acratack a écrit:J'avais lu une critique des lutte de liberation animale ou des mouvements comme earth first qui me semblaient pertinentes. En gros ca disait que de mettre l'animal ou la nature au dessus de l'homme comportait le risque d'une dérive autoritaire et "fasciste"
Cheïtanov a écrit: Faut-il aussi se rappeler que lors d'un congrès la FA qualifiait l'antispécisme de fascisme, et a depuis changé suite à l'adhésion de vegans ?
Cheïtanov a écrit:Vroum, c'est une vegan qui m'avait montré ça à une époque où j'étais encore proche de la FA. Mais si on touche la maison mère c'est blasphème non ?
vroum a écrit:Ainsi, « l'intérêt de l'animal à vivre » suffit pour en faire « un individu à l'égal de l'humain ». En poussant plus loin, une plante pouvant souffrir et ayant un intérêt à vivre, on la range au même niveau que la vie humaine.
vroum a écrit:L'anarchisme propose lui de raisonner en terme de liberté, d'égalité économique et sociale et d'entraide, pas en terme d'utilité.
vroum a écrit:De plus dans la pensée antispéciste les classes sociales disparaissent, et la lutte des classes je n'en pârle même pas, seul compte la "libération animale" compte.
vroum a écrit:Enfin, est ce que les animaux se libéreront eux mêmes ? Non c'est aux hommes de libérer les animaux ! Une avant-garde qui revendique la libération des autres espèces, une avant-garde d'être humains qui veut imposer l'égalité entre les espèces !
vroum a écrit:Qu'une idéologie opposée aux fondements politiques et philosophiques de l'anarchisme, car elle remplace la conception sociale de la liberté et de l'égalité par une conception complètement idéaliste, complètement idéelle, puisse séduire dans les milieux anarchistes et anarchosyndicalistes, je trouve cela très inquiétant !
Cheïtanov a écrit:
Baboeuf, j'ai vu ça aussi, c'est pas le truc avec lequel je suis le plus en accord, mais des gens qui ont bossé en abattoir et fait le parallèle, j'en connais...
Or, il est inutile de bouffer d'autres vivant-es, plus encore de boire leur lait.
Cheïtanov a écrit:vroum a écrit:Ainsi, « l'intérêt de l'animal à vivre » suffit pour en faire « un individu à l'égal de l'humain ». En poussant plus loin, une plante pouvant souffrir et ayant un intérêt à vivre, on la range au même niveau que la vie humaine.
Je passe sur les antispé sont les descendant-es de Bentham, ça vaut même pas la peine. Je ferais le petit livre réac de Vroum. Je me sens juste pas supérieur aux autres vivant-es, mais c'est trop dur à comprendre.
vroum a écrit:L'anarchisme propose lui de raisonner en terme de liberté, d'égalité économique et sociale et d'entraide, pas en terme d'utilité.
Et si Vroum, mais peut-être l'écologie tu t'en tapes, mais il faut raisonner en terme de soutenable et donc d'utile/inutile (nucléaire inutile, usines d'armement inutile...). Or, il est inutile de bouffer d'autres vivant-es, plus encore de boire leur lait.
vroum a écrit:De plus dans la pensée antispéciste les classes sociales disparaissent, et la lutte des classes je n'en pârle même pas, seul compte la "libération animale" compte.
vroum a écrit:Qu'une idéologie opposée aux fondements politiques et philosophiques de l'anarchisme, car elle remplace la conception sociale de la liberté et de l'égalité par une conception complètement idéaliste, complètement idéelle, puisse séduire dans les milieux anarchistes et anarchosyndicalistes, je trouve cela très inquiétant !
vroum a écrit:Enfin, est ce que les animaux se libéreront eux mêmes ? Non c'est aux hommes de libérer les animaux ! Une avant-garde qui revendique la libération des autres espèces, une avant-garde d'être humains qui veut imposer l'égalité entre les espèces !
Cheitanov si tu défends l'Egalité entre les être vivants tu défends l'égalité entre les hommes, les animaux et les plantes
Enfin, est ce que les animaux se libéreront eux mêmes ? Non c'est aux hommes de libérer les animaux ! Une avant-garde qui revendique la libération des autres espèces, une avant-garde d'être humains qui veut imposer l'égalité entre les espèces !
Tazon a écrit: Si les vegans refusent de faire souffrir les animaux ce n'est pas parce que l'homme n'est pas "supérieur" ou parce que ces animaux nous sont "égaux" (l'égalité c'est un terme social, et n'est pas vraiment adapté au relations homme/autres animaux), mais parce que ces animaux possèdent un système nerveux, et ressentent donc des émotions, ce qui n'est pas le cas des plantes. Et c'est bien parce que ce système nerveux existe qu'il faut prendre en compte leur souffrance, pas à cause d'un mysticisme sur l'homme et la nature ...
Parce que qu'est-ce qui fait que les conditions de vie des humains ont une importance ? C'est bien parce que nous avons conscience de ces conditions, que nous les ressentons, grâce à notre système nerveux. Les autres animaux on aussi cette capacité, donc pourquoi ne prenons nous pas en compte ces émotions ?
Etre vegan, une mode pour temps de crise
vendredi 15 octobre 2010, par Courant Alternatif http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article840
L’antispécisme est apparu dans le paysage politique hexagonal au début des années 90 avec la diffusion en France de La Libération animale de Peter Singer (1975), puis des Cahiers antispécistes animés par Yves Bonnardel et David Olivier. Après quelques débats parfois houleux, il fut rejeté (avec raison, selon nous) par la quasi-totalité des organisations d’extrême gauche et anarchistes (avec des arguments parfois douteux mais le plus souvent convaincants *). Chassé par la porte, il est revenu par la fenêtre sous une forme anglo-saxonne plus militante et puriste, drapée d’anarchisme life style, le veganisme. Etre vegan est devenu un signe de reconnaissance au même titre qu’un style vestimentaire ou musical, qu’une façon de parler ou d’écrire. Une mode, en somme.
Nous ne distinguons pas ici l’antispécisme du veganisme. Disons simplement que l’antispécisme fournit les fondements idéologiques, mais s’accommode parfois de certaines concessions. Les vegans, eux, sont souvent plus radicaux dans leurs exigences quotidiennes, mais ils sont souvent engagés dans d’autres causes et donc plus insérés dans des réalités qui sont les nôtres. Les uns comme les autres ne mangent ni viande ni poisson, et sont, surtout les vegans, en général végétaliens en ce sens qu’ils étendent leur refus de consommation et d’utilisation à tous les produits issus de l’exploitation des animaux (élevage, chasse, cueillette) : lait, œuf, miel, fromage pour la nourriture, mais aussi laine, cuir, fumier dans le domaine domestique. Ils n’utilisent aucun produit destructeur d’animaux quel qu’il soit.
Nous n’aborderons pas ici la question de la supposée nocivité de la viande pour la santé ; ni celle du rapport entre l’alimentation carnée, la monoculture et l’agriculture intensive destructrices ; ni, non plus, celle des conditions « barbares » de l’abattage ou de l’expérimentation animale. En effet, les problèmes soulevés là ne viennent qu’à l’appui d’une conception du monde beaucoup plus fondamentale, que les antispécistes auraient plus de mal à faire partager s’ils n’utilisaient ces problèmes en jouant sur le pathos ou sur des images chocs.
Il est bien évident que s’il était prouvé que toute consommation de viande rendait impossibles les rapports égalitaires entre les humains, nous nous en passerions. Entre le communisme et la bidoche, il n’y a pas photo ! Mais, pour l’instant, nous nous contentons de dire qu’il faut remettre en cause la manière productiviste/capitaliste dont la nourriture (carnée, comme céréalière ou légumière) est produite… et que, par conséquent, cela signifie globalement diminuer la consommation de viande dans les pays du Nord. De la même manière, il n’y a pas besoin de discuter longtemps pour préférer les élevages volaillers de plein air plutôt qu’en batterie (tant pour l’animal lui-même que pour nous)… ou pour promouvoir des méthodes d’abattage le moins cruels possible. Quant à la santé, c’est une autre question. Même si la nourriture végétalienne contient « tous les nutriments dont les êtres humains ont besoin », nous ne saurions réduire la bouffe à une simple fonction de survie. Ce dont nous avons besoin, c’est aussi du plaisir, sans lequel il n’y a pas de vie supportable ! Il y a déjà la télé avec son surplus de spécialistes… de la minceur, de la diététique, de l’élevage des enfants, de la sexualité ; des psys, des curés, des pédagogues, des économistes qui ne font qu’infantiliser le public en lui donnant des conseils sur ce qui est bien pour lui ; faut-il en plus qu’on en retrouve en milieu libertaire qui nous disent comment bien manger ?
Les bases
Si, éventuellement, nous pourrions cesser de manger de la viande pour les raisons évoquées plus haut, le fondement philosophique de l’antispécisme et du veganisme à lui seul nous en dissuaderait. Quel est-il ? C’est la considération que les intérêts des animaux non humains doivent être pris en compte au même titre que s’il s’agissait des intérêts humains, toutes les espèces animales méritant une égale considération dans la mesure où ce sont des êtres sensibles dotés d’un système nerveux et qui, par conséquent, souffrent (1). Pour résumé, Bonnardel affirme que « les intérêts d’un animal à ne pas souffrir et à vivre une vie heureuse et satisfaisante importent autant que les intérêts équivalents pour un être humain ».
Par ailleurs, selon les antispécistes, il faut étendre la notion de droit à l’ensemble du vivant. Or il ne s’agit là que d’une fausse égalité, puisque ce droit, qui concernerait une énorme quantité d’espèces, ne serait élaboré que par une seule, l’humaine, qui saurait ce qui est bon pour les autres, incapables de s’exprimer dans ces termes-là. C’est bel et bien un point de vue de dominant.
La conséquence de cette égalité des droits réclamée est écrite dans un brochure, Nous ne mangeons pas de viande pour ne pas tuer d’animaux (mai 1989-novembre 1992, p. 9) : « Il n’est pas fait de différence quant aux vies d’un humain et d’un animal. » Un point de vue très « spéciste » puisqu’il considère chaque espèce comme un tout. Il y a pourtant des humains que nous serions amenés à détruire plus qu’à protéger !
Que nous disent les antispécistes ? Vous êtes pour la liberté, l’égalité, la justice, alors vous devriez être antispécistes !
Eh bien non !
Lors d’une rencontre intergalactique en Espagne en 1997, la motion antispéciste disait ceci : « Le mouvement de libération animale doit se renforcer pour lutter contre le monstre libéral. » Mais ce mouvement, c’est un seul animal qui le mène au nom de tous ! Ces Fronts de libération sont le fait d’une avant-garde autoproclamée qui agit au nom de… l’égalité !
Selon nous, les revendications de la politique, de l’anarchisme, des mouvements d’émancipation, c’est que la liberté, l’égalité, la justice, etc., soient portées par les intéressés eux-mêmes et pas décidées en dehors d’eux. Or, dans ce cas des animaux, les « libérateurs » seraient des représentants autodésignés et non révocables ! C’est de l’anthropocentrisme assorti d’anthropomorphisme : qu’est-ce qu’un animal « sait » de la liberté, de l’égalité ?
Pour qu’il y ait de l’inégalité entre des êtres, il faut qu’il y ait aussi de l’égalité : le maître, pour se faire comprendre de l’esclave, doit parfois se mettre à son niveau, parler le même langage… Et c’est parce qu’il y a cette « égalité »-là, même la plus ténue, qu’il y a potentiellement la place pour une revendication égalitaire. C’est pour cela que l’esclavage peut être aboli, qu’il en est de même de la domination masculine, et d’autres dominations entre humains, et que cette tension entre égalité et inégalité a un potentiel universel au sein de ce que l’on peut appeler l’humanité : ceux et celles qui en formulent l’idée et la volonté. Nous défendons le principe d’auto-émancipation. Sinon, on est dans la prise en charge, la charité, la pitié – mais il est vrai que certains militants fonctionnent sur ces registres-là dans leur rapports à d’autres humains ; ils veulent les organiser, les libérer, leur amener la conscience, les délivrer du mal, etc. (2).
Placer sur un même plan d’égalité toutes les espèces animales, cela signifie que :
Soit il faut apprendre à tous les prédateurs à ne plus bouffer nos frères animaux. Et cela est valable pour les humains mais aussi pour les autres, donc il faut aussi rééduquer les tigres, les ours, les loups, etc., pour leur apprendre à devenir végétariens (certains antispécistes sont allés jusque-là). Bien évidemment, si ce genre de délire était exaucé, ce serait une catastrophe écologique et c’est probablement l’ensemble des espèces animales qui disparaîtrait.
Soit il y a des espèces animales qui conservent le droit d’en bouffer d’autres, et alors là c’est vraiment trop injuste. On ne voit pas pourquoi notre frère renard aurait le droit de se taper une poule alors que nous n’aurions pas le droit de nous griller un poulet.
Les antispécistes font, de fait, des animaux non humains un tout... Or les animaux n’existent comme un ensemble que par rapport à une vision humaine qui le décide ainsi, en fonction d’une conception particulière de ce qu’est le « vivant ». Or Homo sapiens étant aussi un animal (un primate), il fait partie de cet ensemble à libérer. Mais pour qu’il puisse avoir un « regard sur… », il faut bien qu’il soit aussi partiellement extérieur à cet ensemble, et pas totalement partie intégrante. En fait, il n’y a pas UN « monde animal », mais certainement un « monde du vivant » qu’il est compliqué de définir correctement... et c’est une très bonne chose, car dès lors qu’il le serait « scientifiquement », et donc circonscrit précisément, il cesserait peut-être par là même d’être véritablement vivant.
Déclarer les hommes et les femmes comme les égaux des animaux, c’est adopter le seul point de vue biologique qui ne dit rien de l’humanité de l’être humain, qui ne s’adresse qu’à sa matérialité physiologique, cellulaire, son ADN… Ce qui est bien utile, soit dit en passant, à ceux parmi les humains qui y trouvent matière à justifier la domination, le dressage, l’utilisation rationnelle, économique, des corps et des esprits, les manipulations génétiques, etc.
Occupons-nous donc déjà de ceux et celles qui, au sein de l’humanité, réclament de la liberté, de l’égalité et de la justice. Il y a de quoi faire !
Notre spécisme
Au dire des antispécistes, les spécistes (3) que nous serions s’appuieraient sur une conception anthropocentriste dans laquelle les humains seraient le centre du monde, et sur l’existence d’un ordre naturel et immuable.
Or nous considérons bien sûr que l’espèce humaine est dans le monde, qu’elle n’en est qu’une infime partie qui n’est ni le centre ni le sommet d’une quelconque hiérarchie, et qu’elle disparaîtra… et on s’en fout. Notre « spécisme » s’appuie sur l’idée que le monde qui nous entoure est aussi une ressource, pour notre survie et notre plaisir, que nous devons utiliser avec parcimonie, en créant le moins possible de dégâts irréversibles. Et cela non pas en vertu d’un respect transcendant pour dame Nature, non pas au nom d’une morale qui nous viendrait d’en haut ; mais simplement pour ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis, et pour réunir le maximum de conditions permettant de rendre possible la satisfaction des besoins et des désirs des êtres humains dans le cadre de rapports égalitaires entre eux (et non entre toutes les espèces), afin de jouir le plus possible, et non pas de souffrir le moins possible. C’est en cela aussi que nous nous séparons des sectes comme « écologie profonde » (4). Si c’est cela être spéciste, soyons spéciste. Notre « spécisme » ne s’appuie pas non plus sur l’existence d’un ordre naturel qui voudrait que « l’Homme mange de la viande, comme ça a toujours été ». Nous savons bien qu’il n’y a pas d’« ordre naturel » et qu’il n’y a rien de plus discutable que de se référer à de pseudo-lois de la nature pour les appliquer aux relations sociales. Et d’ailleurs, notre opposition radicale aux primitivistes (5) exprime assez bien que nous ne recherchons pas notre projet communiste libertaire dans un état de nature, un âge d’or quelconque, mais bien dans un remodelage volontaire des rapports entre les êtres humains – entre eux d’une part, et au monde de l’autre.
Et ce n’est pas se référer à un état de nature que de constater que pas mal de communautés humaines ne peuvent vivre dans leur environnement qu’en chassant et en mangeant des animaux parce que le sol ne peut pas produire de végétaux suffisants pour les nourrir : des Inuïts du Grand Nord aux Papous de Nouvelle-Guinée. Ou alors, les antispécistes considèrent que ces peuples devraient se replier vers des zones cultivables – et, par la même occasion, disparaître.
Selon certains antispécistes, « le spécisme est à l’espèce ce que le racisme est à la race, et ce que le sexisme est au sexe : une discrimination basée sur l’espèce, presque toujours en faveur des membres de l’espèce humaine (Homo sapiens) ». Ce rapprochement constitue à leurs yeux un argument choc pour accréditer leur théorie comme découlant naturellement des luttes contre toutes les oppressions et les discriminations qui structurent les pratiques libertaires. Il se pose comme une évidence dont la vocation est essentiellement culpabilisatrice : Si tu es contre le racisme, le fascisme, le sexisme, tu ne peux qu’être contre le spécisme (certains, heureusement peu nombreux, sont allés au bout de cette logique : « Tu manges de la viande, tu es comme un nazi »). Sauf que la lutte contre le racisme, comme contre le sexisme, concerne des êtres humains que nous refusons de mettre sur le même plan que les animaux, et qui, le plus souvent, prennent en charge leur lutte. Non, spécisme, racisme, sexisme ne sont pas des équivalents sur le marché de la pensée postmoderne ! Sinon, ne devrions-nous pas cesser toute discrimination entre les classes sociales et affubler cette toute nouvelle lutte du néologisme « anticlassisme » ?
Ce rapprochement ne concerne que les vegans et les antispécistes politisés et que nous sommes amenés à côtoyer. Mais il en est d’autres qui n’ont pas les mêmes soucis ! : « Nous sommes apolitiques parce que nous avons une priorité : transformer l’humanité omnivore en humanité végétarienne. Tous les autres combats (luttes contre les inégalités entre humains...) pourront ensuite être menés. En effet, les souffrances infligées aux animaux sont incomparablement plus nombreuses et intenses que celles des humains. Ceux qui ne tiennent pas compte de cette priorité ou qui font des comparaisons déplacées sont des spécistes », proclamait une association se voulant apolitique (AIDA, Action information pour le droit des animaux) en 1994.
Quels que soient nos régimes alimentaires ou nos croyances, nous pouvons tous manger végétalien
Depuis quelques années, les bouffes organisées dans des lieux collectifs et dans des rassemblements sont de plus en plus prises en charge par des vegans sans que la chose soit réellement discutée collectivement.
« Il est à noter qu’un même repas sans viande peut facilement satisfaire aussi aux exigences juives et musulmanes – et peut même satisfaire tout le monde ! Du point de vue de l’organisation, un menu unique, végétalien, constituerait une simplification et non une complication… » (David Olivier)
Un argument propre à décourager d’autres initiatives, qui ne manqueraient pas de passer pour diviseuses ! Les vegans sont ainsi fidèles à leur engagement tout en paraissant ouverts et tolérants : nous pouvons tous manger végétalien ! Ben voyons ! Qui peut le plus peut le moins. Jusqu’au jour où une nouvelle idéologie (habillée d’arguments scientifiques, comme toujours) décidera qu’il ne faut manger que des aliments cuits de telle ou telle manière (pour notre santé, bien sûr !) ; ou ne plus boire d’alcool pour mille et une raisons (santé encore, ou utilisation de bactéries sensibles si on découvre un jour qu’elles le sont, puisqu’elles sont nos ancêtres) ; ou encore étendre nos interdits à certaines espèces que nous considérions jusqu’à présent comme des plantes mais qui, à la suite de nouvelles études scientifiques, apparaîtraient à la frontière du végétal et de l’animal (comme certaines algues).
Oui, c’est vrai, il est possible de survivre en France en ne mangeant ni viande, ni poisson, ni fromage, ni œufs, ni miel, et même sans boire d’alcool ni griller nos légumes. Pas de problème si on reste sur le terrain du « nécessaire » et de l’« utile ». Et pourquoi pas – puisqu’il s’agit de simplifier pour éviter la complication – ne bouffer que des pilules contenant le strict nécessaire décidé par l’académie de médecine, mais sans trace animale, et dont la production serait confiée à des entreprises spécialisées ? Et ce n’est pas une plaisanterie : nombre d’associations antispécistes, de par le monde, défendent cette option et sont favorables aux recherches en la matière. Après celles qui sont prônées et même financées aux Etats-Unis par des groupes postmodernes dont l’objectif est de parvenir à ce que les hommes puissent être enceintes, ou que deux ovules puissent se féconder, confions aux laboratoires et aux savants le soin de nous organiser la cité radieuse !
En fait, c’est par cet argument biaisé par le « nécessaire » et l’« utile », étayé par l’« absence de problème » que cela entraînerait, que nos vegans parviennent à imposer deux ou trois jours de « culinairement correct », même s’ils savent que, passé ce moment temporairement libéré, la très grande partie des pauvres pécheurs que sont les viandistes retomberont dans leurs errances.
Eh bien si ! Il y a un problème, c’est qu’une dimension est toujours absente de ce débat sur la nourriture : le plaisir. C’est toujours « on peut se nourrir », « ce dont les humains ont besoin »… Mais nous ne nous nourrissons pas que pour survivre ! Cette façon de contourner la question du plaisir pour tout ramener à l’utile est bien typique de ce retour au puritanisme et à la morale auquel nous assistons actuellement, et que nous évoquions au début de l’article. Manger bien, faire bien, lutter contre le mal, etc. Et puisque nous y sommes, ne pourrait-on pas ne faire l’amour que pour la reproduction ?
L’argument selon lequel le spéciste se retrancherait derrière un hypothétique besoin de viande pour survivre, alors que, nous dit l’antispéciste, la seule réalité, c’est que nous somme simplement capables physiologiquement d’en manger, est totalement fallacieux ! Lorsqu’un spéciste mange de la viande, c’est parce qu’il aime ça et non « parce qu’il se sent obligé de le faire » (par obligation nutritionnelle ou culturelle), comme le prétend Olivier.
Donc, en bref, si nous pouvons manger végétalien, il est difficile de le faire en toute convivialité avec des gens qui nous y invitent au prétexte que ça serait notre plus petit dénominateur commun, et qui en font une question de principe. La seule raison qui peut faire accepter ce « menu unique sans complication », c’est de se décharger d’une tâche sur d’autres qui s’en régalent… Pas très libertaire !
En revanche, cette convivialité culinaire serait possible si disparaissait toute trace de prosélytisme et de jugement implicite sur les omnivores.
OCL
* Deux textes importants furent produits à l’époque : « Nous ne mangeons pas d’antispécistes pour ne pas tuer d’animaux » en octobre 1993 par « Reflex » et « Anarchisme et antispécisme » de Daniel Colson, La Griffe n°11 octobre 1998. L’un comme l’autre sont toujours d’actualité.
(1) Bien entendu, des divergences existent quant à l’existence de ce système nerveux et sur les frontières de la souffrance. Et les coquillages, dans tout ça ? Certains en mangent, d’autres non. Chacun s’en remet à ce qu’il croit être la bonne école scientifique.
(2) Le jour où les animaux se révolteront, alors on verra. Et s’ils le font ( ?), ce sera probablement au sein de chaque espèce : contre le mâle dominant chez certains, contre la poule dominante, etc.
(3) Le spécisme est à l’espèce ce que le racisme est à la race, et ce que le sexisme est au sexe : une discrimination basée sur l’espèce, presque toujours en faveur des membres de l’espèce humaine (Homo sapiens).
(4) Voir « Du retour du religieux dans les écologies », Jean Transenne, Courant alternatif, hors-série Spécial Ecologie, hiver 2010.
(5) Ils considèrent qu’il faut en revenir au stade des chasseurs-cueilleurs. Un stade d’ailleurs complètement mythifié et s’appuyant sur les conceptions scientifico/ ethnographico/ anthropologico fluctuantes, mais surtout mal digérées.
L’antispécisme, comme le veganisme, est une culture urbaine. Ce n’est pas un hasard si l’un comme l’autre sont venus des Etats-Unis et d’Angleterre, sous la double influence d’un zest de puritanisme protestant et de l’urbanisation précoce dont ces deux pays ont été les champions.
La majorité des populations occidentales, depuis plusieurs générations, n’entretiennent plus avec la campagne qu’un rapport mythique, touristique et nostalgique et ont perdu tout contact réel avec l’origine de leur nourriture (carnée comme végétale). Ils ne savent ni comment ça pousse, ni comment ça vit, ni la forme que ça a, ni comment ça se tue. Alors que la vie rurale et paysanne mêlait intimement les humains et une partie du monde animal (je ne dis pas dans une joyeuse harmonie !), le développement urbain a façonné des comportements apparemment opposés, mais qui se côtoient de manière schizophrénique, vis-à-vis de l’animal. D’un côté, la production d’un bestiaire désincarné et idéalisé : l’univers Disney, les ours en peluche, les animaux de compagnie, toutes les formes anthropomorphiques de la cité idéale harmonieuse ; de l’autre, des zombis pour qui la viande c’est le hamburger et la croquette de poisson, sans rapport avec l’animal qui n’est plus que « de compagnie » et ne se mange pas. En fait, ces comportements sont le même produit de l’éloignement progressif du monde animal.
JPD
Nous ne mangeons pas d’antispécistes pour ne pas tuer d’animaux
http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article305
La défense des animaux est un sujet à la mode ; et comme personne n’échappe à la mode, le petit monde de l’ultraradicalité a lui aussi sa mouvance en faveur de nos frères les animaux : l’antispécisme. Mais, radicalité oblige, l’antispécisme va plus loin que la simple dénonciation des mauvais traitements infligés aux animaux, et, sous couvert de bonnes intentions, invente une nouvelle forme de sectarisme, créant une communauté d’où les « viandistes » sont exclus et considérés comme la cause de tous les maux de la planète. Pour en finir une fois pour toute avec ce genre de délire mystique, voici une petite mise au point.
La plupart des gens soit s’en foutent, soit l’ignorent : et il faut bien admettre que l’importance de l’antispécisme en France n’en fait pas un sujet capital. Cependant, la virulence de certains antispécistes et les comportements qui en découlent, certains d’entre eux allant jusqu’à attribuer aux « viandistes » des qualificatifs généralement réservés à l’extrême droite, et, plus grave, à faire des rapprochements plus que douteux entre le génocide juif et l’élevage en batterie, rendent nécessaire une petite mise au point. Un certain nombre de gens se sont impliqués dans les luttes contre « l’oppression » des animaux (élevage en batterie, vivisection, mauvais traitements divers etc.). Pour ne pas cautionner ce contre quoi ils luttent, ils refusent de manger de la viande. Leur végétarisme a donc une base idéologique. À coté de cela, se sont développées des pratiques plus radicales, regroupées sous le terme d’« antispécisme », et qui prétendent assurer l’égalité des droits entre l’homme et le reste du règne animal (et même parfois végétal), c’est-à-dire plus précisément d’étendre la notion de droit à l’ensemble du monde vivant. Ces revendications s’appuient le plus souvent soit sur l’idée que la souffrance est la chose au monde la mieux partagée, soit carrément sur un rejet de l’action de l’homme, représentation de tous les vices terrestres. On peut retrouver tout ou partie des éléments qui composent le syncrétisme antispéciste dans une certaine frange de la presse radicale (Apache, Zarmazone). En général, il s’agit pour ces groupes, ou journaux d’affirmer une radicalité nouvelle, d’avoir un nouvel objet révolutionnaire : peut-être déçus par les hommes, ils se tournent vers les animaux. Mais, cependant, l’antispécisme est chez eux une lutte parmi d’autres, et ne leur sert pas de base idéologique... Une façon comme une autre de montrer qu’aucune lutte ne les laisse indifférents. Cependant, c’est dans ces groupes que l’antispécisme est le plus agressif (radicalité oblige !) mais en même temps le moins développé au niveau du discours (les textes que nous avons pu lire sur le sujet dans leurs journaux étaient plutôt légers) ce qui finalement est plutôt rassurant en regard des brochures exclusivement antispécistes. Notre propos n’est pas ici de discuter du bien fondé des positions antispécistes quant aux problèmes soulevés par la condition animale ; et c’est moins l’analyse que les postulats de la réflexion antispéciste qui rendent leur discours délirant.
Quels sont donc les fondements de la pensée antispéciste ?
Tout d’abord, de l’ensemble des textes qui propagent la lettre du credo antispéciste se dégage une peur obsessionnelle de la mort. Non pas de sa propre mort, de celle d’un proche, mais une véritable angoisse métaphysique face à la réalité, que les antispécistes s’attachent à rendre morbide. À chaque pas que nous faisons, à chaque geste, nous sommes susceptibles de prendre la vie. Ainsi, le but avoué ou inavoué de tout antispéciste est de supprimer de la surface de la terre toute idée de souffrance, de mise à mort, volontaire ou non, sans préoccupation d’espèce. Ainsi à titre d’exemple, il est conseillé « pour que les insectes ne viennent plus se coller à la peinture fraîche, [d’] incorporer quelques gouttes d’huile camphrée au pot de peinture (glycérophtalique ou à l’huile). » [1]. De même pour « les plantes, ces êtres vivants... [on] pourrait ne manger que des plantes tombées de l’arbre, comme les fruits, ou de grosses plantes, dans le souci d’en tuer le moins possible » [2], voire même de se nourrir exclusivement d’aliments de synthèse minérale. De l’homme au protoplasme, une vie est une vie, et il n’est « pas fait de différence quant aux vies d’un humain et d’un animal » [3].
L’antispécisme voit dans le respect de la vie sous toutes ses formes les garanties d’une vie meilleure où l’ensemble des problèmes humains et non humains seraient résolus. Les antispécistes se détachent ainsi de toute responsabilité vis à vis des conflits, massacres (« Je ne peux rien faire pour beaucoup de problèmes humains » [4]), famines (« nous, nous ne sommes pas mouillés dans cette affaire » [5]) puisque la disparition de la violence (y compris des rapports de prédation qu’entretiennent les espèces entre elles) ne passera que par le changement de nos habitudes alimentaires. Cette déresponsabilisation s’appuie également sur un principe simple, qui consiste à se désolidariser de toute personne étrangère à sa sphère de pensée, c’est-à-dire ici, pour les antispécistes, de se désolidariser de ceux qui mangent de la viande. Ainsi l’AIDA [6], par exemple, clame haut et fort son désintérêt absolu de la politique, étant entendu que celle-ci concerne la gestion des rapports des viandistes entre eux, qui, par leur comportement carnivore, ruinent de toute façon tout projet d’une société meilleure. Elle refuse donc de faire « la moindre différence arbitraire entre les humains exploiteurs d’animaux » ; en conséquence, elle n’accorde « aucune importance au particularisme gauchiste, libéral, réactionnaire ou nazifiant des uns ou des autres, tant que ces derniers n’affichent pas leur opinion politique (!) et qu’ils travaillent pour la libération concrète et physique des animaux » [7]. A-t-elle alors une sympathie quelconque pour l’idéologie wagnérienne (voir encadré) ? Notons à leur décharge que les Cahiers antispécistes lyonnais (CAL) sont sur ce point en désaccord avec l’AIDA, ce qui ne les empêche pas de les soutenir ; de plus, pour ce qui est de la considération du végétarisme comme solution politique aux problèmes sociaux, le discours est bien le même. L’affiche des CAL « Ceux qui s’opposèrent à l’esclavage au XIXe siècle... sont ceux qui cessent de manger de la viande aujourd’hui » est sur ce point un exemple édifiant. Et moi qui croyais que ceux qui se battaient hier contre l’esclavage étaient ceux qui se battaient contre l’esclavage aujourd’hui...
Paix, amour, liberté, légumes.
Mais revenons-en à l’idéal antispéciste. Cette vision du monde où chacun vivrait dans une parfaite harmonie avec son environnement n’est pas sans rappeler la vision édénique de l’Au-delà qu’offrent les religions. Et ce n’est pas le seul point commun qu’entretiennent religion et antispécisme. Les deux procèdent en fait de la même façon. Dans un premier temps, les antispécistes remettent en cause un système de valeurs qu’il juge anthropocentriste, puis mettent en avant des assertions qui souvent procèdent de la confusion entre l’abstraction et l’absence de sens. Ils présentent les concepts de Nature, d’Humanité, d’Intelligence comme des vues de l’esprit (ce qu’elles sont effectivement) et en déduisent qu’elles ne reposent sur aucune réalité palpable, et que par conséquent, pour les antispécistes, le passage à l’abstraction qui jusqu’à présent était la condition sine qua none de la formalisation d’une pensée cohérente, ne représente plus rien. La plus que douteuse LFCV (Ligue française contre la vivisection) a elle repris sans complexe l’ensemble du lexique religieux : « animal mon frère », « la vie nous paraît d’essence spirituelle... Pour nous en limite il n’y a rien à démontrer, ni à expérimenter. Démontre-t-on l’amour, la beauté, la paix ? », « notre arrogante autodestruction est en marche » (jugement dernier)... Un discours métaphysique foireux qui ne recule devant aucun ridicule : « l’Alpha avait scellé les Grandes énergies et la Connaissance, l’Oméga les libère...L’esprit doit les maîtriser ». Ben voyons ! L’exemple est extrême, mais c’est sur des bases semblables que l’ensemble de l’antispécisme repose : une fraternité entre les choses vivantes, l’appel à l’Amour... L’antispécisme se doit donc de détruire certaines certitudes, ceci afin d’assurer son propre discours sur des bases arbitraires, mais qui font appel à des valeurs « inaliénables » et sympathiques, tel que l’amour, la paix.
À partir de là, tout est permis, tous les outils de la pensée étant discrédités, et plus rien ne venant séparer l’homme de l’animal, « instinct » et « intelligence » se trouvent ravalés aux rangs de « lieux communs, que l’on retrouve partout et à toutes les sauces, et qui signifient surtout la volonté générale de considérer les animaux comme aussi peu existant que possible »... Or, qui nous dit « que la fourmi ne s’arrête pas quelques instants pour goûter le soleil, qu’elle n’agit pas aussi pour elle seule ? » [8]. On s’aperçoit aussi qu’il y a des hommes qui sont sans doute « moins intelligents », « moins évolués » que certains autres animaux. Mais attention, ceux-là, en tant qu’hommes, ont droit au label « Homme » et ne sont donc ni mangés, ni vivisectés (sic) [9] ! Dans ce cadre s’intègre le Projet Grands singes anthropoïdes, présentés dans les Cahiers antispécistes lyonnais de septembre 1993, qui partant du fait que les humains débiles profonds ont des capacités égales voire inférieures à celles des gorilles et autres orangs-outangs, propose une nouvelle déclaration des droits, non de l’homme, mais de la « communauté des égaux », qui regroupe l’homme et un certains nombre de singes. Cette déclaration propose avec le plus grand sérieux, par exemple, que les singes vivent en liberté parmi nous, qu’ils puissent bénéficier d’une aide judiciaire en cas de litige avec un humain (ou un autre singe). Sans commentaire.
Cependant, et les antispécistes restent discrets sur ce point, l’homme reste le seul animal à prendre conscience de la cause de tous les maux de la planète : le non respect de la vie d’autrui. Il se doit donc de montrer l’exemple à ses semblables (entendez les autres animaux). Il pourra donc judicieusement enseigner aux animaux domestiques (chiens, chats...) les vertus du végétalisme [10]. Pour l’antispécisme, s’il ne faut rien atteindre du Ciel, il faut tout de même que s’opère le « déclic » salvateur qui « relève malheureusement autant de l’exploit que de l’aléatoire » [11]. Mais toutefois le salut reste possible pour l’infortuné qui verra sa route éclairée par les propos des antispécistes.
Je crois voir dans votre regard incrédule que ce rapprochement entre pratiques sectaires et antispécisme vous paraît exagéré. Hélas, il n’en est rien. Et si toute religion a ses fanatiques, les préceptes même de l’antispécisme sont autant d’appels à l’intolérance. Il existe déjà des fêtes interdites aux « viandistes » ; et quelle est la position des antispécistes par rapport aux propositions de l’une des leurs, qui préfèrerait « qu’il y ait une ou des lois qui interdiraient de manger de la viande et qui puniraient ceux qui en mangent », « que les gens qui mangent de la chair d’animaux mangent aussi de la chair d’humains », « que la viande soit plus chère » [12] ? Même sur des questions politiques, comme le racisme, le sexisme et les discriminations en général, les antispécistes réagissent par rapport à des considérations manichéennes, comme n’importe quelle religion. Ainsi passent-ils « du tiers-monde aux Papous, ce qui n’est pas pareil mais dans la tête de beaucoup de gens, tiers-monde = sous-développés = peuples primitif = Papous » et avouent pourtant « je ne sais pas en fait si les Papous mangent de la viande et font des sagaies » [13], l’essentiel étant de culpabiliser le lecteur (méchant, va !). De la même manière, celui qui mange de la viande sera vu comme le suppôt de Satan qui sera condamné à mourir du cancer, d’artériosclérose et autres joyeusetés [14] (on s’attend d’un moment à l’autre à être changé en statue de sel). S’ensuit un discours messianique, où le pécheur est appelé à saisir sa chance d’accéder au paradis terrestre en adoptant un régime végétalien. L’antispécisme procède de toute évidence d’une déception vis-à-vis des luttes politiques, parce ce qu’elles ne sont vues que selon des critères éthiques donc prépolitiques [15]. À l’heure où l’antifascisme se doit d’éviter toute forme de diabolisation de l’extrême droite, l’antispécisme fonce dans le mur : non content d’adopter une démarche intellectuelle commune au domaine religieux, elle fait appel aux mêmes valeurs (amour, morale, bien, mal). L’association Boule de neige (collectif lyonnais pour la libération de l’animal), d’ailleurs, ne s’en cache pas : « Boule de Neige n’est pas loin de faire le rapport avec le nouveau Catéchisme, prescrivant « l’amour pour les bêtes, mais pas plus que pour un être humain » » [16]. Quel soulagement pour n’importe quel militant politique que de savoir enfin où est le Bien, où est le Mal, quel est le remède miracle qui fera qu’enfin chacun vivra libre, heureux, dans l’opulence, la joie et l’allégresse ! Alors, avis aux amateurs, le septième ciel se trouve dans la lutte antispéciste, « car pour vouloir penser clairement, pour vouloir désirer un monde meilleur (...) cesser de manger de la viande c’est vraiment la moindre des choses. » [17] Minima Moralia !
[1] Brochure Nous ne mangeons pas de viande pour ne pas tuer d’animaux, mai 1989 - novembre 1992, p. 9.
[2] ibid, p. 50.
[3] ibid, p. 4.
[4] ibid, p. 15.
[5] ibid, p. 10.
[6] Association Action information pour les droits des animaux (ex-AEDA).
[7] Lettre de l’AIDA adressée aux Cahiers antispécistes lyonnais.
[8] ibid, p. 35.
[9] ibid, p. 35.
[10] ibid, p. 29 à 31.
[11] ibid, p. 6.
[12] ibid, p.16.
[13] ibid, p. 11. À noter pour information que les Papous sont très friands de cochon.
[14] ibid, article « Santé », p. 23 et suivantes
[15] « J’ai passé du temps dans ma vie à lutter avec eux contre le racisme et le sexisme, contre l’oppression des humains [...]. Je voudrais encore aujourd’hui pouvoir me sentir motivé pour le faire. Mais je n’y arrive pas. Car cette chose si petite m’obsède, je n’arrive pas à détourner mon attention : comment peuvent ils manifester contre un meurtre quand ils tuent si facilement tous les jours ? [...] Comment peut-on vouloir que l’homme cesse d’être un loup pour l’homme et en reste un pour le lapin ? », ibid, p. 51.
[16] CAL de septembre 1993
[17] idem
L'anti-spécisme revendique « la libération animale ». Cette notion est incompatible avec la conception sociale de la liberté définie par le mouvement anarchiste. Pour définir ce qu'est un individu, les anti-spécistes ne prennent en compte que de simples caractères biologiques primaires, ici la simple existence d'un système nerveux. Les anti-spécistes nient tout ce qui fait la spécificité de l'être humain : son imaginaire, sa capacité à innover et à transformer ses relations sociales, etc. Ainsi, l'anti-spécisme réduit la liberté jusqu'à vider cette notion de son sens.
Lehning a écrit:Mais traire une vache c'est pas la tuer ! Alors que vous, vous tuez des poulets en devenir en bouffant des oeufs !
Lehning a écrit:Ma copine est végétarienne (mais quand y'a un bon cassoulet ou un bon bourguignon qui passe, t'inquiète ! c'est pas la dernière à sauter dessus)
Lehning a écrit:Mais je défie n'importe quel vegan extrémiste de rechigner sur un morceau de sanglier ! Ou alors c'est vraiment un abruti rigoriste !
Lehning a écrit:Et pis la souffrance végétale, ils/elles en font quoi (je parle pas du cri de la carotte), tous ces végétaux qu'ils/elles ingurgitent, élévés tout autant en batterie forcés dans des serres surchauffées, citadin-e-s de mes 2 ?
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