Théorie queer

Théorie queer

Messagede MélusineCiredutemps le Mer 15 Aoû 2012 00:13

Critique du genre et de la théorie queer

Avec l’émergence de la théorie queer, les questionnements sur le genre et la volonté de le déconstruire, semblent, pour certain-e-s, plus une mode qu’une démarche politique. Cette théorie présentée comme radicalement nouvelle, remettrait en question l’ensemble du mouvement féministe présentant celui-ci comme un mouvement revandicant de manière homogène des valeurs identitaires de « femmes ». Pourtant, depuis 1949 Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir démontre largement le fait que le genre est une construction sociale... « On ne naît pas femme, on le devient »...(1)
La féminité et la masculinité n'existent qu'au travers de la perception bipolaire d’une réalité humaine. Ce système de pensée, qui s'organise autour d'un processus de classification hiérarchique des choses matérielles et abstraites ainsi que des êtres, est à la fois la cause et la conséquence de notre acceptation de la domination. Ce conditionnement mental intervient dès la naissance et se poursuit jusqu'à la mort, notamment par le langage, l'éducation, les jouets, la publicité et la prostitution et ce de génération en génération.
Mais il n'y a pas de fatalité car en tant qu’humain-e-s nous avons la capacité de nous redéfinir. Ni une quelconque divinité, ni la «nature» ne nous manipule. L'observation de sociétés très différentes de la notre montre qu'il n'y a pas de fatalité biologique, mais bien des constructions sociales à l'origine du genre. Chez les Chambulis, en Nouvelle-Guinée, de nombreuses caractéristiques dites masculines ou féminines sont inversées par rapport aux notres(2).
Toutes les caractéristiques que peut avoir une personne font partie de l'immense potentiel présent dans chaque être humain qui se décline en un nombre infini de variations. Ces variations sont étiquetées par l'idéologie dominante comme féminines ou masculines. Il en découle l'institution de catégories qui induisent l'assignation des personnes dans une classification hiérarchique.
Le recours à la biologie pour justifier la classification par catégories de genre n'est qu'un mauvais prétexte. On pourrait même faire appel à la biologie pour démontrer le contraire. En effet, y compris du point de vue biologique, il n'y a pas de rupture entre les femelles et les mâles, il y a un continuum.
De plus, les humain-e-s sont culturel-le-s plutôt que naturel-le-s jusque dans leurs anatomies. Les récentes découvertes en matière d'étude du cerveau humain démontrent la plasticité(3) de ce dernier. Le cerveau d'une personne se modifie pour s'adapter aux informations et aux attentes qui proviennent de l'environnement social dans lequel se trouve cette personne. Cette plasticité du cerveau permet l'évolution du rapport au monde et l'éveil du sens critique de la personne, mais elle la rend également vulnérable aux processus de conditionnements mentaux qui interviennent depuis la naissance. C'est ce que démontrait déjà en 1973 Elena Gianini Belotti avec Du côté des petites filles (4). Il n'y a donc pas davantage de différence innée entre le cerveau d'un mâle et celui d'une femelle, qu'entre les cerveaux de deux femelles ou de deux mâles. La seule chose qui soit universellement partagée entre tou-te-s les humain-e-s, c'est le fait d'être doté-e-s de conscience. Mais « cette universalité n'est pas donnée, elle est perpétuellement construite » (5) et elle prend autant de formes que de cerveaux pour participer à sa construction.
Il ne suffit pas de « débiologiser le genre » pour détruire la hiérarchisation entre les caractéristiques dites masculines et féminines. Il est scientifiquement démontré qu'il n'y a pas de « races » au sein de l'humanité. Beaucoup de personnes en conviennent tout en agissant en racistes. Pour ces individu-e-s le concept « race » est débiologisé mais garde toute sa signification. Leurs actes restent les mêmes qu'avant la « débiologisation » de la « race ». Elle-il-s demeurent xénophobes et le problème reste entier. « 0% raciste-100% identité » peut-on lire sur certains de leurs sites internet.
Se dégenrer ce n'est pas passer d'un genre à l'autre, ni se situer entre les deux. Se dégenrer c'est détruire la catégorisation par le genre et non multiplier les catégories de genre. Définir comme une fin en soi le passage d'un genre à l'autre et affirmer qu'il suffit de cela pour dépasser le genre c'est admettre cette catégorisation comme une fatalité et l'entériner en s'y conformant. Par conséquent, on ne peut se dégenrer individuellement.
Une personne peut passer d'un genre à l'autre ou s'identifier comme étant entre les deux. Cela peut être important pour elle, et elle est la seule à pouvoir définir les conditions de son bien-être. Cependant, elle ne sera pas dégenrée tant qu'elle-même et la société identifieront ses caractéristiques comme féminines et/ou masculines, au lieu d'estimer qu'elles ne sont ni l'une ni l'autre, mais simplement les siennes, indépendamment de la forme de ses organes génitaux et de celle des personnes avec lesquelles elle a des relations sexuelles.
Ces caractéristiques sont modifiables, car en perpétuelle évolution en fonction des choix (par désir ou par dépit) que la personne fait consciemment ou inconsciemment. Elles sont aussi inaliénables et pourraient, à ce titre, être considérées comme propre à cette personne plutôt que servir de prétexte à son enfermement dans une catégorie. Si les caractéristiques humaines n'étaient pas classées en deux genres, l’identité de chaque personne ne serait pas réduite à l’appartenance à l’une de ces catégories. En revanche, amplifier la catégorisation par le genre en classant les personnes dans des catégories intermédiaires entre le masculin et le féminin ne fait que complexifier la lutte pour échapper à la classification.
La théorie queer prône, non pas l'abolition du genre, mais l'institution d'une multitude des catégories de genre définies et déclinées selon différents critères, confondant assignation dans le genre et sexualité (par exemples, les lesbiennes « butch », considérées comme masculines et les « fem », considérées comme féminines). « Introduire plus de degrés entre les pôles d'un continuum n'abolit pas ce continuum [...] Mais surtout cette position ne dénaturalise pas le genre. Elle le détache du sexe, certes, et donc de la naturalisation par la biologie. Mais elle considère le genre comme une dimension indispensable et nécessairement présente dans la sexualité. Le genre est ainsi re-naturalisé par un trait psychologique présumé universel, une «nature de la sexualité humaine».»(6).
La théorie queer ne remet pas en question le principe même de norme, mais institue de nouvelles normes en maintenant la croyance en la féminité et en la masculinité, donc en maintenant la hiérarchie, puisque « le genre est un concept asymétrique car intrinsèquement hiérarchique »(7).
Elle présente les rapports sociaux entre les genres et les « identités de genres » comme deux notions indépendantes l'une de l'autre. Ceci est absurde car « l'identité de genre » d'une personne n'existe pas « en soi », elle est construite par les rapports sociaux (auxquels la personne participe) qui la conditionnent et la définissent.
Si je suis « féminine » c'est uniquement parce que je vis au sein d'une société qui croit au concept de « féminité » (dont la fonction est d'établir le « masculin » comme supérieur et universel ) et dont les règles et les représentations entérinent cette croyance ainsi que ce qu'elle produit dans les rapports sociaux.
Dans Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier (sociologue et théoricienne queer) écrit : « La mise en perspective queer est fondamentalement déceptive en ce qu'elle invite à rompre avec des modèles politiques qui n'ont pas forcément fait la preuve de leur efficacité [...] la théorie et les politiques queer sont étrangères à une rhétorique de la libération ou de la révolution ». La théorie queer séduit car elle propose une « alternative » illusoire, plus rapide et plus facile, à la lutte révolutionnaire contre la domination. Ceci rappelle le rapport au temps (temps à rentabiliser) dans les schémas de pensée forgés par le capitalisme omniprésent qui exigent la performance et la rapidité, excluant tout projet de changement profond du système et des mentalités. Cette théorie est conforme au libéralisme actuel et à sa dictature de l'image et du narcissisme. En effet, elle ne remet pas en question le système de domination dont le genre sert les intérêts et mise beaucoup sur les aspects les plus superficiels du genre : ceux qui concernent les apparences... Une excellente publicité pour les industries du sexe et de l'esthétique qui illustre parfaitement la récupération commerciale du mouvement contestataire gay et lesbien des années 70.(8)
Dans Queer Zone 2, Marie-Hélène Bourcier défend la critique selon la théorie queer de ce qu'elle nomme « l'universalisme blanc hétérocentré », et contre lequel elle n'oppose rien d'autre qu'une position pro-communautaristes. Ce qui relève de la même logique que de s'affirmer pro-sectes pour combattre les religions dominantes. Cette apologie des communautarismes se traduit, par exemple, par un discours quasi admiratif à l'égard du voile islamique. Dans le même élan, elle stigmatise l'ensemble des adolescents des banlieues en faisant l'éloge d'un virilisme exacerbé qu'elle leur attribut à tous. Or, tous les garçons, où qu'ils vivent et quelques soient leurs origines culturelles et sociales subissent de très fortes pressions, de toutes parts, pour qu'ils fassent des démonstrations de virilité. Et lorsqu'on leur donne l'occasion de s'exprimer librement dans un cadre confidentiel où ils ne se sentent pas jugés, on se rend compte que pour la plupart d'entre eux il s'agit là d'une contrainte à laquelle ils se plient pour ne pas être exclus. Marie-Hélène Bourcier n'évoque même pas l'hypothèse d'une lutte pour l'inaliénabilité inconditionnelle de chaque personne. Comme si au sein des communautés, il n'y avait ni oppressions ni exploitations.
Contre le paritarisme, elle propose une politique de discrimination positive basée sur des quotas qui selon elle « conduiraient à des calculs plus proches de la réalité historique et culturelle ». À une mesure de discrimination « positive » elle en oppose une autre, se gardant bien de s'attaquer à la discrimination elle-même, qui même dite « positive » ne peut être que stigmatisante. Considérer les personnes comme des éléments interchangeables de leurs catégories identitaires c'est nier leurs individualités.
Il s'agit là d'une logique profondément essentialiste et d'ailleurs, Marie-Hélène Bourcier emploie de manière récurrente le terme de « race » sans jamais rappeler la non-existence scientifique de ce concept et le fait qu'il s'agit d'une construction sociale au service de la domination, comme pour le concept de genre.
Être éga-les-aux ne signifie pas être identiques. L'idéal républicain assimilationniste est l'expression du communautarisme de la communauté dominante. Il n'en est pas moins un communautarisme parmi les autres et n'a rien à voir avec la philosophie universaliste.
Il y a une différence entre déclarer qu'on est lesbienne, trans, hétéro, etc. et prôner le lesbianisme, la trans-sexualité, l'hétérosexualité, etc. comme norme exclusive de conformité à une idéologie quelconque. Les lesbiennes ne sont pas moins aliénées au patriarcat que les hétérosexuelles. Les homosexuel-le-s, les trans-genre et les transsexuel-le-s ne sont pas forcément communautaristes, alors que certains hommes blancs hétérosexuels le sont, même s'ils s'en défendent, comme par exemples Nicolas Sarkozy, Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen.
« L'implicite d'une préexistence des groupes à leur hiérarchisation laisse de côté la question de la construction des groupes en groupes : comment, pourquoi ont-ils été créés? L'impossibilité de rendre compte de leur constitution par autre chose que la volonté de hiérarchiser les individu-e-s [...]est la clé de voûte de ma théorie. [...] cette logique de la «différence» s'impose de plus en plus à ces groupes dominés. De plus en plus on les entend «revendiquer leur différence ». Les revendications d'égalité se transforment en revendications « d'identité» »(6). Ces revendications peuvent déboucher sur une illusion d'égalité entre les catégories, mais pas sur une égalité entre les personnes. « Pour avoir droit à ce «respect» et à cette «valorisation», il faut absolument que les individu-e-s se tiennent dans les limites de ce qui est reconnu comme spécifique à leur groupe. [...] Mais surtout, ce que porte en elle la revendication identitaire qui propose une valorisation par l'appartenance de groupe, c'est la négation de l'individu-e au sens d'être singulier-e. [...] La revendication identitaire implique en effet l'obligation pour chaque membre du groupe de se conformer aux normes de ce groupe pour être reconnu-e, et d'abandonner l'individualité qui est permise aux membres du groupe dominant. Cette interchangeabilité des personnes, cette désindividualisation, c'est justement la situation dont les femmes essaient de sortir. La négation de l'individu-e, bien qu'elle soit prônée par les différentialistes, est cependant une négation des différences : des différences individuelles.» (6).
Les personnes ne sont pas les oppressions qu'elles subissent ni les stigmatisations dont elles font l'objet, mais ce qu'elles font face à ces oppressions et à ces stigmatisations. Il ne s'agit pas de nier l'existence de la catégorisation identitaire mais de visibiliser les différences individuelles pour démontrer, que chaque personne est unique et inaliénable.
C'est au travers de l'exercice du libre-arbitre que s'exprime la liberté potentielle de chaque individu-e, qui peut choisir de s'associer à d'autres (qui ne sont pas forcément assigné-e-s à la même catégorie identitaire) pour combattre la domination et/ou qui peut également les combattre par des actes individuels.
Comme le racisme, le sexisme nécessite une analyse et une lutte spécifiques. Mais pour être cohérentes, les luttes contre le patriarcat et le racisme ne doivent pas être étrangères à la lutte contre le capitalisme. Ces différents systèmes de domination sont intimement liés, du point de vue historique et idéologique, ainsi que par leurs interactions concrètes dans la réalité présente. Ne pas prendre cela en considération est insensé et inutile, à moins de se satisfaire d'une égalité abstraite entre des catégories identitaires.
La théorie queer s'inscrit dans la lignée des discours à la mode qui, de Sarkosy aux Indigènes de la République, célèbrent la « diversité » et les revendications identitaires au détriment de la lutte pour l'égalité. En théorie, comme dans les faits, cette célébration de la « diversité » n'est pas incompatible avec le concept nauséabond d'identité nationale parce qu'ils sont tous les deux fondés sur une vision essentialiste de l'humanité, une vision qui nie les individualités, divise les opprimé-e-s et nourrit les haines absurdes. La focalisation sur la notion d'identité n'est pas seulement sans intérêt, elle est aussi toxique. Cette « valorisation de la diversité » permet de faire passer sous silence les inégalités économiques et de poursuivre la destruction déjà bien entamée de la conscience de classe des prolétaires. Les élites patronales et gouvernementales préfèrent avoir à faire à des communautés qui revendiquent leurs identités et demandent l'application de politiques de discrimination « positive », plutôt qu'à des prolétaires de toutes les couleurs et de tous les genres (qui se fichent pas mal de leurs couleurs et de leurs genres) uni-e-s dans la lutte pour l'égalité économique et sociale concrète et inconditionnelle, qui supprimerait les privilèges de ces mêmes élites. Car peut importe la composition des élites, le problème c'est quelles existent. (9)
Dans un chapitre intitulé « La cité des femmes mais sans les putes » de Queer Zone 1, on peut lire : « cultiver derechef l'homologie entre lesbiennes et femmes, gaies et hommes, construisant par là même les gaies [...] comme hétéro-patriarcaux ou des dominants masculins ».
De même, dans le n°7 de Bang Bang (journal queer) intitulé Le Miracle de l'hétérophobie on peut lire, parmi d'autres articles allant dans le même sens, A propos de queer et du SM où Déborha Dioactiv déclare « Les hétéros et les bis ne sont pas assez radicaux à mes yeux puisqu'en pratiquant une sexualité avec des personnes de sexe différent, ils-elles se rendent complices et collabos d'un système hétérosexiste qui m'opprime dans mon quotidien et sont donc des traîtres ». Selon la théorie queer, les hétérosexuel-le-s et les bisexuel-le-s seraient donc forcément des « hétérosexistes ».
Comme le confirme le chapitre sur les « gouines SM radicales » dans Queer Zone 1, pour être reconnu-e par ses adeptes comme non « hétérosexiste », il faudrait obligatoirement n'avoir des relations sexuelles qu'avec des personnes de « même sexe » et se conformer à une sexualité soumise à une certaine forme de morale plutôt que de prendre simplement en compte nos différents désirs. Cette position rejoint la fameuse déclaration de Monique Wittig: « Les lesbiennes ne sont pas des femmes ».
Or, un-e individu-e se révèle machiste par des comportements et des prises de positions qui justifient et reproduisent la domination masculine, et le machisme prend autant de formes que d'individu-e-s, de tous genres et de toutes sexualités, qui le défendent.
La théorie queer fait aussi l'apologie de la prostitution comme en témoigne l'article de «ProstituteGayBubblesBoys» et l'interview de Diamant18Carrats par Olga Zmick, dans Le Miracle de l'hétérophobie. Ses adeptes se déclarent «pro-sexe» pour légitimer la prostitution. Cette expression replacée dans son contexte est celle de l'aliénation aux lois de l'apparence et aux clichés construits par l'idéologie puritaine.
Or, si on aime «le sexe», on tient à ce qu'il soit libre, et non pas aliéné au capitalisme... à moins d'être dans une souffrance qui pousse à l'autodestruction ou d'être capitaliste... Pour ma part, je préfère définir ma position à propos de la sexualité par le terme «pro-désirs» en opposition au terme «pro-sexe», car le consentement peut être le fruit d'un choix par dépit, d'une contrainte acceptée, d'une servitude plus ou moins volontaire. Faire l'apologie de la prostitution n'a rien de subversif, bien au contraire. Car la prostitution est à la fois un moteur et un produit du patriarcat, du puritanisme et du capitalisme. Là encore, la théorie queer ne s'oppose en rien au système marchand et aux inégalités économiques et sociales qu'il produit.
La théorie queer se revendique post-féministe, le féminisme serait dépassé et les féministes qui n'adhèrent pas à la théorie queer seraient tou-te-s des « hétérosexistes » qui n'ont rien compris. Dans le chapitre intitulé « Le SM métaphore politique d'une sexualité radicale gouine et gaie » de Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier explique cette position : « Non les femmes ne sont pas étrangères au pouvoir. Voilà qui replaçait au premier plan la question du pouvoir et de son exercice remettant en cause l'équation pouvoir = mâle et l'un des combats centraux du féminisme : l'égalité dans la relation. À l'utopie féministe rêvant un monde hors pouvoir, les gouines SM ont proposé une vision réaliste des relations intersubjectives». A lire Marie-Hélène Bourcier, on croirait presque que le monde entier doit aux « gouines SM » la découverte et la révélation du fait que les femmes ne sont pas étrangères au pouvoir. Comme si avant l'apparition des « gouines SM » il n'y avait jamais eu de reines, d'impératrices, de Margaret Thatcher, etc. ou comme si les féministes les avaient ignorées. L'égalité dans les relations serait donc une utopie irréaliste... Celleux qui ne veulent pas remettre en question le capitalisme disent en général que l'égalité économique et sociale est une utopie irréaliste, qu'il y aura toujours des riches et des pauvres, des dominant-e-s et des dominé-e-s, qu'on y pourra rien changer, et invoquent la fameuse « nature humaine »... Voilà comment les dogmes essentialistes invitent à la résignation et à la lâcheté.
C'est nous-même qui construisons nos relations, et qu'elles soient considérées comme « sexuelles » ou non, nous en sommes à la fois les scénaristes et les act-rice-eur-s.
Il est possible de créer des relations égalitaires.
Cela ne dépend que de nous, aucune entité n'est responsable à notre place des actes que nous posons individuellement et collectivement. Les relations de pouvoir ne sont pas « incontournables entre deux personnes ».
Elles sont le fruit d'une construction sociale et non la manifestation d'une essence prétendument humaine. La domination dans les relations inter-individuelles n'est pas une fatalité et sa seule issue n'est pas de se dominer chacun-e son tour.
Par ailleurs, il y a plusieurs courants dans le féminisme. Certains de ces courants s'opposent radicalement au point de rendre floue la définition du «féminisme». Il est plus facile de se déclarer féministe que de l'être réellement. C'est ce que font de nombreuses personnes et organisations qui considèrent néanmoins la lutte contre le patriarcat comme une lutte secondaire et prennent des positions incohérentes. Certaines d'entre elles se déclarent féministes pour étouffer les débats et brouiller les pistes. De même que certaines organisations d'extrême droite se déclarent anti-racistes pour mieux faire passer leurs discours xénophobes et identitaires.
Malheureusement, il est prématuré de parler de post-féminisme, alors que les personnes assignées à des catégories dites « féminines » sont encore victimes de tant de violences, de négation de leur humanité, de chosification, et d'injustices sociales et économiques. Alors, comme ces féministes qui ne sont pas « réalistes », je rêve donc je suis libre de créer, partager, résister et me battre pour tendre vers l'utopie.

Mélusine Ciredutemps

(1) Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe (Tomes 1 et 2)
(2) Margaret Mead - Moeurs et sexualité en Océanie.
(3)Catherine Vidal - Le cerveau a-t-il un sexe?
(4) Elena Gianini Belotti – Du côté des petites filles
(5) Jean-Paul Sartre - L'existentialisme
(6) Christine Delphy - L'Ennemi Principal. Tome 2 : Penser le genre
(7) Guillaume Carnino - Pour en finir avec le sexisme
(8) Sheila Jeffreys – Débander la théorie queer
(9) Walter Benn Michaels – La diversité contre l'égalité

Une première version de cet article a été publiée dans le Courant Alternatif de février 2008 (n°177) et est en ligne sur le site internet de l'Organisation Communiste Libertaire :
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article305
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MélusineCiredutemps
 
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Re: Théorie queer

Messagede MélusineCiredutemps le Mer 15 Aoû 2012 00:25

Même si je ne partage pas toutes les idées défendues par Sheila Jeffreys, voici une présentation intéressante de son livre très instructif et bien documenté à propos de la théorie queer :

" Débander la théorie queer ", un livre de Sheila Jeffreys

C’est dans un contexte d’expansion du courant queer dans les grandes capitales et au sein des universités qu’a été publié en 2003 l’essai critique de Sheila Jeffreys, professeure de science politique à l’Université de Melbourne en Australie, dont le titre Unpacking Queer Politics (1), pourrait se traduire littéralement par Débander la théorie queer. Dans les années 90, on a assisté au sein de la communauté lesbienne au phénomène du "packing", nom donné au port d’un godemiché sous le pantalon afin de simuler l’existence d’un pénis. Cette pratique, note Jeffreys, révèle chez ses adeptes le culte de la virilité et l’abandon de la lutte féministe contre les rapports hiérarchiques de genre.

Au départ, le terme "queer" (pédé) était une insulte homophobe. Le courant queer a repris par dérision l’appellation à son compte et regroupe celles et ceux qu’on a accusé-es de perversité, de déviance, les parias, les inclassables qui vivent dans les marges de l’identité sexuelle et de la normalité. On y retrouve des transsexuels, des bisexuels, des adeptes du sadomasochisme, du fétichisme, de l’automutilation corporelle, de la pédophilie.

Ce courant originaire des États-Unis a fait irruption partout dans les années 80-90. Au Québec, on se rappellera l’engouement pour les outrances de l’universitaire américaine Camille Paglia, les spectacles de la star porno Annie Sprinkle et le livre de Nathalie Collard et Pascale Navarro, Interdit aux femmes - Le féminisme et la censure de la pornographie qui se porte à la défense de la pornographie (2). Et, plus récemment, le livre d’Élisabeth Badinter, Fausse route (3) qui fait aussi la promotion de la libéralisation de la sexualité en dénonçant le " nouvel ordre moral féministe ".

On voit apparaître un peu partout les bars fétichistes et sadomasochistes, la mode du cuir, des chaînes, du piercing et du tatouage, la vogue des drag queens, du transsexualisme, les automutilations publiques de groupes comme Jackass et le défilé de la fierté gay qui consacre la récupération commerciale du mouvement contestataire gay et lesbien des années 70.

En 1998, dans la mouvance du post-modernisme et du néolibéralisme dominant, un collectif sous la direction de Diane Lamoureux publie Les Limites de l’identité sexuelle (4), qui définit le queer comme une libération individualiste de toute forme d’identité contraignante et limitative. La même année, lors du congrès de l’ACFAS, Line Chamberland s’interroge, pour sa part, sur la remise en question par le courant queer de la base identitaire du mouvement lesbien et des perspectives féministes de résistance politique à la domination patriarcale.

Sheila Jeffreys, militante de la Coalition contre le trafic des femmes (CATW), a déjà publié, en 1993, The Lesbian Heresy (5), un essai qui dénonce l’emprise de l’industrie du sexe au sein de la communauté lesbienne, le sadomasochisme, la pornographie, les jouets sexuels désormais considérés comme parties intégrantes de la sexualité lesbienne. Elle y signale le regroupement sous l’appellation queer "de s/m, lesbiennes, gay, activistes pédophiles, tout autant que de libertaires socialistes et radicaux plus conventionnels" qui rejettent le lesbianisme "puritain et moraliste" comme une contrainte au même titre que l’hétérosexualité. Le modèle sadomasochiste mis de l’avant par le queer réaffirme, au nom de la libération sexuelle, la primauté du modèle patriarcal dominant/dominée.

Dix ans plus tard, dans Unpacking Queer Politics, Jeffreys montre le cheminement du mouvement lesbien féministe des années 70 jusqu’à son absorption par le mouvement gay et queer des années 80 qui, en choisissant de parodier la virilité et la féminité dans les rapports butch-femme, de normaliser la violence et l’autodestruction dans des rapports sexuels sadomasochistes entre femmes, reproduit les rapports patriarcaux de domination masculine et de subordination féminine qu’ont toujours combattus les lesbiennes féministes. En agissant ainsi, affirme Jeffreys, le courant queer nie le principe d’égalité dans les relations et les rapports sexuels pratiqué par la communauté lesbienne féministe.

La revendication gay de droits égaux au sein du système patriarcal remplace la remise en question radicale des rapports de pouvoir patriarcaux par les lesbiennes radicales des années 70. Ainsi, la lutte gay pour le mariage, considéré par les lesbiennes féministes comme l’institution patriarcale par excellence, va à l’encontre de leurs principes identitaires fondamentaux, en intégrant dans les relations de même sexe les stéréotypes hétérosexuels qui reflètent les rapports sexuels de domination. À l’instar du travail du sexe, toute sexualité déviante est promue comme un choix transgressif et libérateur, selon le principe du droit de faire tout ce qu’on veut de son propre corps.

Jeffreys montre comment le queer est devenu une immense industrie lucrative, ses membres étant ciblés par le marché de la chirurgie transsexuelle, du piercing, des mutilations corporelles, de la pornographie, des vêtements et de la coiffure exprimant l’identité butch, femme ou drag queen, la multiplication des bars spécialisés, etc. Le queer valorise la masculinité et, les lesbiennes qui en font partie, au lieu d’affirmer leur identité de femme lesbienne, cherchent à devenir semblables aux hommes par tous les moyens jusqu’à l’utilisation de la chirurgie et de la prise d’hormones qui les convertira en hommes, seule identité acceptable dans la perspective queer.

Pour justifier le viol, on prétend que la violence fait partie inhérente de la sexualité. Pour le courant queer, les rapports de pouvoir sont à la base du plaisir. Plus les rapports sadomasochistes sont poussés, plus le plaisir est grand. Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’on y ridiculise les lesbiennes féministes en les traitant de puritaines, de politiquement correctes et d’anti-sexe.

Incompatibilité entre lesbiennes féministes et queer

Selon Jeffreys, la théorie queer apparue dans les années 70 allait à l’encontre des principes de libération des gay et lesbiennes féministes et marquait un ressac quant à la possibilité d’un changement social radical. La plupart des écrits queer tentaient d’intégrer les lesbiennes et les gay dans une théorie de la citoyenneté sexuelle qui reposait sur la subordination des femmes et l’élimination de tout point de vue féministe.

Le retour à une sexualité hypervirile serait une réaction à la stigmatisation vécue par les homosexuels qualifiés d’hommes manqués, d’efféminés. Le mouvement gay, composé d’hommes blancs, de classe moyenne, avec une minorité de lesbiennes et de personnes de couleur, donna petit à petit la primauté aux seuls problèmes vécus par les hommes gay et abandonna l’analyse de l’oppression, qui l’animait auparavant, pour se consacrer à la lutte pour l’égalité avec les hétérosexuels et le partage de leurs privilèges, sans remettre en question la suprématie masculine.

Les lesbiennes féministes se retirèrent vite de ce nouveau courant ne se reconnaissant pas dans le modèle masculin agressif de liberté sexuelle basé sur des rapports sexuels multiples et impersonnels dans les lieux publics, les toilettes, les saunas, les bars etc. D’autre part, elles jugeaient insultante l’imitation exagérée par les drag queens des pires stéréotypes féminins, conséquences même des rapports de domination et d’inégalité vécus par les femmes.

L’amour des femmes prôné par les lesbiennes n’avait pas de place dans la théorie queer et, bientôt, celles qui demeurèrent dans ce mouvement ne se contentèrent plus de jouer le rôle de butch, mais entreprirent de se transformer, non seulement en hommes mais en hommes gay, en subissant des opérations mutilantes et en prenant de la testostérone.

Dans les années 80, des lesbiennes, comme Gayle Rubin, se mirent à faire campagne pour défendre la pornographie soit au nom de la liberté d’expression, soit parce qu’elles voulaient la rendre accessible aux femmes. Rubin considère que les féministes sont intégrées à la société hiérarchique dominante et doivent être traitées comme des ennemies. Dans Penser le sexe (6), elle poursuit son apologie de toutes les minorités sexuelles dissidentes et se concentre surtout sur la défense de la pédophilie en refusant d’y voir une forme d’exploitation sexuelle. Pour elle, toute loi visant à régir la sexualité constitue « un apartheid sexuel » destiné à renforcer les structures du pouvoir en place. Jeffreys montre que la sexualité est le point de divergence fondamental entre le féminisme lesbien et le courant queer.

La masculinité étant considérée la plus haute valeur au sein de la culture queer mixte, l’amour des femmes est mal vu et celles qui s’en réclament sont traitées de "politiquement correctes". Jeffreys remarque que le courant queer n’a jamais remis en question le système patriarcal et a capitulé devant les impératifs économiques de l’époque. Des pratiques résultant de l’oppression sexuelle sont mises en marché par la promotion des bains publics, des bars, du piercing, de la chirurgie transsexuelle. Un nouveau secteur économique gay tire d’énormes profits de l’industrialisation de la pornographie et de la prostitution.

Les travaux de Foucault, en développant la notion de "transgression", fournissent une base théorique populaire au courant queer. Jeffreys constate que le philosophe français, gay et sadomasochiste, n’a cependant pas jugé bon d’inclure l’expérience spécifique des femmes dans sa réflexion sur la sexualité et l’homosexualité. Pour Judith Butler, penseuse importante du queer, la transgression au niveau de l’habillement et de la représentation est révolutionnaire et capable de renverser les rapports sociaux fondés sur le sexe. De son côté, Jeffreys montre que la volonté postmoderne de refuser toute certitude identitaire a été utilisée par des théoricien-nes queer pour signer l’arrêt de mort du lesbianisme. Pour elle, la théorie queer vient d’un courant historique anti-libération, individualiste, anti-matérialiste et sexiste.

La commercialisation néolibérale de la sexualité

Jeffreys cite Max Kirch (7), pour qui la théorie queer rend impossible toute transformation sociale, par l’importance accordée à la fluidité de l’identité et à la relativité de toute expérience. Il y voit la conséquence et la défense d’un stade particulier du capitalisme qui requiert l’existence d’individus repliés sur eux-mêmes afin d’atteindre ses objectifs économiques de profits au moyen de la croissance illimitée de la production et de la consommation. Selon Kirch, la théorie queer déconstruit la collectivité, encourage l’indifférence politique et relativise la sexualité et le genre.

Ce qui était, il n’y a pas si longtemps une communauté gay ou lesbienne est maintenant devenu un secteur commercial. Dans certains milieux, le queer est commercialisé par le "piercing", le cuir, les coiffures en pics. Les privilèges de classe et la glorification du capitalisme font partie intégrante de l’industrie queer. Plusieurs universitaires écrivent sur ce fétichisme consommateur et inventent un discours queer qui reflète leur dépendance envers la mode et la consommation de masse.

La chirurgie transsexuelle de femme en homme (FTM) rapporte beaucoup. On en estime le coût entre 50 000 $US à 77 000 $US, un coût qui repousse beaucoup d’aspirantes vers des charlatans et des vendeurs d’hormones illégaux. Il donne aussi à penser que les profits des compagnies pharmaceutiques et des chirurgiens sont des facteurs importants pour expliquer la promotion contemporaine de la transsexualité comme solution pour les lesbiennes malheureuses.

On assiste à l’introduction du capitalisme dans des activités sexuelles pratiquées par les hommes gay depuis des décennies. Le culte de la virilité avait besoin de cette commercialisation pour s’enraciner et prendre de l’expansion. C’est ainsi qu’on s’est mis à faire la promotion d’un "style de vie rebelle". Le discours sur la liberté sexuelle est appuyé par des forces commerciales puissantes (propriétaires de bars, de bains publics, producteurs de porno) qui visent à tirer un profit maximal de la sexualité gay. Ce sont les intérêts commerciaux qui ont transformé le comportement sexuel gay d’avant les sorties du placard (coming out) en un marché lucratif à travers la création de lieux publics d’échanges sexuels.

Les échanges sexuels ont lieu sur la place publique, dans les toilettes, les parcs, dans les salles arrières des bars ou des librairies, où il y a des isoloirs à cet effet, dans les saunas et bains publics, les clubs qu’on a modelés souvent en forme de toilettes ou d’autres terrains de drague. Le sexe public signifie en général l’exploitation sexuelle en vue du profit, soit des hommes gay eux-mêmes, qui paient un espace pour avoir des rapports sexuels entre eux ou d’hommes et de garçons qui sont payés pour leurs services sexuels dans la prostitution et la pornographie.

On peut comprendre pourquoi, dans un tel contexte, des promotrices du queer, comme Gayle Rubin et Pat Califia, s’attaquent au "féminisme moraliste" qui s’oppose à la pornographie, à la pédophilie, au sadomasochisme et aux rapports sexuels publics.

http://sisyphe.org/spip.php?article1050
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Re: Théorie queer

Messagede MélusineCiredutemps le Mer 22 Aoû 2012 01:36

Il est possible d'imprimer l'article "Critique du genre et de la théorie queer" sous forme de brochure illustrée à partir du site du CLAS :

http://coll.lib.antisexiste.free.fr/

http://coll.lib.antisexiste.free.fr/CLAS.html

http://coll.lib.antisexiste.free.fr/bro ... 0queer.pdf
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Re: Théorie queer

Messagede bajotierra le Jeu 30 Aoû 2012 11:00

salut ,

le premier texte m'a beaucoup intéréssé car il dépase la problématique " queer" pour développer toute une reflexion globale sur les raports entre individus et communauté

Ces caractéristiques sont modifiables, car en perpétuelle évolution en fonction des choix (par désir ou par dépit) que la personne fait consciemment ou inconsciemment. Elles sont aussi inaliénables et pourraient, à ce titre, être considérées comme propre à cette personne plutôt que servir de prétexte à son enfermement dans une catégorie.


attention , ne pas oublier que la communauté influe sur ces choix individuels par la "pression sociale " qu'elle produit en interne , c''est le rapport entre éducation et formatage qui fait que la réflexion individuelle la plus affranchie n'est jamais une production ex-nihilo , mais subit l'influence du milieu dans lequel elle se développe , et ça les politiciens l'ont bien compris en renforçant cette pression au sein des communautés ils cherchent bien ceci :

En théorie, comme dans les faits, cette célébration de la « diversité » n'est pas incompatible avec le concept nauséabond d'identité nationale parce qu'ils sont tous les deux fondés sur une vision essentialiste de l'humanité, une vision qui nie les individualités, divise les opprimé-e-s et nourrit les haines absurdes. La focalisation sur la notion d'identité n'est pas seulement sans intérêt, elle est aussi toxique. Cette « valorisation de la diversité » permet de faire passer sous silence les inégalités économiques et de poursuivre la destruction déjà bien entamée de la conscience de classe des prolétaires. Les élites patronales et gouvernementales préfèrent avoir à faire à des communautés qui revendiquent leurs identités et demandent l'application de politiques de discrimination « positive », plutôt qu'à des prolétaires de toutes les couleurs et de tous les genres (qui se fichent pas mal de leurs couleurs et de leurs genres) uni-e-s dans la lutte pour l'égalité économique et sociale concrète et inconditionnelle, qui supprimerait les privilèges de ces mêmes élites. Car peut importe la composition des élites, le problème c'est quelles existent.
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Re: Théorie queer

Messagede Protesta le Jeu 30 Aoû 2012 22:17

Mais c'est quoi QUEER? Je n'ai jamais rien compris à ce concept.
Peut' on m'expliquer??
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Re: Théorie queer

Messagede Specifix le Ven 31 Aoû 2012 00:57

Pour faire simple, je dirais que queer, c'est un cloisonnement, en communautés, basé sur un critère qui se voudrait déterminant et identitaire. Cela implique des intérêts distincts des autres groupes ou communautés. Cette théorie va à l'encontre du concept universaliste qui est induit par une communauté d'espèce et de "destin". (Je ne sais pas si j'ai bien utilisé le mot "induire").
Par exemple : Le queer condamne et délégitime le féminisme en l'accusant de ne pas tenir compte des minorités, et de leurs "cultures" parfois "très très spécifiques". Il aurait oublié et ignoré les homos, trans, blacks, etc ... Le "féminisme" musulman, par exemple, je le classerais dans ce couran-là, aussi. Le queer crée une multitude de divisions au sein du genre.
Ces divisions sont destinées à créer un sentiment de différence pour mieux caché l'évidence de ce qui est commun.
La théorie queer s'inscrit dans le multiculturalisme, même, s'il me semble que le terme "queer" est, plutôt, employé dans le domaine de la sexualité et du genre, et découle du courant réactionnaire post-moderne qui prétend, par ailleurs, que le monde est si complexe qu'on ne peut que s'adapter, et qu'il est inutile de tenter d'y changer quoi que ce soit.
On ne pourrait, donc, lutter que de manière très superficielle, sur des points de détails, ... et, là, il n'est plus question de Révolution, évidemment ...

Je pense que l'idée principale y est.

Queer vient de l'anglais qui signifie bizarre, étrange ...
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Re: Théorie queer

Messagede MélusineCiredutemps le Ven 31 Aoû 2012 01:10

Specifix a écrit:Pour faire simple, je dirais que queer, c'est un cloisonnement, en communautés, basé sur un critère qui se voudrait déterminant et identitaire. Cela implique des intérêts distincts des autres groupes ou communautés. Cette théorie va à l'encontre du concept universaliste qui est induit par une communauté d'espèce et de "destin". (Je ne sais pas si j'ai bien utilisé le mot "induire").
Par exemple : Le queer condamne et délégitime le féminisme en l'accusant de ne pas tenir compte des minorités, et de leurs "cultures" parfois "très très spécifiques". Il aurait oublié et ignoré les homos, trans, blacks, etc ... Le "féminisme" musulman, par exemple, je le classerais dans ce couran-là, aussi. Le queer crée une multitude de divisions au sein du genre.
Ces divisions sont destinées à créer un sentiment de différence pour mieux caché l'évidence de ce qui est commun.
La théorie queer s'inscrit dans le multiculturalisme, même, s'il me semble que le terme "queer" est, plutôt, employé dans le domaine de la sexualité et du genre, et découle du courant réactionnaire post-moderne qui prétend, par ailleurs, que le monde est si complexe qu'on ne peut que s'adapter, et qu'il est inutile de tenter d'y changer quoi que ce soit.
On ne pourrait, donc, lutter que de manière très superficielle, sur des points de détails, ... et, là, il n'est plus question de Révolution, évidemment ...

Je pense que l'idée principale y est.

Queer vient de l'anglais qui signifie bizarre, étrange ...


Excellent résumé ! :clap: :eler:
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Re: Théorie queer

Messagede Protesta le Ven 31 Aoû 2012 13:28

ok, en fait un anti-universalisme, et un repli sur sois.
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Re: Théorie queer

Messagede MélusineCiredutemps le Ven 31 Aoû 2012 23:13

En ce qui concerne la théorie queer c'est surtout l'enfermement symbolique et social des personnes dans des catégories identitaires avec ou sans leurs consentements. Comme si nous étions tou-te-s des sortes de clones ou de robots fabriqués selon un schéma unique pour chaque catégorie. Comme si chaque personne n'était pas unique. Selon la théorie queer, par exemple, les femmes hétérosexuelles ayant la peau blanche sont toutes identiques, on peut en remplacer une par n'importe quelle autre, elles pensent et ressentent les mêmes choses, ont les mêmes goûts et les mêmes comportements.
Il s'agit en fait d'une idéologie qui se pose comme théorie et s'est, malhonnêtement, approprié certaines découvertes anthropologiques (qui sont en réalité l'aboutissement de recherches et de réflexions menées depuis de nombreuses décennies par des vraies féministes) à propos de la notion de genre (c'est à dire le "sexe social", autrement dit tout ce qui a à voir avec la féminité et la masculinité sans lien rationnel avec la biologie - exemple : l'idée selon laquelle les femmes seraient "naturellement" douces et coquettes, alors qu'en fait il n'y a rien de naturelle là dedans, mais simplement le résultat d'une éducation spécifique à l'égard des petites filles). La différence entre les vraies féministes et les adeptes de la théorie queer, vis à vis du concept de genre c'est, d'une part, l'interprétation de ce phénomène et, d'autre part, le but recherché.
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Re: Théorie queer

Messagede Protesta le Ven 31 Aoû 2012 23:49

Selon la théorie queer, par exemple, les femmes hétérosexuelles ayant la peau blanche sont toutes identiques, on peut en remplacer une par n'importe quelle autre, elles pensent et ressentent les mêmes choses, ont les mêmes goûts et les mêmes comportements.


Je trouve ça un tantinet craignos, donc telle ou telle catégorie d'individu sont définis par leur comportements supposé, donc ça rejoint quelque part les courants politique raciste. Je me trompe??
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Re: Théorie queer

Messagede MélusineCiredutemps le Sam 1 Sep 2012 00:59

Protesta a écrit:
Selon la théorie queer, par exemple, les femmes hétérosexuelles ayant la peau blanche sont toutes identiques, on peut en remplacer une par n'importe quelle autre, elles pensent et ressentent les mêmes choses, ont les mêmes goûts et les mêmes comportements.


Je trouve ça un tantinet craignos, donc telle ou telle catégorie d'individu sont définis par leur comportements supposé, donc ça rejoint quelque part les courants politique raciste. Je me trompe??


Non tu ne te trompes pas. C'est exactement ça le problème principal avec cette théorie et c'est principalement ça qui la rend toxique et dangereuse. C'est pour ça qu'il m'a semblé important de consacrer du temps et de l'énergie à m'instruire à son sujet et à écrire cet article dont la toute première mouture était une réponse au dossier pro-queer du réseau No Pasaran dont je faisais partie à l'époque et que j'ai quitté, en grande partie à cause des positions anti-féministes qui y devenaient dominantes (en plus du côté commercial - avec le fameux catalogue couleur en papier glacé - du manque de transparence dans la gestion du fric, des prises de pouvoir incessantes de la part de certain-e-s et de lâcheté de la majorité des autres membres).
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Re: Théorie queer

Messagede Protesta le Sam 1 Sep 2012 12:36

Merci pour ces explications, et d’ailleurs ça me fait penser, au courant Anarcho-primitiviste/anti-civilisation, ça y ressemble, Je n'ai pas beaucoup de bille sur ces sujets, mais le peu que j'ai lu de Theodore Kaczynski , me laisse perplexe.

D'ailleurs:

Le concept de progrès est donc, pour les anarcho-primitivistes à prendre avec des pincettes. En effet, celui-ci symbolise le développement de la société industrielle et de la recherche scientifique en un effort d'extermination de la race humaine et soutenus par ce que l'on appelle les courants progressistes1.


Si quelqu'un si connait peut il ouvrir un topic sur ce sujet, et donner des explications???
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Re: Théorie queer

Messagede vroum le Lun 30 Mar 2015 11:50

Queer theory, la politique fantasmatique

http://www.monde-libertaire.fr/n1332-16-22-oct-2003/11227-queer-theory-la-politique-fantasmatique

Vous avez peut-être entendu parler de la queer theory, un mouvement en vogue aux États-Unis chez certains universitaires (et malheureusement, relayé par quelques libertaires). À première vue, on pourrait croire qu'il s'agit de défendre les droits des minorités sexuelles, de combattre le sexisme et l'intolérance, le tout assorti de prétentions révolutionnaires. À deuxième vue, c'est n'importe quoi. Peut-être une blague au second degré ? Mais alors, une blague qui dure : Monique Wittig élucubre sur le sujet depuis plus de vingt ans ! En 1980, au Barnard College, elle assène sans rire : « Ce n'est pas seulement que je ne suis pas une femme, c'est que je n'ai pas de vagin ».

Morceaux choisis d'une interview de Beatriz Preciado, auteure du Manifeste contrasexuel, parus dans la Vache folle en août 2000 : « Pour être simple [la performativité], c'est la force politique de la parole. […] Si le genre est tellement important et a tellement de pouvoir politique, c'est parce qu'il modifie l'approche de notre corps et des autres corps. »

Après quinze lignes d'affirmations du même tonneau, aussi péremptoires que peu ou mal étayées, on croit discerner qu'elle voudrait combattre le sexisme… en niant la différence sexuelle ! Pas seulement les comportements : l'existence même des zizis et des zézettes !

Pour « reconceptualiser » la queer version américaine, à son avis « devenue trop détachée du travail politique » (lequel ? Mystère !), elle propose aussi quelques solutions bien concrètes : « Ce sont des pratiques qui appellent à changer le regard que l'on a de son propre corps. L'une de ces pratiques consiste à dessiner un gode et à branler un bras. C'est parti du constat que la médecine actuelle tente de fabriquer un pénis prosthétique à partir de l'avant-bras d'une personne. Symboliquement, chaque individu aurait donc au moins deux pénis, et le garçon trois. »

Heureusement que la médecine ne fabrique pas les pénis avec la peau de la figure. Elle en aurait déduit que chaque individu a une tête de bite.

« Quand certaines personnes parlent du gode, elles peuvent employer des expressions comme "c'est mon gode qui jouit". Si l'on pense que le godemiché est simplement une prothèse artificielle de pénis (définition du dico), qu'est-ce qui se passe quand il est attaché à un corps féminin ? On commence alors à se poser des questions paradoxales : le gode est-il un attribut féminin ou masculin ? Peut-on considérer que le gode fait partie du corps pendant le temps de la baise ? »

Ben non. Pas plus qu'une bouteille en plastique ne fait partie du corps pendant qu'on la tient à la main (même si on la secoue très fort). On ne peut pas se baser sur des « impressions » pour construire une analyse sérieuse de la réalité. Quand les curés avaient l'impression que la terre était plate, eh bien, elle était ronde quand même !

« Par exemple, un godemiché siliconé de fabrication japonaise, avec des perles à l'intérieur et dont l'extrémité supérieure représente un visage féminin modèle Mireille Mathieu si l'on se réfère à la coupe de cheveux, possède un petit lapin, accroché à sa base, qui permet des attouchements de nature digitale. »

Ne riez pas, SVP. OK, l'hilarité, c'est comme la bandaison, ça ne se commande pas… Mais enfin, cette dame a bien le droit de s'enfiler Mireille Mathieu dans le fondement si tel est son bon plaisir (on s'en fout, c'est pas nos oignons). Et même d'enculer les mouches : elle doit n'avoir que ça à foutre, n'ayant pas l'air trop épuisée par le travail en usine, la lutte syndicale ou les grèves de la faim en vue d'obtenir des papiers. Décidément, il y a des gens qui ne vivent pas sur la même planète…

De deux choses l'une : ou elle souhaite seulement exhiber ses exploits intimes ; ou elle pense (et c'est apparemment le cas) qu'ils doivent présenter un intérêt universel. Et c'est là que rien ne va plus. Le croirez-vous ? Elle n'hésite pas à se baser sur le cas (rarissime) des hermaphrodites pour décréter que les genres sexuels sont une pure vue de l'esprit : « Aujourd'hui, les critères d'assignation de la masculinité ou de la féminité, contrairement à ce que l'on pourrait croire, ne sont pas génétiques ou hormonaux, ils sont esthétiques ou politiques. » Ne lui déplaise, quand elle précise : « Quand un garçon naît, la désignation de son nom fille ou garçon est déjà une énonciation de ce que va être sa réalité de fille ou de garçon », les critères de désignation à la naissance (et même avant si on fait une amniocentèse) ne sont jamais esthétiques ou politiques. Pour tout individu âgé de plus de deux ans et pas trop cinglé ou miraud, la différence saute aux yeux !

Ce qui est gênant dans cette histoire, ce n'est pas du tout l'extravagance des fantasmes, mais ce mépris affiché de la cohérence. Le nonsense, le « dérèglement systématique de tous les sens » et l'écriture automatique, c'est idéal pour la fiction, les jeux sexuels, la poésie. Mais totalement hors de propos en analyse politique.

Pour prendre un exemple, ce serait idiot de reprocher à Nosferatu, film fantastique, de mettre en scène un vampire, car « les vampires, ça n'existe pas ». Au lit, tous les délires sont permis : se déguiser en Dracula et jouer à « Suce-moi, vampire », c'est une idée comme une autre. En revanche, pour pondre un essai politique affirmant que le monde est gouverné par des vampires (pas symboliques, mais vrais de vrais, avec de grandes dents rétractables et qui se transforment en chauve-souris), il faut avoir fumé un kilomètre carré de moquette !

Les sex-toys, outils révolutionnaires ? En avril 2003, un article de Cosmopolitan vante l'usage des boules de geisha, sondes à piquo-masseurs, godes à manivelle, à harnais, et même du « gode lumineux pour s'éclairer l'intérieur du sexe » (et pourquoi pas ?). Les ouvrages de queer theory ne sont pas censurés ; on leur fait de la publicité dans des brûlots comme Marie-Claire ou les Inrockuptibles. On vend des vibromasseurs dans le catalogue de la Redoute (alors que, faut-il le rappeler, un vrai sexe de chair et de nerfs avec un mec autour ne coûte - en principe - pas un sou).

Le plus étonnant, c'est que des libertaires aient pu s'enticher de ce qui n'est en aucun cas une théorie politique. En ces temps de confusion généralisée, n'est-il pourtant pas essentiel pour les anarchistes de tenter de constituer un pôle de lucidité, de rationalité et d'exigence intellectuelle ?

Sylvie Picard, groupe libertaire d'Ivry
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