s'est déroulé un évènement qu'attendaient depuis des années un bon nombre d'associations qui luttent contre l'épidémie de Sida.
Pour bien le comprendre, un petit rappel historique : en 2003, ayant été élu grâce aux voix des "fondamentalistes chrétiens" (prêtres, pasteurs, évangélistes télévisuels, qui ont un poids colossal aux Etats-Unis), le président Bush, pour les remercier, a institutionnalisé leurs thèses, en particulier une opposition fondamentale à la prostitution, ennemie de la famille chrétienne, et lancé une croisade mondiale contre le travail sexuel. Ayant à la même époque créé un fond colossal pour la lutte contre l'épidémie de Sida, le PEPFAR, il a exigé qu'un tiers des soixante milliards de dollars qu'il mettait en jeu soit consacré à... des programmes d'éducation des jeunes gens à l'abstinence sexuelle jusqu'au mariage, et décrété que le reste de cette fortune serait exclusivement réservé aux associations qui s'engageraient par écrit à combattre toute forme de prostitution : à l'époque, près de 200 ONG américaines ou internationales avaient, devant cette injustice, intenté un procès au gouvernement Bush, mais en vain ; le Brésil avait même refusé toute subvention américaine afin de pouvoir continuer sereinement à traiter son commerce du sexe, veillant avant tout à la protection des travailleurs et travailleuses du sexe.
C'est à la suite de cette restriction que de nombreuses associations américaines ou européennes, qui considéraient jusque là avec plus de pragmatisme le travail sexuel, sont devenues d'ardents partisans de l'abolition de la prostitution !
Et voilà que le 21 juin 2013, la Cour Suprême des Etats Unis d'Amérique a déclaré illégale cette façon d'influer sur les pratiques des associations de bienfaisance : "La Cour a jugé par 6 voix contre 2 que, dans le cadre d'un programme anti-Sida de milliards de dollars, le refus de subventionner les organisations qui ne s'opposaient pas de façon explicite à la prostitution violait leur liberté d'expression".
Dorénavant les associations n'auront plus besoin de souscrire à cet engagement et ne seront plus contraintes, si elles veulent être subventionnées par le gouvernement américain, à renoncer aux méthodes de "réduction des risques", telles que la distribution de préservatifs, le suivi médical des personnes qui se prostituent, etc., travail "de terrain" que font chez nous avec un immense dévouement des associations comme Cabiria, Grisélidis, IPPO, Médecins du Monde ou le Bus des Femmes. Leur travail n'est il pas plus juste que celui des mouvements qui, au nom d'une idéologie irréaliste, consacrent l'essentiel de leur énergie et de leur financement à entretenir des paniques morales ?
Vous trouverez plus d'informations sur ce sujet sur le blog www.LesArtsDuLit.org
En France, à la suite d'une longue campagne abolitionniste, la loi du 13 avril 1946 a ordonné la fermeture des maisons de tolérance (...) Cependant la prostitution n'en continue pas moins à s'exercer. Ce n'est évidemment pas par des mesures négatives et hypocrites qu'on peut modifier la situation. Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe 1, deuxième partie, V.
Je suis une putain de féministe
http://groupefamontreuil.blogspot.fr/2013/07/un-article-du-dernier-monde-libertaire.html
Les rumeurs de quelque incident à la Foire à l'autogestion entre le Strass ( Syndicat du travail sexuel) et ZéroMacho ont pu parvenir aux oreilles de certain-e-s. Méconnaissant ces derniers j'ai donc consulté leur site internet, je découvre alors leur communiqué, « La violence jusqu'où ? », daté du 13 juin à ce sujet. Et après cette lecture, je me dois de leur décerner le prix du n'importe quoi rhétorique :
« Alors qu'un jeune homme vient d'être tué à Paris pour ses idées, quelles conclusions tirer de ce nouvel incident violent ? »
Puisque l'on nous enjoint à tirer des conclusions, constatons d'abord que l'emphase de cette interrogative est proprement irrespectueuse.
Instrumentaliser la récente mort de notre camarade Clément pour servir une argumentation où ils seraient les victimes d'un prétendu ordre fasciste de « soutiens de la prostitution » est irrévérencieux autant qu'absurde. En matière de récupération politicarde ils ne sont pas les premiers, malheureusement. Mais revenons au fond de leur discours : à lire leur manifeste, nulle part n'est fait mention d'un lien, direct ou non, avec l'autogestion, sauf à considérer que la masturbation en fasse partie. Leurs projets politiques s'appuient sur des revendications qui s'en remettent aux « pouvoirs publics » afin de lutter contre « le système prostitueur », c'est très insuffisant comme réponse politique, mais des légalistes on en a vu d'autres. Enfin, leur discours se clôt : « Quelle Europe allons-nous construire ? », ils se reconnaissent dans une Europe, en tant qu'internationaliste cela me laisse coite, mais il y a mieux. Ce regroupement politique semble se présenter comme des hommes, très divers, unis par une fierté : ne pas être « client », certains ont d'ailleurs fait acte de repentance et ne le sont plus. Ces nobles coeurs défendent ainsi les victimes de la traite, mais surtout les malheureuses égarées dans cette mauvaise vie afin de les sauver d'elles-mêmes. Des féministes on vous dit ! Qui parlent vaillamment à la place des concerné-e-s, parce que Eux ils ont compris ce qu'il fallait faire pour une société débarrassée de la prostitution. L'Etat, l'Europe, la Loi, vont tout faire pour que les dominations cessent, en particulier celle-ci où les abus de la police, bras armé du Capital, sont si rares. Il suffit de faire des petites actions abolitionnistes, et ceux qui osent la masturbation verront un soleil glorieux s'élever à l'horizon.
Les anarchistes s'accordent communément sur la nécessité de lutter contre toutes les formes de domination et font des sans-voix leurs compagnes et compagnons de lutte. N'ayant pas la vocation d'être une avant-garde éclairée, nous sommes opposés à l'idée de représenter celles et ceux qui luttent contre l'injustice sociale. Nous ne volons pas leur parole, nous soutenons leurs voix, ne pourchassant pas celles-ci, dans un but électoraliste. Nous souhaitons voir le développement de structures auto-organisées, autogérées, permettant une solidarité de classe dans les luttes contre l'oppression. Et pour les soutenir, nous devons d'abord nous défaire de nos a priori, ne pas projeter sur l'autre nos propres conceptions sur une situation que l'on ne vit pas. Or, toutes ces personnes qui vivent du travail sexuel, sont sans cesse renvoyées à cette image d'éternelles paumées, toujours victimes, jamais que des putes. Mais ces êtres humains, même victimes de la traite, doit-on les enfermer dans des cases, les stigmatiser ? Personne se définit uniquement par son travail, personne n'a vocation à être dépossédé de tout, même de sa capacité d'assumer un choix de vie. Lorsque l'on veut faire disparaître légalement la prostitution alors que les causes de son existence ne sont pas changées, c'est parce que cela dérange. Les prostitué-e-s dérangent, on voudrait qu'elles n'existent pas et comme pour cela il faudrait que l'oppression patriarcale et salariale disparaissent, on fait comme si les lois ne faisaient pas plus de victimes. C'est ainsi qu'on laisse au ban des luttes, celles et ceux qui sont déjà criminalisé-e-s par la société. En oubliant qu'une personne stigmatisée est toujours moins écoutée, on perd de vue notre éthique. En voulant faire passer en force des lois répressives, faisant de la prostitution la proie d'une précarité et d'un isolement médical et social accrus, on sacrifie sur l'autel du Principe des générations de prostitué-e-s. Les incidences concrètes de l'action des abolitionnistes sont d'une gravité néfaste, il n'y a qu'à voir les soutiens de Médecins du monde pour s'en persuader, à contre-courant des hygiénistes, moralistes, « maternalistes » et autres gens de principes.
Au début des luttes contre l'Ordre moral, les féministes clamaient « Toutes prostituées ! » et marchaient main dans la main avec celles-ci, qu'elles aient choisi ce travail ou non. Aujourd'hui c'est la double peine : dès qu'elles s'organisent pour plus de droits et de reconnaissance, qu'elles soient chinoises à Belleville, escort girl (ou boy), on leur tourne le dos, pire on les traite comme si c'était une affreuse erreur dans l'Histoire du féminisme, ce sont des ennemi-e-s, avec pour projet de construire un Empire Prostitueur, une espèce de Super Proxénète. Alors certes les syndicats sociaux-traîtres existent, on l'a vu avec l'accord inique ANI, mais un syndicat autogéré composé des concerné-e-s peut difficilement être taxé de maquereau. Quelle idée saugrenue de s'allier entre exploité-e-s pour gagner des luttes, améliorer ses conditions de travail et donc de vie, pour, finalement, avoir d'avantage le choix de sa condition ! Aussi, ne nous trompons pas d'ennemi-e-s, et pour le dire avec Emma Goldamn :
« Le problème ce n'est pas la prostitution, mais la société elle-même, ce système injuste porté par la propriété privée. »
Marine, groupe Marx' Sisters and Brothers, FA Montreuil
Manifestation contre la pénalisation des clients et pour les droits des travailleur-se-s du sexe, 26 octobre 13h Place de Clichy.
http://regard-noir.toile-libre.org/manifestation-contre-la-penalisation-des-clients-et-pour-les-droits-des-travailleur-se-s-du-sexe/
Nous publierons bientôt un texte de fond, sur la position spécifique des anarchistes dans cette lutte. En attendant, n’ayant pas vocation à parler à la place des prostituées, nous vous donnons rendez-vous ce samedi à 13h, Place de Clichy, et reproduisons le manifeste contre la pénalisation des prostituées et de leurs clients (signé par la FA) :
» Quelles que soient nos opinions sur la prostitution, nos organisations sont unanimes pour affirmer que les prostituées ne doivent pas être pénalisées. Pour cela, le délit de racolage public doit être abrogé au plus vite et sans conditions.
Nous sommes également unanimes à considérer que la pénalisation des clients ne fera pas disparaitre la prostitution, mais accentuera la précarisation des prostituées en les forçant à davantage de clandestinité, et en les éloignant des associations de soutien et de santé communautaire, et des structures de soins, de dépistage et de prévention.
Isolé-es les un-es des autres, les prostitué-es seront davantage exposé-es à des risques de violences, d’exploitation, et à des contaminations au VIH sida et IST. Cette mesure va renforcer le statut d’inadapté-e social-e des prostitué-es, statut stigmatisant qui doit être supprimé. Considérer que les prostitué-es doivent être traité-es comme des mineur-es sans capacité d’exprimer leur consentement, les place dans une catégorie de citoyen-nes à part, favorise le stigma et les pratiques de discriminations. Au contraire, nous voulons qu’elles et ils soient protégés par le droit commun.
Nous, organisations signataires de ce manifeste, demandons l’abrogation immédiate du délit de racolage public et nous opposons à toute pénalisation des clients des prostitué-es, sous quelque forme qu’elle soit.
Signataires:
France
Acceptess-Transgenres, Acthe, Action Sida Martinique, Actis, Act Up-Paris, Act Up-Sud Ouest, ADHEOS Centre LGBT Poitou-Charentes, AFR (Association Française de Réduction des risques), Afrique Avenir, Aides, les Amis du Bus des Femmes, An Nou Allé, Arap-Rubis (Nimes), Antifa-Net, Arcat-Santé, Aris-Centre LGBTI (Lyon), ARPS (Association Réunionnaise pour la Prévention des Risques liés à la Sexualité ), ADRPP (Association pour les droits la reconnaissance et la protection des prostitué(e)s), ARIA (Association Rhône-Alpes d’Insertion et d’Addictologie), Association Autodéfense et Autonomie (Lyon), Association Agile (Clermont-Ferrant), Association AKATIJ (Association Kouroucienne d’Aide au TI Jeunes), Association Nationale Transgenre (A.N.T.), ASSPA (Association de Santé Solidaire et de Prévention des Agressions, Grenoble), Association ENVIE (Montpellier), ASUD (Auto Support des Usagers de Drogues), ANA (Avec Nos Ainées), Autres Regards (Marseille), Black Caucus France (Union française des étudiant/e/s & diplômé/e/s africain/e/s & ultramarin/e/s), Cabiria (Lyon), CAARUD Interl’UD 77, CGLBT (Centre Gay Lesbien Bi et Trans de Rennes), Cégom (Collectif des États généraux de l’outre-mer), CNT-F 25, Collectifdom, Collectif féministe 8 mars pour toutes, Collectif Droits et Prostitution, Collectif Existrans, Collectif des prostituées du 16ème arrondissement de Paris, Collectif des prostituées de Gerland, Collectif des travailleuSEs du sexe de Perpignan et des Pyrénées Orientales, Couleurs Gays-Centre LGBT Lorraine, les DurEs à Queer, l’Ebranleuse (asso féministe toulousaine), Elus Locaux Contre le Sida, l’En Dehors, En tous Genres, Faire Face (asso d’autodéfense féministe toulousaine), Fédération Anarchiste, Fédération Total Respect / Tjenbé Rèd, Femmes Publiques, Femmes de la Terre, les Flamands Roses, FRISSE (Femmes, réduction des risques et sexualités), GARCES (Groupe d’Action et de Réflexion Contre l’Environnement Sexiste – collectif féministe de Sciences Po), GayKitschCamp, Grisélidis (Toulouse), HF-Prévention Santé (Yvelines), I.P.P.O (Bordeaux), Itinéraires Entr’Actes (Lille), Kingsqueer de Kingsqueer, la Lesbian and Gay Pride de Lyon, Ligue des Droits de l’Homme, Ligue de l’Enseignement, Médecins du Monde, Minorités, la Mutinerie, les Myriades Transs, NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), Observatoire des Transidentités, l’OII Francophonie (Organisation Internationale Intersexe), Onzième Dom (Union des Français/es d’outre-mers du XIème arrondissement de Paris), ORTrans (Objectif Respect Trans), OUTrans, Paroles Autour de la Santé (Guadeloupe), Parti Pirate France, le Pink Bloc, le Planning Familial, Rainbow Caucus France (Union française des étudiant/e/s & diplômé/e/s LGBT), Sans Contrefaçon, SAS (Santé active et solidaire, Toulouse), SIS Association, les Sœurs de la Perpétuelle indulgence – Couvent de Paname, Couvent de Paris, et Couvent des 69 Gaules, Solidaires étudiant-es- syndicats de luttes, Solidarité Sida, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, STRASS (Syndicat du Travail Sexuel), STS (Support Transgenre Strasbourg), Tjenbé Rèd Prévention, Traits d’Union Centre LGBT de l’Yonne, la Trousse à Outils (association féministe d’autodéfense – Nantes), les Tumultueuses, Warning
International
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Compte rendu de la manifestation des travailleur-se-s du sexe, samedi 26 octobre.
http://regard-noir.toile-libre.org/compte-rendu-de-la-manifestation-des-travailleur-se-s-du-sexe-samedi-26-octobre/
Nous étions ce samedi à la manifestation des travailleur-se-s du sexe avec pour objectifs de faire abroger la loi sur le délit de racolage public et d’empêcher la pénalisation des clients de la prostitution. Environs 1000 personnes ont manifesté de Place de Clichy à Châtelet.
La présence d’anarchistes en soutien à cette lutte est importante. Pourtant, ce combat n’en finit pas de diviser les révolutionnaires à coups d’arguments moraux et de positions de principes. Notre rôle n’est pas de choisir pour les dominéEs, mais de soutenir leurs luttes lorsqu’elles sont progressistes. Et lutter contre la précarisation de ces travailleur-se-s déjà horriblement stigmatiséEs ne devrait pas poser problème.
Bien que nous visions l’abolition de toutes formes de dominations sociales, sociétales et économiques, nous ne pourrons jamais soutenir l’Etat dans sa répression, et encore moins nous détacher d’oppriméEs qui se battent contre leur précarisation et leur stigmatisation.
Anarchisme, féminisme - Contre le système prostitutionnel
Pour qui cherche une solide introduction au débat que provoque l’extension du néo-libéralisme à l’appropriation des corps – notamment ceux des femmes du Tiers-Monde et des femmes racisées –, Hélène Hernandez et Elisabeth Claude signaient en mai dernier aux Éd. Du Monde Libertaire, un tour d’horizon très réussi des lignes de force de ce dossier chaud.
Abondamment illustrée de dessins à forte charge symbolique, cette plaquette de 124 pages synthétise étonnamment bien les bases de l’analyse féministe, les réalités de la prostitution, le discours qui tente de la légitimer, les politiques législatives de trois États – la France, la Suède et les Pays-Bas et la définition d’un abolitionnisme féministe.
Hier et aujourd’hui
Contrairement à certains auteurs qui prétendent réinventer la roue, Hernandez et Claude remontent jusqu’à Victor Hugo pour situer dans leur contexte les luttes actuelles de libération des personnes prostituées. On présente ainsi les démarches parfois concurrentes, parfois opposées de communautés comme celle des féministes suédoises, du Mouvement du Nid, de l’Association Cabiria, de Florence Montreynaud, etc. Le dernier texte qu’elles citent est celui d’Autochtones canadiennes, l’Aboriginal Women’s Action Network, qui tiennent présentement tête au projet de légaliser des bordels à Vancouver, présentement soumis aux tribunaux canadiens par des représentants de «l’industrie du sexe».
Les auteures concluent avec Marie-Victoire Louis, une plume implacable du mouvement abolitionniste, la nécessité de recibler sur le proxénétisme une bataille qui risque l’ambigüité à s’en tenir au vocable de prostitution.
Une présentation aérée et une documentation très au fait des démarches féministes moins connues fait de ce livre un outil de référence essentiel pour situer de telles interventions – menées notamment au Québec par la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), qui publie le bulletin gratuit BULLES (http://www.lacles.org) – dans un cadre de lutte contre toutes les oppressions.
Info: editions(a)federation-anarchiste.org
Anarchisme, féminisme contre le système prostitutionnel, Hélène Hernandez et Elisabeth Claude (Coordination), Editions du Monde libertaire, 124 pages, 9 euros
Une réflexion vivifiante, tournée vers l’action, apportée par des militant-e-s de la Fédération anarchiste.
À l’orée de l’ouvrage, les auteures placent leur travail dans la continuité de leurs conceptions politiques : « Nous espérons que nos propos (...) rendront le patriarcat - et le système prostitutionnel - plus compréhensible et surtout plus insupportable, (...) qu’ils contribueront (...) à l’élaboration de la société sans domination à laquelle aspirent toutes et tous les anarchistes. (...) Comment pourrions nous concevoir que cette société maintienne le système prostitutionnel ? »
Servi par une copieuse bibliographie et s’appuyant sur de nombreuses références (témoignages de personnes prostituées, essais et analyses de diverses disciplines), l’ouvrage propose un bref état des savoirs sur le système prostitutionnel, les législations appliquées dans plusieurs pays, les prostitueurs et la construction d’une masculinité centrée sur l’appropriation du corps des femmes.
Mais « Anarchisme, féminisme, contre le système prostitutionnel » a surtout le grand mérite d’analyser les mythes conçus pour renforcer et maintenir le système prostitutionnel. Du « plus vieux métier du monde » aux plus modernes, tels que « la prostitution n’est qu’un échange commercial », « un travail comme un autre », les auteures passent en revue les différentes trouvailles promotionnelles des défenseurs du système prostitutionnel. On trouve ainsi dans l’ouvrage d’utiles arguments, qui alimentent les questions du travail, de la liberté, de la subversion, du sens du consentement au coeur des rapports de domination...
Commission Femmes de la Fédération Anarchiste
Elisabeth Claude et Hélène Hernandez
La Fédération Anarchiste refuse le système prostitutionnel en tant que système de domination, en tant qu’obstacle à l’émancipation des femmes et des hommes.
D’autres courants anarchistes peuvent se laisser berner par les discours de justification de la prostitution au nom de la liberté individuelle alors que nous tenons à considérer le système prostitutionnel dans son ensemble et donc à sortir de la question de la seule personne prostituée avec tous les clichés qui l’entourent. C’est le système qui nous intéresse, système pour lequel nous sommes tous et toutes des proies. Tout le monde est concerné. Nous ne voulons devenir ni les produits, ni les clients.
Historiquement, la question n’a pas été abordée par l’ensemble du mouvement anarchiste mais par quelques personnalités, notamment Louise Michel, qui a exprimé sa solidarité avec les femmes prostituées qu’elle a rencontrées en prison et Emma Goldman aux Etats-Unis, qui a laissé des écrits abolitionnistes.
Les débats qui traversent la société traversent aussi les mouvements libertaires et anarcho-syndicalistes ; et les préjugés sociaux sont les mêmes. Nous aussi femmes anarchistes nous heurtons à ce que l’on pourrait appeler la frontière du genre. Il y a des débats houleux sur les questions qui concernent les femmes… On ne sort pas de la scission entre ceux qui refusent le système prostitutionnel et ceux qui le justifient sous le prétexte de la liberté ou des « besoins » des messieurs. Un exemple : en 1936, du temps de la République Espagnole, des militants républicains avaient des réductions auprès des femmes prostituées pendant que les « Mujeres libres » affirmaient des positions de solidarité avec les prostituées et refusaient de faire de la prostitution un métier.
On ne peut certes pas contester le consentement d’une personne, comme l’explique très bien la philosophe Geneviève Fraisse, mais la question est collective et non purement individuelle. C’est socialement, politiquement, qu’il faut penser la question.
Le concept pur de « liberté » continue de séduire beaucoup d’anarchistes. Pour nous, il ne veut rien dire s’il est pris tout seul. Il n’y a de liberté que reliée à d’autres valeurs : la dignité, l’égalité et la solidarité.
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