frigouret a écrit:Ok, mais on peut réfléchir à cette notion de profit un moment.
D'abord pour faire du profit il faut je satifasse un besoin sinon personne ne m'achète le bien ou le service que je propose.
Ensuite faire du profit signifie que mon unité de production produit plus de valeur qu'elle n'en consomme et c'est bien ce que l'on peut demander à une unité de production, de ne pas gâcher les ressources matérielles et humaines misent en oeuvre.
En fait le problème c'est de savoir si l'unité de production dégage ou pas de la plus value, et le moyen de le savoir c'est de laisser le prix de former suivant le mécanisme de l'offre et de la demande.
En fait la méthode que tu proposes pour fixer la valeur des choses ( calcul du temps de travail et pénibilité ) ne détermine pas la valeur mais les coûts de production. La valeur de ton travail ne sera socialement agréé que lorsqu'un consomateur en acceptera le prix.
Une autre remarque concernant le terme "socialiser", pour l'école mutuelliste, dons je me sens le plus proche, socialiser signifie "rendre à la société " c'est à dire briser les monopoles, en fait le sens est diamétralement opposé à celui que les socialistes d'État lui donne, pour eux socialiser c'est au contraire constituer un monopole, par exemple l'assemblée démocratique de Nantes a le monopole de la possession des moyens de production.
Salut frigounet, merci pour ta réponse !
Même si nos points de vue sont très divergents, je la trouve intéressante et elle m'a fait réfléchir.
Je me permets de séparer tes arguments afin de clarifier la discussion.
1. Tu écris "D'abord pour faire du profit il faut je satifasse un besoin sinon personne ne m'achète le bien ou le service que je propose".
Je suis totalement d'accord ! Dans une société de marché, la recherche du profit individuel constitue le moyen par lequel les besoins sont satisfaits.
Néanmoins, à mes yeux, le problème du recourir à une telle organisation de la production est triple :
a) Le profit économique pose la question de son origine. J'adhère à la théorie marxiste de la plus-value (nous pouvons en discuter plus longuement si besoin) : quelque soit le niveau des salaires, s’il y a plus-value, une partie du temps de travail n’est pas rémunéré (surtravail). Autrement dit, pour moi, l'existence même du salariat implique l'exploitation des travailleurs. Celle-ci ne repose ainsi pas sur un niveau trop faible des salaires qui spolierait les travailleurs, mais sur l'existence du salariat comme mode de rémunération des travailleurs.
b) L'organisation de la production en vue de la recherche du profit génère des inégalités et un partage de la richesse inacceptable d'un point de vue politique, injustifiable d'un point de vue économique (conséquence de la théorie de la valeur-travail).
c) La recherche de l'intérêt individuel par chaque producteur ne contient, a priori, aucun mécanisme assurant la compatibilité de leurs décisions de production. Ainsi certains marchés peuvent être encombrés, tandis que d'autres sont désertés par manque d'attractivité. Il en découle des crises de surproduction, aussi bien qu'une mauvaise gestion des ressources matérielles et humaines. Dans le même ordre d'idée, la recherche de l'intérêt individuel peut se faire contre la production elle-même, en témoigne le développement de la finance de marché : en période de crise, les investisseurs préfèrent largement minimiser leurs risques en achetant des titres de couverture (en spéculant sur des produits dérivés) que de placer leurs billes directement dans une entreprise.
En résumé, nous avons donc une organisation de la production qui repose sur l'exploitation des travailleurs, se traduit par des inégalités économiques énormes, des crises liées à son fonctionnement décentralisé, un chômage de masse. Sans même mentionner les conséquences sociales de ces phénomènes que l'on imagine sans peine !
C'est pourquoi la satisfaction des besoins ne peut passer par une organisation de la production reposant sur la recherche de l'intérêt individuel.
2. Tu dis : "En fait la méthode que tu proposes pour fixer la valeur des choses ( calcul du temps de travail et pénibilité ) ne détermine pas la valeur mais les coûts de production. La valeur de ton travail ne sera socialement agréé que lorsqu'un consomateur en acceptera le prix".
Tu raisonnes en termes de prix, dans une logique en terme de coût/avantages. Mais dans une société non capitaliste, ce type de raisonnement n'a précisément plus sa place. L'objectif d'une telle société, c'est de rendre le plus grand nombre de biens et services gratuits en socialisant les revenus.
Nous sortons du monde marchand, et donc de l'évaluation monétaire de la valeur des marchandises par le prix.
Reste qu'il faut bien évaluer la valeur des marchandises pour permettre des échanges. La méthode que je suggérais possède a un double avantage : elle est objective et intègre que le fait que tout richesse matérielle est créée par du travail. Il y a sans doute d'autres manières d'évaluer la qualité des différents travaux fournis dans une société ou les échanges ne sont précisément plus régulés par les prix.
3. Enfin sur ta dernière remarque : "socialiser signifie "rendre à la société " c'est à dire briser les monopoles, en fait le sens est diamétralement opposé à celui que les socialistes d'État lui donne, pour eux socialiser c'est au contraire constituer un monopole, par exemple l'assemblée démocratique de Nantes a le monopole de la possession des moyens de production".
Tu poses une question très importante pour moi : celle du degré de centralisation d'une économie non capitaliste. Peut-être que je suis dans l'erreur, mais il me semble qu'abolir la liberté d'entreprendre est incompatible avec la socialisation complète des moyens de production. D'un point de vue juridique, si un individu ne peut pas se lancer seul dans une activité, alors il ne peut pas être directement propriétaire de son outil de travail. D'une certaine manière, tout doit être validé à un échelon qui lui est supérieur.
Pour autant, il ne faut pas non plus amalgamer l'abolition de la liberté d'entreprendre avec une centralisation totale à base de nationalisation et de monopoles publics. On peut très bien imaginer que chaque groupe de production soit reconnu comme propriétaire de son outil de travail. De sorte que le groupe est souverain dans ses décisions de production (quantité, heures de travail, volume d'emploi). Par contre, il faudrait bien que les groupes soit eux-mêmes rattachés à une structure supérieure pour être rétribué en proportion de leurs travail en bons de consommation. Et on peut aussi très bien imaginer que les différents groupes, surtout ceux pour lesquels ils existent des interdépendances, soient amenés à coordonner leurs activités. Idéalement, il faudrait des aller et retour entre la base et la structure centralisée.
De plus, la gratuité d'un grand nombre de biens implique une redistribution organisée à une échelle globale.
Bref, c'est une question complexe à laquelle je réponds un peu dans le désordre, mais en gros, si je suis d'accord avec toi pour dire que la socialisation complète des moyens de production est incompatible avec l'abolition de la liberté d'entreprendre, il me semble pour autant que cela ne débouche pas forcément sur la formation de monopoles publics, ou bien une centralisation totale de l'activité.