Lettre de Steven Woods

Lettre de Steven Woods

Messagede Pia le Dim 27 Juil 2008 01:23

Lettre de Steven Woods
Cela pourrait vous arriver

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Cette lettre écrite par Steven woods, qui se présente lui même comme « un militant incarcéré, originellement militant du monde libre, et anarchiste » a été publiée au printemps 2008 par le zine anarcho-punk nord-américain Profane Existence. Steven Woods et sept autres de ses compagnons du couloir de la mort de Polunsky (Texas) ont entamés une grève de la faim pour protester contre les conditions de détentions infâme qu’ils subissent …en attendant leur mort. Ils ont annoncés que cette grève de la faim irait jusqu’à leur mort. Un dernier balbutiement de résistance face à cette machine à écraser, humilier et tuer qu’est le système carcéral. Steven est actuellement détenu dans une minuscule cellule fermée par de multiples verrous où il attend d’être exécuté par injection létale. La durée moyenne d’attente dans le couloir de la mort américain est de 10/11 ans. Accusé de double meurtre, il clame son innocence et mène le combat derrière les barreaux tandis que son père le mène à l’extérieur. Si nous avons décidés de traduire et de publier ce texte poignant, c’est d’abord pour exprimer notre solidarité à Steven, mais aussi pour rendre compte de l’ignominie de l’enfermement. Qu’il s’agissent de droits communs, de sans papiers, de n’importe quel « criminel » au yeux de l’Etat, personne ne doit être enfermé.
Mur par mur, pierre par pierre, nous détruirons toutes les prisons


Avez-vous déjà été dans une situation où tout dérape, où tout est hors de contrôle ? Avez-vous déjà été là, observant les évènements se dérouler, incapable de trouver le moyen de faire une pause, criant « STOP ! » à pleins poumons … Mais rien ne ralentit, rien ne s’arrête… Et votre vie vous est arrachée, complètement retournée, accrochée et pendue devant vous, hors de portée.

Imaginez…

Vous êtes assis à la terrasse d’un kiosque végétarien en Californie du nord. Vous avez passé vos dernières semaines à squatter, faire de l’auto-stop, manifester, passer du temps avec des libertaires. Vous prenez une petite pause, Direction San Francisco pour prendre des nouvelles de la vie citadine avant de retourner à la forêt pour continuer le combat contre l’industrie d’exploitation du bois. Un vieil ami est là et vous vous remémorez ensembles de quelques autres vieux amis.

Lorsque soudainement, un policier s’approche de vous. Ils connaissent votre identité et cela vous déconcerte, donc vous leur donnez un faux nom. Vous êtes fouillé, ils vérifient vos tatouages. Les trois roses et les vignes d’un vert vibrant traînant en bas de votre bras marquent votre défaite. Vous êtes menotté, conduit dans un goulag et soumis à diverses indignités avant d’être enfermé dans une petite boîte en béton avec juste un bloc d’acier rattaché au mur et des toilettes ruinés.

Malgré les diverses activités politiques de votre passé c’est votre première fois en prison. Vous avez froid, vous êtes confus, vous avez peur. Vous avez consommés des psychotropes assez forts il y a longtemps maintenant et vous n’êtes pas vraiment sûrs de ce qui arrive, si tout est bien réel.

Et personne ne vous dit pourquoi vous êtes ici.

Au bout d’un moment, vous commencez à vous « adapter », un peu stupéfié lorsqu’ils vous disent finalement ce qu’ils pensent que vous avez fait. Ils vous disent que vous avez tué deux ou trois amis. Ils vont requérir la peine de mort. Ils disent que c’est arrivé au Texas, donc ils vont vous livrer aux autorités locales. Vous devez attendre parce qu’un espèce de psychopathe a juste désintégré le World Trade Center. Vous savez que vous n’avez jamais tué personne au Texas, mais ça ne semble pas leur importer. Vous êtes livré comme du bétail humain, ligoté et envoyé chier à l’aéroport escorté par une phalange de soldats. Vous êtes toujours sous le choc par cette prise en main de VOTRE vie.

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Que pouvez-vous faire ?

Vous passez en procès, forcé de donner votre confiance à un système dont on vous a toujours dit qu’il fonctionnait. Vous SAVEZ que ce n’est pas le cas, mais cela n’importe pas non plus. Vous n’avez pas le choix. Vous êtes un clochard, fauché avec personne vers qui se tourner. Vous êtes réduit à être défendu par un avocat commis d’office qui n’est pas assez payé pour réellement se soucier de vous ou de votre affaire. Il ne travaille pratiquement pas dessus. Aucune enquête, aucun témoin à la barre.

Ce n’est donc vraiment pas surprenant quand finalement vous êtes reconnu coupable. Il y a plus de « preuves » présentées du coté de l’Etat. Vous êtes un scélérat social, un anarchiste. Vous n’avez aucune possibilité de rachat. Votre avocat n’appelle AUCUN témoin pour le réfuter. Douze de vos « pairs » [1] vous considèrent inapte à vivre et des gens que vous n’avez jamais rencontré auparavant vous condamnent à mort.

Ensuite, vous êtes transféré dans une autre prison pour attendre que finalement tombe la hache. Pas une prison normale mais une unité de contrôle [2] : super-ségrégation, confinement et isolement. Vous êtes isolé de toute humanité pour le reste de votre vie. Vous êtes toujours sous le choc. La situation est dure à saisir et vous ne l’avez pas encore tout à fait enregistré.

Mais ensuite, oui.

Vous avez passé plusieurs des derniers mois dégradé, harcelé, opprimé, provoqué, marché dessus… La vie se résume à 22 heures dans un tombeau de béton. La morsure des menottes à chaque fois que l’on vous libère d’elles, les repas inaptes à la consommation, la vitre qui vous séparera éternellement de ceux que vous chérissez …

Ils ont tout pris. Ils veulent le reste : Votre humanité, Puis votre vie.

Et à la fin, on vous donne deux choix : vous pouvez rester assis sur votre couchette et l’accepter. Ou vous pouvez résister avec tout ce que vous avez. Imaginez ca. Essayer de vous y voir. Que feriez-vous ? C’est ce qui est arrivé à ma vie. Que fais-je ?

Je me bats.

Mais je ne me bats pas juste pour moi. Je me bats, parce que je sais que c’est faux. Je me bats parce que cela arrive à moi et parce que cela ne devrait arriver à personne.
Cela pourrait vous arriver.

En lutte, en solidarité,
Steven Woods #999427
Polunsky Death Camp
3872 South FM 350
Livingston, TX 77351


Lettre extraite de Profane Existence #56
Traduction par Non Fides


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Re: Lettre de Steven Woods

Messagede angularsound le Dim 27 Juil 2008 15:49

Mais Why !

C'est en écoutant les gens qui se font niquer par le système qu'on se rend compte du degré de pourriture du système partout dans le monde : et oui chacun d'entre nous pourrait se retrouver dans cette situation mais n'arrêterons jamais et nous gagnerons car l'histoire se déroule, implacablemement l'humanité apprend lentement de ses erreurs : nous sommes les boosters.
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