" L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

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Messagede fabou le Lun 16 Avr 2012 23:02

L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation et de reconquête de la valeur du travail

Lorient (56), Samedi 12 mai : Formation.

Journée de formation et d’atelier-débat le Samedi 12 Mai 2012 à Lorient (56)

Intervenant : Bernard Friot, économiste et sociologue.

A l’heure où les capitalistes ont décidé par tous les moyens de nous faire payer la crise de leur système économique pour le maintenir, il importe de s’interroger sur le contenu de nos revendications afin qu’elles soient en phase avec nos projets de transformation sociale. Nous en avons besoin dans nos luttes quotidiennes, syndicales et politiques, afin des les orienter vers un objectif de rupture anticapitaliste.

De ce point de vue, nos luttes pour l’augmentation des salaires ne souffrent-elles pas de dépolitisation quant aux buts recherchés ? Les projets de Sécurité Sociale Professionnelle et du Nouveau Statut du Travail Salarié portés par la Cgt nous permettent-ils de proposer aux salariés un horizon dégagé des pièges de l’emploi et du chômage ? Sur quelles institutions actuelles s’appuyer pour rendre crédible une sortie du marché du travail où les salariés se trouvent sous-payés, déqualifiés en permanence, disqualifiés pour des millions de chômeurs et de précaires ? Ce sont ces thèmes et bien d’autres qui seront abordés lors de cette conférence-débat à laquelle nous invitons toutes celles et ceux qui militent dans le mouvement syndical et social mais aussi toutes celles et ceux révoltés et désireux de changer de société.

Journée de formation politique et syndicale coorganisée par Alternative Libertaire et l’association d’éducation populaire Réseau Salariat.


-> http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle4713

Sans commentaires ...
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede pit le Mar 17 Avr 2012 00:57

Il est clair que " L’enjeu du salaire comme dynamique de lutte offensive" dans le cadre de la lutte des classes et de revendication unificatrice participant à porter une mobilisation sociale nécessaire, aurait pu s'entendre, mais "L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation et de reconquête de la valeur du travail" çà fait complètement tortillé, pire même çà fait très CGT-PCF de l'après guerre. Il y en a qui pensant participer à sortir le mouvement révolutionnaire du marasme pensent inventer la poudre, dans une construction qui n'est semble-t'il qu'une forme de social-démocratie radicale dont certains libertaires se voudraient acteurs sur un terrain d'aventures recompositionnelles et en perspectives interrogeables, mais dont beaucoup, même majoritairement dans AL, se sentent heureusement bien éloigné. Je ne sais pas où cela les menera, mais il est clair que çà commence à prendre une drole d'odeur et à polluer un peu. La CNT semble aussi porter beaucoup d'attention à B Friot, et il est vrai qu'il dit et porte des éléments interessants, mais il me parait important, dans une période où certains termes comme "anticapitalisme", "révolution", "communisme" et "socialisation", mériteraient que l'on s'attache à participer à leur redonner/reélaborer du sens, et chercher à partager ce sens et ce genre de réappropriation en réflexion et débat plus largement plutôt que de chercher à partager des illusions trop largement, et même s'il est enrichissant d'être ouverts, de ne pas trop se perdre.
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede Cheïtanov le Mar 17 Avr 2012 14:57

C'est clair que c'est pas brillant. le groupe d'AL qui l'invite n'est donc pas dans la dynamique que suggère Pit. (en même temps avec des affiches fédérales comme "augmentez les salaires")

je me rappelle localement, quand Friot est venu, des syndicalistes de SUD et des non-syndiqué-es nous avaient dit pour qu'on vienne : "Il es très proche des anars" (et évidemment, la CNT v et AL l'invitent...). je trouve par exemple, quitte à le faire venir,qu'organiser un débat contradictoire serait plus intéressant...
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede indigné révolté le Mar 17 Avr 2012 22:41

Cela rejoinds le précédent sujet que j'avais lancé sur Bernard Friot.

Ce que j'en pense après réflexion : c'est une arme pour l'émancipation, non le but. Il faut changer le système en profondeur et sa passe par des étapes, idées comme celle ci

Globalia de Jean Christophe Ruffin http://mondesfrancophones.com/espaces/p ... phe-rufin/
« Pour résoudre définitivement la question sociale, il(s) propose(nt) de partager l'humanité en deux parts inégales. Un dixième obtiendra la liberté absolue et une autorité illimitée sur les neuf autres dixièmes qui devront perdre leur personnalité et devenir en quelque sorte un troupeau Dostoievski ( Les possédés p 401) .. »

Cela ressemble au scénario de Globalia de Jean Christophe Ruffin . Au sortir de la seconde guerre mondiale, et la guerre froide : des dirigeants d'entreprises ont décidé de créer des marchés communs, ou certes un semblant de liberté parfaite ...Mais avec un prix très cher

Dans Globalia ( rassemblant différents pays ayant adhéré à l'idéologie capitaliste et consumériste, rassembler dans un unique super marché commun les individus se voient privés de toute veillité de réflexion, de la perte de leur âme ( d'anniler toute volonté de liberté collective : la perte des utopies) contre un minimum de sécurité financière ( remplacer par le plaisir individuel, le plaisir lié a la société de consommation) les individus se voient privés de toute veillité de réflexion, de la perte de leur âme ( d'anniler toute volonté de liberté collective : la perte des utopies) contre un minimum de sécurité financière ( remplacer par le plaisir individuel, le plaisir lié a la société de consommation



Rencontre avec Jean-Christophe Rufin, à l'occasion de la parution de Globalia http://www.gallimard.fr/catalog/entretiens/01050269.htm
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede indigné révolté le Mar 17 Avr 2012 22:42

http://mondesfrancophones.com/espaces/p ... phe-rufin/

La description de l’économie de Globalia n’est guère précise. On apprend simplement qu’elle est dominée par les monopoles et de ce fait étroitement contrôlée par une poignée de chefs d’entreprises mondiales. L’influence qu’ils exercent collectivement est pratiquement sans limites, au point de déposséder les institutions démocratiques de la réalité du pouvoir. L’abstention lors des consultations électorales est généralisée. Comme l’avoue un député : « Les gens ne se dérangent que pour les élections qui ont un sens » ! Bien que la pauvreté stricto sensu ait été éradiquée, d’importantes inégalités subsistent. La politique démographique de « mortalité zéro, fécondité zéro » n’a pas mis fin à la surpopulation et les Globaliens sont le plus souvent fort étroitement logés. Par ailleurs les progrès continus de la technique, l’automatisation industrielle ont raréfié les emplois productifs et, au nom toujours de l’épanouissement personnel, les Globaliens sont vivement encouragés à « se consacrer à des activités de leur choix » plutôt qu’à chercher un travail. Ils sont alors rémunérés au même titre que s’ils remplissaient un « emploi courant », mais ce revenu garanti, s’il permet de vivre et de bénéficier de nombre des raffinements de la modernité, n’apporte pas une véritable abondance à ses titulaires »

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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede fabou le Mer 18 Avr 2012 00:33

C'est l'un de mes livres préférés :D
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede indigné révolté le Lun 23 Avr 2012 12:00

Il est excellent. Une critique en profondeur du système oligarchique mondialisé controlé et créé par une minorité ayant pris le controle d'un large continent supranational a l'image des zones de libres échanges actuelles. La critique des guerres humanitaires, mais mis a l'extrême puisqu'il ne cherche même plus a le légitimer par des aides humanitaires par la suite ( cela coute trop chère).

Et surtout, la dénonciation d'un système qui n'est plus autoritaire, dans l'interdiction comme les dictatures du nazismes, communismes... mais dans le controle sous couvert de liberté d'expression ( on ne brule plus les livres, cela leur donnerait de la valeur, on les noie sous un flaux de livres et d'émissions bas de gamme). Ce système est donc plus pernitieux et plus difficile a combattre qu'une dictature, car l'ennemi n'est plus identifiable. Cela favorise donc les mouvements complotistes ( illuminatis, NWO) très infiltré par l'extrême droite qui y trouve un terreau propice.

Cela peut répondre a un topic, comment combattre les idées de l'extrême droite. C'est expliquer par des livres de ce genre ( d'anticipation et d'une description très profonde du système économique, politique, culturelle, .... de nos sociétés)

J'ai publié l'appel d'Alternative Libertaire Fronts anticapitalistes : Rompre avec le capitalisme plutôt que de lui résister http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle4759 ( et je trouve l'analyse très intéressantes

[quote] On le voit en Grèce, un des pays où les forces anticapitalistes comptent proportionnellement le plus d’activistes en Europe mais dont l’impuissance est à la hauteur des divisions et se conjugue avec une incapacité à développer l’auto-organisation à une échelle de masse, tant dans les entreprises, que dans les quartiers ou parmi la jeunesse scolarisée
/quote]


Lors de la conférence organisait a Nation, avec des Grecs sur la situation sur place, comprendre pourquoi malgré 8 grèves générales et blocus, les grecs n'arrivaient pas a faire plier le gouvernement. La réponse est donc malgré un nombre important de mouvements anti capitalistes, ces mouvements étaient divisés. La réponse est donc l'union des force dans une vrai rapport de force. Car l'impression de liberté, cache un système autoritaire, ou du moins pas aussi démocratique que l'on pourrait le penser et ou les mouvements sociaux et citoyens, même s'ils sont nombreux s'annulent
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede fu hsang le Lun 23 Avr 2012 22:05

le probleme c est bien de pose les bases d une societe emancipatrice ^^
se reclamer d une quelconque ideologie ou etiquette n y changera rien
c est a nous de construire nos chemins
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede pit le Lun 23 Avr 2012 22:16

Je ne sais pas ce que tu prends, mais çà à l'air de déchirer tout en ayant l'impression d'être super conscient. :mexi:
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede Tazon le Mar 24 Avr 2012 00:17

Le titre m'a parut un peu final mais une fois l'explication lue je ne voit pas grand chose de choquant: comment insérer la lutte anticapitalistes/révolutionaire dans les luttes moins larges comme les révendications sur les salaires. C'est sûr que ça n'a rien de nouveau mais à une époque ou les grandes organisation syndicales qui portent majoritairement les luttes réformatrices n'ont aucun contenu et aucune pratique révolutionnaire ça vaut quand même le coup de se poser cette question non ?
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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede vroum le Mar 20 Aoû 2013 09:54

Socialiser tout le salaire : est-ce encore le salariat ?

Posted on 28 juin 2013 by Groupe de Martigues de la Fédération Anarchiste

http://groupemartiguesfederationanarchiste.noblogs.org/post/2013/06/28/socialiser-tout-le-salaire-est-ce-encore-le-salariat/

L'enjeu du salaire - Bernard FriotDans un livre paru en 2012 (1), Bernard Friot propose l’instauration d’un salaire universel financé par des cotisations à des caisses sociales prélevant l’ensemble du PIB. Ce salaire universel est attribué automatiquement à tous dès la majorité avec un premier niveau de qualification. Il est inconditionnel et dure toute la vie. La qualification est attribuée à la personne et non pas au travail ou au poste occupé. Elle est inaliénable. Friot envisage quatre niveaux de qualification allant de 1500 € à 6000 € net mensuels. Le passage d’une qualification à une autre se fait au moyen d’épreuves qui ne sont pas liées à l’école. Les modalités de ses épreuves, la prise en compte des diplômes et de l’expérience, la composition des jurys sont à délibérer. À la différence du revenu inconditionnel de base, le salaire universel suppose la suppression de l’emploi et de son marché, c’est-à-dire la définition par le capital de ce qui possède une valeur ou non en termes d’activités. Les salariés ne sont plus obligés de vendre leur force de travail puisqu’ils touchent de toute façon un salaire.

La disparition de l’emploi conduit à l’anéantissement du chômage, du plein-emploi, du temps partiel et surtout de la notion d’employeur. Le salaire est distribué par les caisses sociales et non par l’entreprise. Celle-ci est désormais simplement composée de collectifs de qualifiés copropriétaires d’usage de l’outil de travail. L’entreprise embauche et pour ce faire doit être attractive en l’absence de marché du travail. Elle peut aussi licencier mais la personne concernée garde son salaire et sa qualification. La cotisation sur la valeur ajoutée comprend également une part attribuée à l’investissement. L’affectation de celui-ci est déterminée démocratiquement. Le salaire universel implique la suppression de la propriété lucrative, du crédit et de la notion de revenu. Seule subsiste, en plus du salaire universel, une épargne d’usage non ponctionnée sur le travail d’autrui mais indexée sur la hausse nominale du PIB auquel chacun participe.

Friot tient une terminologie très réfléchie dans laquelle le terme de salariat ne devrait pas être laissé aux mains du capital au nom de ce que les luttes passées ont permis de conquérir sur ce terrain. Le salariat a toujours constitué une source intolérable de subordination pour les anarchistes. Son abolition constitue un objectif historique du mouvement ouvrier. Un but aujourd’hui oublié mais qui a motivé les combats d’autrefois même si ceux-ci n’aboutissaient qu’à des aménagements. Mais Friot n’adhère pas au modèle de l’autogestion et de l’association libre des producteurs. Dans son projet, il ne remet pas en cause le pouvoir, la hiérarchie et la division des tâches dans la production. C’est donc bien aussi pour cela que le maintien du terme de salariat – au sens de subordination – est important pour lui.

Empreint d’économie marxiste, Friot semble penser qu’à partir du moment où la définition par le capital de la valeur sera supprimée, l’essentiel sera fait. En un sens c’est exact car l’exploitation économique aura disparue. Mais le pouvoir subsistera au sein des collectifs de travail. Friot s’appuie sur le modèle de la Fonction publique d’État. Mais quiconque est fonctionnaire sait bien que la mise hors marché n’implique pas forcément la coopération et n’empêche pas la volonté de dominer voire d’écraser autrui à travers la hiérarchie, l’organisation et le désir de pouvoir. Celui-ci n’est pas qu’une affaire économique. C’est toute l’histoire de la bureaucratie, de l’État et de l’élite managériale. Friot compare le salaire universel au suffrage universel. Or, si celui-ci est un progrès par rapport aux tyrannies, nous anarchistes savons à quel point il est aussi source de grandes illusions.

Curieusement le projet de Friot n’est pas autre chose qu’une sorte d’abolition du salariat au nom même du salariat par la transmutation du terme en son sens contraire. Un salaire totalement socialisé est-ce encore du salaire ? Mais si il ne va pas au bout des choses, il est clair que son schéma est révolutionnaire et émancipateur ne serait-ce que par la complète inversion du rapport de forces qu’il nécessite. Ses propositions offrent un point d’appui important pour repartir à l’offensive et sortir des luttes de défense d’acquis dans lesquelles le mouvement social est enfermé. Ce d’autant plus que ce ne sont pas des élucubrations abstraites. Son modèle se base sur la résultante du rapport de force entre travail et capital depuis la naissance du mouvement ouvrier : cotisations, mutualisations, syndicats, caisses sociales, retraites socialisées, conventions collectives, fonction publique etc. Le salaire universel n’est pas utopique : il est en partie déjà là. Mais sa réalisation si elle est peut-être souhaitable ne dispensera pas de se poser la question de la division des tâches, des hiérarchies et plus largement du pouvoir et ceci bien au-delà de la sphère économique.

(1) L’enjeu du salaire, Bernard Friot, La Dispute, 2012.

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Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede gloubi le Mar 20 Aoû 2013 11:13

Mais comment un "anarchiste" peut-il défendre ce genre de RSA à peine amélioré ?
Je trouve ça vraiment pitoyable au point d'être découragé de même faire le moindre effort pour argumenter plus.
Texte aussi nul que triste.
gloubi
 

Re: " L’enjeu du salaire comme projet d’émancipation ..."

Messagede vroum le Jeu 29 Aoû 2013 07:47

Retraites : les curieuses thèses de Bernard Friot (1)

http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2013/08/28/retraites-les-curieuses-theses-de-bernard-friot-1/

Bernard Friot est un économiste-sociologue connu, prolifique, engagé, très sollicité. Il suscite un grand enthousiasme chez certains militants de gauche. Nous avons beaucoup de points communs, lui et moi : nous publions des textes dans les mêmes journaux et revues ou presque, nous sommes invités par des collectifs semblables, nous refusons de considérer que les retraités sont des « inactifs », valorisons le travail de soin, défendons la retraite par répartition et le système des cotisations sociales, estimons qu’il faut s’intéresser beaucoup plus à la qualité et à la qualification du travail.

J’ai lu dans le passé et plus récemment des livres et articles de lui, dont « l’enjeu des retraites » et « l’enjeu du salaire », ainsi que des controverses suscitées par ses idées. Voir, très récemment, cet intéressant entretien dans l’Humanité. Et pourtant je n’en ai jamais parlé sur ce blog, ni ailleurs, parce que je n’accrochais pas, et parfois je ne comprenais pas. Poussé par un ami de longue date, m’interpellant dans un commentaire de blog, je me suis dit qu’il fallait que je prenne le temps de comprendre pourquoi je ne comprenais pas. D’où ce billet et le suivant, où j’exprime mon désaccord sur certains points clés. Vous pouvez aussi lire les controverses, accessibles en ligne, entre B. Friot et JM Harribey, que l’on retrouve dans le livre récent de ce dernier aux pages 375-383, ou la critique marxiste d’Alain Bihr que m’a signalée Michel Husson.

Je remercie vivement plusieurs ami-e-s et proches qui ont accepté de réagir à une première version de ce texte : Pierre Concialdi, Christiane Marty, Nicole Gadrey. Selon la formule consacrée, je reste seul responsable des analyses que je défends.

Je commence dans ce billet par deux critiques : 1) les scénarios de B. Friot sur les retraites s’effondreraient si la croissance n’était pas au rendez-vous des décennies futures ; 2) il commet des contresens sur le PIB et la croissance, et ses ordres de grandeur sont inexacts, ce qui affecte ses postulats les plus importants. J’évoquerai dans le prochain billet sa thèse majeure, non liée au PIB et à la croissance, celle de la retraite comme salaire associé au travail des retraités.

LE PRÉALABLE DE LA CROISSANCE

Je cite ci-dessous un argument clé de B. Friot, qui séduit beaucoup, y compris dans ce sketch de l’humoriste Frank Lepage, dont Friot est la source d’inspiration. Un sketch excellent, mais malheureusement entièrement fondé sur la métaphore du gâteau qui grossit sans cesse (voir mon billet). J’adore pour ma part cet autre sketch, sur la « langue de bois ».

Voici une citation (source) de B. Friot (entre bien d’autres qui disent la même chose) : « On oublie toujours, quand on raisonne sur l’avenir des retraites, que le PIB progresse d’environ1,6 % par an en volume, et donc qu’il DOUBLE, A MONNAIE CONSTANTE, EN 40 ANS. C’est pourquoi nous avons pu multiplier par 4,5 les dépenses de pensions depuis 1960 tout en doublant presque le revenu disponible pour les actifs ou l’investissement. Nous pourrons évidemment plus que tripler les dépenses de pensions d’ici 2040 sans que cela empêche le reste du PIB d’être multiplié par 1,8 ». Inutile d’expliquer pourquoi, dans les débats publics, cet argument fonctionne auprès de ceux et celles qui font confiance à son auteur : tous les problèmes de financement semblent disparaître avec la croissance à l’infini.

Ceux qui consultent de temps en temps mon blog, ou ceux qui ont lu mon livre « adieu à la croissance », n’ont pas besoin que je leur fasse un dessin pour expliquer mon désaccord, à nouveau et longuement explicité dans quatre billets de mars 2013 « PIB, croissance, politiques publiques, retraites ».

La perspective d’un doublement du volume du PIB d’ici 2050 est selon moi désastreuse sur le plan écologique donc humain. C’est condamner les retraités du futur autant que les générations à venir à vivre dans un monde invivable, avec un « gâteau » de plus en plus empoisonné. Si « l’enjeu des retraites » selon Friot passe par cette hypothèse, je ne peux pas en accepter les conclusions. Dans ses deux livres cités au début de ce billet, je n’ai pas trouvé une seule allusion à l’écologie, à la crise écologique, comme si c’était hors sujet ou sans importance pour penser les retraites, c’est-à-dire les décennies à venir.

Mais ce n’est pas tout. Car ce culte de la croissance s’accompagne d’inexactitudes sur les concepts et sur les ordres de grandeur.

LA CROISSANCE NE S’EXPLIQUE PAS PAR CELLE DU SECTEUR « NON CAPITALISTE »

Nouvelle citation, extraite d’un article du « Sarkophage » de septembre 2012 :

« Notre PIB, comme celui des pays de l’Ouest européen, double tous les 40 ans. Contrairement à une idée reçue, ce sont les services publics et la protection sociale qui expliquent cette croissance, et c’est leur stagnation depuis plus de vingt ans qui explique la récession durable dans laquelle nous sommes ». Dans la suite de l’article, B. Friot s’en prend à « la course folle aux gains de productivité ».

Puis il expose sa thèse centrale : « le doublement du PIB s’explique donc aussi par la montée en puissance d’une production de valeur qui ne relève pas de la mesure capitaliste de la valeur : celle des fonctionnaires des administrations, reconnue par l’impôt, celle des soignants des services de santé, reconnue par la cotisation maladie, celle des chômeurs, reconnue par l’indemnité journalière, celle des parents, reconnue par les allocations familiales, celle des retraités, reconnue par les pensions ».

Je ne partage pas les idées précédentes, à l’exception de la « course folle aux gains de productivité », mais elle est contradictoire, on va le voir, avec l’objectif de la croissance sans fin. Commençons par la première idée : une bonne partie, non quantifiée par Friot mais jugée très importante, de la croissance passée, s’expliquerait par celle du secteur non marchand ou non capitaliste (administrations publiques, santé et éducation, services sociaux). C’est inexact, quels que soient les indicateurs utilisés.

Il est vrai qu’une tendance historique existe à une progression de la part de la valeur ajoutée du non marchand, liée à l’expansion de « l’état social ». C’est le graphique suivant. En passant, il ne confirme pas une « stagnation depuis plus de 20 ans », mais seulement un ralentissement de la progression. On peut cliquer sur le graphique pour l’agrandir.

Image

Au total, la part de la valeur ajoutée « non capitaliste » est passée de 12 % en 1949 à 20 % au milieu des années 1980 et 22 à 23 % ces dernières années. Environ dix points de PIB de plus en 63 ans. C’est non négligeable, mais on est loin de l’explication figurant au début de la citation reproduite. On en est encore plus loin avec le graphique suivant, qui porte sur des évolutions en volume, celles-là même que Friot met en avant dans ses discours sur le doublement du PIB tous les quarante ans. La valeur ajoutée en volume de l’ensemble des branches a fortement progressé : elle a été multipliée par 7,4 ! C’est bien plus qu’un doublement tous les quarante ans. Mais celle des services baptisés « principalement non marchands » n’a été multipliée dans le même temps que par 4,4, beaucoup moins. Il est donc impossible d’affirmer que c’est le non marchand qui a « tiré » une bonne partie de la croissance globale. On pourrait même dire qu’il l’a freinée, fort heureusement d’ailleurs.

Image
.
CONFUSION ENTRE VALEUR ET VOLUME

D’où vient cette erreur de diagnostic ? D’une confusion, assez fréquente, entre le PIB en valeur et ses variations en volume (ou « à prix constants »). Ce dernier paragraphe étant plus technique, les lecteurs que cela ennuie peuvent l’ignorer sans grand dommage.

A priori, on se dit en effet que si le secteur non marchand a gagné 10 points de PIB en 63 ans, c’est une belle contribution à la croissance, ce qui validerait en partie le postulat de Friot. Mais c’est inexact, parce que parler de contribution à la croissance, telle qu’elle est définie et mesurée partout, c’est parler volumes et pas valeur relative. Une branche comme l’agriculture a vu sa part dans la valeur ajoutée totale passer de 19 % à moins de 2 % au cours de ces 63 ans : 17 points de PIB en moins. Et pourtant, elle a contribué positivement à la croissance globale en volume : sa propre valeur ajoutée en volume a été multipliée par 3,8, presque autant que celle du non marchand !

Cela conduit logiquement à évoquer les gains de productivité, dont Friot écrit à juste titre qu’ils ont fait l’objet d’une « course folle », sans réaliser que ce sont eux qui expliquent statistiquement la croissance passée, à environ 80 % (voir ce lien), le second grand facteur étant la croissance du volume total de travail dans l’économie monétaire. Les services non marchands jouent un rôle mineur dans tout cela, et il est certain que leur « résistance » aux gains de productivité en fait de piètres candidats pour entraîner un doublement de la croissance en 40 ans…

Je n’entre pas ici dans ma propre contestation de la façon dont on mesure les gains de productivité et la croissance dans les services, en particulier les services non marchands, vu que Friot n’aborde pas le sujet. On peut se reporter à mes billets déjà cités « PIB, croissance, politiques publiques et retraites ».

À suivre dans le prochain billet, dans quelques jours.
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